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I - MEMOIRE GEOLOGIQUE SUR LA CRIMEE, PAR M. DE VERNEUIL, SUIVI D''''OBSERVATIONS SUR LES FOSSILES DE CETTE PENINSULE, PAR M. DESHAIES

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MEMOIRES
D E LA

SOCIÉTÉ GÉOLOGIQUE
DE FRANCE.

I.

MÉMOIRE GÉOLOGIQUE SUR LA CRIMÉE,
PAR M. DE VERNEUIL.
SUIVI

D ' O B S E R V A T I O N S SUR L E S F O S S I L E S D E C E T T E

PÉNINSULE,

PAR M. DESHAÏES.
Lu à la Soc. géol. de France le 30 mars 1837.

J'avais d'abord eu le projet d'extraire de mes notes u n e espèce d'itinéraire d u
voyage q u e j ' a i fait, pendant l'été de 1 8 3 6 , en T u r q u i e et dans l'E. de l'Europe ;
mais plusieurs parties de ce voyage ont été exécutées si r a p i d e m e n t , q u e j ' a i
moins vu qu'entrevu les pays ainsi traversés. O r , émettre u n e opinion dans de
pareilles circonstances, c'est exprimer la p r e m i è r e impression qu'on é p r o u v e ,
c'est répéter ce q u e l'on entend dire a u t o u r de s o i , c'est ordinairement donner
des suppositions c o m m e des réalités, et i n t r o d u i r e dans la science des faits erronés ou du moins hasardés, qui sont u n des plus dangereux écueils de la géologie ;
j'ai donc préféré m e b o r n e r à c o m m u n i q u e r à la Société quelques courtes notices
sur les contrées q u e j'ai visitées avec le plus de soin, et je c o m m e n c e aujourd'hui
par la Crimée.
J'étais parti de Paris avec le projet vague de visiter l'E. de l'Europe, m e réservant de déterminer plus tard vers quelles parties je dirigerais mes pas. Je descendais le Danube, etjetant souvent les yeux sur mes cartes, j'étudiais la configuration
des contrées nouvelles vers lesquelles je m'avançais. Je voyais les steppes immenses


Soc.

GÉOL.—TOM.

3 — M é m . n° 1.

1


de la Russie méridionale aboutir au Caucase, et sur le prolongement infléchi de
cette ligne, aux montagnes de la Crimée. Il me semblait que la constitution géologique de cette grande partie de la Russie, cachée si long-temps sous la nappe
horizontale des terrains tertiaires des steppes, devait en Crimée se dévoiler tout
entière, et qu'à part l'axe et le centre de la chaîne elle-même, j'aurais là une
idée des terrains qui se relèvent vers le Caucase et qui forment ses premiers degrés. Pallas était à ma connaissance le seul géologue qui eût écrit sur la Crimée,
et l'époque déjà ancienne où il avait fait ses observations me laissait espérer qu'il y
avait à glaner encore après lui (1). Je ne cacherai pas non plus que ce nom de Tauride,
rappelant à mon esprit le souvenir d'Oreste, d'Iphigénie, et des premiers développements de la civilisation grecque, avait aussi un attrait auquel j'avais de la peine à
résister. Mon parti fut bientôt p r i s , et quittant à Galatz, en Moldavie, le bateau à
vapeur de Constantinople, je me dirigeai vers Odessa où j'arrivai après une
courte quarantaine sur les bords du P r u t h , et un voyage long et difficile à travers
les plaines de la Bessarabie, h o r s des routes de poste. A peine arrivé à Odessa,
ville de près de 4.0,000 h a b i t a n t s , qui ne manque ni de luxe ni de richesse, oasis
au sein d'un d é s e r t , espèce de comptoir de commerce p o u r les E u r o p é e n s , je
m'informai des moyens d'aller en C r i m é e , et j'appris qu'un service régulier
de bateaux à vapeur m'épargnerait les ennuis de la route de terre, q u i , par Nikolaïef et P é r é k o p , ne traverse que des steppes.
J'eus le b o n h e u r de rencontrer à Odessa un jeune voyageur aussi modeste que
distingué par ses connaissances en b o t a n i q u e , M. le docteur Casaretto, de Gênes,
q u i projetait aussi u n e excursion en Crimée, et nous fîmes ensemble tous nos
préparatifs.
Nous fûmes présentés au gouverneur de la Russie méridionale, M. le

comte de Woronzof, h o m m e d'un savoir et d'un mérite peu c o m m u n s , amateur
passionné de la C r i m é e , où il dépense u n e partie de son immense fortune. Nous
ne lui étions recommandés q u e par n o t r e titre d'étrangers. Il nous accueillit avec
u n e bienveillance et des manières affectueuses qui se rencontrent rarement dans
d'aussi hautes fonctions, nous donna des lettres p o u r les gouverneurs des divers
districts de la C r i m é e , nous prévint qu'il était sur le point d'y aller lui-même, et
nous engagea à l'y venir visiter.
Le 23 j u i n , à midi p r é c i s , n o u s quittions le p o r t d'Odessa sur le-bateau à vap e u r le Pierre-le-Grand.
Le Nicolas partait en m ê m e temps que nous pour
Constantinople, et pendant u n q u a r t d'heure les deux bâtiments marchèrent de
conserve ; bientôt ils se séparèrent, et de bruyants hourras trois fois répétés, selon
(1) J'ignorais alors les travaux tout récents et encore inédits de M. Dubois de Montpéreux.
Ce jeune et intrépide géologue, qui a parcouru pendant trois ans le Caucase et la Crimée, a
fait connaître quelques unes de ses conclusions sur ces diverses chaînes de montagnes, dans une
lettre adressée à M. Élie de Beaumont, et publiée à la fin de l'année 1837, dans le Bulletin de
la Société géologique de France (Vol. VIII, pag. 371 ).


l'usage russe, exprimèrent nos souhaits réciproques pour un heureux voyage.
Notre société était excellente, car c'était l'époque où l'aristocratie russe quitte
Odessa, dont la chaleur et la poussière rendent le séjour désagréable, p o u r aller
chercher la verdure et la fraîcheur sur la côte méridionale et montagneuse de la
Crimée.
Après vingt heures de navigation, nous découvrîmes la t e r r e , et u n e escadre
de sept vaisseaux de guerre à quelque distance de Sébastopol. Bientôt cette côte
hérissée de m o n t a g n e s , q u i , par la férocité de ses habitants aussi bien q u e par
ses écueils, avait jadis mérité le n o m de côte inhospitalière, se découvrit à nous
tout entière. La pointe que n o u s apercevions était précisément l'ancienne Chersonese h é r a c l é o t i q u e , où se voient encore les vestiges du temple de Diane. Cette
côte est basse et composée de couches horizontales b l a n c h â t r e s , q u i sur leur
prolongement s'élèvent vers les hautes montagnes et se terminent au monastère

de Saint-Georges, contre les premières crêtes calcaires de la chaîne de Crimée.
Nous relâchâmes à Yalta, où nous restâmes deux heures. Yalta, situé à peu près
au centre des plus belles parties de la côte méridionale, est le port le plus voisin
des maisons de campagne q u e les Russes construisent chaque j o u r au milieu de
ces montagnes. Nos aimables compagnons de voyage y d é b a r q u è r e n t , et à huit
heures du soir nous repartîmes p o u r Théodosia et R e r t s c h , où nous arrivâmes
enfin le lendemain s o i r , après u n e traversée de cinquante-six heures depuis
Odessa.
K e r t s c h , située sur le détroit qui sépare la m e r d'Azof de la m e r Noire, jadis
appelé le Bosphore Cimmérien, était, sous le nom de Panticapée, l'ancienne capitale du r o y a u m e du Bosphore. Ce r o y a u m e , fondé par une colonie de Milésiens,
vers le milieu du VI siècle avant J . - C , d u r a environ 800 ans et vint se fondre
dans l'empire Romain. La belle position de Panticapée p o u r le commerce en
avait fait u n e ville o p u l e n t e , si l'on en juge p a r l'immense quantité de m o n u ments funéraires, connus sous le nom de tumulus, qui entourent la ville, et par
les objets d'art précieux qu'ils renferment. Ces objets sont rassemblés dans le
musée de la ville de Kertsch : nous y vîmes des sarcophages en m a r b r e b l a n c , des
colliers, des b a g u e s , des bracelets d ' o r , un casque de bronze avec u n e couronne
de lauriers en or, et u n e quantité de pièces de monnaie des rois du B o s p h o r e ; mais
les objets les plus précieux ont été envoyés à Saint-Pétersbourg, ainsi nous ne
pûmes voir le bouclier de P h a r n a c e , fils de Mithridate, trouvé il y a peu d'années
clans un t u m u l u s q u e les gens du pays ont n o m m é le Mont-d'Or, à cause de la
quantité d'objets de ce métal qu'on y a trouvés et qu'on évalue à plus de soixante
livres pesant.
e

K e r t s c h , sous le nom de Cerco, fut dans le moyen âge u n e des positions dont
s'emparèrent les Génois p o u r y fonder un de ces établissements de commerce
dignes d'un grand p e u p l e , q u i leur assurèrent la possession de la m e r Noire.
K e r t s c h , aujourd'hui sous la dépendance de la Russie, après avoir éprouvé de
grands désastres, redevient florissante ; le gouvernement l'a choisie comme station
de quarantaine p o u r tous les bâtiments qui veulent entrer dans la mer d'Azof, et



sa r a d e , au mois de j u i n , présentait u n spectacle animé p a r de n o m b r e u x navires
marchands où le pavillon français ne se laissait pas distinguer.
D ' u n autre côté, son voisinage des belles provinces de Circassie et d'Abasie,
aujourd'hui ravagées p a r la guerre et défendues contre les Russes par des peuples
intrépides et accoutumés à l'indépendance, mais où la paix ramènera un j o u r le
c o m m e r c e , sont de sûrs g a r a n t s de la prospérité future de cette petite ville, qui
compte à peine a u j o u r d ' h u i 5,ooo habitants.
Nous ne restâmes à K e r t s c h que le temps nécessaire p o u r voir quelques unes
des antiquités ; nous fîmes n o t r e visite au gouverneur de la ville, le prince Kerkeulitzef, qui nous d o n n a des lettres de recommandation p o u r les employés russes
sur la côte opposée d u B o s p h o r e , lettres q u i nous servirent de billets de logem e n t , les auberges é t a n t i n c o n n u e s dans ces parages ; et profitant d'un vent fav o r a b l e , nous traversâmes en moins de trois heures le Bosphore Cimmérien, a u quel on d o n n e une largeur de trente-deux verstes (neuf lieues). Nous débarquâmes
à T a m a n . Cette ville, q u i contenait jadis u n e grande p o p u l a t i o n , est réduite
aujourd'hui à quelques maisons groupées a u t o u r d'une église dans la construction
de laquelle on a fait e n t r e r plusieurs marbres sculptés et colonnes de m a r b r e ,
seuls vestiges de l'antique civilisation q u i a fleuri sur ces rivages.
Nous fûmes logés chez le directeur de la quarantaine de T a m a n , car il y a u n e
quarantaine à Taman c o n t r e les Circassiens, ou Tcherkesses, ou toute personne
venant de chez eux. C e t t e m e s u r e politique, qui date sans doute de l'époque où
le Couban servait de limite entre la Bussie et la T u r q u i e , mais q u i , aujourd'hui.,
établit u n e barrière e n t r e l'Abasie, la Circassie et les autres provinces de l'empire
r u s s e , semble en contradiction avec les prétentions de cette puissance sur ces
contrées.
De Taman nous p û m e s , grâce à notre paradosnaya
ou autorisation de requérir
des chevaux de poste, p r e n d r e des petites voitures appelées pavosks, et faire des
excursions dans la presqu'île q u e forme le Couban, et qu'on n o m m e presqu'île
de Taman. Ce p a y s , a u j o u r d ' h u i presque i n c u l t e , est la propriété des Cosaques
de la m e r Noire. Le g r a n d n o m b r e de t u m u l u s dont le sol est couvert annonce
que jadis il a nourri u n e g r a n d e population. Là commencèrent nos observations

géologiques, et ici a u s s i , a b a n d o n n a n t la forme d'itinéraire qui m'entraînerait
dans t r o p de détails, je m e bornerai à faire connaître les traits principaux de la
géologie de la presqu'île d e Taman et de la Crimée.
i

P H É N O M È N E S DE L'ÉPOQUE ACTUELLE.
I. Volcans de boue.
L'un des p h é n o m è n e s les plus intéressants q u e nous eûmes d'abord à observer
dans la presqu'île de T a m a n , ce sont les éruptions boueuses ou volcans de
b o u e . Le premier que n o u s visitâmes est situé sur une éminence allongée dite la


Montagne Brûlée, située à 2 verstes environ au S.-E. de Taman. Un officier p o lonais de la forteresse de P h a n a g o r i e , forteresse russe élevée sur l'emplacement
supposé de l'antique ville grecque de Phanagoria, voulut bien nous servir de
guide. Il avait été témoin d'une éruption de ce volcan au mois d'avril 1835 ; elle
avait été précédée pendant trois j o u r s de bruits souterrains qui avaient fait croire
q u e la garnison d'Anapa avait eu un engagement contre les Circassiens; l'éruption
avait d u r é six heures. P o u r l'observer, l'officier qui nous conduisait s'était approché jusqu'à la distance de 40 ou 50 p a s ; la terre semblait en m o u v e m e n t
sous ses pieds, et d u centre de la colline s'élevaient par intervalles, jusqu'à la
h a u t e u r de 30 ou 40 pieds, des fragments de terre noirâtre qui affectaient les
formes les plus bizarres ; des gaz à odeur de b i t u m e et de soufre se dégageaient
c o n s t a m m e n t , et p a r intervalles on voyait même des jets de flammes. Après
l'éruption, il ne resta q u ' u n e colline de b o u e . Tel était le récit de notre aimable
et intelligent c o n d u c t e u r , pendant q u e nous gravissions lentement la pente
d'une colline de 200 pieds e n v i r o n , qui de Taman s'allonge vers le S.-E. Cette
pente était profondément ravinée par les eaux pluviales, et les dénudations ne
laissaient voir q u ' u n e terre argileuse plus ou moins grise o u noire sur laquelle
étaient éparses quelques pierres brisées dont je parlerai tout à l'heure. C'est au
s o m m e t et sur l'arête de cette colline q u e sont placés les volcans ; plusieurs petits
lacs d'eau douce ou saumâtre paraissaient occuper la place d'anciens cratères.

Le cratère de 1835 s'apercevait de loin, car il formait une tache grise au milieu
de la verdure un peu j a u n â t r e de la montagne. La place m ê m e du c r a t è r e , entièr e m e n t horizontale, avait u n e forme exactement circulaire ; elle était élevée de
quelques pieds au-dessus du sol environnant, et ne présentait q u ' u n e b o u e grise
mêlée de quelques pierres fragmentaires, sans la plus légère trace de végétation,
Le diamètre du cratère était d'environ 60 mètres ; la b o u e déversée sur les c ô t é s ,
soumise après son desséchement à u n e forte traction, s'était fendue en cercles
concentriques a u t o u r du cratère. La colline conique q u e notre officier polonais
avait vue immédiatement après l'éruption s'était tassée et présentait l'image d'un
cône t r o n q u é horizontalement très près de sa base. Nous visitâmes dans le voisinage u n autre cratère q u i avait fait éruption il y a 1 5 ou 16 a n s , et dont l'activité
se prolongea u n mois; il semblait s'être affaissé en partie, et son ancien emplacement est occupé aujourd'hui par un lac. Ce cratère nous p a r u t plus considérable q u e le précédent.
De là nous vîmes à quelque distance u n petit cône grisâtre qui nous fit l'effet
d'un cratère récent; en a p p r o c h a n t nous traversâmes une grande fente qui semblait mettre ce cratère en communication avec les autres. L'éruption était toute
nouvelle et sur une petite échelle ; elle était circonscrite par une pelouse d'un vert
pâle, de sorte qu'on distinguait nettement le point d'éruption et les coulées de
b o u e qui s'étaient déversées s u r le gazon; c'était réellement u n e miniature de
volcan. Nous fîmes quelques pas sur cette b o u e , elle changeait de couleur et


devenait molle une vingtaine de pieds du point d'ộruption ; le centre du cratốre
ộtait encore l'ộtat liquide, et il ộtait impossible d'en approcher ; la b o u e ộtait
douce et onctueuse au toucher et n'avait aucune saveur; mais les fentes dộj
durcies ộtaient couvertes d'efflorescences blanchõtres qui avaient une saveur
saline, et l'on sentait une forte odeur de b i t u m e (1).
Les fragments de roche rejetộs par les volcans attirốrent n o t r e attention, et j ' e n
prộsente des ộchantillons la Sociộtộ; ce sont des roches ferrugineuses, argiloùdes,
compactes et comme brỷlộes, ayant quelquefois l'apparence de pộtrosilex ; des
schistes marneux et argileux d'un gris b r u n õ t r e avec impressions de plantes indộterminables, des rognons de fer c a r b o n a t ộ , des grốs ordinairement trốs d u r s ,
õpres au toucher, des espốces de quarzite, et enfin aussi des grốs tendres ciment
calcaire. Ces pierres sont brisộes en fragments de peu de grosseur, et ne forment
pas la deux milliốme partie des matiốres rejetộes par les volcans ; elles n'ont point

d'analogie avec les diverses assises rộguliốres dont se composent les terrains tertiaires du voisinage, et je ne serais pas ộloignộ de les considộrer c o m m e arrachộes
des couches situộes une assez grande profondeur, et c o m m e ayant subi
quelque altộration par suite des actions chimiques auxquelles elles ont ộtộ s o u mises.
En s'avanỗant de Taman vers T e m r o u c k , c'est--dire vers l'E., on rencontre
beaucoup d'autres cụnes de b o u e dont plusieurs sont tout--fait isolộs au milieu
de la plaine, et qui se dessinent exactement c o m m e des cụnes volcaniques de
scories. Plusieurs mờme ont une inclinaison assez forte. Nos excellents chevaux
de poste nous conduisaient ordinairement jusqu' moitiộ des cụnes, et la derniốre
partie, inclinộe environ de 15 20 degrộs, ne pouvait se gravir qu' pied. N o u s
montõmes ainsi une de ces ộminences situộe 19 verstes ( 5 lieues et d e m i e ) de
Taman. Son sommet, haut de 100 i 5 o pieds, offrait u n e surface u n peu
bosselộe de plus de 100 mốtres de diamốtre. Le point le plus ộlevộ ộtait trốs
h u m i d e , vaseux, et occupộ par des trous circulaires pleins d'une eau b o u r b e u s e
d'oự s'ộchappaient des gaz que nous ne p ỷ m e s recueillir.
A 27 verstes (environ 8 lieues) de T a m a n , sur la r o u t e de T e m r o u c k , on
aperỗoit un cụne d'une grande rộgularitộ; il est composộ de deux p e n t e s , l'une
trốs lộgốre, aboutissant une autre pente qui prenait subitement u n e inclinaison
beaucoup plus forte ; la premiốre ộtait revờtue de vộgộtation et la seconde en ộtait
dộpourvue. Au sommet de ce dernier cụne ộtait u n e source d'oự se dộgageaient
( 1 ) Cette odeur comme ces efflorescences n'ộtaient pas limitộes au voisinage du cratốre ; elles
ộtaient communes toute la montagne que nous parcourions, et le sel se trouvait particuliốrement en petits cristaux blancs sur les feuilles d'une plante, que M. Casaretto regarda comme
une espốce de Statice. Nous en conclỷmes que toute la montagne ộtait d'origine volcanique, opinion dans laquelle nous fỷmes confirmộs le lendemain, quand nous vợmes, sur une ộtendue de
prốs de deux lieues, ses pentes profondộment ravinộes, comme le sont les flancs de ces montagnes composộes de boue.


des gaz qui amenaient à la surface un peu de b o u e , et cette b o u e se déversait en
petites traînées sur la pente ; sur la partie inclinée de ce cône, et à u n e hauteur moindre, s'était faite, il y a quelques années sans d o u t e , u n e grande éruption
qui avait produit une large coulée de b o u e de plus de 200 mètres de longueur. La
surface de cette coulée était très unie et entièrement privée de végétation. On
voyait donc là plusieurs des phénomènes qui caractérisent les volcans de lave et

de scories : forme conique, doubles pentes se séparant n e t t e m e n t , éruption latérale sur les flancs du cône, dégagement de gaz, état d'activité p e r m a n e n t e et
m o d é r é e , troublé par intervalles par des crises violentes.
Près de la deuxième station de poste, à 36 verstes ( 1 0 lieues) de T a m a n , sur
les bords de la mer d'Azof, nous visitâmes encore u n e autre colline moins régulièrement conique, mais bien plus considérable q u e celle dont je viens de parler,
et qu'on nomme, je crois, colline de Titarofka. A moitié de sa h a u t e u r s'étendait
u n grand espace horizontal occupé par des puits très n o m b r e u x dans lesquels on
recueille du pétrole ou b i t u m e liquide; cette substance est très a b o n d a n t e : il suffit
de creuser un t r o u de 3 pieds carrés et de 10 à 12 pieds de profondeur p o u r arriver
aux sources bitumineuses ; le pétrole s'amasse au fond de ces p u i t s , et de temps en
temps on vient le recueillir avec des seaux attachés au b o u t d'une corde; il est très liquide, d'une belle couleur, et s'emploie à l'éclairage comme aussi à la conservation
des petits bateaux du pays et de leurs gréements. La b o u e clans laquelle sont creusés
les puits est imprégnée de cristaux de gypse ( 1 ) . En quittant ce plateau si riche
en b i t u m e , on arrive par des pentes souvent privées de végétation au sommet de
la colline ; là existent deux petits cônes de 3 ou 4 pieds de h a u t e u r percés d'un
t r o u d'où s'échappe u n e eau b o u r b e u s e et où n o u s crûmes éprouver u n e chaleur
sensible à la main.
La pointe de la presqu'île de T a m a n , qui resserre l'entrée de la m e r d'Azof,
est occupée aussi par un volcan qu'on n o m m e volcan d'Obou ou de Prelda
qui s'élève au milieu de plaines presqu'au niveau de la mer, j u s q u ' à la h a u t e u r
de 25o pieds environ, et dont la forme conique est très régulière ; sa plus forte
éruption fut celle qui eut lieu en 1794, et qui donna occasion à Pallas de faire
les observations suivantes : grand b r u i t semblable à un c r a q u e m e n t au c o m m e n cement de l'éruption ; épaisse colonne de fumée noire mêlée de flammes, jets de
matière visqueuse et de pierres j u s q u ' à plus de 1000 mètres du c r a t è r e , éruption
d'une é n o r m e quantité de b o u e qui couvrit inégalement tous les flancs du cône,
(1) C'est le seul endroit où nous ayons vu des exploitations de pétrole en activité ; les autres
sources que l'on voit ou dont on peut soupçonner l'existence dans une grande partie de la presqu'île restent partout sans être utilisées. M. le baron de Meyendorf, attaché au service de Russie,
dont la haute intelligence comprend toute la portée de la géologie moderne, et qui cherche à
faire participer sa patrie aux découvertes de cette science, pense que les produits de l'île de
Taman pourraient peut-être, comme l'asphalte de Seyssel, être employés au pavage et au dallage
des grandes villes.



et dont la plus grande coulée s'étendit j u s q u ' à la distance de 800 mètres, tremblement de terre ressenti le même j o u r à Echatérinodar, à plus de 55 lieues.
Pallas rapporte encore qu'en 1799 une île apparut dans la m e r d'Azof, à 15 lieues
environ de Taman et à 3oo mètres du r i v a g e ; elle avait 1 4 4 mètres sur 82 de
superficie; elle était é v i d e m m e n t le résultat d'éruptions b o u e u s e s , et disparut au
b o u t de peu de temps.
L a région volcanique traverse le Bosphore et s'ètenà a u x environs de K e r t s c h
et de Yénikalé. Près de cette dernière ville, nous visitâmes e n c o r e des éruptions
boueuses au milieu du terrain tertiaire m a r i n , dont les roches étaient en quelques
localités imprégnées de b i t u m e et avaient été creusées p o u r y recueillir cette
substance. Ces volcans ne pénètrent pas à plus de 7 lieues dans la Crimée ; ils
sont évidemment liés avec ceux de la presqu'île de Taman, et forment une bande
allongée à peu près dans la direction de l'E. à l'O.
Pallas s'est b e a u c o u p o c c u p é de l'origine de ces volcans; l'abondance des sources
bitumineuses qui les a c c o m p a g n e n t lui avait fait croire à l'existence de couches
de houille et de lignite cachées peut-être à de grandes p r o f o n d e u r s , et d o n t l'embrasement pouvait expliquer à ses y e u x une partie des p h é n o m è n e s remarquables
que présente cette région volcanique. L e s idées de Pallas sont encore entretenues
par quelques personnes en Crimée qui ne seraient pas éloignées de faire faire des
fouilles dans l'espérance de trouver des couches de c o m b u s t i b l e exploitables.
Depuis Pallas, les théories volcaniques modernes ont jeté un grand j o u r sur
cette question. Les volcans de b o u e o u salses sont considérés aujourd'hui c o m m e
l'une des nombreuses manifestations de l'action volcanique à la surface d e la
terre. E n effet, nous avons v u qu'ils offrent en Crimée la plupart des phénomènes
volcaniques, tremblement de terre, bruits souterrains, p r o d u c t i o n de fumée et
de flammes, jets de pierres et de matières visqueuses à plus de 1000 m è t r e s , dégag e m e n t de gaz et de b i t u m e , efflorescences salines, enfin vastes coulées de
matières boueuses.
L e u r position g é o g r a p h i q u e est aussi bien r e m a r q u a b l e ; ils sont limités à une
certaine auréole sur le p r o l o n g e m e n t de l'extrémité occidentale d u C a u c a s e , et
correspondent parfaitement aux volcans de B a k o u situés p r è s la mer Caspienne,

à l'extrémité orientale de la même chaîne de montagnes. A B a k o u l'action v o l canique est encore peut-être plus développée ; les sources de b i t u m e y sont e x ploitées par le g o u v e r n e m e n t russe, auquel elles rapportent 800,000 f r a n c s , et
tout le m o n d e sait que les dégagements de gaz enflammé o n t servi à entretenir
la superstition du culte i n d i e n , et à donner une grande célébrité c o m m e lieu de
pèlerinage à la pagode d e B a k o u .
La situation symétrique de ces deux systèmes d'éruptions boueuses ne peut
être l'effet du hasard : elle nous révèle une cause c o m m u n e et cachée dans les
profondeurs mystérieuses de notre globe. Ces volcans placés a u x deux extrémités
de la chaîne du Caucase paraissent en être une d é p e n d a n c e , et peuvent être


envisagés c o m m e les derniers symptômes de vie de l'action énergique qui a élevé
l'axe trachytique de cette chaîne à la h a u t e u r de 15,6oo pieds.
II. Lacs salés et bains de boue.

La Crimée tire un grand produit de ses lacs salés, qui sont, évidemment d'anciens
délaissements de la mer Noire. Le sel ne cristallise pas tous les ans ; sa précipitation dépend de la chaleur de l'été et de causes q u i ne sont pas toutes parfaitement
connues.
Sur les bords de certains de ces lacs, ou plutôt sur u n e partie desséchée de
leur ancien emplacement, on prend ce que l'on appelle des bains de b o u e , recommandés par les médecins russes c o m m e moyens curatifs de certaines maladies.
Nous visitâmes un établissement de ce genre à S a k , près de Kozlof (l'ancienne
Eupatorié). Il faisait une chaleur effroyable et u n soleil ardent, la steppe était
desséchée par u n vent b r û l a n t , la b o u e sur les b o r d s du lac miroitait de cristaux
de sel, elle était noire et concentrait les rayons du soleil; le médecin nous assura
qu'elle était à plus de 3o degrés R é a u m u r par l'effet seul de l'insolation. Nous
vîmes un pauvre malade s'y plonger et demeurer étendu dans une position presque
horizontale; sa casquette, placée sur u n petit b â t o n , ombrageait seulement sa
figure, et la chaleur de la b o u e , ainsi frappée par le soleil, lui arrachait des cris
plaintifs et douloureux.
Ces lacs sont n o m b r e u x dans la partie basse de la Crimée, et je citerai particulièrement ceux de Gniloe et de Sak, près de Kozlof. Ceux de Staroïé et de
Krasnoïé, du côté de P é r é k o p ; celui de Guenitsch sur la langue d'Arabat, et

celui d'Alilsk, dans la partie orientale de la Crimée. Les lacs salés des environs
d'Odessa sont absolument de la m ê m e n a t u r e , et leurs boues sont aussi visitées
par les malades qui ont épuisé les remèdes ordinaires de la médecine. Je regrette
b e a u c o u p de n'avoir p u faire pêcher quelques unes des coquilles qui vivent dans
ces lacs, je ne puis présenter à la Société q u ' u n e petite espèce de Cardium q u e
M. Casaretto a recueillie dans les lacs salés d'Odessa. Ce Cardium est identique
avec ceux q u i vivent dans la m e r Noire, et acquiert seulement u n e moindre
dimension ; il se sépare entièrement du grand type des cardiacés q u e nous avons
trouvés fossiles dans les Steppes, ainsi que des Cardium sans dents latérales q u i
vivent actuellement dans les eaux douces d u lac d'Ackermann, en Bessarabie.
III. Tumulus.

Bien q u e les éminences coniques auxquelles on donne généralement le n o m
de tumulus soient des m o n u m e n t s élevés par la main des h o m m e s , et non des
phénomènes n a t u r e l s , je ne puis me dispenser d'en parler à l'occasion d'une
r e m a r q u e qu'ils nous ont d o n n é lieu de faire sur le peu de modifications que
M É M . GÉOL. — Tom.

3. — Mém.

I.

2


deux mille ans ont apportées dans les espèces de mollusques qui habitent les
côtes du Bosphore.
Les tumulus sont ordinairement des caveaux de pierre, recouverts de terre
jusqu'à une hauteur qui dépasse quelquefois 20 ou 3o pieds. Il paraît qu'il était
d'usage de recouvrir le caveau d'une couche d'herbes marines et de sable

pris sur le rivage. Toujours est-il qu'on r e m a r q u e très fréquemment dans les
tumulus une couche composée de débris m a r i n s , végétaux et a n i m a u x , parmi
lesquels on trouve beaucoup de coquilles. On n'y voit guère q u e des Cardium,
des Mytilus, des Buccins, des Vénus, identiques avec ceux q u e j'ai recueillis sur
le rivage, et mêlés dans la même proportion qu'ils le sont encore aujourd'hui
sur la côte. Et cependant deux mille ans se sont écoulés depuis l'époque où ces
tumulus ont été élevés, e t , malgré ce long espace de t e m p s , point de modifications dans les espèces, point de changement m ê m e dans leur distribution. Cette
remarque n'est pas sans importance, car elle nous conduit à attribuer à u n e
autre cause qu'au temps seul l'immense changement dans les êtres organisés
q u e nous allons observer dans les terrains tertiaires les plus récents de la
Crimée.
Les tumulus sont si nombreux autour des anciennes villes qui s'élevèrent
jadis sur les rives du Bosphore Cimmérien, soit aux environs de K e r t s c h , soit
dans la presqu'île de Taman, qu'ils donnent une physionomie particulière au
pays et le font ressembler à ces districts de mines où de n o m b r e u x puits
d'extraction sont entourés de monticules de débris. La f o r m e , la grandeur et la
richesse de ces monuments funéraires f o n t , d'un peuple assez puissant p o u r
perdre tant de travail, p o u r enfouir inutilement tant de richesses dans l'obscurité d'un tombeau, un véritable sujet d'étonnement.
IV. Formation de roches de l'époque actuelle.

Il y a en Crimée un terrain tout m o d e r n e , et qui se forme peut-être encore de
nos jours : il renferme les débris des coquilles actuellement vivantes dans la
m e r Noire, fortement agglutinés ensemble, sans cependant q u e le ciment soit
dans une grande proportion ; il paraît q u ' o n en trouve des couches assez solides
p o u r avoir été employées comme pierre de construction ; c'est dans des débris
d'anciennes constructions génoises, à Soudagh et à Théodosia, que j'ai recueilli
les deux échantillons que je vous présente ; malheureusement le hasard ne m'a
pas fait découvrir son gisement.
TERRAIN TERTIAIRE.
Les terrains incontestablement tertiaires de Crimée se divisent naturellement

en deux époques: mais, avant d'entrer dans leur description, je dois vous signaler une formation très singulière. Les environs de Kertsch et de Taman présen-


tent une série de monticules, de montagnes m ê m e , q u i ne sont a u t r e chose q u e
des récifs construits par des polypiers ; ces masses appelèrent notre a t t e n t i o n , et
nous eûmes de la peine à nous en expliquer d'abord la formation. On n'y voit
a u c u n e espèce de stratification, leur surface est hérissée d'aspérités et d'inégalités,
et dans leur ensemble elles affectent les formes les plus singulières ; à quelque
h a u t e u r qu'on attaque la roche avec le marteau on ne voit q u ' u n tissu, une
espèce de réseau tramé par un petit polypier q u e Pallas appelle Eschara
lapidosa.
Les interstices laissés par les Eschares sont quelquefois vides, quelquefois remplis par du calcaire assez compacte. Nous fûmes fort étonnés de voir des rochers
aussi considérables formés entièrement par des Eschares, et de n e trouver ni
madrépores, ni Astrées, ni Caryophyllies, ni a u c u n des autres genres qui construisent ordinairement dans la m e r ces sortes de récifs. Ils forment aux environs de
Kertsch des monticules de plus de 60 ou 80 pieds de hauteur, ou des rochers de
moindre dimension dont quelques uns nous p a r u r e n t c o m m e posés sur la surface
du terrain tertiaire r é c e n t , et n'avoir pas de racines dans le terrain inférieur:
c'est du moins ce q u e nous crûmes r e m a r q u e r près d'un lac salé, non loin de la
m e r , à 4 lieues environ au sud de Kertsch.
La montagne de Mithridate, s u r laquelle s'appuie la ville de K e r t s c h , est composée, dans sa partie s u p é r i e u r e , de cette espèce de calcaire, et nous observâmes
q u e la roche qui la termine et q u e la tradition a surnommée le siége de Mithridate,
ne doit pas sa figure bizarre à la main ni au ciseau des h o m m e s , mais au travail
des Eschares antéhistoriques.
A partir de la montagne de Mithridate, u n e série de collines semblables s'enfonce
à 7 ou 8 lieues à l'ouest dans l'intérieur de la Crimée.
A 2 ou 3 lieues au S.-S.-O. de Kertsch, à Tchourbash, dans la propriété habitée
par M. de Gourieff, frère d'un de nos collègues, sont encore d'autres récifs
semblables ; quelques uns ne sont élevés q u e de 3o ou 5o pieds au-dessus de la
mer, et c o m m e la m o n t a g n e de Mithridate a u n e h a u t e u r de 3oo pieds environ, il
en résulte q u e les Eschares qui les ont construits o n t pu travailler à diverses p r o fondeurs, à moins qu'on ne suppose q u e quelques uns deces récifs ne sont plus

à leur place originaire.
La pâte calcaire qui remplit les interstices laissés p a r les polypiers est pleine,
en certaines localités, de petites coquilles d'un à deux millimètres, qui ressemblent beaucoup à des Paludines.
J'espérais, en quittant Taman et Kertsch, r e n c o n t r e r encore des exemples de
cette singulière formation, et avoir l'occasion de mieux étudier ces sortes de récifs, et de m'assurer s'ils appartiennent bien réellement au terrain tertiaire supér i e u r , qui s'est d é p o s é , ainsi q u e nous le verrons b i e n t ô t , dans u n e m e r d'eau
douce ou d'eau s a u m â t r e ; ou s i , adhérant par leurs racines au terrain marin
inférieur, ils traversent seulement les terrains supérieurs qui se sont étendus


a u t o u r d'eux. Mais nous n'en vîmes plus dans la s u i t e , et n o u s apprîmes qu'il ne
s'en trouve pas dans le reste de la Crimée.
Immédiatement au-dessous de ces roches madréporiques, ou du moins p a raissant leur être inférieur et leur servir de s u p p o r t , viennent les terrains tertiaires supérieurs, q u e nous allons décrire sous le n o m de terrains des steppes,
I. Terrain tertiaire récent, ou terrain des steppes.

Ces terrains sont ceux qui recouvrent toute la partie plate de la Crimée ; ils sont
contemporains de ceux q u e j'ai vus dans les plaines méridionales de la Bessarabie,
et dans les steppes des environs d'Odessa ; ils se poursuivent sur toutes les riyes
septentrionales de la m e r Noire et s'étendent jusqu'à la m e r Caspienne, formant
ainsi le terrain de ces steppes immenses qui séparent ces deux mers ; aucune dislocation générale n'a encore dérangé l'horizontalité de leurs c o u c h e s , et c'est à
cette cause qu'il faut attribuer l'existence, dans la Russie méridionale, de ces
steppes si monotones et quelquefois si arides. Si l'étendue de la surface q u e recouvre un terrain a u g m e n t e son i m p o r t a n c e , il ne sera peut-être pas sans intérêt
d'étudier avec q u e l q u e détail la constitution minérale et les êtres organisés du
terrain qui nous o c c u p e en ce m o m e n t . Les environs d e Kertsch et de Taman
sont u n e des localités les plus favorables à l'observation de ses caractères, c'est
u n e de celles où les fossiles sont le mieux conservés.
L'ensemble du terrain se compose d'assises régulières de marnes trés argileuses, d'argiles, de marnes calcaires, de faluns, qui ne sont autre chose que des
débris de coquilles, et d'un calcaire blanchâtre tout pétri d e fossiles. Cette assise
est u n e des plus i m p o r t a n t e s , car elle est exploitée comme pierre de construction
en mille lieux divers ; elle est ordinairement extrêmement p o r e u s e , les fragments
de coquilles qui la composent étant réunis sans presque de ciment visible, et,

dans cet état, elle n'est pas p r o p r e à la bâtisse; mais, dans quelques localités, là où
les coquilles ont été plus brisées, elle devient d'un tissu plus s e r r é , et, exposée
à l'air, elle acquiert assez de dureté.
A Odessa, cette assise est percée par de nombreuses carrières d'où ont été
extraits les matériaux dont la ville est bâtie ; elle est malheureusement un peu
t e n d r e , trop facile à tailler, et je crains qu'elle ne puisse assurer une longue durée
aux m o n u m e n t s q u i en sont construits. Le plateau sur lequel s'étend la ville d'Odessa m'a paru élevé au-dessus de la m e r de plus de 1oo ou même 15o p i e d s , et
les assises calcaires en occupent la partie supérieure; près de la mer, et notamm e n t au coutre R e n a u d , les falaises sont composées de dépôts où l'action chimiq u e paraît avoir j o u é u n grand rôle : ce sont des concrétions calcaires d'une
grande dureté et qui semblent le produit de sources minérales abondantes ; le calcaire y est à l'état de cristaux ou de lamelles : ces concrétions forment des masses
puissantes qui sont comprises dans le terrain tertiaire.


A T c h o u r b a s h , près de K e r t s c h , en Crimée, et sur la route de Y é n i k a l é , les
bancs calcaires sont plus durs et d'une meilleure qualité c o m m e pierre de taille ;
o n en expédie tous les j o u r s vers Yalta et sur la côte méridionale, où l'on ne
trouve que des calcaires-marbres plus dispendieux pour la construction. Certaines
assises contiennent une prodigieuse quantité de petites P a l u d i n e s , mais les fossiles
les plus abondants en général sont des Cardium, des Mytilus polymorphus
(Dreicèna de Van Beneden, Congeria de Partsch ) , et autres bivalves qui se retrouvent
dans les argiles et les faluns supérieurs, et dont plusieurs vivent encore dans les
eaux douces de l ' e m b o u c h u r e d u Dniester.
A K a m i o u s h B o u r o u n , promontoire situé à 3 lieues de K e r t s c h , les assises
calcaires sont remplacées par des argiles o u par des marnes blanches très riches
en bivalves dans une épaisseur de 20 o u 3o p i e d s , qui forment une ligne blanchâtre qu'on aperçoit de loin : ce banc est surmonté d'une c o u c h e de fer fort
remarquable ; son épaisseur varie de 6 à 8 pieds ; elle est composée de rognons de
fer carbonate, de fer phosphaté et hydraté, et de différentes espèces de bivalves
passées à l'état ferrugineux ; l'intérieur de ces bivalves est quelquefois tapissé de
b e a u x cristaux de fer phosphaté bleu. Ces cristaux rayonnants du centre à la circonférence se rencontrent sous forme de géodes dans le fer c a r b o n a t é , et n o u s en
trouvâmes de b e a u x échantillons. Il paraît qu'autrefois le fer phosphaté bleu était
si abondant qu'il avait été l'objet d'une exploitation, et qu'on l'employait dans la

teinture. Le minerai peut contenir 40 pour cent de fer, d'après les essais de notre
collègue M. de Gourieff.
S u r la côte opposée du Bosphore Cimmérien se retrouve encore cette même
c o u c h e de fer : c'est à peu de distance au sud de Taman que nous la découvrîmes
p o u r la première fois ; les faluns inférieurs avec fossiles n'y existent pas; mais
immédiatement en contact avec la c o u c h e ferrugineuse, et dans sa partie supér i e u r e , on trouve un banc rempli de 3 ou 4 espèces de bivalves dans un état de
calcination, et dont la blancheur se découvre de loin (1).
Cette mine de fer est en ce moment l'objet de l'attention du gouvernement
russe; M. de Gourieff a fait comprendre toutes les chances de succès que pourrait
avoir l'établissement d'une fonderie à K e r t s c h . Les houillères du D o n e t z , mieux
c o n n u e s , mieux exploitées, pourraient fournir le combustible q u i , par le D o n et
la mer d'Azof, arriverait à K e r t s c h à un prix modéré. L a rareté des mines de fer
dans la Russie méridionale et les besoins toujours croissants de la flotte impériale
et de la navigation de la mer Noire donnent de l'importance à ce projet.
Il est hors de doute que le terrain des steppes, étudié dans un plus grand nombre de localités que je n'ai p u le faire, présenterait dans sa constitution minérale
des variations qui me sont restées inconnues; mais l'assise de pierre calcaire pétrie
(1) Ces coquilles avaient été remarquées par Pallas, qui les décrit sous les noms de Mytilus
et de Vénus; mais je suis étonné qu'il ait passé sous silence les fossiles bien autrement conservés
de Kamioush-Bouroun, qui appartiennent à peu près aux mêmes couches.


de débris de coquilles offre des caractères d'une constance remarquable. Partout
o ù j ' a i p u l'étudier, à K e r t s c h , au nord de S i m p h é r o p o l , à Odessa, sur les bords
du lac d'Ackerman et dans les plaines de la Bessarabie méridionale, c'est touj o u r s un calcaire plus ou moins tendre et s p o n g i e u x , ne renfermant aucune des
coquilles de la mer Noire actuelle, mais des coquilles q u i , ainsi que nous allons le
voir, paraissent avoir vécu dans des eaux douces ou peu salées. L a constance des
caractères paléontologiques de cette formation est importante, car on aurait p u
croire que les localités d'où j ' a i rapporté d'assez n o m b r e u x fossiles, étaient des
localités exceptionnelles, voisines des rivages, des affluents, comme sont auj o u r d ' h u i les affluents du Dniester et autres par rapport à la mer Noire. Il est cert a i n , en effet, que les dépôts des environs de K e r t s c h ont dû être dans le voisinage des rivages ; mais les dépôts d'Odessa et d'Ackerman ont dû au contraire en
être éloignés, et la ressemblance qu'ils ont entre eux prouve que les fossiles dont

je vais parler peuvent être considérés comme caractéristiques de tout l'ensemble
d u terrain.
Fossiles. L e peu d'ancienneté du terrain qui nous o c c u p e permet de supposer
qu'il renferme les débris d'un grand nombre d'espèces de mammifères ; jusqu'à
présent je ne sais pas si on en a trouvé ailleurs que dans la presqu'île de T a m a n ,
o ù existent des ossements qui ont été remarqués depuis long-temps. J'ai l'honneur de présenter à la Société une dent de Mastodonte angustidens et une vertèbre
que M. Laurillard a reconnue p o u r être une vertèbre caudale d'une petite espèce
de Baleine, ou peut être d'une grande espèce de Ziphius,
genre de cétacé fossile
établi par Cuvier (1).
Q u a n t aux p o i s s o n s , ils ne sont représentés dans ma collection que par une
vertèbre que j ' a i trouvée dans les faluns de Kamioush-Bouroun. Ce qui abonde le
plus et ce qui mérite toute l'attention de la Société, ce sont les m o l l u s q u e s ; on a
v u par ce qui précède combien ils sont nombreux dans les couches de ce terrain,
puisqu'ils constituent des bancs de calcaire exploités sur de grandes étendues ;
mais dans ces calcaires les fossiles sont le plus souvent à l'état de m o u l e s , et les
espèces assez difficiles à déterminer ; les seules localités où je les aie trouvés libres
et entièrement conservés, sont les environs de T a m a n , dans la presqu'île de ce
n o m , les falaises de K a m i o u s h - B o u r o u n , et T c h o u r b a s h , près de Kertsch ; Kamioush-Bouroun est la plus riche de ces localités; les coquilles accumulées sur
une grande épaisseur y sont peu b r i s é e s , et la conservation de leurs parties délicates, la réunion des d e u x valves dans les b i v a l v e s , annoncent un dépôt tranquille et lent. Nous n'y avons passé que trois h e u r e s , quelques espèces ont pu
nous é c h a p p e r , moins cependant q u ' o n ne pourrait le croire, car les espèces
sont en petit n o m b r e , et les individus de chaque espèce sont en prodigieuse
(i) Cette vertèbre m'ayant été donnée par un officier de la forteresse de Phanagorie, je ne
puis préciser exactement le terrain auquel il faut la rapporter. Ce qu'il y a de certain, c'est
qu'elle a été trouvée dans la presqu'île de Taman.


quantité. Il règne une extrême disproportion entre les bivalves et les univalves ;
nous fûmes quelque temps avant de découvrir u n e seule univalve ; et il y a plusieurs espèces dont nous n'avons pu avoir q u ' u n seul individu.
Les bivalves appartiennent presque toutes à des Mytilus ou à des Modioles, et

surtout aux Mytilus d'eau douce, dont M. P a r t s c h , à Vienne, a fait le genre
Congérie, ou à un grand type voisin des cardiacés, qui pourrait peut-être constituer un genre nouveau renfermant quinze à vingt espèces, souvent bien différentes
les unes des a u t r e s , mais retenant toujours cependant u n certain ensemble de
caractères communs.
Les univalves sont des Paludines, des Néritines, des Mélanopsides, des Limnées
et un genre voisin des Ampullaires, toutes appartenant aux eaux douces ; il est
donc permis de croire q u e les espèces de bivalves qui se rapprochent des cardiacés, et dont on n e trouve pas les analogues vivants dans les mers connues
aujourd'hui, ont aussi été déposées p a r des eaux douces o u saumâtres, et q u e
c'est au milieu où elles ont vécu qu'il faut attribuer les grandes différences qui les
séparent des cardiacés vivant dans les eaux de la mer Noire actuelle.
Les falaises de Kamioush-Bouroun et de Taman, qui renferment les couches de
fossiles dont nous p a r l o n s , sont situées des deux côtés du Bosphore Cimmérien,
sur les bords de la mer N o i r e , et rien n'est plus frappant q u e la dissemblance
qui existe entre les coquilles q u e la vague accumule au pied des falaises, et les
fossiles q u e les pluies et les dégradations de la côte amènent au rivage. Il est
impossible de ne pas se demander c o m m e n t des terrains aussi récents que ceux
qui constituent les plaines des environs de K e r t s c h , n'offrent pas dans leurs
fossiles des espèces analogues aux mollusques q u i vivent encore dans la mer
Noire. Cette exception remarquable à la loi des analogues ne peut s'expliquer
autrement qu'en supposant q u e toutes les steppes de la Crimée et de la Russie
méridionale, ainsi q u ' u n e partie du bassin de la mer Noire sous les eaux de laquelle se prolongent les mêmes terrains, ont été jadis occupées par une mer d'eau
douce ou d'eau saumâtre assez peu profonde p o u r n o u r r i r des quantités prodigieuses de coquilles, et b o r n é e à l'Est par les premières montagnes du Caucase,
qui de ce côté formaient ses rivages, et près desquelles se trouvent aujourd'hui
les ossements de grands animaux (1). M. Deshayes, q u e ces faits ont intéressé, et
qui a trouvé matière à des conclusions scientifiques importantes dans la série de
fossiles q n e j ' a i r a p p o r t é s , s'est chargé de les d é c r i r e , et je lui sais gré d'avoir

(1) Je puis rappeler en faveur de cette opinion, que j'ai trouvé dans le lac d'Ackerman, lac
d'eau douce formé par le Dniester, à quelques lieues au-dessus de son embouchure, des Cardium et des Mytilus entièrement différents de ceux qui vivent dans la mer Noire, et qui se
rapprochent beaucoup des fossiles des couches tertiaires, soit des bords mêmes du lac d'Ackerman, soit des environs d'Odessa ou des steppes de la Crimée, tandis que dans le lac salé d'Odessa,

privé de communication avec la mer, M. Casaretto a trouvé des Cardium à peu près semblables à ceux de la mer Noire.


voulu ajouter ainsi u n nouvel intérêt à mon esquisse imparfaite de la géologie de
la Crimée.
II. Terrain tertiaire inférieur.

Le terrain des steppes repose quelquefois en stratification légèrement discordante sur le terrain tertiaire inférieur qui s'en sépare n e t t e m e n t et par sa position
et par ses fossiles, tous d'origine évidemment marine. C'est ce terrain qui forme
les plateaux de la Volhynie et de la Podolie, q u e M. Dubois de Montpéreux a
décrits, et dont il a figuré les fossiles dans un Mémoire publié il y a quelques
années ( 1 ) . Il est peu développé en C r i m é e , ou d u moins il se cache souvent
sous le terrain tertiaire supérieur. On le voit près de Yénikalé, de Kertsch et de
Simphéropol. A Yénikalé, ses couches sont imprégnées de b i t u m e , et il a été le
théâtre de plusieurs éruptions boueuses. Il est composé de grès et de calcaire
b e a u c o u p plus d u r et plus compacte q u e le calcaire blanchâtre du terrain supér i e u r ; ses fossiles sont n o m b r e u x ; malheureusement je n'ai p u q u e fort mal
l'étudier, et je n'ai recueilli que les fossiles suivants : un polypier, le Cardium lithopodolicurn ( D u b o i s ) , la Modiola marginata ( E i c h w a l d ) , u n e Cérite et un
Trochus. La p l u p a r t des fossiles de ce terrain, au r e s t e , nous sont déjà connus
p a r les bonnes figures q u e nous a données M. Dubois de M o n t p é r e u x , dans
l'ouvrage q u e je viens de citer, et par l'ouvrage de M. Pusch sur les fossiles de
la Pologne (2). Le n o m b r e des espèces analogues à celles des terrains tertiaires
moyens de l'Europe occidentale paraît devoir faire r a p p o r t e r à cet étage les
formations de Podolie et celles de la Crimée, qui leur sont contemporaines. Mais
ce qu'il y a de bien r e m a r q u a b l e , c'est que je n'ai pas trouvé dans les terrains des
steppes u n seul des fossiles publiés par M. Dubois de Montpéreux. Les fossiles
de l'époque des steppes ne présentent donc pas plus de passage aux fossiles du
terrain marin inférieur qu'ils n'en offrent avec les êtres de la mer Noire actuelle,
et cependant ce sont des m e m b r e s de la série tertiaire, et l'on sait q u ' e n t r e ces
divers m e m b r e s il y a toujours u n certain n o m b r e d'espèces communes. D'où
p e u t donc provenir ce renouvellement total des espèces, sinon de la nature

particulière des eaux où les terrains des steppes se sont déposés?
Au-dessous de ces deux étages tertiaires voici q u e n o u s arrivons à u n terrain
dont la classification n o u s a b e a u c o u p embarrassé et n o u s embarrasse encore.
Sa position est incontestable ; il est inférieur au terrain tertiaire précédent et supérieur à la craie blanche avec Belemnites mucronatus. Mais faut-il le rapporter
à l'étage supérieur de la craie, ou doit-on le r a n g e r parmi les terrains tertiaires
les plus anciens? Après l'avoir décrit nous exposerons nos raisons de douter.
(1) Conchyliologie fossile et aperçu géognostique des formations du plateau
(Berlin, chez. Simon Schropp, 1831.)
(2) Polens palœontulogic von Georg. goltlicb Pusch. (Stuttgard, 1837.)

Volhyni-Podolien.


TERRAIN NUMMULITIQUE.
Q u a n d , au sortir des hautes montagnes de la côte de Crimée, on s'avance au
n o r d , ou vers Karassoubazar, ou vers Simphéropol, on distingue de loin plu
sieurs séries de falaises b l a n c h â t r e s , qui se recouvrent successivement. Le sol,
incliné de 5 à 6 degrés vers le n o r d , se relève vers le s u d , avec régularité dans
sa p e n t e , pendant plusieurs milliers de mètres, et se termine subitement p a r un
escarpement vertical de plus de 6o ou 8o pieds q u i ne p e u t être q u e le résultat
d'une faille. Cette disposition se répète plusieurs fois, et avec u n e telle régularité
q u e Pallas c o m p a r e ces couches à des coulées; il en résulte, dans u n e coupe perpendiculaire à la direction de la stratification, une suite de terrasses ou de rampes
qui, ayant toutes le m ê m e relief, semblent devoir leur origine à une m ê m e cause,
à u n m ê m e événement. Au-dessous de ces escarpements, et c o m m e leur servant
de s u p p o r t , c o m m e n c e n t des pentes fortement inclinées ; et q u a n d on observe la
n a t u r e de ces talus et celle des escarpements v e r t i c a u x , on reconnaît bientôt
deux ensembles de couches de nature très diverse, la partie inférieure ou
inclinée é t a n t , ou u n e craie marneuse à Bélemnites (planche VI, fig. 13), ou un
p o u d i n g u e très ancien en stratification très redressée (planche VI, fig. 12), et
la partie supérieure ou verticale, un calcaire j a u n â t r e à Nummulites, et u n e série

de couches inclinées de quelques degrés. C'est particulièrement à trois ou q u a t r e
verstes de Simphéropol, u n peu au sud de la r o u t e de Baghtsché-Saraï, q u e nous
observâmes le mieux cette différence si tranchée. Le terrain supérieur, mis à n u
par un escarpement vertical, présente u n e série de couches bien réglées, bien
parallèles entre elles, d'un calcaire m a r n e u x , blanchâtre, à apparence crétacée,
et de couches ou plus argileuses ou plus arénacées, q u i contiennent toutes u n e
immense quantité de Nummulites ; les assises inférieures sont plus j a u n e s , les
N u m m u l i t e s y sont moins intimement liées ensemble et forment des roches moins
solides. Le calcaire blanchâtre a toujours une cassure terreuse, mais il est moins
b l a n c , moins homogène et moins pulvérulent q u e le calcaire crayeux auquel il
est superposé, et dont il est séparé par les couches jaunâtres à Nummulites dont
je viens de parler.
La puissance du terrain n u m m u l i t i q u e , prise à u n de ces escarpements, p e u t
être de 60 à 70 pieds. Certaines couches ont plusieurs pieds d'épaisseur; mais en
général la stratification est parfaitement n e t t e , et on compte un grand n o m b r e
d'assises alternatives plus ou moins calcaires, sableuses ou argileuses. Toutes ces
couches sont rompues et terminées par u n escarpement vertical qui repose s u r
de rapides talus composés de craie véritable.
Sur la rive droite du Salghir, à u n e demi-lieue de Simphéropol, on observe
encore à peu près la m ê m e succession de couches ; mais le terrain n u m m u l i t i q u e
repose en stratification très discordante sur un p o u d i n g u e à galets de quarz hyalin
Soc.

GÉOL. —

T O M . 3. — Mém.



1.


3


blanc, q u e je regarde c o m m e u n des plus anciens terrains de la Crimée. Dans
les deux cas, l'allure du système à Nummulites et celle d u terrain crétacé inférieur
sont si différentes q u e de loin on peut les distinguer d'une manière certaine.
Q u a n t à l'étendue q u ' o c c u p e ce système dans l'intérieur de la Crimée, s'il est
vrai qu'il a été affecté par les grands événements q u i o n t redressé la haute chaîne
de ce p a y s , on concevra qu'il d o i t , ainsi q u e les terrains inférieurs, se relever
vers la région m o n t a g n e u s e de la côte et se disposer en bandes allongées qui en
suivent les contours. C'est aussi ce q u e l'observation confirme. Le système à
Nummulites commence aux environs de Théodosie, se poursuit au n o r d jusqu'à
K a r a s s o u b a z a r , S i m p h é r o p o l , Baghtché-Saraï, et se r a p p r o c h e de la côte dans
les environs de Sebastopol.
Fossiles. — Ils diffèrent entièrement des fossiles des deux terrains tertiaires
q u e nous avons décrits; les Nummulites y sont en n o m b r e si prodigieux qu'elles
ont frappé l'attention de tous les habitants du p a y s , de même qu'en Égypte elles
ont été remarquées de tous les v o y a g e u r s , depuis le temps de Strabon qui les
regardait comme des lentilles q u e les ouvriers occupés à construire les Pyramides avaient oublié de manger.
Ces Nummulites appartiennent à plusieurs espèces bien distinctes, qui varient
de grosseur depuis 1 millimètre j u s q u ' à 4 centimètres. P a r m i les grandes on peut
distinguer au moins trois espèces caractérisées par de telles différences dans le
n o m b r e des t o u r s de spire i n t é r i e u r s , q u e dans l'une on en compte 27 ou 3 o , et
q u ' u n e a u t r e n'en offre q u e 2 ou 3. Ces trois espèces sont inconnues dans
le bassin tertiaire de P a r i s , de Londres et de la Belgique.
P a r m i les petites N u m m u l i t e s , on p o u r r a i t aussi reconnaître plusieurs espèces.
(Voir la description etles figures de ces Nummulites dans le travail de M. Deshayes,
pl. V, fig. 15 à 2 1 , pl. VI, fig. 8 à 11 .)Lesautres fossiles q u e j'ai pu recueillir sont :
1° Le Galerites conoideus ( L a m a r c k ) , qui atteint u n e grande d i m e n s i o n , et

q u e M. D u b o i s , dans le grand ouvrage qu'il publie en ce m o m e n t sur la Crimée
et les provinces caucasiennes, a figuré sous le n o m d'Echinolampas,
Agassiz.
M. Élie de Beaumont a r a p p o r t é cette espèce des environs de Vérone. M. H œ ninghaus en possède u n de D a x , q u i offre q u e l q u e s légères différences. On
t r o u v e aussi au Cressenberg, près T r a u e n s t e i n , en Bavière, u n e espèce voisine
réunie par M. Goldfuss a u G. conoideus ( L a m . ) ; mais, d'après des observations
récentes, q u e M. Agassiz a e u la complaisance de m e c o m m u n i q u e r , l'espèce du
Cressenberg est n o u v e l l e , et l'Echinolampas de C r i m é e , identique avec le G. conoideus ( L a m ) , doit retenir le n o m d'Echinolampas
conoideus.
0

2 Des empreintes de Plagiostomes et des Peignes.
3° Un moule qui ressemble assez p o u r la taille au moule du Cerithium
giganteum.
4° Des moules de Pleurotomaires ou de Trochus. Le fossile q u e M. Dubois a
n o m m é Trochus giganteus a b e a u c o u p d'analogie avec certains Pleurotomaires.
5° Un moule d'Ovule.


6° Et enfin une Huître très grosse et très répandue. J'ai fait figurer cette Huître,
et je joins ici la description q u e M. Deshayes a bien voulu m'en d o n n e r , ainsi
q u e celle de l'Ovule (1).
Le peu de temps q u e j'ai pu consacrer à la recherche des fossiles dans un
voyage aussi rapide, ne m'a pas permis de faire ici des récoltes aussi abondantes
H U Î T R E TRÈS L A R G E . Ostrea latissima, Deshayes (planche V I , fig. 1, 2, 3).
O. testa magna crassissimâ, ovato-circulari, inœquivalvi, irregulariler lamellosâ,
valvii
inferiore gibbosâ, convexissimâ, intùs planulatâ,
posticè subauriculatâ;
valvd

superiors
crassd, planulatâ, impressione musculari semilunari, profunda ; umbonibus brevibus, cardine
piano, triangulari, striato, foveolâ profunda exarato; marginibus supernè rugoso-plicatis.
Ostrea latissima. Desh., Desc. des coq.foss. des environs de Paris, torn. I , pag. 336, n° 1
planch. 5 a , 5 3 , fig. 1 .
Burtin, Oryctologie de Bruxelles, pl. 1 1 .
Ostrea gigantea. Brander, Foss. haut., fig. 88.
Ostrea gigantea. Sow., Min. conch. pl. 64.
Ostrea gigantea. Dubois de Montpéreux ; tableau des fossiles de la Crimée, Bull, de la Soc.
géolog. de France, torn. VIII, pag. 385.
Localités. La Crimée, le Bassin de Paris, celui de Londres, les environs de Bruxelles, la
Chapelle-Saint- Laurent.
Si cette espèce, au rapport des voyageurs, est très commune dans les terrains tertiaires inférieurs de la Crimée, elle ne l'est guère moins dans les mêmes terrains de la Belgique ; elle devient plus rare dans les calcaires grossiers inférieurs du bassin de Paris, et elle paraît également
peu répandue dans les argiles de Londres.
Lorsque, dans mon ouvrage sur les coquilles fossiles des environs de Paris, j'ai décrit cette
espèce remarquable, je ne connaissais pas les individus de la Crimée, et n'ayant pas vu alors
l'Ostrea gigantea de Sowerby, ni l'Huître figurée par Burtin, autrement que dans les ouvrages,
je n'osai pas identifier ces coquilles avec celles que j'avais sous les yeux ; depuis, les ayant vues
et ayant pu comparer leurs caractères, il m'est possible aujourd'hui d'établir la synonymie de
l'espèce ; on pourrait actuellement établir une série de variétés qui accuseraient les formes
principales observées.
Var. a. ) Testa crassissimâ, valvâ inferiore gibboso-convexâ. (Crimée.)
Var. b. ) Testa crassiore, valvis planioribus. (Belgique.)
Var. c. ) Testa planiore, extensâ, valvis lumioribus, (Paris, Londres.)
Deux caractères principaux font reconnaître cette espèce : la surface cardinale est aplatie,
triangulaire et courte pour une coquille aussi épaisse ; cette surface, plus plate et plus régulière
que dans la plupart des autres Huîtres, semble avoir été faite avec une scie; elle est sillonnée
transversalement avec assez de régularité, et elle est traversée d'arrière en avant par une
fossette assez profonde, s'élargissant lentement, et dont les bords sont nets et assez aigus. Ceci
est pour la valve inférieure ; la valve supérieure ne diffère que par la moindre profondeur

de la fossette médiane. Dans l'une et dans l'autre on trouve de chaque côté de la charnière et
vers les bords, des rides irrégulières. Le second caractère principal se trouve dans la forme et la
position de l'impression musculaire ; lorsque cette impression n'a point été dégradée, elle est
semi-lunaire, placée transversalement, de manière que si deux lignes perpendiculaires traversaient la coquille dans ses deux diamètres, l'impression appartiendrait à la portion postérieure
et supérieure ; cette impression est très profonde surtout dans les vieux individus. Dans la plupart des individus adultes, les bords de la valve inférieure se relèvent, ce qui semble accroître la

(1)


q u e dans le terrain tertiaire supérieur ; e t , p o u r compléter u n p e u la liste p r é cédente, je ne puis q u e r e m e t t r e sous les yeux des lecteurs le tableau des fossiles
de la C r i m é e , depuis le terrain n é o c o m i e n , ou grès vert inférieur, j u s q u ' a u calcaire n u m m u l i t i q u e inclusivement, q u e M. D u b o i s de M o n t p é r e u x a publié dans
le Bulletin de la Société géologique,
fossiles, entre autres le Belemnites

en faisant observer toutefois q u e plusieurs

mucronatus,

s o n t oubliés dans ce t a b l e a u , et

q u e l ' a u t e u r n'a pas tracé entre la craie à Bélemnites et le calcaire à N u m m u lites u n e séparation aussi n e t t e q u e celle q u e j ' a i c r u y reconnaître.
;avité occupée par l'animal, mais cette cavité reste cependant fort peu épaisse, car ce bord redressé emboîte celui de la valve supérieure.
Cette espèce très remarquable a quelquefois sept à huit pouces de diamètre et plus de six
pouces d'épaisseur.
OVULE TUBERCULEUSE, Ovula tuberculosa,
Duclos.
Cyprœa Deshayesii, Gray, Monog. des Cypres, Zool. journ., t. IV, p. 83, n° 64.
Çyprœa tuberculosa, Sow., add. et corr. à la Monog. des Cypr., Zool. journ., t. IV, p. 2 2 1 ,
pl. sup. 3o.
Ovula tuberculosa, Desh., Desc. des coq. foss. du bassin de Paris, t. II, p. 7 1 7 , pl. 96,

fig. 16, pl. 97,fig.17.
Strombus Bonelli, Dubois de Montpér.,Tableau des fossiles de Crimée, Bullet, de la Socie'te'
géolog. de France, t. VIII, p . 385.
J'avais reconnu pour appartenir à la famille des Cyprées un grand moule de coquille ovoïde
et à spire plate, rapporté de Crimée par M. de Verneuil, et que ce géologue me présenta sous
la dénomination de Strombus Bonelli, de M. Dubois de Montpéreux. En examinant l'empreinte
très nette du bord droit, son écartement du bord gauche vers l'ouverture, et son prolongement
postérieur, je reconnus que la coquille de Crimée appartenait au genre Ovule, et que, comme
espèce, elle était, si ce n'est identique avec celle des environs de Paris, du moins extrêmement
voisine. Depuis cette communication de M. de Verneuil, j'eus occasion de voir et d'examiner
un autre moule d'Ovule recueilli dans les calcaires grossiers de Coucy-le-Château (Aisne), par
M. d'Archiac ; ce moule, plus gros que celui de Crimée, est beaucoup mieux conservé. Non seulement tous deux sont identiques, mais celui de Coucy m'a permis de reconnaître les caractères
spécifiques de l'ouverture de l'Ovula tuberculosa que j'ai décrite et figurée dans la Description
des coquilles fossiles des environs de Paris. C'est ainsi que ce moule intérieur d'Ovule de Crimée
qui semblait d'abord ne pouvoir être déterminé rigoureusement, l'a été cependant, grâce à la
découverte de M. d'Archiac, et sert à démontrer la présence, dans les terrains tertiaires inférieurs de la Crimée, d'une espèce analogue de plus à celles qui se montrent dans la partie inférieure du calcaire grossier parisien.


Marne assez compacte, grise, formant
13 lits de 2 à S pieds d épaisseur.

N»s.

Marne plus bleuâtre ; 12 à 13 lits.

N°4.

Marne-craie blanche, bulliforme, brillante.

N° 6,


Craie-marne blanche, dure, à cassure
anguleuse.

Roche jaunâtre cristalline.
Craie à grottes, roche solide en 8 ou
8 couches très épaisses, jaunâtre ou
blanchâtre.

N°7,

Craie-marne blanche.

N°8,

Grès chlorite, ou vert.

N° 9.

Grès vert, remarquable par une extrême abondance de peignes.

N° 10.

Marne bleuâtre par plaques.

N°11.

Marne blanche ou bleuâtre, schistoïde,
fendillée en mille sens, en fragments
angulaires; point de pétrifications ?


N° 12.

Calcaire jaune ou sable jaune.
Terrain Néocoinien.
Arca globosa, mihi. Melania heddiglo.
Nucula jurassl.
nensis, S o w .
Gervillia ( Modiola ) Pleurotoma elontolenoides, très voigata, Aff.
sine.

OSTREA VESICULASIS.

N°5.

NUMMULITES.

N° 2.

TEREBRATULA CARHTEA.

Calcaire à Nummulites.

OSTREA GIGANTEA.

N° 1.

Ostrea gigantea, Desh.
Terebratula
vitrea.

Spondytus
atperulus.
Cardium porulosum.
Crassatella
latissima?
Trigonia,

calcaire à Nurnmulites.

Turritella
imbricataria.
Mitra terebellum.
Strombus bonelli, Aff.
Cerilhium
giganteum.
Valuta muricina. — dictator.
Trochus giganteus, a.
Am pullaria
crassatina?
Oliva.
Mureœ.

Ostrea gigantea,

Clypeaster Boueii, Aff.
Ananchytes.
Nummulites.

Nummulites.


Ostrea gigantea.
Spondytus striât ut, Goldf.
— duplicatus, G.
Terebratula carnea.
Desh.

Ostrea vesicutaris.
Aviculina, n. gen.
Terebratula
carnea.
Pecten.

FEHTACRINITBS.

.Scyphia Oeynhausii,
— Sachii, Goldf.

Ostrea vesicularis.
Plagiostoma spinosum.
Ostrea flabelliformis,
Nils.
Inoceramus
Cuvierii.
Terebratula carneaVenus.
Pétrifications indéterminables.
Ostrea vesicularis.
Ampullaria

Goldf.


crassatina.

Ostrea vesicularis en petite quantité.
Ostrea vesicularis.
carinala.
Lima canalifera.
Terebratula concinna.
•— pectiniformis.

O STREA VEBULABHV.

CES SUBDIVISIONS ONT ÉTÉ OBSERVÉES A BAGHTSCHÉ-SABAÏ

Tableau des fossiles de la craie en Crimée, depuis le terrain Néocomien jusqu'au

Nautilus.

Ceriopora diadema ? en approche.

Ostrea
ventilabrum.
— diluviana, Lin.
Exogyra decussata, Gold.
— columba, Gold.
Lima à fines stries.
Pecten orbicularis, Nils.
quinque costatus, Sow.
— cicatrisatus, Goldf.
laminosus, Mantel.
Ostrea


ventilabrum.

Exogyra Couloni
(Aquila),
— lateralis, Nils.
— minima.
Ostrea cotubrina, Lam.
— nodosa, Münst.
gregaria,
Goldf.
— exogyra, mihi.
Lima ovatis, Desh.
— elongata, Munst,
Terebratula
flabellata.
— dyphia.
— decipiens, mihi.
— biplicata.
— alata.
— vicinatis.

Ceriopora

Ammonites

asper.

Ammonites hircinus, Schl.
— depressus . Schl., Falcif.

— dubius, Schl., Coron.
•— Brocchii ou Brongniartii.
— giganteus, SOW.
— tatricus, voisin de l'heterophyllus.
—^erarmatus,
var.Arm.
— ndeendens, Plan.
— n. esp. vois, du Cochlearius.
— n. esp. des Macrocephal.
Hamites paralletus, non décrit.
— annulatus.
— intermedins,
Sovr.
— pticatilis, Sow.

dichotoma.

Eschara stigmatoplwra,aff.
G.
Ceriopora micropora, Goldf.
Et plusieurs nouvelles espèces.

Astrœa tubulosa, var.
— caryophylloïdes, Goldf.
— continua, Goldf.
— cristala, Goldf. .
— tubulosa, Goldf.
Ceriopora dichotoma, Goldf.
— striata, Goldf.
— micropora, Goldf.

Scyphia Oeynhausii, Goldf.
— fareata, Goldf,
Manon capitatum, Goldf.
Meandrina.
Turbinotia.
Serpula.
Lithodendron.


CRAIE.
La craie se m o n t r e au j o u r à l'extrémité méridionale des terrains d u g r o u p e
nummulitique dont nous venons de parier ; sa structure massive, terreuse et
molle étant moins p r o p r e à la production des failles, au lieu d'escarpements verticaux, elle forme des croupes arrondies, des talus fortement inclinés sur lesquels
se posent les falaises perpendiculaires des terrains nummulitiques. Toutes les
rampes qui se relèvent vers les montagnes sont donc en général terminées p a r
des escarpements verticaux et par des talus de 15 à 20 degrés ; et là où les talus
rencontrent les escarpements, là aussi est la séparation de la craie et du groupe
nummulitique.
La craie ne se distingue pas moins bien encore d u terrain supérieur par la
nature de ses couches et par la différence de ses fossiles.
Sa structure est plus massive, sa stratification obscure ; elle est d'une blancheur
extrême, homogène sur une grande épaisseur, à grains fins et pulvérulents : elle
présente, en u n mot, une extrême analogie avec la craie blanche du bassin septéntrional de l'Europe. Ce fut m ê m e p o u r nous un sujet d'étonnement, et ce n'est
pas un des phénomènes les moins remarquables de la géologie, q u e d e voir les
caractères minéralogiques du système crétacé se poursuivre avec u n e identité aussi
complète sur d'aussi grandes distances (1).
Les fossiles ne sont pas n o m b r e u x dans les localités q u e n o u s avons visitées
près de Simphéropol : nous trouvâmes le Belemnites mucronatus, u n Pecten i n déterminable et une Exogyre assez mal conservée.
Le système crétacé se termine inférieurementpar un p o u d i n g u e avec Gryphées
que je n'ai vu en place q u e près de la .colonie allemande de Neusatz, entre Karassoubazar et S i m p h é r o p o l , et par des calcaires et des sables jaunes q u i ont la

plus grande analogie avec le calcaire néocomien des environs de Neuchâtel en
Suisse, et q u i , par leurs fossiles, semblent appartenir c o m m e ce dernier aux d e r nières divisions de la série crétacée inférieure.
Le terrain de craie n'occupe q u e peu d'espace en Crimée ; il est resserré entre
le système n u m m u l i t i q u e et le calcaire jurassique qui se relève vers le s u d ; il
forme a u t o u r des montagnes u n e espèce de ceinture.
Maintenant q u e j'ai soumis à la Société les notions malheureusement t r o p i m parfaites q u e j'ai pu recueillir sur la composition minéralogique, les fossiles et la
manière d'être d u terrain de craie et du terrain n u m m u l i t i q u e qui lui est s u périeur, elle c o m p r e n d r a la difficulté qu'il y a p o u r décider si ce dernier doit être
réuni aux terrains tertiaires inférieurs, ou s'il ne se rattache pas encore a u g r o u p e
crétacé dont il formerait la partie la plus supérieure. Si l'on considère les
(1) On sait que la craie blanche avec Belemnites a été observée, en Volhynie, sur les bords
du bassin houiller du Donetz et dans les environs de Rasan ; il paraît qu'elle occupe une grande
partie de la Russie méridionale.


différences minéralogiques du système n u m m u l i t i q u e et de la craie, les différences
dans le relief qu'ils i m p r i m e n t à la surface du sol, leur indépendance réciproque ;
si l'on se souvient q u e le terrain à N u m m u l i t e s , reposant à la fois sur la craie et
sur u n poudingue beaucoup plus a n c i e n , a dû être déposé dans un bassin quelque
peu différent de la mer où la craie s'était déposée ; si l'on s'arrête s u r t o u t à ce
changement b r u s q u e dans les fossiles, à cette disparition complète des Bélemn i t e s , des G r y p h é e s , e t c . , et à l'apparition soudaine de ces myriades de N u m m u lites, on ne peut s'empêcher de reconnaître qu'il y a e u , soit dans le bassin
des m e r s , soit à la surface de la t e r r e , des mouvements qui o n t été la cause
de tous ces c h a n g e m e n t s . Mais ces événements, d o n t les effets sont observables
en Crimée, sont-ils contemporains de la révolution qui a fait disparaître sur
la surface de l'Europe toutes les espèces q u i avaient vécu dans la période
crétacée, ou faut-il les considérer comme s'étant passés p e n d a n t cette même
période? en u n m o t , faut-il tracer la limite des terrains tertiaires à la jonction,
du système n u m m u l i t i q u e et de la craie, ou faut-il c o m p r e n d r e les couches à
Nummulites dans le système crétacé?
P o u r décider cette q u e s t i o n , ce n'est pas sur l'aspect crétacé de certaines
couches du système n u m m u l i t i q u e qu'on p o u r r a i t se f o n d e r , q u a n d d'ailleurs

on p e u t n o t e r tant de différences entre la craie véritable et ce système : ce
n'est d o n c q u e sur l'examen des fossiles qu'on pourrait appuyer u n e opinion
solide ; ainsi il faudrait comparer les fossiles du système à Nummulites avec
ceux des localités d o n t l'âge serait parfaitement c o n n u . Or, les fossiles qui se
r a p p r o c h e n t le plus de ceux de Crimée sont ceux d ' E g y p t e , des environs de
D a x , de Vérone et du Cressenberg, en Bavière. M. E. de B e a u m o n t , q u i a visité
ces deux dernières localités, y a trouvé l'Echinolampas conoideus, la même Huître
q u e M. Deshayes décrit sous le nom d'O. latissima,
le même moule d'Ovule
( O . tuberculeuse), u n moule de grand Cerithium,et
enfin des Nummulites assez
voisines des nôtres. Mais il se t r o u v e précisément q u e le Cressenberg et les environs de Vérone viennent se ranger p a r m i ces formations, qui semblent tenir à
la fois à l'époque crétacée et à l'époque tertiaire, ou du moins q u ' o n hésite encore à classer définitivement, et sur lesquelles l'attention des géologues ne s'est
portée q u e depuis peu de temps.
Deux des fossiles de Crimée se r e t r o u v e n t encore aux enviions de Dax : c'est
la grande Nummulites mille caput, q u i , à ma connaissance, n'existe pas dans
les terrains tertiaires, et l'Echinolampas conoideus (Agass.), ou du moins u n e
espèce bien voisine ; et à Dax comme au C r e s s e n b e r g , comme en C r i m é e , le
terrain qui contient ces fossiles, et q u e des géologues distingués considèrent
comme u n des étages crétacés, est encore l'objet de vives contestations.
Les belles collections q u e M. Lefèvre vient d'apporter d'Égypte ajoutent u n
nouvel intérêt à cette question. Le terrain n u m m u l i t i q u e est très développé dans
ce p a y s , et n o u s avons vu des roches provenant du Caire qui o n t exactement


le m ê m e facies q u e celles de Crimée ; elles n e s o n t , comme ces dernières, q u ' u n e
agrégation de grandes et de petites Nummulites, et contiennent les mêmes espèces
de fossiles, c'est-à-dire YEchinolampas conoideus, des moules du Cerithium giganteum, ou d'une espèce très voisine, tou t-à-fait semblables à ceux d e C r i m é e , et
enfin, Y Ovula
tuberculosa.

M. Lefèvre paraît croire qu'en Égypte ces fossiles appartiennent au système
crétacé ; il a vu les calcaires n u m m u l i t i q u e s passer à la craie à H i p p u r i t e s , sans
pouvoir saisir aucune ligne d e d é m a r c a t i o n , et ces deux formations lui o n t p r é senté des fossiles c o m m u n s ; ainsi certaines espèces a p p a r t e n a n t aux couches
n u m m u l i t i q u e s , telles q u e le Cerithium giganteum,
d o n t on n e trouve q u e des
moules en Égypte comme en C r i m é e , la Neritina perversa,
D e s h . , o u Nerita
conoidea, L a m . , sont mêlées avec les H i p p u r i t e s , tandis q u e certaines Exogyres
et uneBaculite r e m o n t e n t dans les couches à Nummulites. Le système n u m mulitique serait d o n c ainsi lié au système crétacé d u sud de l ' E u r o p e , et en
formerait la partie supérieure.
Les couches nummulitiques d'Égypte et de Crimée sont certainement contemporaines ; mais la grande différence q u i existe e n t r e ces deux p a y s , c'est q u e
la craie blanche à Bélemnites du n o r d de l'Europe existe en Crimée, et m a n q u e
en Égypte. Avant d o n c le dépôt d u calcaire n u m m u l i t i q u e , les mers q u i couvraient ces deux pays formaient deux bassins séparés où vivaient des animaux
d'espèces différentes ; puis ces deux bassins Ont été mis en communication, et
u n e m ê m e mer a couvert toutes ces contrées, y a p p o r t a n t ou y développant des
êtres nouveaux; mais il paraît q u e la cause q u i a produit ce changement dans la
distribution des terres et des eaux, et cette modification dans les êtres, a été moins
sensible en Égypte qu'en Crimée, en sorte q u e le mélange des espèces et la liaison
intime des couches calcaires dans le premier de ces deux pays, n e p e r m e t t e n t pas
d'y distinguer, c o m m e en Crimée, le terrain crétacé d'avec le terrain n u m m u l i tique. Toute ligne de démarcation devenant impossible, le terrain n u m m u l i t i q u e
se placerait alors nécessairement dans l'étage supérieur de la craie.
Quoi qu'il en puisse être ; je crois q u e la Crimée est le seul p o i n t o ù le terrain
caractérisé par les grandes Nummulites repose en superposition directe s u r la
craie blanche à Bélemnites ; et s'il est admis u n j o u r q u e le terrain n u m m u l i tique forme le dernier étage du système crétacé de l'Europe méridionale, la
Crimée nous donnera la clef des r a p p o r t s d'âge et de dépendance qui exist e n t e n t r e les étages supérieurs des deux grands systèmes crétacés de l'Europe.
M. Deshayes range les couches à grandes Nummulites parmi les terrains tertiaires les plus inférieurs. Sans doute les déterminations qu'il a faites de l'Ostrea
latissima et de l'Ovule tuberculeuse q u e j ' a i rapportées de Crimée, et qui sont
en général des espèces p r o p r e s à l'étage inférieur des terrains tertiaires, militent
b e a u c o u p en faveur de cette opinion ; mais il ne faut pas oublier cependant q u e le
terrain nummulitique contient certaines espèces q u i lui sont p r o p r e s , et q u i n ' o n t



pas été retrouvées encore dans les bassins q u e t o u t le m o n d e s'accorde à regarder
c o m m e tertiaires.
Il faut avouer q u e nous sommes loin de connaître aujourd'hui toutes les espèces
q u i caractérisent ce système, et qu'il est peut-être u n peu p r é m a t u r é de vouloir le
classer définitivement, en s'appuyant sur des considérations conchyliologiques
nécessairement encore incomplètes. C'est à cause de cette incertitude où je suis
resté jusqu'à présent q u e j'ai laissé ce lerrain entre la craie et le groupe tertiaire,
sous la simple dénomination de terrain n u m m u l i t i q u e .
Ce terrain paraît occuper en Orient une grande étendue de p a y s , et mieux
c o n n u qu'il ne l'est aujourd'hui, il fournira u n excellent horizon. Il est très développé en Egypte ; M. Texier l'a observé sur les pentes d u T a u r u s ; M. Dubois de
Montpéreux l'a retrouvé en Géorgie et en Arménie jusqu'au pied de l'Ararat.
Le grand ouvrage qu'il publie sur ces contrées nous fournira des renseignements q u e nous attendons avec impatience. S i , comme il y a lieu de le croire,
les terrains d e Dax et du Cressenberg, caractérisés par les grandes N u m m u l i t e s ,
sont contemporains de ceux de l'Egypte, du T a u r u s , de l'Arménie, du Caucase
et de la Crimée, on c o m p r e n d r a l'intérêt qui s'attache à la classification de ce
grand système. Peut-être trouvera-t-'on là u n e formation de transition entre les
terrains secondaires et les terrains tertiaires, formation dont l'absence dans la plupart des contrées étudiées jusqu'à ce j o u r a fait établir la grande distinction des
périodes secondaire et tertiaire; peut-être admettra-t-on quelque j o u r q u e p e n dant l'intervalle q u i paraît chez n o u s avoir séparé ces deux périodes, la m e r déposait ailleurs les calcaires à larges N u m m u l i t e s , et alors se comblerait cette
grande lacune qui n'a d û être q u ' u n accident propre aux localités q u e les géologues ont eu d'abord occasion d'étudier.
TERRAIN OOLITIQUE.
Le terrain oolitique est, après le terrain tertiaire supérieur, celui qui a pris en
Crimée le plus de développement. A partir de la craie, qui ne forme q u ' u n e ceint u r e é t r o i t e , c'est le terrain oolitique qui constitue toute la région montagneuse,
et c'est à ses hautes montagnes q u e la Crimée doit la beauté de son climat, la richesse de sa végétation et la variété de ses sites. Tous les autres systèmes de montagnes de la Russie sont situés aux extrémités les plus éloignées de la partie
e u r o p é e n n e de l'empire; la Crimée seule est voisine d'une grande ville habitée par
une riche aristocratie, à qui elle offre des jouissances qu'on ne peut comprendre
si l'on n'a habité ou du moins traversé les immenses plaines de la Russie. Pallas
raconte le plaisir qu'il éprouva q u a n d , en s a p p r o c h a n t de Simphéropol, il vit les
montagnes s'élever sur l'horizon. La plus grande partie de la Crimée est entièrement plate, et le pays ne s'accidente qu'en avançant vers les rives de la

mer Noire. La partie la plus haute de la chaîne commence à Théodosia et
suit les contours de la côte j u s q u ' à Balaclava, sur u n e longueur de 4o à 45
Soc,

GÉOL. — T O M . 3. — Mém.



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