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Nature Guyanaise V1, Cayenne, Sepanguy 1989

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BULLETIN DE LA SEPANGUY
(Société pour l'Etude, l'Aménagement et la Protection de la Na ture en Guyane)
Somma ire du N°l (Ma rs 1989)

Informations S6panguy
Editorial
La Sépanguy, 25 ans d6jà
G.Baron, D. Kock & H. Stephan
Rappo n d'une mission scientifique sur les Chiroptères en Guyane française

J. Fretey
Reproduction de la Tonue olivâtre
(Lepidochelys olivacea )

en Guyane française pendant la saison 1987

J. Lescure
Des Voyageurs-Naturali stes du Muséum en Guyane
1. Richard, Leschenault de la Tour et Doum crc
(178 1-1 824)

M.T. Prost, M. Lointier & G. Panne tier
L' Envasement des Côtes de Guyane
C. Roussilhon
Les Singes de Guyane 1. G6néralit6s,
le Singe Araign6e et le Singe Hurleu r


Editorial _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ __
La vie de notre Société a de multiples aspects : réunions des


menwres le mercredi après-midi, aménagement de sentiers écologiques, édition d'ouvrages et organisation d'expositions ou de colloques, réalisations audio-visuelles, participation aux congrès
scientifiques internationaux, émissions d' avis auprès des instances administratives, initiation des jeunes aux problèmes de /' Environnement.



Nous désirons à présent éditer un organe périodique.feuil/e
de liaison entre nos membres, moyen d'information du public
guyanais sur natre Environnement el sur l'action de nOire Société
dans ce domaine, source de données pour les scientifiques et enseignants d'autres pays.
Les articles sollicités (parfois depuis trois ans) étaient déjà rédigés quand nous avons
pris en charge la préparation matérielle de ce premierfascicule, qui contient un rapport de mission, une publication scientifique originale , les commentaires accompagnant les affiches d'une
exposition el deux synthèses de vulgarisation de haut niveau. Ces lextes présentent donc une
certaine hétérogénéité, bien qu' ils respectent tous le style de la communication scientifique,
conformément à la tradition de qualité de notre Société.
La diversité des dOmflines abordés daJ1s cette première édition (faune marine terrestre
ou arboricole, sédimentologie du lilloral, histoire) reflète la richesse de notre milieu naturel,
rappelle le rôle de notre Région dans le développement des Sciences de la Nature et témoigne
de la vitalité de la recherche en Guyane. Des auteurs répUlés ont accepté d'apporter leur
contribution à ce N" l, honorant de leur signature le bulletin de notre modeste association départementale. Nous tenons à leur exprimer ici notre gra titude. Qu' ils veuillent bien nous
pardonner les délais de parution de ce premier exemplaire, en chantier depuis de longs mois.
1




Nous regrellons qu'aucun naturaliste amateur de Guyane n'ait pu participer à
/' aventure que conslitue la naissance d'une nouvelle revue. Nous aurions aimé accorder Wle
place ala problèmes concrets et immédiats posés par le rapide développement économique de
la Guyane. Nous espérons que /' entomologie, une discipline privilégiée dans notre Région.fera
son apparition dans nos colonnes dès le prochain numéro.

Le marché de la presse est impitoyable. Nous devons proposer au lecteur UQ produit de
qualité mais attrayant. Les articles sollicités devront accorder plus de place aux synthèses de
vulgariSa/ion el aux illustrations. Des recomnUJndations aux auteurs seront rédigées à cette
fin et un comité de lecture sera constitué. Une rubrique d'actualités, des notes de lecture, une
tribun e libre seront introduites au cours des prochaines livraisons.

Hugues L, RA YMOND


.



La Sépanguy, 2S ans déjà _ _ _ _ __

..

Créée en 1964 sous [e nom de «Société zoologique de la
Guyanefrançaise. par le R.P. Barbotin, Jean-Marie Brugière,
Claude Moulin, Sara h Saccarin, Roger Lam - Cham et de
nombreux autres Guyanais, elle a pris son nom actuel en mai
1971.
La SEPANGUY a participé à diverses campagnes de
protection de [afaune et de [ajlore (Tortues marines dès 1972,
Ibis rouge en 1976,Paimiers,Rapaces, Tortues de Guyane) qui
ont donné lieu cl l' édition de plusieurs affiches.
Notre Société a organisé de nombreuses expositions: Palmiers, Serpents et 1nsectes
(Cayenne, 1985), LesTortues, [es Poissons d'Eau douce, le Lillora[ et les Réserves (Cayenne,
Sinnamary, Saint-Laurent, Mana, 1987), Orchidées, Reptiles et Batraciens (1989).
Elle a réuni son 1" Congrès en 1985 (Le Lillora[ guyanais, Fragilité de l' Environnement), [a SEP ANRIT(Société pour l' Etude, [a Protection et l' Aménagement de la Nature dans

[es Régions inter-tropicales) tenant conjointement son X'- Colloque. Le 11'- Congrès (Les
Ecosystemesforestiers et l'Aménagement du Territoire) aura lieu en 1990.
Notre association a adopté une politique ambitieuse d'édition d'ouvrages scientifiques
ou de vulgarisation de haut niveau (Actes du Congrès de 1985 sur [e Lillora[, Les Orchidées
de Guyane, Petite Flore illustrée de /'lie de Cayenne, Les Tortues de Guyane française,
Serpents de Guyane).



Les représentants de la SEPANGUY sont membres de plusieurs instances administratives (Commission départementale des Sites: siégeant en Commission de Protection de [a
Nature, Commission départementale des Carrières, Commission régionale de la Forêt,
COREPHAE, ---Commission régionale du patrimoin.! historique, architectural et ethnographiquc-, Comité de la Culture: de l' Education et de l' Environnement du Conseil régional)
et participent à l' élaboration des textes concernant [a protection de [a faune ét [a rég[ementation de la chasse en Guyane .
Notre Société elltretient des relations régulières avec STINASU (agence de protection
de la na/ure au Surinam) et cerlains de ses membres ont participé récemment à des réunions
internationales sur [es Tortues morines (Western at[antic Turtle Sympasium Il, Mayagüez,
1987), [es 1bis et les Cracides (Caracas, 1988):
Elle anime une émission radiophonique (Payi payo R.F.O. Guyane) et a coproduit avec
[e Centre National de [a Recherche Scientifique (CNRS) deuxftlms (Le Radeau des Cimes, Le
Camp des Nouragues).

Léon SANITE
3


Rapport d'une Mission scientifique sur les Chiroptères en
Guyane française
& Heinz STEPHAN'"

Georg BARON', Dieter KOCK"



••
•••

Département des Sciences biologiques. Université de Montréal, Canada
Muséum d'Histoire naturelle Senckenberg, Frankfurt, République fédérale d'AlJemagne
Département de Neurobiolog ie comparée, Institut Max-Planck de Recherche sur le Cerveau

..

Le but de cette expédition était l'observation et la capture de plusieurs espèces
de chauves-souris pour des études morphométriques du cerveau en relation avec les
adaptations éco-éthologiques. L'intérêt d'une étude sur les chauves-souris se justifie
par de nombreuses considérations. Les chauves-souris sont les seuls mammifères
volants et après les rongeurs elles constituent l'ordre qui compte le plus grand nombre d'espèces (environ 1000). Leur mode de vie est très varié et elles exploitent des
ressources alimentaires les plus diversifiées. On y trouve des mangeurs d ",nsectes
(fig. 2) ou entomophages (Myotis nigricans), (les carnivores (PhylloslOmus hastatus,
Vampyrum spectrum) qui chassent de petits mammifères tels que des rongeurs voire
d'autres chauves-souris. Parmi les carnivores on trouve même une espèce (Tonatia
bidens) qui se nourrit d'amphibiens, en particulier de petites grenouilles. Une espèce
piscivore (Noctilio leporinus) pêche des petits poissons. D'autres espèces, les vampires (le plus commun est Desmodus rOlOndus) sont sanguinivores.



Fig. 1 : Feu illet nasa l

Fig.2: Chauve·souris insectivore

Finalement il Y a des espèces végétariennes, en particulier des frugivores

comme Artibeus lituratus ou Carollia perspicillata qui mangent des fruits et des
florivores (Glossophaga soricina, Anour,a geoffroyi) qui se nourissent de nectar (nec4




tarivores), de pollen ainsi que d 'autres pièces florales. Ces espèces possèdent souvent
un feuillet nasal (fig. 1). Ce spectre d'adaptations est bien représenté panni les
chauves-souris des forêts tropicales d'Amérique du Sud. La Guyane française, faisant
partie de cet écosystème, offre des possibilités inouïes pour une étude comparative des
chauves-souris. En outre des sites très diversifiés tels que forêts primaires et secondaires, savanes, mangroves, régions marécageuses ou accidentées ainsi que de vastes
étendues d'eau pennettent aux chercheurs d'étudier la grande diversité des adaptations des chauves-souris à leur milieu propre. Finalement, à cause d'une infrastructure
assez développée il est possible de trouver sur place des facilités qui pennenent d'effectuer les travaux essentiels de préparation et de conservation des spécimens
échantillonés.

METHODES



Les travaux de collection et d'observation ont été réalisés du 5 octobre au II
décembre 1985. Nous avons capturé au moins 54 espèces différentes qui ont été
traitées sur le terrain (tab. 1). Les captures ont été effectuées à l'aide de filets japonais.
Ces filets (de 3 m de haut et de 6 ou 9 m de large) ont été montés juste avant le coucher
du soleil pour éviter la capture d'oiseaux diurnes et tous les filets étaient démontés
avant l'aube. En général nous récoltions des spécimens dans 3 à 6 stations par nuit en
utilisant 2 à 3 filets par station. En vue de capturer des chauves-souris dans des strates
de vol différentes des filets ont été installés à des niveaux variés passant du sol à une
hauteur de 10 m. De cene façon jusqu 'à 30 individus ont été capturés par nuit. Durant
le jour nous cherchions également des chauves-souris dans les gîtes diurnes tels que
cavernes, arbres creux, ponts et buses au-dessous des routes, ruines et bâtiments

abandonnés, clochers et combles. Immédiatement après la capture les animaux ont été
pesés individuellement une première fois . Au laboratoire les données suivantes sont
notées : mensurations corporelles en vue d'une identification préliminaire, examen
parasitologique et autres détails morphologiques et biologiques. Sous anésthésie, les
animaux ont été perfusés par voie vasculaire au liquide de Bouin après lavage au sérum
physiologique. Les cerveaux ont été préparés durant les deux heures suivant la
fixation . Cette préparation consiste à extraire l'encéphale de la boîte crânienne.
Toutes les femelles ont été examinées pour leur état de reproduction. Le poids et d'autres mensurations des embryons ont été détenninés. Au moins un spécimen fixé de:.
chaque espèce a été conservé pour vérification taxonomique. Les échantillons de
référence sont déposés au Muséum Senckenberg.

STATIONS DE RECOLTE
-1) Camp Caïman, Montagnes de Kaw : forêt sur collines, région peu habitée,
ruisseaux, cavernes.
5


2) Région de Cayenne : maisons habitées, ruines, savane ouverte, lisière de
forêt, bosquets, criques, ponts.
3) Région de Tonate et de Kourou: combles de maison et d'églises, clochers,
ponts et.buses, savane côtière, bosquets, laies et lisières.
4) Acarouany : ancienne léproserie partiellement habitée, forêts exploitées,
chemins ouverts et boisés au bord de rivières, chemins de forêts, ponts.
5) Région de Saint-Laurent: bâtiments 'abandonnés, bord de la rivière et plan
d'éau, buses, une école, Ile Portal.
RESULTATS PRELIMINAIRES

..



L'analyse du matériel récolté est en bonne voie de réalisation. Elle comprendra
une étude morphométrique d'anatomie comparée du cerveau et de ses composants.
Des résultats préliminaires ont déjà montré l'existence d'une grande différence di: développement du cerveau et de ses partics en relation avec les adaptations écoéthologiques. Ainsi, nous avons trouvé que les vampires sanguinivores ont le cerveau
le plus développé. Les espèces qui chassent des insectes ont par contre des cerveaux
plus petits. Quant aux différentes parties du cerveau il est à noter que le vampire se
distingue par un cervelet relativement plus grand que chez les autres espèces, ce qui
reflète sa grande habileté locomotrice. En outre ils sont 'capables d'exécuter des
mouvements plus variés comparés aux chasseurs d'insectes. Une autre structure très
variée quant à sa taille relative est le bulbe olfactif, centre primaire de l 'olfaction. Les
chauves-souris insectivores ont des bulbes olfactifs très réduits; cela s'explique par le
fait que l'olfaction a peu d' utilité chez les animaux qui chassent les insectes en vol.
Par contre, les espèces frugivores utilisent pour la détection des fruits les odeurs.
Ainsi, leurs bulbes olfactifs figurent parmi les plus développés de toutes les espèces
de chauves-souris.


REMERCIEMENTS
Nous avons pu profiter de la générosité du Directeur des Services vétérinaires de Guyane française
à Cayenne, le Docteur Léon Sanil.e qui a mis gracieusement à notre disposition ses laboratoires. Nous
avons également bénéficié de ses conseils précieux et de son aide logistique. L'aide fournie par le

Président de la Société d 'Erude. de Protection el d' Aménagement de la Nature en Guyane (S EP ANG U Y),
le Révérend Père Barbotin a été aussi très appréciée. Nous profitons de celte occasion pour adresser JU)S
remerciements les plus sincères à tous ceux qui nous ont aidés dans ]a réalisation de ce projet.
6


Tableau 1
Liste des espèces récolt ées
(les numéros correspondent aux statlons d tUs cl-dessus)


FAM ILLE DES EMBALLONURIDES

FAMILLE DES PHYLLOSTOMATIDES
Sous-Famill e des Phyllostomatinés






M icronycteris megalolis
Micronycleris minuta
Micronycleris schmidlorum

Macrophyllum macrophyllum
T onalÎa bidens
T onatia brasiliense
T onalia schulzi
Tonalia sylvicola
Noctilio albivenlris
Phylloslomus elongatus
Phylloslomus haslaJUS
Phy lloderma slenops
Tra chops cirrhosus

Rynchonycteris naso
Saccopteryx leplura

(2)

(4)

(5)

Saccopteryx bi/ineala

(2,4.5)

(l)
(3)

Cormura brevirostris
Peropteryx f1Ulcrotis

(2)
( 1)

(3,4)
(1,4)

Peropteryx trinitatis

(2)

Cyllarops a/eclo

(3)

(4)
( 1)

(4)
(5)
(4)

FAMILLE DES NOCTI LIONIDES
Mimon crenulaJwn

(1,2.3,4)
(2,4)
(l,4)

Sous-Famille des Glossophaginés
Glossophaga soricina

(1,2.3,4)

Lonchophy/Ia lhomasi

(4)
(5)
(1,3)
(1 )

Anoura caudifer
Anoma geoffroyi
Choeroniscus minor

(2,4)

FAMILLE DES MORMOOPIDES

Pteronolus gymnolus

(1,2.3)

Pteronotus personalus

(1,2)

Pteronolus parlU!lIi
(1,2.3)
FAMILLE DES DESMODONTIDES
Desmodus rotondus

(l.2.4)

FAM ILLE OES FURIPTERIDES
Sous-Fam ille des Carolli inés
Carollia perspicillala
RhinophyIJa pwnilio

Furipteru.s horrens

(4)

(1,2.3,4.5) FAMILLE DES THYROPTERIDES
(1,2.4)
(3)
Thyroplera lric%r

Sous-Famille des Sturnirinés


FAMILLE DES VESPERTILIONIDES
Sturnira lilium
Sturnira rildae

(1,2.3,4)
(1,2,5)

Myotis nigricans
Eptesicus brasi/iensis

(2.4)
(2.5)

Sous-Famille des Sténodermlnés
FAMILLE DES MOLOSSIDES
Uroderf1Ul bilobatwn
Vampyrops brachycephalus
Vampyrops helleri
Vampyrodes carracioloi
Chiroderma villoswn
Arlibeus cinereus
Artibeus concolor
Arcibeus jamaicensis
I\rtibeus lituratus

(l .2,5)
(2 .4)
(1,2.4)


Molassops abrasus
Eumops auripendu/us
(3)
Molossus aler
(1.2. 5)
Molossus molossus
(1 .2.3,4,5 ) Molossus trinitalus

(2)
(2)
7

(4)

(4.5)
(3.4)
(2.3.4)
(5)


Reproduction de la Tortue olivâtre (Lepidochelys olivacea ) en
Guyane française pendant la saison 1987
Jacques FRETEY*



Museum national d'Histoire naturelle, 1523 1 Paris Cedex. 05, France

La diminution des pontes de Lepidochelys olivacea (fig. 1) ces trois dernières
années sur les plages surinamiennes de l'embouchure du Maroni a inquiété le

STINASU (Fondation pour la Protection de la Nature au Surinam) et H. Reichart
(Comité de Direction du Symposium sur les Tortues de l'Atlantique occidental),
lesquels nous ont demandé d 'enquêter en Guyane françai se sur la nidification de cette
espèce. Nous avons donc décidé d'intégrer au programme «Kawana» sur Dermochelys coriacea (campagne de Greenpeace et du World Wildlife Fund ou WWF pour la
protection de la tortue luth en Guyane) un projet «Warana» (nom surinam ien de

Lepidochelys olivacea ).

Fig. 1. Tortue oliv5tre femelle en oviposition sur la plage de Malmanoury', juillet 1987 (cl iché J. Fretey) .

8


METHODES






L'implantation de 9 camps surtoutes les plages comprises entre les embouchures du fleuve Maroni etde la rivière Organabo permettait, dans le cadre du programme
Kawana, le comptage de toutes les tortues olivâtres y montant pour pondre. La
découverte, lors d'un survol aérien en 1986, de traces de cette espèce sur une petite
plage en formation à gauche de l'embouchure de la rivière Malmanoury (L. Sanite,
communication personnelle), nous incita à y installer un camp. L'intégration de cette
plage au périmètre de sécurité de la base spatiale de Kourou nous obligea à des
démarches administratives qui retardèrent cette installation et nous limita au seul mois
de juillet pour un travail effectif sur le terrain. Les quelques nids comptés en dehors
des plages des camps entre lracompapy et Aztèque furent assimilés à celles-cf suivant
la proximité de l'une ou de l'autre. Le comptage de chaque camp se fit soit par des

patrouilles de volontaires et salariés amérindiens faisant des observations directes
chaque nuit, soit par un relevé des traces le matin.
L'erreur de comptage sur la plage de Malmanoury peut être considérée comme
nulle, étant données la petitesse et l'étroitesse de ce site, ainsi que le fait de sa
fréquentation exclusive par L. olivacea. Sur les autres plages, la concentration des
tortues luths peut avoir provoqué le recouvrement des traces de tortues olivâtres, donc
celles-ci peuvent avoir échappé à l'observateur lors d'un comptage matinal; à cela
s'ajoute la pratique habituelle à cette dernière espèce de beaucoup se «promener» à
terre, ce qui peut tromper un observateur non averti. Ces erreurs possibles ne sont pas
évaluées ici.
RESULTATS
Les résultats bruts mensuels sont indiqués pour chaque plage dans le tableau 1.
Les sections séparées par des goulets de la longue bande sableuse d'Apoû1ï sont
considérées comme trois plages distinctes (1,2,3). On remarque immédiatement que
les plages d' Apoti1ï 2, Aztèque et lracompapy sont ·régulièrement fréquentées, bien
que les nombres de nids soient relativement faibles.
Les plages situées dans l'estuaire du Maroni (Ya:lima:po-Les Hattes, Bois
Tombé, Awa:la), contrairement aux plages surinamiennes sur l'autre rive du fleuve,
ne voient que très sporadiquement des pontes de L. olivacea ..
Malheureusement, le comptage sur la plage de Malmanoury n'a été fait que du
1" au 23 juillet. Il fait cependant apparai"lre un total de nids bien supérieur à celui des
autres plages, égal à plus du double de celui d' Apotilï 2,la plage la plus fréquentée sur
le reste du littoral. Si l'on reporte à Malmanoury les rapports entre le mois de juillet
9


PONTE DE LA TORTUE OLIVATRE EN GUYANE
Tableau I.
Nombre mensuel de nids de L. o/i vacea
sur les différentes plages de Guyane en 1987.


MOIS

Avril

Mai

0
?
?
0
1
0
?
?
?
?

2
0
0
0
8

Juin

Juillel

Août


Total

0
0
0
6

3



PLAGES


Yalimapo - les Haltes
Bois Tombé
Awa: la
Apo lilï 1 (Palétuv iers)
Apolilï 2 (Camp principal)
Apolilï 3 (Cocos)
Farcz
Aztèque

Iracompapy
Malmanoury
Total

?
2
5

?

1
0
0
6
51
6
1
30
15
?

7
?
59
42
138

0
0
0
?
2
0
?
?
5
?


18

110

3 16

7

64

0
0
12
126
14
91
67
138
452

Mohadin et Reichart (1984) indiquent 2,8 nids par saison et non 1,4 ou 2 nids
comme l'indique Schulz (1975) pour celle espèce. Ce qui nous fait estimer à 208 le
nombre de femelles ayant pondu en Guyane en 1987. Mohadin et Reichart calculent
la «population» nidifiant chaque année au Surinam par la formule suivante:
Nbre total de nids/saison
x Intervalle moyen entre 2 saisons de ponte
Nbre moyen de nids d'une femelle/saison

et les mois voisins, pour des plages où le comptage a été fait plus longtemps, on obtient
un total de nids compris entre 203 et 271. Cela entraîne un maximum possible pour

l'ensemble des plages guyanaises de 582 nids.

DISCUSSION
La tortue olivâtre fut confondue au Surinam avec Carella carella jusqu'en 1965
(Schulz, 1975). C'est Brongersma (1968) qui, ayant obtenu des nouveaux-nés des
environs de Galibi, confirma que L. olivacea pondait au Surinam. Pritchard (1969),
10






après les premières études de Schulz ( 1964, 1967), donne des détails sur la ponte de
l'espèce au Surinam, mais aussi en Guyana ct en Guyane française. Les premières
estimations sérieuses du nombre de nids effectuées sur les plages surinamiennes
datent de 1967 (fïg. 2); elles seront poursuivies chaque année régulièrement par les
équipes du STINASU.
Les vieux amérindiens Tilewuyu affïnnent qu'ils observaient dans leur
adolescence (c'est à dire entre 1935 et 1940) de véritables arribadas de dizaines de
milliers de kula :lasi sur les plages surinamiennes de l'embouchure du Maroni.

3500

3000

2500

2000
NIDS

1500

1000

500

o
1 2

3 4 5

6

7

8

9 10 Il 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21

ANNEES (1967 - 1967)

I-lgure 2. Nombre de nids comptés chaque année au Surinam, de 1967 à 1987, par le ST INASU
(d'après Sch ulz, 1975 i Mohadln el Reic:hart, 1984 j ~ohadin. communication onde).

En 1967 ct 1968, le nombre total de nids sur l'ensemble des plages avoisinait
3000. Il fut encore supérieur à 1500 jusqu'en 1971, puis déclina avec des nuctuations
Cl n 'alleignit plus jamais celle valeur jusqu 'en 1986 (fig. 2). Schulz (1975, 1982, 1984)
11



s 'inquiộta de ce dộclin qu'il attribua essentiellement aux captures accidentelles par les
crevettiers, tout en supposant l'intervention complộmentaire d'autres facteurs; cet
auteur espộra que cette chute dramatique fỷt compensộe par une augmentation de
l'espốce en Guyane franỗaise.
Fretey (1975, 1976,1977) cite Lepidochelys olivacea olivacea parmi les
Chộloniens prộsents en Guyane. Dix femelles sont observộes en juin 1972 sur une
plage nommộe Fộlix correspondant approximativement aujourd ' hui Aztốque, ainsi
que des nouveaux-nộs en septembre 1971 dans la mờme rộgion. Fretey et Lescure
(1979) indiquent sur 3 ans pour 7 plages un nombre rộd uit de nids : 20 d'avril juin
1977,102 de juin aoOI 1978,93 de mars aoỷt 1979. Les annộes suivantes, la prioritộ
fut donnộe Oermochelys coriacea et peu d 'observations de tortues olivõtres ont ộtộ
consignộes. A la mi-juillet 1981, 3 femelles ont ộtộ vues sur Apotilù 2 et un nid a ộtộ
notộ l'annộe suivante le 30 juin; les 23 et 25 juin 1984 , deux !-epidochelys ont ộtộ
comptộes sur la-plage d'Organabo. Il est noter que de 1980 1985, l'espốce a ộtộ
rarement observộe sur les plages de Yalimapo Awala.
Le tableau II rộsume, pour la saison 1986, les nombres de nids du 1ermai au 31
aoỷt sur les plages de Ya:lima:po Awa:la et sur Apoti1ù 2 et 3. En comparant les
donnộes de 1986 et 1987 on remarque que la premiốre annộe les pontes ộtaient
rộguliốrement rộparties pour juin et juillet sur Apotilù 2 et Apot'l1ù 3; en 1987, la
nidification sur Apoti1ù3 est devenue rare, sans doute du faitde la disparition dela zone
favorable de la cocoteraie par J'action de l'ộrosion.




Lors de la saison 1987, leSTINASU a comptộ 1651 nids suries plagesdeGalibi ,
Baboensanti, Eilanti, Matapica, Krofajapasi, Kathreek et Dianastrand (K. Mohadin,
communication personnelle). Aprốs la chute brutale de 1986 un niveau peine
supộrieur 500 nids, cette remontộe plus de 1500 nids lai sse perplexe. C'est un peu
plus de 2200 nids qui ont ộtộ vraisemblablement creusộs dans la rộgion guyano- surinamienne, ce qui ne peut s'expliquer par aucune diminution de la flotte crevettiốre

responsable des captures accidentelles.
Tableau n.
Nombre mensuel de nids pendant la saison 1986 sur trois plages guyanalses

MOIS

Mai

Juin



Juillel

AOl

Total

3

PLAGES
Ya: lima:po. Bois Tombộ. Awa:la
Apori1ù 2 (Camp principal)
Apoỷ11' 3 (Cocos)

o
o

8


3

26

29

17
56

25

24

50

TOlal

3

59

56

3

12

5

123





Au Brésil, l'espèce pond régulièrement sur la plage de Santa Isabel ( état de
Sergipe) et sporadiquement sur quelques plages de l'état de Bahia (E. Freita Lopes,
corrimunication personnelle). Nous ignorons actuellement si L. olivacea nidifie ou
non en des points de l'immense littoral non prospecté entre l'état de Sergipe et la
frontière Amapa-Guyane française. Schulz (I975) signale la recapture en mer de femelles marquées à Eilanti en différentes stations du Brésil (Cabo Orange, Cabo
Cassiporé, Icarai, Rio Grande do Norte).
Afin d 'essayer de mieux évaluer le statut réel de L . olivacea dans le Nord-Est
et l'Est de l'Amérique du Sud, une coopération de travail est nécessaire entre les trois
pays concernés: Surinam, Guyane française, Brésil.

REMERCIEMENTS
Je remercie pour leur aide L. Sanite (Directeur des Services vétérinaires de Guyane), K. Mohadin
(Directeur du STINASU). H. Reichart (W.W.F.. lndonésie), le Centre spatial guyanais et tous les
volontaires Greenpeace el W.W.F. de la campagne KAWANA-WARANA 1987.

REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES

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13


Des Voyageurs-Naturalistes du Muséum en Guyane
1. Richard, Leschenault de la Tour et Doumerc (1781-1824)
Jean LESCURE"



Laboratoire de Zoologie (Reptile et Amphibiens), Muséum national d'Histoire nalurelle
57 rue Cuvier, 75005 PARIS




L 'histoire de l'exploration de la nature en Guyane françai se est très liée à celle
du Muséum de Paris. La plupart des Botanistes du Roi, qui furent nommés directeurs
du Jardin botanique de Cayenne, avaient été élèves des Jussieu ou des jardiniers des

Thouin. Des médecins et des pharmaciens de l'admini stration, tour à tour royale,
républicaine ou impériale, furent d'ardents botanistes, zoologistes, géologues ou
ethnologues et envoyèrent au Muséum maints échantillons des trois règnes de la
nature.
Des explorateurs parcoururent la Guyane à différentes époques: ils pénètrèrent
dans ses immenses marécages, remontèrent ses fleuves, où la navigation est toujours
aussi périlleuse, s'enfoncèrent dans sa forêtetcommencèrent à en inventorier la faune
et la flore. C'étaient les voyageurs-naturalistes du Muséum, qui avaient souvent reçu
avant leur dépan des conseils et des instructions précises des Jussieu, Cuvier,
Humboldt. .. ou de leurs successeurs. Nous nous bornerons ici à retracer les périples
en Guyane des plus célèbres d'entre eux et d'esquisser leur biographie.

LOUIS CLAUDE MARIE RICHARD
Louis Claude Marie Richard est né le 4 septembre 1754 à Auteuil, qui n'était
encore qu'un faubourg de Paris. Son père dirigeait le jardin du Roi à Auteuil, une sone
de succursale de celui du Trianon. En réalité, sa famille était vouée depuis plus d'un
siècle à l'histoire naturelle, son arrière-grand-père avait été chargé du soin de la
ménagerie de Versailles sous Louis XIV et son grand-père, Antoine Richard, directeur
du jardin botanique duTrianon à l'époque de Louis XV, correspondit aveC Linné,
Haller, Jacquin, etc ...
Le jeune Richard grandit donc au sein de la botanique. Il paraît qu'à douze ans
il savait les Géorgiques par coeur et que la finesse et la pureté de ses dessins avaient
quelque chose d 'étonnant. L 'archévêque de Paris, M. de Beaumont, qui visitait
quelquefois le jardin d'Auteuil, remarqua l'intelligence de l'enfant et promit de le
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soutenir s'il entrait dans l'état écclésiastique. «C'était - dit Cuvier - lui ouvrir la seule
carrière où le talent sans naissance et sans fortune pût alors se promettre d'arriver
aux honneurs et à l'aisance». Son père, qui n'était pas riche et qui avait encore neuf
autres enfants à élever, accueillit avec ardeur de pareilles espérances .: mais son fils en
avait décidé autrement.
Sans hésiter il déclara qu'il serait botaniste, jardinier s' il le fallait, rien de plus.
Le mécontentement de son père fut tel qu ' il le mit à la porte. Le jeune Richard n'avait
pas tout à fait quatorze ans, il se rendit à Paris dans le Quartier latin et y loua un coin
de grenier. Pour s'instruire, il suivit les cours du Jardin du Roi et du Collège de France
et pour vivre, il copia des plans de jardin pour un architecte. Petit à petit, il dirigea luimême l'éxécution des plans qu'il avait tracés et, d'après Cuvier (1825), accumula plus
. de 80000 livres d'économies. Il continuait cependant à mener une vie d'anachorète
et à se passioner pour la botanique. Un tel élève ne pouvait échapper à la perspicacité
de Bernard de Jussieu, qui l'admit dans son intimité et dirigea ses premières
recherches.
Cependant, l'occasion se présenta au jeune botaniste de réaliser un projet qu'il
nourrissait depuis longtemps. MM . Necker et de Castries désiraient envoyer dans les
Terres d'Amérique, un homme capable d 'y propager les productions des Indes que
Poivre et Sonnerat avaient eu tant de difficultés à se procurer ct, réciproquement, de
faire connaître les plantes américaines dont on pourrait tirer pani. L'Académie
consultée proposa Louis Richard et le roi Louis XVI, qui l'avait vu tout enfant et qui
connaissait presque tous les membres de sa famille " approuva avec plaisir sa
nomination. Il convoqua le futur voyageur dans son cabinct, et lui montra sur une carte
de Guyane, les cantons dont l'examen lui paraissait offrir le plus d'intérêt et les rivières
dont il désirait que l'on fixât mieux les cours.
Plein d'enthousiasme, et malheureusement d'ingénuité, confiant dans les
promesses du ministère, Richard avança surson capital l'argent de son voyage et panit
en 1781 pour Cayenne sans avoir pris certaines précautions élémentaires vis-à-vis des
administrations qui patronnaient son expédition. Les déboires allaient commencer.
Richard avait été nommé par le Roi, Directeur du Jardin botanique de Cayenne. Ce

jardin existe toujours mais a perdu beaucoup de son éclat et de ses dimensions
originelles. Il, se fit conduire à celui-ci dès son arrivée mais ne put obtenir d 'y entrer,
le Gouverneur de Guyane, M. de Bessner ayant rempli de légumes à son usage le jardin
royal destiné à acclimater et à cultiver les épices. La mission expresse de Richard était
de propager en Guyane et aux Antilles le giroflier (Eugenia aromatica), qui avait été
introduit à Cayenne en 1771. Quelle ne fut pas sa surprise de constater qu'une
ordonnance absurde avait obligé les propriétaires à transporter tous les girofliers dans
un endroit éloigné, sans doute l'habitation Gabrielle, où · sous le nom du Roi, le
Gouvèmeur prétendait avoir le seul monQPQle, et bien sûr il ne put s'y rendre.
15


Richard soigna et répandit cependant quelques arbres fruitiers en Guyane: le
litchi (Nephelium litchi ), qui n'y est plus planté actuellement, un palmier du nom de
sagoutier (Sagus palmapinus), le jambosier ou pomme-rose (Syzygiumjambos), que
l'on voit encore dans les jardins et le manguier (Mangifera indica ), si apprécié
aujourd 'hui par tous les Guyanais.
En 1785, Richard eut l'occasion de faire un voyage à Bélem, au Brésil, et en
rapporta des échantillons zoologiques et des plantes comme le talin ou pourprier du
Para (Talinum oleaceum), une herbe charnue qui est toujours consommée en Guyane
sous forme de salade ou de tisane à vertu digestive. Je pense que Richard a acquis lors
de ce voyage plusieurs tortues d'Amazonie, qui font partie maintenant des collections
du Muséum .



De février 1786 à novembre 1787, Richard se rendit aux Antilles. Alors qu'une
de ses missions était d'introduire le giroflier à la Martinique, il eut les pires difficultés
et fut contraint de frauder pour la réali ser. Après la Martinique, il vi~ita la Guadeloupe,
Antigua, Barbuda, Anguilla, Sainte-Croix, les Iles Vierges, Saint- Thomas, PortoRico, la Jamaïque et Saint-Domingue où l'avait appelé le Comte de la Luzerne. Il

réussit à se procurer à Sainte-Croix, l'Eugenia expetita, une sorte de cerise créole.
Un autre gouverneur s'installa à Cayenne, M. de Villebois, qui abrogea les
restrictions émises par son prédécesseur. Riehard put se donner à fond à l'hi stoire
naturelle. Escorté d'une vingtaine d'indiens galibi s, il fit de longues expéditions en
forêt dont malheureusement on ne connaît pas les itinéraires. Il avai t, paraît-il, un
herbier remarquable, illustré de nombreux dessins faits sur nature. Il recueillit des
peaux et des squelettes d'animaux et en dessina l'anatomie. Il s'intéressa beaucoup
aux mollusques et les dessina vivants. Avec son précieux matériel, il revint en France
après une absence de huit années et débarqua au Havre, au printemps de 1789. Les
temps avaient changé, personne ne se souvenait plus qu'on lui avait fait des promesses. Ruiné, aigri, Richard se replia su r lui-même ct développa une misanthropie qui
ne fit que rendre le reste de sa vie plus pénible.
Il se confina dans sa retraite, ne communiquant les objets qu'il avait rassemblés
qu'à peu de personnes et de préférence à des étrangers. Ainsi Daudin ne parvint pas
à étudier sa belle collection de tortues alors que Schweigger, étudiant bavarois à Paris
de 1806 à 1809, l'examina soigneusement.
En établissant l'Ecole de Médecine, en 1795, Fourcroy y avait fait nommer
Richard, professeur de botanique. Malheureusement, le tempérament de l'ancien
botaniste de la Guyane ne s'améliora pas pour autant. Il accueillit malles critiques
constructives émises à l'encontre de quelques uns de ses écrits, et sa santé s'en' trouva
davantage altérée. Il mourut le 7 juin 1821 . Une partie seulemcnt de ses collections fut
. acquise par le Muséum après sa mort.
16



.


LESCHENAULT DE LA TOUR ET DOUMERC


Jean-Baptiste Louis Théodore Leschenault (fig. 1Jnaquit le 13 novembre 1773
à Châlons-sur-Saône dans une famille qui comptait des chirurgiens et des médecins
depuis trois générations (1). On sait peu de choses sur sa jeunesse excepté qu 'il monta
à Paris après la mort de ses parents, y étudia l'histoire naturelle, goUta des prisons de
la Révolution en famille et en sortit en septembre 1794, grâce à la chute de
Robespierre.

Figure 1. Leschenault de la Tour

Après sa libération, il obtint une place dans l'administration des transports
militaires, et se maria. On dit que pour se soustraire aux orages du foyer domestique,
il traversa les mers, brava leurs tempêtes et se fit voyageur-naturaliste. Les origines
des grandes vocations sont parfois obscures et inattendues.
Leschenau1t participa comme botaniste à l'expédition aux Terres Australes du
Capitaine Baudin, qui partit du Havre le 19 octobre 1800. Il fut un des rares survivants
de ce voyage long et pénible mais avait été contraint de débarquer à Timor pendant
le retour, en 1803, à cause de son état de santé. De cette île de la Sonde il passa dans
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celle de Java, qu'il explora jusqu'en 1806.11 rentra en France en juillet 1807 avec un
très beau matériel d'histoire naturelle.
En mai 1816, il s'embarqua sur la Licorne pour les Indes avec les titres de
Naturaliste du Roi et de Correspondant du Muséum et la charge de Directeurdu Jardin
royal de Pondichéry. Il explora de nombreuses contrées des Indes, alla à Ceylan, rassembla de magnifiques collections et revint à Paris au mois de juin 1822.
En 1823, Leschenault de la Tour fut chargé par le Ministère de la Marine de
visiter les Guyanes et les Antilles pour y perfectionner l'agriculture. Mais en se
concertant avec les professeurs du Muséum, et en particulier Cuvier, il élargit le
champ de sa mission afin qu'elle servit en même temps à l'av.ancement des sciences
naturelles. If fut décidé qu'Adolphe Doumerc, dont il connaissait bien la famille,l'accompagnerait.





Adolphe Jacques Louis Doumerc était né à Hambourg le 17 mai 1802. Son père,
originaire de Montauban avait été munitionnaire général des Armées et son grandpère, député du Lot au Conseil des Cinq Cents. Il étudia l'entomologie et la botanique, tout en suivant les cours de la Faculté de Droit de Paris.
Les deux naturalistes quittèrent Paris le 5 mai 1823 pour Brest et en partirent le
Il juin sur la corvette Le Rhône. Ils passèrent d'abord par le Brésil , furent à Rio de
Janeiro le 29 juillet, voguèrent le 29 août vers Bahia où ils n'arrrivèrent que le 28
septembre après une traversée longue et pénible, ils y restèrent huit jours et le 5
novem bre débarquèrent à Cayenne, qui avait failli servir de lieu de déportation au
grand-père de Doumerc et quelques années. plus tôt à Latreille. Ils apportaient en
Guyane l'arbre à thé, sur la culture duquel Doumerc avai t fait un mémoire. L'essai
d'acclimatation fut entrepris au Jardin botanique de Cayenne.
Leschenault et Doumerc se rendirent à la Nouvelle-Angoulême, située un peu
en aval du hameau actuel de Saut-Sabbat, sur les bords du fleuve, la Mana . On y avait
fondé une colonie, au mois de mars de la même année, avec un groupe de 160
immigrants de France, composé de militaires, cordonniers, jardiniers, chaf1lentiers,
couvreurs, voiliers, leurs femmes et leurs enfanlS (2).
Les deux voyageurs explorèrent la région de la Basse-Mana, séjournèrent sans
doute au peti t poste inférieur établi à l'emplacement du bourg moderne de Mana,
visitèrent les tribus indiennes Galibis et Arrowalis (3). Ils envoyèrent au Muséum une
prcmière collcction, dont notamment le squelette d'un grand tamanoi r (Myrmecophaga jubala) ct celui d'un spizaète noir (Spizae tus tyrannus) demandés expressément
par Cuvicr.
18




A la mi-décembre, Leschenault alla au Surinam sans pouvoir emm ener Doumerc par rai son d'économie et y resta troi s mois. En avril 1824, les deux naturalistes

étaient à Cayenne et expédièrent treize caisses d'échantiUons scientifiques pour le
Muséum . Ils circulèrent encore autour de Cayenne, remontèrent la rivière Oyac, un
affluent du Mahury.
La santé de Leschenaull s' altérant fortement, ils abandonnèrent leur projet de
voyage dans les Antilles, s'embarquèrent sur la gabare de la Marine royale ~ La
Bayonnai se, pour regagner la France et atteignirent le port de Lorient le 15 novembre
1824. L'état de Leschenault parut s'améliorer, mais usé sans doute par ses longs
voyages, il mourut le 14 mars 1826 à l'âge de 52 ans.
Doumerc devint médecin en 1830 et s'occupa de plus en plus d 'entomologie.
Il participa à la fondation de la Société entomologique de France et en devint
l'archiviste en 1838. Il mourut le 25 septembre 1868.
Leschenault de la Tour et Doumerc rapportèrent un matériel considérable de
Guyane et du Surinam. Nombreuses furent les espèces découvertes ou mieux connues
à partir des échantillons qu'ils avaient récoltés. Duméril et Bibron (1841) décrivirent
en leur honneur une Hyla doumercii et un Bula leschenaulti.
(A suivre .. .)

NOTES

1. Jeandet (1883), le biographe de Lcschcnaul l cl membre de sa famille, n' a pu découvrir l'origine
de la qualification «de la Tour» que porta son parenl et sous laquell e il était généralement connu. Les noms
de Leschenault de la Tour sonl mentionnés dans le plus ancien titre que Jeandcla retrouvé sur le naturaliste
(26 septembre 1804. Manuscrits du Muséum de Par is).
2. La Nouvelle-Angoulême fut vite abandonnée, les colons sc fixèrent au poste inférieur mais
sombrèrent dans la plus profonde misère. En 1828 , la Mère Javouhey. supérieure des sœurs de SaintJoseph de Cluny. y implanta un nouvel établissement. qui prit en charge les noirs en instance de libération.

Elle est considérée par les Guyanais comme la véritable fondatrice du bourg de Mana. Il ex iste toujours
un lieu-di t «Angoulême» un peu en aval de Saut -Sabbat, nous supposons que c'est l' endroit où se fixa la
première colonie.
3. Arrowali est peut-être une orthographe incorrecte du nom Arawak. Hurault (1972) signale

que des indiens de celle tribu étaient installés dans l'estuaire du Maroru vers 1850.

19


REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES

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A. JANDET. 1884. Notice sur la vie elles [J'3Vaux de LeschenauJt de la Tour. Bu/l. SOC. Sei. nal.

Saône el Loire, 4-36.
A. LACROIX, 1938. Louis Claude Richard in : Figures de Savants. Gauthier-Villars, Paris, 3 :
91 -96

(Les ouvrages généraux seront cités dans le dernier article de la série)

20

..


1

Pointe Mahury (Mars 87) - Langue de sable

Dépôt de vase




Traces de Tonue olivâtre - Sinnamary

t

f

M:m;l - Savane Sarcelle 19Rti


TAMARIN - mains dorés

t

f

CAPUCIN BLANC - Macaque mon père


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