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Nature Guyanaise V2, Cayenne,Sepanguy 1989

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-184 K



BULLETIN DE LA SEPANGUY
Société pour l'Etude, l'Aménagement et la Protection de la Nature en Guyane

1



Sommaire du N° 2 (Juin 1989)



Editorial

5

La protection en Guyane, Nécessité ou Fantaisie?

7

P. Planquelle
L'Atipa

8 à 13

J. Lescure


Des Voyageurs-Naturalistes du Muséum en Guyane
II. Lacordaire, Le Plieur et de Bauve
Le Prix d'Encouragement de la Société de Géographie
(1830-1839)

L. Sanite
La Savane de Kaw : une Zone humide
de Valeur internationale

14 à 21

22 à 28 - 33

H.L. Raymond
Les Mouches-Lézards: des Amies des Animaux
familières et méconnues

34 à42

G. Le Gratict
Les Tortues palustres de la Région
de St Laurent du Maroni

43 à5!

RUBRIQUES
Vie de la Société
Actualités
Notes de Lecture
Recommandations aux Auteurs

Informations Sépanguy

52 à 53

54
55 à 56

57 à58

Couverture: héron pêch:mt sur la rivière de Kaw (photo L. Sanilc)

3







Editorial _ _ _ _ _ _ _ _ _ __
Nous sommes heureux de vous présenter le N"2 de «Nature
guyanaise» à l'occasion de la «Journée internationale de l'En vironnement» (5 juin 1989), trois mois après le N°l, grâce à la
diligence de nos auteurs. Dans ce fascicule , un naturaliste amateur de Saint-Laurent du Maroni nous apporte une contribution
originale sur [es tortues el [es insectes entrent en scène. Nous
avons constitué un Comité de Rédaction, rédigé des Recommandations auxAuteurs, créé de nouvelles rubriques (Notes de Lecture,
Actualités) et nous incitons nos lecteurs à nous écrire s'ils désirent
alimenter une rubrique «Courrier».
Nous nous engageons résolument pour la défense de notre Na/ure guyanaise en publiant
le projet de Parc naturel régional pour KalV, rédigé par le Comité de la Culture, de l'Education
et de l'Environnement du Conseil Régional et la Sépanguy.

Le projet de KalV n'est qu' unefacelle de ce que devrait être la protection de la Nature
en Guyane. Nous espérons que celle prise de position courageuse et raisonnable entraînera
l'adhésion des hésitants et l'émergence d'autres créations afin que la Guyane adopte une
véritable politique de l'Environnement, à /'instar des autres pays de la Communauté
européenne et de l'Amérique latine.
Notre confrère «Panda» , du WWF France, vient de consacrer un numéro à la Guyane.
Ce fascicule constitue un des panoramas les plus complets et les mieuxfaits sur la Nature
guyanaise. L'éditorial, signé par le Secrétaire général de notre Société, le Dr. Léon Sanite,
aborde avec fermeté et sérénité la question de la protection de l'Environnement dans notre
Région.
D'autres confrères auraient dû faire preuve de la même sérénité en abordant d'une
région aussi complexe que la nôtre. Un revue d'audience nationale a publié un article donnant
de la Guyane une image très péjorative. Six mois après, la rédaction n'a pas répondu à nos
remarques. Le respect du lecteur (qui verse environ 600 FF par an d'abonnement et de
cotisation pour soutenir l'association éditrice de celle publication) ne semble pasfaire panie
de la déontologie de ce confrère.
A celle occasion nousformons deux vœux: que «Nature guyanaise» ,source d'informations objectives, d'avis raisonnés et de libres opinions sur les questions d'Environnement
concernant la Guyane, respecte toujours ses lecteurs et qu'elle contribue à améliorer la
connaissance et l'image de la Guyane à l'extérieur.

Hugues L. RAYMOND
5










La Protection en Guyane,
Nécessité ou Fantaisie?
La Guyane a été longtemps considérée par un
grand nombre comme étant à l'abri des problèmes liés
à /'impact de l' homme sur son milieu, sa faune et sa
flore, en raison de son immensité relative, de sa faible
population, de l'absence de développement, d'une sagesse traditionnelle.



Les choses ont bien changé, si certains se défendent encore de prendre
l'environnement au sérieux, si d'aU/resfont de l'environnement comme onfaisait de
la prose, quelques uns s'investissent et prennent part au débat , de plus en plus
nécessaire.

La Guyane connaît depuis dix ans une accélération économique brutale,
phénomène accentué avec l'arrivée de l'Europe.
L'incidence politico-économique est justement mesurée maisfacteurs humains
et écologiques ne sont pas suffisemment pris en compte.
Il est maintenant urgent d'agir (la Guyane bouge, dit-on) pour un développement harmonieux de notre Région, en équilibre avec son milieu naturel.
Le 5 Juin étant «fournée internationale», et les 4 et 5 Juin ayant été déclarées
«Journées nationales de l'Environnement», profitons de cette période pour analyser
notre situation et faire des propositions pour l'avenir.
Manifestons:
- pour notre cadre de vie, contre les depôts sauvages
d'ordures ménagères, de boîtes et bouteilles de boissons et de cadavres dans nos rues.
- pour la conservation de notre faune et de notre flore,
contre une cueillette incontrôlée
- pour la sauvegarde du milieu contre les pollutions

Favorisons l'accès à tous de nos différents biotopes.
Eduquons notre jeunesse et veillons à lui laisser un patrimoine de qualité.

Léon SANITE
7


Données sur la Biologie générale et
la Reproduction des Atipas (Hoplostemum spp.) 1
Paul PLANQUETTE *
• Laboratoire d'Hydrobiologic, L'\TRA. BP 709, 97387 KOUROU Cedex

L'INRA a entrepris en 1978 un programme de mise en évidence des espèces
piscicoles des eaux continentales guyanaises utilisables en aquaculture. Dans cc
cadre, l'unité d 'hydrobiologie conduit en milieu naturel et en captivité des études sur
la biologie de plusieurs espèces (Boujard, Le Bail, Planquette, 1988).
Les Atipas font l'objet d'une recherche accentuée. Ils occupent en effet une
place économique paniculière dans l'ensemble des Guyanes et de Trinidad. Base de
prépamtions culinaires traditionnelles, ils sont très appréciés. La demande des consommateurs a provoqué une exploitation intensive des biotopes accessibles. Une
ccnaine raréfaction a amené une augmentation du prix de vente qui incite à leur
élevage.
Les acquis biologiques exposés ci-dessous constituent les premières bases de
cette pisciculture.



1. TERMINOLOGIE ET SYSTEMATIQUE
Le nom créole d' Atipa recouvre trois espèces de poissons:
- l'Atipa tête plate (fig. 1) décrit sous le nom scientifique de Callichthys
callichtys par Linné en 1754

-l'Atipa rouge (fig. 2), Hoplosternum thoracatum (Valenciennes, 1840)
-l'Atipa bosco (fig. 3), Hoplosternum littorale (Hancock, 1828)



Fig. 1 · AUpa tête pl:l (c (CalJjcltthys caUichtys )
(1) Dessins Pierre RoussiLI. SEPANGUY. Photos Paul Planquette.

8





Fig. 2· Atipa rouge (lloplosternum Ihoracatum)

--

Hg.3 · Atipa bosco (IloplosternunJ IiUorale)

On désigne ces poissons sous le nom d' Atpa en wayana, de Kareu en palikur,
de Kaliwalu en galibi et de Katina -kwil.:wi en boni. Ils sont appelés Cascadura à
Trinidad, Kwi-Kwi au Surinam et Tamuata au Brésil.



Ces poissons appartiennent à l'ordre des Siluriformes, qui compte au total une
centaine d'espèces en Guyane, dont près de la moitié ont la peau nue et les autres
portent des plaques osseuses. Ceux-ci se répartissent en trois fami lles:
-les Dorad ides, comme les Poissons-Agoutis, avec une seule rangée médiane

de plaques sur chaque flanc, laissant à nu une partie du corps
- les CaIlichthyides dont font partie les Atipas, avec deux rangées de plaques sur
chaque flanc
-les Loricarides aux côtés du corps garnis de nombreuses rangées d'ossifications qui regroupent les Gorets, dont une forme est nommée quelquefois Atipa-Mer
(non traité ici).
9


De telles carapaces aniculées rappellent celles d'autres poissons, les Ostracodermes, qui vivaient au Dévonien, il y a environ 350 millions d'années. Les Atipas ne
doivent toutefois pas être considérés comme des représentants attardés de ce groupe.
Ce ne sont pas des «fossiles vivants» comme on le prétend souvent. Leur apparition
ne date que du teniaire récent, époque qui a vu aussi la différentiation de yenébrés
évolués tels les singes.
Les Atipas appartiennent donc à deux genres seienti lïques, Callichthys et
Hoplosternum , distinguables grâce, entre autre, à deux earactères. Chez Callichthys
, il existe sur le sommet du crâne une petite dépression, la fontanelle, qui est ronde,
sensiblement du diamètre de l'oei l, tandis qu'elle est allongée, en forme de losange,
mesurant deux à trois fois le diamètre de l'oeil pour Hoplosternum .. De plus, entre la
dorsale ct l'adipeuse, il existe douze petites plaques plus ou moins alignées chez
Callichthys alors qu'elles sont moins de dix, imbriquées comme les faîtières d'un toit,
pour les Hoplosternum .



II. GENERALITES BIOLOGIQUES
L'Atipa tête plate (C. callichthys) se caractérise par un corps plus allongé (fig.
BI) que les deux espèces d 'Hoplosternum , une tête plus aplatie et des yeux très petits.
La nageoire caudale est arrondie. Il reste plus petit que les deux autres formes. Aucun
sujet de plus de 100 g n'a pu être observé. Les populations sauvages semblent
numériquement peu importantes, mais sa dispersion géographique est grande. On le

rencontre aussi bien dans les marais côtiers que dans le haut des rivières. Il n'est qu' exceptionnellement offert à la vente, isolé dans un lot d'autres Atipas.
L'Atipa rouge (H. thoracatum) présente une couleur marron rosâtre tachetée de
points plus foncés (fig. B2).La queue est arrondie. Le poids ne dépasse guère 100 g.
Cette espèce peuple les eaux douces stagnantes de la frange côtière mais aussi les
criques et les rivières. Il est peu vendu sur le marché.
L' Atipa bosco (H. littorale) varie du vert grisâtre au noir irisé de reflets bleutés
(fig. B3) avec toujours la région ventrale blanchâtre. Contrairement à l'espèce
précédente, il est presque toujours dépourvu de taches. Quelques ponctuations
noirâtres peuvent exister chez certains sujets, surtout ceux maintenus en bacs ou en
bassins d'aquaculture. Ces marques, labi les, ne font pas partie de la livrée. Elles sont
d'origine incertaine. L'Atipa bosco est la seule espèce à queue fourchue.
Le plus gros des sujets observés a été un mâle de 190 mm de <(du bout du museau à la naissance de la queue), pesant 270 g. Les femelles restent
toujours plus petites. La plus grosse capturée mesurait 170 mm pour un poids de 210
g. J. Puyo signalait, il y a quarante ans, des sujets de 400 g.
10




H. littorale peuple préférentiellement les pripris ct marais côtiers non salés. En
saison sèche surtout on peut y observer des peuplements à fortes concentrations, en
mélange avec H. thoracatum . Il se trouve très rarement en rivières.
Les milieux qu'il colonise subissent des déficits en oxygène dissous et peuvent
s'assécher plus ou moins complètement. L' Atipa survit cependant dans ces conditions
diflïciles.
En plus de ses branchies qui lui permettent d'assurer les échanges gazeux en
milieu aquatique il possède un système annexe de respiration aérienne. L'air atmosphérique est avalé par la bouche, transite par l'ensemble du tube digestif, une partie
des processus respiratoires s'effectuant alors au niveau de l'intestin postérieur dont la
paroi amincie est détournée de son rôle digestif. L'animal a toutefois besoin d'humidité qu'il trouve en s'enfouissant partiellement dans la boue. Paradoxalement, ce

poisson peut se noyer si on l'empêche de venir respirer en surface, et cc, même si l'eau
est saturée en oxygène. C'est pourquoi les Atipas sont si souvent retrouvés morts dans
les filets qui les retiennent sous la surface.
Les Atipas sont habituellement décrits comme des mangeurs de boue (Puyo.
1949), l'observation de leurs contenus stomacaux a révélé également l'absorption
d'invertébrés divers ainsi que de végétaux.

III. REPRODUCTION

Les observations ont surtout porté sur H. littorale. Elles se sont déroulées, d'une
part en milieu naturel dans les marais de Kaw, d'autre part en captivité dans des bacs
de 500 litres et des aquariums de 90 à 200 litres.
Dès la fin de leur première année, le sexe des Atipas peut être distingué
extérieurement. En plus d'une papille génitale plus allongée chez le mâle que chez la
femelle, des caractères sexuels secondaires existent.
Les mâles sont plus gros que les femelles. Le premier rayon épineux de leurs
pectorales est toujours plus massif et s'allonge en un fort crochet au moment de la
reproduction. L'épithélium de ces nageoires s'épaissi t alors avec le développement de
nombreuses cellules productrices de mucus. Ces deux formations disparaissent en
période de repos sexuel.
La dissection d'animaux capturés dans la nature tout au long de l'année a permis
de suivre le cycle des gonades. Si le poids des testicules ne représente jamais plus de
0,40 p. 100 du poids du corps, celui des ovaires peut par contre prendre une importance
considérable. Tandis qu'en période de repos sexuel il ne dépasse pas 1 p. 100 du poids
du corps, il augmente considérablement au cours des quatre mois qui précèdent la
reproduction jusqu'à atteindre 20 p. 100 de la masse de la femelle.
Dans la nature, les pontes s'échelonnent de décembre à mai avec un maximum
pour le premier de ces mois. En captivité, la femelle vide ses ovaires en plusieurs
11



pOllles successives séparées par un laps de temps de quelques jours à quelques
semaines. En maintenant la femelle isolée du mâle, on a pu retarder la ponte jusqu'en
août. Au cours d'une saison, le nombre maximum d'oeufs émis par une femelle
maintenue en captivité alleint 20 000. Chaque oeuf mesure 1,4 mm de diamètre et pèse
un peu moins de 4 mg.
Ils sont pondus dans un nid flottant d'une trentaine de centimètres de diamètre.
Le mâle le confectionne avec des débris végétaux (SUIlOUt Cypéracées et Graminées)
entrelacés en un matelas d'environ 10 cm d'épaisseur. Chaque élément végétal,
arraché ou ramassé sur le fond, est transpollé sur le dos ou les pectorales.
Les constituants végétaux utilisés parles deux autres espèces sontd ifférents. C.
callichthys emploie plutôt des plantes aquatiques flollantes. Pour H. thoracatum, il
s'agit souvent de feuilles mOlles. C'est peut-être une des raisons explicatives de la
grande difficulté de la reproduction en captivité de ces deux atipas.
Dans les trois cas, la flollai son est assurée parun tapis sous-jacent de bulles d'air
aux parois de mucus produit par le constructeur. Cette structure se trouve rarement en
pleines eaux (fig. 4) mais le plus souvent dissimulée dans la végétation semi- émergée
(fig. CI).

Fig. 4 · Furme de nid d'Il, Ullora/e en étang.

Des nids réduits aux seules bulles existent, en captivité comme dans la nature.Il
faut alors ne pas les confondre avec ceux de certains batraciens anoures. L'observation
des oeufs permet de faire la différence.
Les oeufs de l' Atipa bosco forment une galette (fig. C2) si tuée sous les végétaux
au-dessus des bulles. L' Atipa rouge et l' Atipa tête plate déposent leurs oeufs en une
seule couche à la face inférieure des feuilles.
Il semble que plusieurs femelles pondent dans le même nid.
Le comportement de ponte décrit par Gautier, Planquette etRouger (1988) s'est
12









révélé très complexe. En résumé, la femelle stimule le mâle en lui heurtant la région
pelvienne de son museau. Cela provoque l'émission de spenne qu'elle prend dans la
bouche ct qu'elle introduit, dans l'écume, sous le nid. Elle dépose ensuite ses oeufs au
même endroit.
Durant l'incubation le pIus souvent le mâle garde l'édifice en nageant dessus
(fIg. C3), le défend contre les intrus aquatiques et peut même sauter hors de l'cau pour
combattre un danger aérien. Tous les mâles ne présentent pas le même degré
d'agressivité.
Le développement embryonnaire (fIg. C4) s'effectue dans de meilleures conditions d'oxygénation ct de température que celles du marais. Il dure deux à trois jours
selon la chaleur. A l'éclosion, l'alevin mesure 7 mm pour un poids de 2 mg (fIg. C5).
Il reste posé surIes végétaux du nid pendant 2 à 3 jours. Ce n'est qu'à environ dixjours
(fIg. C6) qu'il ressemble à l'adulte honnis la coloration. A un mois, il atteint 20 à 30
g (fIg. 5). En captivité, la maturité sexuelle survient à 6 mois.

Fig.

s · JI. üUorale

âgé d'un mois (26 g).

CONCLUSIONS
La régularité, l'étalement dans l'année de l'obtention en captivité d'oeufs et

d 'alevins, la facilité de récolte des jeunes due à un processus de ponte particulier, le
régime alimentaire, la résistance hors de l'eau (donc aux manipulations),jointes à une
demande marquée des consommateurs constituent autant de facteurs propices qui
militent en faveur du succès probable des efforts actuellement consacrés à l' élaboration de méUlOdes d'élevage de l' Atipa boSCo.
REFERENCES BIBLIoGRAPHIQUES

T. BOUlARD, P.Y. LE BAIL, P. PLANQUElTE 1988. Données biologiques sur quelques espèces
conLi ncnta.lcs de Guyane frança ise d'intérêt piscicole. Aquat . Living ResolU., 1 : 107-113.
J.Y.GAUllER, P. PLANQUE1TE, Y. ROUGER 1988. Etude éthologique de la relation mâle - femelle au
cours du cycle de reproduction chez J/oplosternum littorale. Rev. Ecol. (ferre Vie), 43 : 389·398.
J. PUYO, 1949. Faune de l'Empire français. 12. Poissons de la Guyane française, ORSTOM, Paris, 280 pp.
13


Des Voyageurs-Naturalistes du Muséum en Guyane
II. Lacordaire, Le Prieur et de Bauve
Le Prix d'Encouragement de la Société de Géographie
(1830-1839)
Jean Lescure*

Laboratoire d~ Zoologie (Reptile et Amphibiens), Muséum national d'Histoire naturelle
57 rue Cuvier, 75005 PARIS

JEAN-THEODORE LACORDAIRE
Jean-Théodore Lacordaire (fig. 1) naquit le premier février 1801 à Reccy-surOurce dans le département de la Côte-d'Or. Il avait trois frères plus jeunes que lui:
Henri, l'illustre prédicateur de Notre-Dame de Paris et ami de La Mennais, Uon qui
devint directeur de la Manufacture des Gobelins, et Télèphe qui fut officier.


Fig. 1 . Jean-Théodore Lacordaire


Après ses études au lycée de Dijon, Jean-Théodore fut plaeé dans une maison
de commerce du Havre. Il en profita pour préparer un voyage de naturaliste qui serait
14


capable de satisfaire sa passion grandissante pour les insectes. En 1824, il s'embarqua
pour Buenos-Aires avec une pacotille d'articles de Paris. 11 fallait bien vivre. 11 visita
l'Argentine, alla jusqu' la Cordillốre des Andes, revint en .Europe, repartit vers
l'Amộrique du Sud et parcourut le Chili,l'Uruguay etIes rộgions de Rio de Janeiro et
du Minas Gerais au Brộsil. 11 retourna en France en 1830, publia son premier mộmoire
entomologique et saisit une nouvelle occasion de voyage qui lui ãộtait offerte en
s'embarquant sur la frộgate ôLa Bayardiốreằ destination de Cayenne.
Pendant son sộjour en Guyane, il explora les savanes de Sinnamary, les bords
du Maroni, le Bas-Approuague, et, en octobre 1831, remonta l'Oyapock et arrriva le
20 du mờme mois au pied du premier saut, Saut Maripa. C'ộtait l'aventure et l 'entrộe
en pays indien. 11 franchit le Saut Maripa etle Saut Cachiri, toujours dangereux, et prốs
de celui-ci reỗut la visite du chef des Pirious,le Capitaine Alexis, un octogộnaire, vờtu
l'europộenne ct tenant la main une canne pomme d'argent, qu'il avait reỗue
comme insigne de son autoritộ. Le chefindien lui raconta l'histoire de sa tribu dộcimộe
par les guerriers oyampis (les Oyampis sont actuellement apellộs Wayapis par les
ethnologues). Lacordaire poursuivit la remontộe du fleuve, passa devant l'emplacement de la Mission Saint-Paul, ộtablissement fondộ par les Jộsuites au XVIII'm'siốcle
et abandonnộ aprốs leur expulsion en 1765. Le 28 octobre, il arriva l'embouchure du
Camopi oự les Jộsuites avaient aussi installộ un poste, la Mission Notre-Dame de
Sainte-Foy.
A Camopi commenỗait la zone occupộe sur l'Oyapock par les tribus oyampis
tandis que les Emerillons habitaient les bords de la riviốre Camopi. Cette rộpartition
spatiale est toujours la mờme aujourd 'hui: les Emerillons passent sans cesse du
Camopi au Maroni par le sentier ponant leur nom et rendu tristement cộlốbre par la
tragique ộquipộe de Raymond Maufrais. Les Oyampis vivent le long deI 'Oyapock, de

ses sources Camopi. Dans celte localitộ les deux tribus ont chacune un village
distinct.
Accueilli Camopi parl'Oyampi Awarascine, Lacordaire dutboirele cachiri (1)
de l'amitiộ, offert par les femmes dans des couis, sorte de grand bol fabriquộ avec la
moitiộ d'une calebasse. Aprốs sa halte, il repartit sur le fleuve. Au sot Ako, peu aprốs
l'embouchure de la riviốre Yaroupi, il rencontra le Capitaine Waninika, qui avait ộtộ
le plus puissant des chefs oyampis. Malheureusement, grisộ par les honneurs et les
cadeaux qu'il avait reỗus Cayenne des mains du gouverneur Milius, ce chef ộtait
devenu un vộritable despote et vivait abandonnộ par ses compatriotes.
Lacordaire s'arrờta un peu plus loin chez Tapaùarwar, le frốre de Waninika, et
y sộjourna pendant deux semaines. Il y fut rejoint par un autre voyageur, M. Adam de
Bauve. Ils naviguốrent de concert dans la riviốre Yaroupi pour rộpondre l'invitation
15


du chefParanapouna. Malade et miné par la lièvre, notre explorateur dut écourter son
voyage, il redescendit le Yaroupi ct l'Oyapock, et arriva à Cayenne après 80 jours
d'absence. Alcide d'Orbigny écrit à propos de cette expédition que «voyageur érudit
et intelligent, Lacordaire avait vu beaucoup en peu de temps».
Appelé par Georges Cuvier, il revint à Paris, ce fut pour y apprendre la mort de
l'illustre savant. 11 résida à Paris, fréquenta assidûment le Muséum, s'associa aux
travaux de la Société entomologique de France dont il fut un des membres fondateurs.
11 publia deux notices dans la revue de cette nouvelle société: l'une sur l'entomologie
de la Guyane française, l'autre suries habitudes des Lépidoptères Rhopalocères de la
Guyane française. Elles sont d'une remarquable perspicacité au point de vue biogéographique.




<

exemples à l'appui -, la Guyanefrançaise n'en a pas moins une physionomie propre,
des espèces qui lui sont particulières, et qui sont représentées au Brésil et au Surinam
par des espèces analogues mais distinctes ...
Quant à l' habitat des espèces, la Guyane est partagée en deux parties bien
distinctes et dont la différence estfrappante. Dans l'une, celle au vent [à l'Ouest] ,
on rencontre communément un certain nombre d'espèces du Brésil qui ne s'avancent
pas au-delà de [' Ile de Cayenne. L'autre partie, celle sous le vent, a aussi des espèces
particulières qui lui sont communes avec le Surinam .»
En 1836, Lacordaire fut nommé professeur de zoologie et d'anatomie comparée
à Liège. Sa vie errante était terminée, une autre vie non moins féconde allait
commencer,jalonnée par la publication des neuf volumes de son Histoire naturelle des
Insectes Coléoptères dans les Suites à Buffon de Roret. Il mourut à Liège le 18 juillet
1870.

LEPRIEUR, DE BAUVE ET LE PRIX DE LA SOCIETE DE
GEOGRAPHIE
Dès 1826, la Société de Géographie avait mis au concours un prix de 7.000
francs à décerner au voyageur, qui reconnaîtrait les sources du Maroni ct suivrait
la ligne de partage des eaux entre les Guyanes et le Brésil (la ligne dite du TumucHumae), en un mot à celui qui ferait la jonction entre les sources des deux fleuves
frontaliers de la Guyane française, l'Oyapock et le Maroni. Le Ministère de la
Marine participait pour 2.000 francs au montant du prix.
16






En 1830, aucun candidat ne s'était présenté mais Leprieur, un pharmacien de la
Marine (2) , fut envoyé à Cayenne sur la demande du Gouverneur Jubelin pour

explorer la Guyane centrale et concourir ainsi à l 'acquisition du prix.
En novembre 1830, Leprieur fit un premier voyage sur l'Oyapock jusqu'à
Camopi. Au rctour il visita lc marais Ouassa où subsistaient quelques indicns
Palieours ct les deux demicrs Toutancs. A la saison sèche, cette région était tellement
infestée dc moustiques que les indiens, pour pouvoir domlÎr la nuit, étaient forcés de
sc réfugier dans leurs canots loin des tcrres.
Enjuin 1832, Leprieur repartit pour l'Oyapock, passa chez Alexis, le vieux chef
des Pirious, à la crique Romontabo (Armontabo), y compléta son équipage dc
canotiers, s'arrêta quelques jours à Camopi ct arriva chez le ehefJosé Antonio. Obligé
de revenir à Saint-Georges chercher du matériel, il y redescendit avec cc chef oyampi.
Je ne peux m 'cmpêcherde citer ici l 'éloge qu'en a faitle voyageur carla virtuosité des
canotiers de Guyane, qu'ils soient indiens, créoles, bonis ou saramacas est toujours la
même actuellement, avec des pagaies ou un moteur hors- bord.

<flots bouillonans de ces montagnes russes d'un nouveau genre; combien j'admirais
l'adresse de ces hommes à gouverner un canot au milieu des brisans! L'oeil exercé
de l' Indien apercevait la roche sous lesflots mobiles, et un coup de pagaie la luifaisait
éviter; mais c'est surtout lorsqu'il arrive sur le bord du rapide que brille toute son
adresse : dressé Sllr le banc ou sur le bord du canot, il trace et suit à travers l'écume
et les rochers le chemin de celui qu'il dirige, explique à ses compagnons les
maneuvres àfaire pour éviter les dangers qu' il leur désigne de la main; il n'yapoint
la moindre crainte à avoir, quoique pourtant le plus petit choc soit capable defaire
briser, sinon couler les embarcations. «
Muni de vivres suffisants, Leprieur remonta l'Oyapock en treize jours, au lieu
des trente habituels, jusqu'au point où le fleuve cessait d'être navigable. Le 8
novembre 1832, il partit vers les sources de l'Oyapock avec 14 Indiens en empruntant
un sentier dont le tracé étai t indiqué de distance en distance par quelques branches
froi ssées. Suivant une direction NE-SO, il arriva au village appelé Coqs-de-Roches
à deux lieues au Nord des sources de l'Oyapock. Franchissant la ligne de partage des

eaux entre le bassin de cc fleuve et celui du Jari , le dernier grand affluent de
l'Amazone, il atteignit un autre village situé près de la jonction de la rivière Ruapir
avec le Couc (il y a toujours un village oyampi près de la rivière Couc, appelée Couve
par Leprieur et de Bauve, les autres membres de cette tribu au nombre de 365
personnes habitant maintenantla rive française de l 'Oyapock).
17


Leprieur pensait descendre le Coue jusqu' son union avee Je Jari, remailler
celui -ci ou un de ses arnuents ouest jusqu' leur source, franchir nouveau la ligne
de partage des caux ct atteindre ainsi les sources inconnues du Maroni. Les chefs
oyampis refusố rem de lui procurer dcs guides pour allcr sur le Maroni, Il s ne
connai ssaicnt pas celle rộgion ct ils craignaient sans doute Ics Wayanas, qui leur
faisa ient la guerre ct les Noi rs bonis, mai s il s ộtaient prờts l'aider ct le guider sur
le Jari, Le voyageur dộcida d'emprunter celle voie dans un premier temps, il Jùt partir
devant lui presque toutes les marchandi ses ô avec une personne [ Adam de Bauve]
qui lui avait ộtộ adjointe, avec /' ordre de /' attendre au village du nommộ Josộ Drou
ô, Quand il y aniva troi s jours plus tard, quelle ne fut pas sa surprise de ne trouver
aucun membre de l'expộd iti on mais une lettre lui prom ettant un canot ct des guides
dans un mois, Cruellement dộỗu, il les attendit vainement et rộsolut de retourner au
coniluent du Couc et du Ruapir.
Le 9 mai 1833, Leprieur quitta ce vill age avec seulement trois noirs, qui
l'escortaient depuis le dộbut, et partit la boussole en direction du Nord-Ouest.
Personne, en Guyane, n'avait tentộ une telle exploration de celle faỗon, Les quatre
hommes lourdement chargộs pộnốtrốrentdans la forờt, se frayốrent un chemin coups
de sabre, traversốrent des zones marộcageuses, abordốrent des collines abruptes,longốrent ou franchirent des riviốres tributaires du Jari, virent des anciens campements
mais ne trouvốrent pas de senti er indien allant vers le Maron i. Le 1" juin, deux des
noirs ộtant trốs malades, Leprieur renonỗa poursuivre son itinộraire et revint sur ses
pas mais en prenant une direction plus l'est pour avoirun trajet plus court, Il retrouva
le village de dộpart le 23 juin, s'y reposa, rejoignit celui de Josộ Antonio fin juillet,

rcdescenditl'Oyapock Jùn aoỷt ct arriva Cayenne le 8 septembre 1833 aprốs une
absence de 15 mois et 8 jours, Malgrộ son courage, Leprieur avait ộchouộ dans sa
tentative de rclier Ics sources de l'Oyapock celles du Maroni.
Lepricurn 'ộtait pas lescul voyageurexplorerl'intộrieurdela Guyaneen 1833,
Il Y avait aussi Adam de Bauve, qui ộtait presque un habituộ de l'Oyapock, de
l'Amazone et du Jali.ll avait voyagộ au Brộsil et y avait des relations. Ala fin de 1830,
il avait remontộ l 'Oyapock avec un certain Ferrộ, ộtait passộ de l'autre cụtộ du TumucHumac et ộtait arrivộ le 24 juillet 1831 surla riviốre Mapati , un affiuent du Jari, un
village de Coussari s, qui n'avaient encore jamais vu d'Europộens. De Bauve envoya
ses relations de voyage la Sociộtộ de Gộographie qui lcs publia cn 1833 ct 1834. En
octobre 183 1, il ộtait cncore su r l'Oyapock puisque nous le voyons se joindrc
Lacordaire pourvisitcr lc Yaroupi.ll rcmonta cnsui te l 'Oyapock, franchit de nouvcau
la ligne de partagc dcs eaux, dcscendit le Jari , passa ses famcuses chutes, oự tant de
canots ont sombrộ, ct patvint l 'Amazone. C'ộtait la premiốre fois que la jonction
Guyane-Amazone par l'intộrieur, tant cherchộe dcpuis l'origine dc l'implantation
franỗaise, sc trouvait rộalisộe. De Bauvc rcvint par le mờme chemin ct arriva
Cayerme en juin 1832.
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Le compte-rendu de l'assemblée générale de la Société de Géographie, le 20
décembre 1833, nous apprend: «MM. Leprieur et de Bauve ont commencé leur grand
voyage vers lafin defévrier [1833] . Leur projet était alors de se séparer aux sources
de l'Oyapock, pour examiner des régions différentes. M. Leprieur devait se diriger
vers l' Ouest-Nard-Ouest et M. de Bauve vers le Sud-Ouest,pour se rejoindre près du
lac Parimé, qu'ils supposent situé à environ 80 lieues des sources du Jari. «
Adam de Bauve était-il vis-à-vis de Leprieur un concurrent pour le prix de la
Société de Géographie, un collaborateur plus ou moins gênant ou un adjointqu 'on lui

avait imposé? Les quelques informations plus ou moins condradictoires que nous
avons recueillies ne nous permettent pas d'émettre un avis sur la qualité des rapports
entre les deux voyageurs. Lcprieur n 'a pas pu s'empêcher dans son récit d'exploration,
de rappeler son amertume et sa déception quand il avait constaté que de Bauve ne
l'avait pas attendu au village de José Ourou.
Qu'est devenu Adam de Bauve après avoir quitté ainsi Leprieur? Il descendit
le Jari, eut divers incidents avec les Brésiliens y résidant, perdit dans un naufrage
quatre canotiers et M. Brachet, un taxidermiste et entomologiste, qui l'accompagnait.
Il arriva enfin à Gouroupa sur l'Amazone et atteignit Belém où il écrivit à la
Société de Géographie (3) pour lui annoncer son intention de remonter l'Amazone et
de gagner la Guyane anglaise par l'intérieur.
En 1834, Lcprieur retourna en France mais, malheureusement, fit naufrage le
15 janvier près d' Audiernesurles côtes de Bretagne. Il y perdit presque tout le matériel
accumulé avec tant de patience et de difficultés et ne sauva entre autres choses que
deux boîtes d'une importante collection d' insectes que Lacordaire avait admirée à
Cayenne. Le 7 février, il assista à une séance de la Société de Géographie à Paris. Peu
de temps après, le Minstère de la Marine demanda à cette Société une appréciation sur
ses travaux en Guyane. La commission ad hoc conclut dans son rapport que «ce
voyageur était très propre à remplir la mission d'exploration qui lui était destinée «.
La Société, tout en lui réservant pour l'avenir les droits au prix, avait applaudi au zèle
dont il avait fait preuve dans ses premières tentatives mais avait dû reconnaftre qu'il
n'avait pas encore rempli le programme demandé.
En 1835, la Société de Géographie fut informée que le prix concernant la
découverte de la Guyane centrale serait décernée en 1837, que M. Adam de Bauve
avait pu aller par le Rio Branco en Guyane anglaise et que M. Lcprieur, muni
d'instruments d'observations, allait tenter de refaire son exploration avec plus de
profit pour la géographie.
Le 15 avril 1836, Adam de Bauve était de retour en France, il assista aussi à une
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assemblée géné rale de la Société, y relata son dernier voyage, qui avouons le
sincèrement, avait été mouvementé ct extrêmement périlleux. Il avait réussi à passer
du Rio Urariqu aire (Uraricoera) et le Rio Pari ma, où il vit le lac Parimé qui avait naître
la légende de l'Eldorado, à l'Orénoque, mais un matin il perdit tout dans un naufrage
: canots, matériel, armes, vivres ct bijoux de famille. Avec sa femme, son fils, son
beau-frère ct trois indiens, les seuls surv ivants de la catastrophe, il marcha II jours
dans la forêt sc dirigeant au soleil sans rencontrer âme qui vive, puis regagna le Fort
Saint-Joaquim au nord de Boa Vista trois mois après son naufrage. Il repartit ensuite
versl 'Essequibo. Il était le premier à avoir relié Cayenne à Georgetown parl'intéli eur,
c'est à dire par l'Oyapock, le Jari, l'Amazone, le Rio Negro, le Rio Branco, le
Rupununi et l'Essequibo. La Société de Géographie l'admit parmi ses membres, fut
très intéressée par ses propos, mais on ne lui parla pas du prix que, semble-t-il, il ne
revendiqua pas.



Leprieur, de son côté, essayait à nouveau de passer des sources de l'Oyapock
à celles du Maroni mais s'y épu isait sans succès. Il résolut alors de passer par le
Camopi, emprunta sans doute des Emelillons, trouva un vi llage de cette lIibu sur le
Ouaqui ct déboucha le 17 juillet 1836 sur le Maroni. Il y rencontra aussitôt les Bonis
qui le menèrent à un de leurs chefs, il pactisa avec eux et fit même l'échange du sang
. Le sangdc Lcprieuretle sang du cheffu rentmélangés dans un bol, le mélange allongé
d 'cau ct bu par les deux hommes, cc qui scellait leur alliance. Leprieur avait connu
cette coutume en Afrique et en savait toute la portée. Malheureusement, des Noirs
d'une autre tribu, probablement des djukas, qui paraissait dominer ses hôtes, arrivèrent. Ils s'insurgèrent contre cette alliance qui pouvait soustraire les Bonis à leur
sujétion, malmenèrent Leprieur ct saccagèrent tout son matériel. Il eut la vie sauve
parce que ses hôtes l'entourèrent et le protégèrent des coups.
Voyant tous ses instruments brisés, ne pouvant plus faire de relevés topographiques, Lepricur renonça à poursuivre son exploration ct revint sur ses pas. Il s'était
rendu compte que les Bonis ne demandaient qu'à sc ranger sous l'autorité des Français

ct à commercer avec eux. Il arriva à Cayenne avec quelques uns d'entre eux, décidé
à soutenir leur cause. Il fut désavoué par l'adm ini stration et traduit en conseil de
discipline pour avoir ramené sur la côte des hommes qui risquaient de compromettre
par leur exemple la discipline des esclaves. Cette affaire devait mettre fin à sa carrière.
Dès 1838, on ne fit plus mention dans les actes de la Société de Géographie du
prix d'encouragement pour un voyage de découverte dans l'intérieur de la Guyane ct
le plix ne fut jamais attribué.
En 1839, Leprieur revint à Paris (4) .et apporta un important matériel au
Muséum. Dans le catalogue des Reptiles provenant des dons faits au Muséum ou des
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envois fai ts par des naturali stes-voyageurs, Bibron ộcrit que, le 25 aoỷt 1839 ôM.
Lep rieur aợnộ a rapportộ de Cayenne les objets suivants... ằ. Maintes esp~ces de
Guyane dộcrites par Dumộril ct Bibron dans leur monumentale Erpộtologie gộnộrale
proviennent des collections Leprieur. Une rainette, Osteocephalus leprieuri , lui fut
dộdiộe. Leprieur retourna en Guyane, s'y mari a et y mourut en 1870. Le Musộum
national d'Histoire natu relle doit beaucoup ce voyageur-naturaliste et correspondant
qui fut victime de la malchance ct, semble-t-il, de certaines injustices.
(A suivre.. .)
NOT ES

1. Le cachiri est une boisson lộgốrement fermentộe fabriquộe partir du manioc, il a un effet diurộtique ct
vomi tif indộniable. Les Oyampis en boivent de grandes quamitộs.
2. Franỗois-Rcnộ-Mathias Lcpricur, appelộ parfois Lepricur l'aợnộ pour le di sỷnguer de son frốre cadet
Charles-Eugốne, qui fut ộgalement entomologiste ct pharmacien mi titairc (Saulcy, 1894) , nacquit Saint-Diộ le 17
avril 1799. Oc 1824 1829 , il ộlailau Sộnộgalcn tant qu'attachộ au scrvicedesantộdc la Marine. Il contribuabcaucoup
amộliorer la connaissance de cc pays aussi hicn sur le plan de la topographi e que sur celui de la botanique et de la

:r..oologie. Jubelin, gouverneur au Sộnộgal avant d'ờtre celui de Guyane, l'y avait conn u el lui avait donnộ les moyens
de rem plir une telle mission.
3. Sans nouvelle de Lcpri eu r, il ộcrivit dans cene leu re qu'il !e croyait mort et faisait son ộloge, il ne fa isait
cependant aucune allusion son dộpart du village de Josộ Ourou ct de la lett re qu'il y avait laissộe.
4. Dans le catalogue des Reptiles provenanl des dons raits au Musộum ou des envois faits parles NaturalistesVoyageurs (Arch. nO4 1 du Laboratoire des Repliles et Amphibiens), Bi bran ộcrit que le 25 aoỷt 1839 ôM. Leprieur
a rapparIộ de Cayenne les objets suivants ... ằ

BI BLIOGRAPH IE
E. ADAM de BAUVE, 1834. Vayage de MM. Adam de Bauve et Leprieur dans l'intộrieur de la Guyane. Bull.
Soc. Cộogr. 2ốrne sộr. 1 : 132-136
- 1835. Voyage l'i ntộrieu r de la Guyane centrale de septembre 183 1 j uin 1832. / bid. , 4: 21-40, 81-109
- 1836. Voyage de M. Adam de Dauve l'intộrieur de la Guiane. l bid., 5: 292-297
- & P. fERRE, 1833. Voyage dans l'intộricurde la Guyane. Ibid., 1ốre sộr., 20: 201-227,265-283, 2ốmesộr.,

1 ,105ã 11 7,165ã 178
d' AVEZAC, D.S. WARDEN & CORABOEUF, 1834. Rapport surle voyage de M. Leprieurdans l'jntộrieur
de la Guyane. Ibid. 2ốme sộr., 2 : 223-238
E.C.A. CANDEZE, 1872. Nolice sur J.-Thộodore Lacordaire. Ann. Acad. roy. Sei. Lei. B. Arls Belg. , 139156, 1 portrait.
T. LACORDAffi E, 1832. Notice sur l'entomologie de la Guyane franỗaise. Ann. Soc. entomol. Fr. 1 : 348-

366
. 1833. Nolice sur les habitudes des Lộpidoptốres Rhopalocốres (diurnes) de la Guyane fra nỗaise. Ibid. 2:

379ã397
F. LEPRIEUR , 1834. Voyage dans la Guyane centrale. Bull. Sac. Cộogr. 2ốme sộr., 1 : 201-229
1. LESCURE, 1989. Des Voyageurs-Naturaỹstes du Musộum en Guyane. I. Richard, Lcschenault de la Tour
el Dournerc (178 1-1824). Nat. guyan. , 1 : 14-20
- 1837. Exploration de la Guyane. Extrait d'une lettre de M. Lcpricur.lbid. 2ốme sộr., 7: 174-1 77
E. MORREN, 1873. Eloge de Jean-Thộodore Lacordaire. 1801-1870. Mộm. Soc. roy. Sci. Liốge. 2ốme sộr.,
3 : XXill-XXXVII, 1 portrait.

F. de SAU LCY, 1894. Nolice nộcrolog ique de C.E. Leprieur. Ann. Soc. en/omal. Fr., 63 : 543-548

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La Savane de Kaw:
Une Zone humide de Valeur internationale
Léon SANITE

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• Comité de la Culture, de l'EducaLÎon et de l'Environnement, Cayenne, Guyane



PRESENTATION
La Savane de Kaw était jusqu'à présent presque naturellement isolée par le
milieu naturel. Son accès n'était possible que par mer ou par la rivière Approuague.
Actuellement, après la traversée du Mahury par le bac de Stoupan, la route de Roura
à Kaw traverse les montagnes de Kaw et conduit sans difficulté sur les bords du marais,
au pied de la Montagne Favard.

Fig. 1 - Arrivée au bourg de Kaw

La plaine de Kaw, limitée au Nord parla côte et l'embouchure du Mahury, au
Sud et à l'Ouest par la montagne de Kaw et Ics montagnes Anglaises, Gabrielle et
Favard, à l'Est par la rivière Approuague, comporte sur plus de 100.000 ha des terres
marécageuses. Deux cours d'eaux la traversent. Le plus connu, la rivière de Kaw,
prend naissance sur les monts de l 'Inéry ct se jette dans l'océan à la pointe Acoupa.
Le second, la crique Angélique, est peu accessible et se situe plus à l'Ouest .


l.LA VEGETATION
La région présente divers types de végétation. Une «savane à Gram inées « est
située sur le cours moyen de la rivière qu'elle borde sur une largeur ne dépassant pas
22

,


2 km. Celle fonnation végétale est caractérisée par un peuplement plus ou moinsdensc
d'Echinochloa polystachia ct par endroit, de Lecrsia hexandra .

Les «pinotières» ct les «forêts marécageuses» sont de remarquables fo rêts de
palmiers pinots (Euterpe oleracea), qui peuvent être pures ou mélangées à
d'autres espèces comme le mani! (Symplzponia globulifera) , le moutouchi (Pterocarpus officinalis), la yayamadou (Virola surinamensis) et le carapa (Carapa
guianensis ).

Les «savanes à pruniers» occupent la moitié nord des marais. Les principaux
végétaux de ces milieux sont le moucoumoueou (Montriclzardia arborescens ), lcs
fougères ct l'arbuste appelé «prunier» (Chrysobalanus icacos), haut de 3 à 4 m.
Les «savanes à Cypéracées» du coeur de la plaine de Kaw sont couvertes de
Cypéracées (Elaeocharis ct Rynchospora ) et de fougères. Cc paysage est parfois
interrompu par des alignements de palmiers bâches (Mauritia flexllosa).
Enfin de petites maresd 'cau libre à nénuphars (Nymphea rudgeana) parsèment
le marais ct fonnentdes réserves d'eau pennanentes même pendant les saisons les plus
sèches. Ces mares pennanentes constituent des lieux de rassemblement ct de reproduction des grands caïmans noirs (Melanosuchus niger).

Fig. 2 - Sava ne de Kaw: Rivière ct canal.

La montagne de Kaw, limitantla plaine au Sud, fonne une large crête en are de

cercle que suit la route entre Roura sur le Mahury et la montagne Favard. Sa plus
grande largeur atteint 8 km et elle culmine à 333 m. Elle est couverte d'une épaisse
cuirasse latérito-bauxitique où la forêt généralement basse est constituée en majorité
de petits arbres au tronc grêle de quelques mètres de haut, visible à proximité de Camp
Caïman. Là où n'affleure pas la cuirasse et sur les versants de la montagne pousse une
fo rêt, haute, riche, semblable à celles del'intéIieurdela Guyane. On y trouve un grand
nombre de Broméliacées, d'Aracées et d'Orchidées.
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