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Un amour vrai

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TheProjectGutenbergEBookofUnamourvrai,byLaureConan
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Title:Unamourvrai
Author:LaureConan
ReleaseDate:December31,2004[EBook#14537]
Language:French

***STARTOFTHISPROJECTGUTENBERGEBOOKUNAMOURVRAI***

ThistextwasadaptedfromthatfoundattheBibliothèquevirtuelle.
/>ThankyoutoDonaldIppercielandtheFacultéSaint-Jean
(UniversityofAlberta)formakingitavailable.


Unamourvrai


ParLaureConan

I
J'aiététémoindansmavied'unhéroïquesacrifice.Cellequil'afaitetceluipour
quiilaétéfaitsontmaintenantdansl'éternité.J'écriscesquelquespagespourles
faireconnaître.Leursouvenirm'asuiviepartout,maisc'estsurtoutici,danscette
maisonoùtoutmelesrappelle,quej'aimeàremuerlescendresdemoncœur.
ÔmonDieu,vousêtesinfinimentbonpourtoutesvoscréatures,maisvousêtes
surtoutbonpourceuxquevousaffligez.Voussavezquelvideilsontlaissédans


mavieetdansmoncœur,etpourtant,mêmedansmesplusamèrestristesses,
j'éprouveunimmensebesoindevousremercieretdevousbénir.Oui,soyez
béni,pourm'avoirdonnélebonheurdelesconnaîtreetdelesaimer;soyezbéni
pourcettefoiprofonde,pourcetteadmirablegénérosité,pourcettesigrande
puissanced'aimerquevousaviezmisesdanscesdeuxnoblescœurs.
(ThérèseRaynolàsamère.)
Malbaie,le14juin186.
Chèremère,
Lamallenepartquedemain,maispourquoinepasvousécrirecesoir?Jesuisà
peuprèssûrequevousvousennuyezdéjà,etjecomptebienquevousne
tarderezguèreàsuivrevotrechèreimparfaite.J'aichoisipourvouslachambre
voisinedelamienne.Enattendantquevousenpreniezpossession,j'yaimisla
cagedemonbouvreuil,auqueljeviensdedirebonsoir.Maisilfautbienvous
parlerunpeudemonvoyage,quin'apasétésansintérêt.Vousvousrappelezce
jeunehommedontlecouragefuttantadmiréàl'incendiedenotrehôtel,à
Philadelphie.Figurez-vousqu'àmatrèsgrandesurprise,jel'airetrouvéparmiles
passagers.IlsenommeFrancisDouglas.Jepuismaintenantvousdiresonnom,
carj'aifaitsaconnaissancecesoir.


NousvenionsàpeinedelaisserQuébec,quandjel'aperçus,sepromenantsurla
galerieavecleportd'unamiral.Jelereconnusdupremiercoupdœil,nonsans
émotion,pourparlerfranchement.Sicelavousétonne,songez,s'ilvousplaît,
quevouspleuriezd'admirationenparlantducouragehéroïquedecetinconnu;de
l'admirablegénérositéaveclaquelleils'étaitexposéàunemortaffreuse,pour
sauverunepauvrechétivevieillequineluiétaitrien.Aprèsavoirlongtemps
marchéàl'avantdubateau,ilentradanslesalon.Cechevalier,quirisquesavie
poursauverlesvieillesinfirmes,nousjetaunregarddistrait.Ouvrantsonsacde
voyage,ilypritunlivreetfutbientôtabsorbédanssalecture.Connaissez-vous
cebeaugarçon?medemandaMmeL...—Lequel?Dis-jehypocritement.—Celui

quivientd'entrer.—Non,répondis-je.Jeneparlaipasdesabelleaction.
Pourquoi?Jen'ensaisrien,chèremère.Maisjeleconsidéraissouvent,sansqu'il
yparût,etjemedisaisquejeneseraisnullementfâchéedesavoirtoutcequile
regarde.Neserez-vouspasfièredelaraisondevotregrandefille,sijevous
avouequejemesurprisappelantunetempête!C'estbiennaturel.J'auraisvoulu
voircommentilseconduitdansunnaufrage.Malheureusement,cesouhaitsi
sage,siraisonnable,sicharitable,neseréalisapas.
Onmedemandadelamusique.Jevenaisdelirequelquespagesd'Ossian—ce
quin'estplusneuf;—jejouaiunevieillemélodieécossaise.Monsieurfermason
livreetm'écoutaavecunplaisirévident.Ilestécossais,pensai-je,etvousallez
voirquejenemetrompaispas.Ilnerepritplussalecture,etquelquechosedans
sonexpressionmedisaitquesapenséeétaitloin,bienloin,—danslesmontagnes
etlesbruyèresdel'Écosse.
Nel'ayantpasvudébarqueràlaMalbaie,j'avaissupposéqu'ilserendaità
Tadoussac.Aprèslesouper,j'étaisavecquelquesdamesdanslesalondel'hôtel.
Jugezdemasurprise,quandjelevisentreraveccettebonneMmeL...,quinous
leprésenta.
M.Douglasmeparladuplaisirqu'ilavaitéprouvéenentendantunairdeson
pays,etcesquelquesmotssimplesetvraisdisaientéloquemmentsonamour
poursapatrie.Jevousassurequejen'étaispasàmonaise,prèsdecehéros.Il
mesemblaitqu'illisaitdansmonâme,et,commejemerendscomptequeje
m'occupeunpeutropdelui,chaquefoisquejerencontraissonregardma
timiditéaugmentait.J'avaisbeaumedirequejenesuispastransparente,jene
pusparveniràmelepersuader.Ilestcertainquejenevousaipasfaithonneur.
M.Douglas,quiétait,lui,parfaitementàl'aise,essayaplusieursfoisd'engagerla
conversationavecmoi,etneréussitpas,commevouslepensezbien.Maissije


neparlaispasassez,j'ailaconsolationdedirequed'autresparlaienttrop.Deux
damess'aventurèrentdansunedissertationsentimentaleavecungalantofficier.

Vousvousimaginezfacilementquecettedissertationn'apasjetéqu'unpeude
lumièredanslesabîmesducœurhumain.
J'allaisentrerdansmachambre,quandlabrillanteMlleX...meditavecune
satisfactionmaldéguisée:“Thérèse,machère,commevousétiezgaucheet
embarrasséecesoir!QuelleopinionvousallezdonnerdesCanadiennesàce
séduisantétranger!”Soyezfièredemoi,aprèscela.Maisn'importe.Silefeu
prendcettenuitàl'hôtel,j'espèrequecesauveurdevieillesveuvesparalyséesne
melaisserapasbrûler.
(Lamêmeàlamême.)
Malbaiele23juin186
Chèremère,
J'enveuxetj'envoudrailongtempsàcesmaussadesaffairesquivousretiennent
loindemoi.Mêmejenesuispassûredenepasvousenvouloirunpeu.Aux
quatreventsduciellesobstacles!Croyez-moi,toutestvanité,àpartmarchersur
lamousseetrespirerlesatin.Descendezvite.Ilmetardedevousfaireles
honneursdelaMalbaie.Kamouraskaabiensesagréments.J'aiunfaiblepour
Tadoussac,poursessouvenirs,poursajoliebaie,grandecommeunecoquille,
maislaMalbaienesecomparepoint.
Cettebelledesbellesadescontrastes,dessurprises,descapricesétrangeset
charmants.Nullepartjen'aivuunepareillevariétéd'aspectsetdebeautés.Le
grandiose,lejoli,lepittoresque,ledoux,lamagnificencesauvage,lagrâce
rianteseheurtent,semêlentdélicieusement,harmonieusement,dansces
paysagesincomparables.
ÔmonbeauSaint-Laurent!ômesbellesLaurentides!ômoncherCanada!
Excusezcelyrisme:c'estdemainnotrefêtenationale.
LaMalbaien'aqu'undéfaut,l'affluencedesétrangers.Sij'étaisreine,jeme
contenteraisdecettecampagneenchantéepourmonroyaume,maisj'en
défendraisl'entréed'abordàtoutescellesquilisentdesromans,ensuiteàtous
ceuxquisecroientqualifiéspourgouverneretréformerleurpays.Qu'enditesvous?Maisenattendant,c'estunbruit,unmouvement,unva-et-vientcontinuel.



Lesộtrangersn'onticiquel'obligationdenerienfaire.Aussi,commeons'y
promốne.Touslesjours,pique-niques,partiesdeplaisirdetoutessortesetbals
lesoir.Pourmoi,jedonneraistouslespique-niquespassộs,prộsentsetfuturs,
touslesbalsimpromptusetprộparộs,pourunbaindemer.
Jevaistouslesmatinslamesse,ordinairementparlagrốve,cequiestfort
agrộable.L'ộgliseestbõtiesurlefleuve,l'embouchuredelariviốreMalbaie.
C'estunfortbeausite.Enface,labaie,cettecharmantebaiequel'oncompare
celledeNaples,droitedeschampsmagnifiques,unehauteurrichement
boisộe,oựchantentlesoiseauxetlesbrisesd'ộtộ;gauche,lariviốre,puisle
Cap--l'Aigle,sauvageetgracieux,etenarriốrelesmontagnesvertesetbleues
quifermentl'horizon.L'ộgliseestbienentretenue.
Lesiốcleavaitdeuxanslorsqu'onacommencộlaconstruire.C'estjeune
encorepouruneộglise.Pourtantleshirondellesl'affectionnent,carlesnidss'y
touchent,et,enlevantlesyeux,onaperỗoittoujoursquelquejoliepetitetờtequi
s'avancecurieusementaudehors.
Jesupposequ'ilfautbienvousparlerunpeudeM.Douglas.Ilestassezprobable
quejem'occupedeluiplusqu'ilnefaudrait;mais,outrequejen'endisrien,je
nefaisencelaquecommetoutlemonde.Jen'aiditqu'MmeL...queM.
Douglasestlehộrosdel'incendiedel'hụtel.Ellem'aconseillộdegarder
sagementlesilencel-dessus.Elleprộtendqu'ilestassezdangereuxsans
l'aurộoledel'hộroùsme.
Vous,mốrechộrie,vousprộtendezquec'estungranddommagequecenoble
jeunehommenesoitpastrốslaid,ouunpeudifforme.Avecvotrepermission,
madame,c'estjustementcelaquiseraitdommage.Chốremốre,c'estprudent
peut-ờtre,cequevousdites,maiscoupsỷr,cen'estpasfộminin.D'ailleurs,si
M.Douglasestdelafamilledesbraves,iln'estpasdecelledesgalants,et
n'accorded'attentionquejustecequ'ilfautpourn'ờtrepasimpoli.Ildộcline
touteslesinvitationsetal'airdes'ờtreditcommeunpoốte:
moilagrốvesolitaire,

Lachasseaubeausoleillevant,
moilesboispleinsdemystốre,
Lapờcheauborddulacdormant.
MmeH...adộclarộquenousdevrionstoutesconclurecontreluiuntraitộ


d'allianceoffensive.
LeDrG...estlaMalbaieetselivrel'observation.Iltrouvequelesrubans
ộcossaissontbienenfaveurdepuisl'arrivộedeM.Douglas,etseplaint
amốrementd'ờtrecondamnộentendretantd'airsộcossais,depuislamờmedate.
Cequec'est,dit-il,d'avoirlatournurechevaleresque!Moi,j'aipassộplusieurs
annộesenẫcosse,etpersonnen'asongộapprendreVivelacanadienne,oula
clairefontaine.M.Douglasestriche,etleDrseplaợteninformerlesdames
quiontdesfillesmarier.ầalesrendpensives,dit-il.
Cesoir,ledocteur,Elmireetmoi,noussommesallộsvisiterlessauvages.C'est
curieuxvoir.Lasoirộeộtaitfraợche.Unbeaufeudebranchessốchesflambait
devantlescabanes.J'aperỗusM.Douglasquisechauffaitetcausaitavecles
sauvages.Enlevoyantdanscetteclartộrougeõtre,jemerappelail'incendie,et,
pourdirevrai,lecurmebattitunpeufort;puissancedusouvenir,involontaire
hommageaucourageetlagộnộrositộ!
Commenousallionspartir,leDrfutappelộentoutehõtepourunmaladeetnous
revenionsseules,quandM.Douglasnousjoignitetrộclamal'honneurdenous
reconduire,cequenousdaignõmesaccorder.Jefusunpeusurprise,jel'avoue,
carilajouta,avecunenaùvetộbiensinguliốrechezunhommedumonde:J'aicru
quej'avaiseutortdevouslaisserpartirseules,et,rộflexionfaite,jemesuishõtộ
devousrejoindre.Nouscomprenons,monsieur,ditElmirepiquộe:vousavez
cruquec'ộtaitundevoir.Non,Mademoiselle,j'aiseulementpensộquec'ộtait
uneattentionlaquellevousaviezdroit,etilcontinuaunpeufiốrement:Vous
dộfendre,sivouscouriezquelquedanger,ceseraitundevoir.
J'inclinecroirequecedevoirseraitbienrempli,etsijamaisjevaisme

promenerchezlescannibales,jeprieraiM.FrancisDouglasdemedonnerle
bras.Ilaveillộausalon,contresonhabitude.Iln'estcertainementpasaussibeau
qu'onledit,maisilaunedistinctionrareetunegrõceincomparable.
Lagrõceplusbellequelabeautộ.
Commevousvoyez,c'estbiensuffisant.Ilestplutụtgravequ'enjouộ,maison
causebienaveclui.Vousaimerezsasimplicitộcharmante.Nousavonsconversộ
enfranỗais,etl-dessusonnousagracieusementfaitentendreElmireet
moiqu'ilfautquenotreprononciationanglaiselefatiguebeaucoup,puisqu'il
nousparlefranỗais.N'est-cepasbeaudesongersiviteauxennuisdeson


prochain?
Quoiqu'ilensoitdessusceptibilitésdeM.Douglas,unechosesûre,c'estqu'il
parlefrançaisparfaitement,etuneautrechosejolimentcertaineaussi,c'estque
j'aimeraismieuxnelefatiguerenrien.Jeluiaidemandécommentiltrouvaitnos
sauvages.Biendéchus,mademoiselle.Ilsnesontpastatouésetlamauvaise
civilisationlesgagne.Quandjemesuisassisàleurfeu,ilsnem'ontpasprésenté
lecalumetdepaix.Quelsurnomlessauvagesd'autrefoisluiauraient-ilsdonné?
Songez-y,s'ilvousplaît.
Chèremère,descendezviteetapportez-moiungrosbouquetderoses.Je
m'ennuieetjevousaime.

ExtraitsdujournaldeThérèse.
24juin.
Cematin,detrèsbonneheure,Elmireetmoi,noussommesalléesàlachapelle
Harvieux.Letrajetestrudesurlagrèvedel'extrêmePointe-aux-Pics:pasde
sabled'or,maisquandonalepiedsûr,c'estcharmantdemarchersurcesbeaux
cranslavésparlamer.Ôsenteurduvarech!ôparfumsdusalin!Qu'ilfaitbon,
desesentirvivreetd'errercommeunealouettesurlagrèveembaumée!Les
oiseauxchantaientdanslesarbresquicouronnentlafalaise.L'ancoliecroît

partoutdanslesfentesdesrochers.Cesjoliesclochesrougesfontuncharmant
effetsurlerocaride.Qu'est-cequiplaîtdavantage,unefleurdanslamousseou
unefleursurunrocher?Hélas!ilyadesfemmesquin'aimentlesfleursquesur
leurschapeaux,etpourquiunepromenadedanslarueNotre-Dameaplusde
charmesqu'unecoursedanslesboisousurlagrève!Maisàquoibon
philosopher?
LachapelleHarvieuxestàunmilleduquai.C'esttoutsimplementunegrottede
septàhuitpiedsdeprofondeur,tailléedanslerocàunedizainedepiedsdusol.
Ilyabienlongtemps,unreligieuxfrançaisdunomdeHarvieuxycélébrala
messe.Cemissionnairedescendaitlefleuveencanotpourvisiterlescolons
établissurlescôtesetfutretenulàparunetempête.J'aimecettesolitude
sauvage,etqu'elledoitêtregrandeettristequandleventgémitetquelamerse
livreàsesformidablescolères!Maiscematintoutétaitcalmeetlesgoélands
séchaientcoquettementleursplumessurcesrochersoùilsviennentprophétiser


latempête.
26juin.
Aujourd'huij'attendaismamère,etjesuisalléeàl'arrivéedubateau,mais
déception.Iln'yavaitpourmoiqu'unelettreetunbouquetderoses.Jemesuis
vitesauvéepourliremalettre.Jen'aimepascesfoulesbruyantesoùlescochers
etlesgaminsontlahautenote.Elmireestvenuemerejoindreetaprèsm'avoir
prislamoitiédemonbouquet,elleadécidéqu'ilfallaitexplorerlagrèveendeçà
duquai.Nousavonscommencéparescaladerlesénormesblocsquisontlà,et
nousyavonstrouvéunegrotteprofondeàdemiferméepardesbouquetsde
jeunescèdres.Lesoiseaux,ilmesemble,doiventaimercettegrottelematin,les
joursd'automnesurtout,carlesoleillevantl'emplitderayonsetyfait
bourdonnersansdouteunefouled'insectes.Maiscesoirelleétaitpleined'ombre
etdefraîcheur.Nousysommesrestéeslongtemps.J'avaissurl'âmeunebrume
demélancolie.Mamèreviendrademain.Cen'estqu'unretardd'unjour,mais

celasuffitpourattrister.L'âmeauncielsichangeant!Pourtantqu'ilfaisaitbeau
cesoir!J'ailaissélagrotteavecregret.Pauvregrotte,medisais-je,cematinelle
s'estempliedesoleil,dechaleuretdevieavantlerestedelanaturequil'entoure,
etlavoilàpleined'ombrependantquelesoleilrayonneencorepartout,surle
Cap-à-l'Aigle,surlefleuvesibeau,surlesclocherslointainsquiscintillentle
longdelacôtedusud.Etjepensaisàuneâmequim'intéresseetquelatristesse
sembleenvelopper.
Pourmoi,jusqu'àprésent,lavieaétébiendouce.Ilestvrai,jen'aipasconnuma
mère,c'estàpeines'ilmeresteunsouvenirdemonpère,etpourtantj'aiété
heureuse,carmabelle-mèrem'aimeavecunetendresseplusquematernelle.
Maiscombiend'âmesouvertesdansleursbeauxjoursd'enfanceàtouslesrayons
duciel,plusilluminéespeut-êtrequelesautres,ontvutoutàcoup,parune
permissiondeDieu,lanuitlesenvahirdebonneheure!
Hélas!lavieestsemblableàlamer;
Sonflot,parfoiscaressantsurlaplage,
Écumeaulargeetdevientplusamer.
30juin.
M.Douglasestprotestant;jem'endoutais,etpourtantilm'aétépénibledelelui
entendredire.


Àlapremièreoccasion,mamèreluiaparlédesabelleconduiteàl'incendiede
Philadelphie.Ilarougicommeunejeunefilleetnousaassuréesquedansla
surexcitationonexposefacilementsavie.Ilprétendquesonagilitéde
montagnardestpourbeaucoupdanscequenousappelonssonhéroïsme.
Mamèreneluiapascachécommenousdésirionsleconnaître,commenouslui
envoulionsdes'êtredérobéàtouteslesrecherches.J'étaisunpeuconfuse,etlui
n'étaitpasàl'aisenonplus.Ilasourienentendantdireque,jusqu'ànotredépart
dePhiladelphie,jem'étaisobstinéeàrêverpourluiuneovationpopulaire.Le
sourireaunsinguliercharmesursabouchesérieuse,c'estdommagequ'ilsoitsi

rare.D'oùvientlatristessequiluiesthabituelle.D'abord,j'avaiscruquec'était
l'ennuidesetrouveraumilieud'étrangers;maiscen'estpascela.Ilaungrand
chagrin.Malgrésoncalme,saréserveanglaise,onnepeutlevoirlongtemps
sanss'enapercevoir.Pourquoisouffre-t-il?Jesuiscondamnéeàentendrelàdessusbiendessuppositions.Quoiqu'ilensoit,jesuissûrequecen'estpasune
douleurvulgairequiassombritcenoblefront.Jusqu'àprésent,jenesaisriende
savie,sicen'estqu'ilaperdusesparentsdebonneheureetqu'iln'anisœurni
frère.
Ilnousapriéesdeneriendiredel'incendiedePhiladelphie.Soit,jen'endirai
rien,maisj'ypensesouvent.Noblejeunehomme!Quandmoiettantd'autresne
savionsdonnerquenotreimpuissantecompassion,luis'estexposéavecune
générositésublime.Quelparfumunpareilsouvenirdoitlaisserdansl'âme!
Souvent,enleregardant,jemedemandecequ'ildutéprouverquandilsetrouva
seulaprèss'êtredérobéauxapplaudissementsdelafoule.Jamaisjeneconnaîtrai
lajoiedudévouementhéroïque,maisjeremercieDieud'avoirététémoind'une
actionvraimentcourageuse,vraimentdésintéressée,vraimentgénéreuse.
L'admirationélèvel'âmeetsatisfaitundesplusdouxbesoinsducœur.
8juillet.
Jemesenssouventinquièteettroublée.Oùestlecalme,lasereineinsouciance
demajeunesse?Jesuisbiendifférentedemoi-même,decepauvremoiqueje
croyaisconnaître.J'auraisbesoindesolitude.Lavied'hôtelm'ennuie.Ilyade
l'autrecôtédelabaie,aubasduCap-à-l'Aigle,unemaisondontlasituation
isoléemeplairaitbeaucoup.Làriennemedistrairaitdelavueetdubruitdela
mer.
“Pleindemonstresetdetrésors,toujoursamerquoiquelimpide,jamaissicalme


qu'unsoufflesoudainnelepuissetroublereffroyablement;est-cel'océanoule
cœurdel'homme?
“Richeetimmense,etvoulanttoujourss'enrichirets'agrandir,toujourspromptà
franchirseslimites,toujourscontraintd'yrentrer,emprisonnépardesgrainsde

sable:est-celecœurdel'hommeoul'océan?
“Océan!cœurdel'homme!quandvousavezbienmugi,biendéchirélesrivages,
vousemportezpourbutinquelquesstérilesdébrisquiseperdentdansvos
abîmes!”
12juillet.
Enfin,jeconnaislacausedesatristesse,etjesaisaussiquelestcesentimentque
jeprenaispouruneadmirationvive.
Pourquoisuis-jerestéeici?J'auraisdûlefuir.Maintenant,c'esttroptard.
Hiernousavonscauséintimement.Ilm'aparlédel'amiqu'ilaperdu,et
l'indiciblejoiequej'aisentieenl'entendantdirequ'iln'avaitjamaisaiméqueson
amim'aétéunerévélation.ÔmonDieu!ayezpitiédemoi.Jelesais,celuiqui
n'apasl'Églisepourmèrenepeutvousavoirpourpère;jelesais,maisilm'est
impossibledenepasl'aimer.
30juillet.
M.Douglasmeparletoujoursdesonami,maisavecunesensibilitésivraie,si
profonde,qu'ilestimpossibledel'entendresansêtretouchéaudelàdetoutce
qu'onpeutdire.Enl'écoutant,jemerappellecetteparoledeDavidpleurantson
Jonathas:“Jet'aimaiscommelesfemmesaiment.”
Ilm'amontréleportraitdesonamietquelques-unesdeseslettres.Jelesailues
avecunattendrissementprofond,etmaintenantjecomprendslaprofondeurde
sesregrets.Pourquoil'amitié,sirarechezleshommes,l'est-elleencorepluschez
lesfemmes?DeuxansbientôtqueCharlesdeKervenestmort.Jepensebien
souventàcepauvrejeunehommequidortlà-bas,surlaterredeBretagne.J'aime
àprierpourlui.Ilaeudegrandsmalheurs,ilestmortàlafleurdel'âge,maisil
aétéprofondémentaiméparl'hommeleplusnoblequifutjamais.


II
(FêtedeSaintBernard)
SaintBernarddisaitàlasainteVierge:“Jeconsensàn'entendrejamaisparierde

vous,siquelqu'unpeutdirequ'ilvousainvoquéesansêtresecouru.”Bonsaint!
Jeveuxmerappelercetteparole,chaquefoisquejediraileSouvenez-vouspour
Francis.
Oh!augusteVierge,madoucemère,jevousenprie,faitesquemonamourpour
luinedéplaisejamaisàvosyeuxtrèspurs,etdaignezvous-mêmel'offriràDieu.
Cetteaprès-midi,j'étaissurlagrèveavecplusieursamies.Onparladuprochain
départdeM.Douglaspourl'Écosse.Jen'ycruspas,etpourtantquelpoidsces
parolesmemirentsurlecoeur!Sic'étaitvrai...s'ildevaitpartir,medisais-je...et
nefaudra-t-ilpasqu'ilparteunjour?Cettepenséemebouleversait,m'accablait.
Commejemesentaisobservée,jeprisunprétextepourm'éloigner.Neplus
jamaisl'entendre!Neplusjamaislevoir!
ÔmonDieu,quelseraitdonclemalheurdevousperdrepourjamais;puisquela
seulepenséed'êtreséparéedeluimefaisaitsicruellementsouffrir!
Jemarchaisauhasardsurlagrève;toutàcoup,apercevantleclocherquibrillait
ausoleil,jepensaiàceluiquiadelaconsolationpourtouteslesdouleurs,etje
medirigeaiversl'église.Bientôtj'entendis,derrièremoi,cepaslégerqueje
connaissibien,et,uninstantaprès,M.Douglasmerejoignit.Est-ilvraique
vouspartiezbientôt?luidemandai-je.—Etcommentvivrais-jesansvous?me
répondit-ilvivement.
Puistroublé,ému,ilmeditqu'avecmoiilseconsoleraitdelamortdesonami...
qu'ilavaitcrusaviebriséepourjamais,maisquejeluiavaisrendulafoiau
bonheur.Nousmarchâmesensuitesanséchangeruneseuleparole.Commenous
montionslapetitecôtequiconduitdelagrèveaucheminpublic,ilmedità
demi-voix:Essuyezvosyeuxilnefautpasqued'autresquemoivoientces
larmes.Oui,c'étaitvrai,jepleuraissansm'enapercevoir.Quandnousfûmesà
l'église:Jevenaisici,luidis-je.Lui,m'appelantpourlapremièrefoisparmon
nomdebaptême,medemandagravement:Thérèse,pourquoipleuriez-vous?Je
mesentisrougir,et,netrouvantrienàrépondre,jeluidis:Laissez-moi,jevais



prierpourvous.Ilm'ouvritlaportedel'église.
ÔmonDieu,quelbonheurdevousprierpourlui,vous,l'arbitresouveraindeson
sortéternel!Iln'estpasl'enfantdevotreÉglise,etàcausedecelaj'auraisvoulu
nepasl'aimer,maisvousm'avezdonnépourluitouslesdévouementsettoutes
lestendresses.ÔChrist,monsauveur,jesaisquetoutdonparfaitvientdevous,
maissouvenez-vousdemonardenteprière,etfaites-moimériterpourluilafoi;
faites-lamoimériterparn'importequellesdouleurs,parn'importequels
sacrifices.Etvous,madivinemère,jevousprometsdevousaimer,devous
honorerpourluietpourmoi,enattendantqu'ilvousconnaisse.
Commejem'agenouillaisdevantl'auteldelasainteVierge,pourluiconfirmer
cettepromesse,lalumièredusoleil,glissantàtraverslesvitraux,fitàlastatue
commeuneauréoledejoieetdegloire;sondouxvisagesemblasourire.
Jesortistrèscalmeettrèsheureuse.M.Douglasm'avaitattendue.Ilparlapeule
longducheminetnefitaucuneallusionàcequis'étaitpasséentrenous,mais
nousnouscomprenionsparfaitement.Surlerivage,unepauvrefemmeramassait
péniblementlesbranchesapportéesparlamer.
—Rendons-laheureuseaussi,ditFrancis.
Ilmedonnasabourseetjelaremisàlapauvrevieille,quilareçutennous
bénissant.
Nousmarchionsensilence.
Jamaisjenem'étaissentiesiheureusedevivre.
Lesoiseauxchantaient,lamerchantaitetmonâmeaussichantait.Ilmesemblait
respirerlaviedanslessenteursdesbois,danslesparfumsdelamer.Àl'horizon,
lesoleilbaissait.Nousnousassîmessurlesrocherspourleregardercoucher.Je
n'oublieraijamaiscetableau:devantnous,leSaint-Laurentsibeausoussa
paruredefeu;auloin,lesmontagnesbleues;partoutunesplendeurenflammée
surcepaysageenchanteur.Francisregardaitenthousiasmé,maissonnoble
visages'assombrittoutàcoup.
—Pourquoifaut-ilquelesbeauxjoursfinissent,medit-iltristement.
J'étaisheureuse,enchantée,ravie,etjeluidis:



—Nesoyonspasingrats.Regardezautourdevous,etdites-moicequeserala
patrie,puisquel'exilestsibeau.
Ilmeregardaavecuneexpressionquejen'oublieraijamais,etréponditàvoix
basse:
—Ditesplutôt:Regardezdansvotrecœur.
Etunpeuaprèsilcontinua:
—L'amourfaitcomprendreleciel,maiscebeaucoucherdesoleilmerappelle
quelaviepasse.
Lasoirées'estpasséeàl'hôtel.Francisétaittrèsgrave,maisilyavaitdanssa
voixunedouceurpénétrantequineluiestpasordinaire,etquandjerencontrais
sonregard,j'yvoyaisluirecettelumièrefugitivequitraverseparfoissesyeux
commeunéclair.Ilnemeparlaguère;mais,sansrienfairequipuisseattirer
l'attention,ilal'artcharmantdemelaisservoirqu'ils'occupedemoi.Cette
bonneMmeL...,s'adressantàMlleV...etàmoi,nousfitobserverqueM.
Douglasavaitl'airheureux.
—Cequejevoislemieux,c'estqu'ilestbienbon,réponditMlleV...,—quise
piquedediretoujourscequ'ellepense,etuninstantaprèselleajouta:—Je
voudraisbiensavoirpourquoiilestcesoiraussigrave,aussirecueilliqu'un
jésuitequisortderetraite.
21août.
Commej'ouvraismafenêtrecematin,unbouquetadroitementlancétombaà
mespieds.—Remerciez-moi,ditFrancisquandnousnousrencontrâmes.—Je
remerciai,maisavecdesrestrictionssurlamanièred'offrirlesfleurs.Ilm'écouta
aveccesourirequiéclairesonvisage—etmoncœuraussi.
—Sivoussaviez,medit-il,depuiscombiendetempsj'attendaispourvous
l'offrir!
Etilchantaàdemi-voix:
Àl'heureoùs'éveillelarose,



Nedois-tupasteréveiller?
J'aiportésonbouquetàl'église.Jeveuxqu'ilsefanedevantlesaintsacrement,
etquandilseraflétri,j'irailereprendrepourleconservertoujours.Seigneur
Jésus,vousêtesaumilieudenousetilnevousconnaîtpas.Ilnecroitpasau
mystèredevotreamour.Maisvouspouvezluiouvrirlesyeuxdel'âme,etle
fairetombercroyantetraviàvospieds.
Aujourd'hui,jesuisalléevoirunejeunefillemortelanuitdernière.J'avais
besoindemepénétrerdequelquegravepensée,carj'étaiscommeenivréede
monbonheur.Jerestailongtempsàcôtédulitoùlapauvreenfantétaitcouchée
danscetteattitudeeffrayantequin'appartientqu'àlamort.Lacroixnoire
tranchaitlugubrementsurlablancheurdudrapquilacouvrait.Jesoulevaile
linceuletregardailongtemps.Ah!Francis,serait-ilpossibledenenousaimer
quepourcetteviequipasse?
Toutpasseetnouspasseronscommetoutlereste,maisjeveuxqueceluidenous
quisurvivraàl'autrepuissedirecequ'AlexandrinedelaFerronnaysécrivait
aprèslamortd'Albert:“ÔmonDieu,souvenez-vousquepasuneparolede
tendressen'aétééchangéeentrenous,sansquevotrenomaitétéprononcéet
votrebénédictionimplorée.”
7septembre.
Hier,nousavonsfaitunepromenadeàl'Île-aux-Coudres,excursionquela
présencedeFrancism'arenduevraimentdélicieuse.Puis,ilyamaintenantdans
monâmequelquechosequidonneàlanatureunesplendeurquejenelui
connaissaispas.MonDieu,quelseradoncleravissementdevousaimerdans
votrecielsibeau,puisque,dèscettevie,ilyatantdebonheuràaimervos
créatures!
AuhavreJacques-Cartier,nousnoussommesagenouillésàl'endroitoùlamesse
aétéditepourlapremièrefoisauCanada.JeneregardaipasM.Douglas.Il
m'étaitpénibledelevoirétrangerauxsentimentsquecesouvenirréveille.Mais

surlerocheroùlesangdeJésus-Christacoulé,jedemandaipourluilafoi.Oui,
monDieu,vousm'exaucerez.Jeleverraicatholique.Cefroidprotestantisme
n'estpasfaitpourlui.
Nousprîmesledînersurl'herbe,danslevoisinagedelarochepleureuse.Cet
endroitdel'îleestd'unebeautéravissante.Ilyrègneuncalmeprofond,une


fraîcheurdélicieuse.Lajournéeavaitcecharmeparticulieràl'automne.Francis
semblaitenchanté,ets'oubliaitdevantcettebellenature.
—C'estbeau,etjesuisheureux,medit-il.
—Alors,remercionsDieu,carmoiaussijesuisheureuse.
Ilneréponditrien,maisjevisbrillercetteflammelumineusequis'allume
parfoisdanssonregard.
Lesconversationss'éteignaient;jenesaispourquoimonâmeinclinatoutàcoup
àlatristesse:notrevies'écoule,pensai-jeenécoutantlebruitdesvaguessurla
grève,chaqueflotenemporteunmoment.Presquesansmerendrecomptedece
mouvement,jemetournaiversFrancis:
—Vousconnaissezcettepenséed'unefemmecélèbre:Sommes-nousheureux,les
bornesdelavienouspressentdetoutesparts.
—C'estdouloureusementvrai.
Etnousparlâmesdecettesoifdel'infiniquifaitnotretourmentetnotregloire.
Sasensibilité,siviveetsiprofonde,lerendaitparfoiséloquent.Jamaisjen'avais
compris,commeenl'écoutant,notremisèretrèsauguste,notregrandeurtrès
misérable.J'auraisvoululuidirequelleforcelescatholiquestrouventdansla
communion,maisjen'osaipas.IlfautavoirreçuJésus-Christdanssoncœur,
pourcomprendrelajoiedecetteunionquiéteinttouslesdésirs.Labellevoix
d'Elmirechantait:
Volehaut,prèsdeDieu;lesseulesamoursfidèlessontaveclui.
Cesparolesmemarquèrent,etFranciss'enaperçut.Ilsemitàmeparlerdeson
amourpourmoi:

—JepréféreraisvousentendredirequevousaimezDieu.
Ilmeréponditavecunedouceurincomparable:
—Sivousl'aimiezmoins,jenevousaimeraispascommejevousaime.
Onlepriadechanter.Ilyconsentitetmedit:


—Jen'aijamaischantédepuislamortdemonpauvreCharles,maisaujourd'hui
ilmesemblequejetrouveraideladouceuràvouschanterquelquechosequece
cheramiaimaitetchantaitsouvent.
IlcommençalesAdieuxdeSchubert.Ah!quelleémotion,quellepuissancede
sentimentilyavaitdanssavoix,etcommej'auraisvouluêtreseulepourpleurer
àmonaise!Qu'elleesttouchantecetteamitiéquisurvitàlamort,autempsetà
l'amour!Certes,jesuisprofondémentsensibleàtoutcequiletouche.Je
donneraismaviepourluiépargnerunedouleur,etpourtantjevoisavecune
sortedejoiequerienneleconsolerajamaisentièrementdelamortdesonami.Il
estsibond'êtreaiméd'uncœurquin'oubliepoint!Oui,jelesais,sonamilui
manqueratoujours,toutematendresseseraimpuissanteàleconsoler
complètement,maisaussi,sijemourais,personnenemeremplaceraitdansson
cœur.Dieuseulpourraitleconsoler,etdeluijenesuispasjalouse.
Nouslaissâmesl'îleverslesoir.Leretourfutenchanteur.Jeregardaisautourde
moi,etunesécuritéprofonde,unepaixinexprimableremplissaitmoncœur.
ÔmonDieu,vousêtesbon,lavieestdouceetlaterreestbelle!
LemariagedeThérèseétaitfixéàl'étésuivant.Danslemoisdejuinelleécrivait
danssonjournal:
“MonDieu,pourquoinem'exaucez-vouspas?J'attendaistantdesprières
continuellesquejefaisfairepourlui,etvoilàquejesuisbienprèsdedésespérer.
Cematin,jerencontraiFrancisensortantdel'égliseduGesù.J'avaisbienprié
pourlui.J'osaileluidire,etlapremièrefoisdemavie,jeluiparlaidemes
espérancespoursaconversion.Ilnecachapassonmécontentementetrépondit
avecunefroideurglaciale:

—Jevousexcuseenfaveurdevotreintention.Etilajouta.Oh!lesdureset
cruellesparoles!—Vousvousabusezétrangement.Jamaisjeneseraicatholique.
Commentosez-vousmeparlerdecequevousappelezvosespérances?
Commesijepouvaisluicachertoujourslevœuleplusardentdemoncœur!
Maisnon,ilneveutpasquejeluienparlejamais.—Etquandvousserezma
femme,a-t-ildit,nem'obligezpasàvousledéfendre.—Soit.Jeneluienparlerai
pas.Cen'estpassurcequejepourraisluidirequejecompte.


ÔmonDieu,vousaurezpitiédelui.Vouséclairerezcetteâme,unedesplus
généreusesquevousayezcréées.JevousledemandeaunomdeJésus-Christ,
faites-moisouffrirtoutcequ'ilvousplaira,maisdonnez-luilafoisanslaquelleil
estimpossibledevousplaire.Hélas!quisaitjusqu'àquelpointlespréjugésde
l'éducationpremièreaveuglentlesâmeslesplusdroitesetlesplusnobles?”
LemêmejourThérèserecevaitdeM.Douglaslalettresuivante:
“Jevousaifaitdelapeineetj'ensuisbienmalheureux.Commevousavezdû
metrouverrudeetdur!Jevousenprie,pardonnez-moi,parcequejevousaime.
Sivoussaviezcequejesentisquandjevousvispresquecraintivedevantmoi!
J'auraisvoulumemettreàgenouxpourvousdemanderpardon.Envoyantvos
larmesprêtesàcouler,jemesauvaicommefou.
MaThérèse,j'aimeraismieuxmourircentfoisquedevousfairesouffrir.Jeveux
bienvousvoirpleurer,maiscommevouspleuriezaprèsavoirentendul'aveude
monamour.Sivoussaviezcommecesouvenirm'estdélicieux,commemon
cœursereportesouventàcetteheure,laplusdoucedemavie,où,surlagrève
delaMalbaie,jevoyaiscoulervoslarmes,ceslarmesquevousnesentiezpas,
tantvousétiezémue.
Monamie,jen'auraisjamaisdûvousparlerdurement,jeleregrettebeaucoupet
vousendemandeencorepardon;mais,laissez-moivousledire,envous
déclarantquevousnedeviezpasessayerdechangermescroyancesreligieuses,
jenefaisaisquemondevoir.Jepourraisvousexpliquerparfaitementpourquoije

neseraijamaiscatholique.Jen'enferairien,nimaintenant,niplustard,par
respectpourlacandeurdevotrefoi.Quevousdésiriezcequevousappelezma
conversion,c'estpeut-êtretrèsnaturel,maisilfaudranem'enparlerjamais.Je
nesuispasdeceuxquichangentdereligion.Degrâce,machèreThérèse,ne
touchezplusàcettequestionbrûlante.J'aiassezsouffert.
Charlesaussidésiraitmevoircatholique,et,laveilledesamort,ilmepressaà
cesujetavecunetendresseextrême.Dansl'étatoùilétait,jen'osaisluidireque
jenepartageraisjamaissescroyances.Illecomprit.Etlui,l'angegardiendema
jeunesse,demandaitpardonàDieuets'accusaitdem'avoir,parsesmauvais
exemples,éloignédelavraiefoi.
Ah!Thérèse,sijepouvaisvousdirecequej'aisouffertdanscemomentetparce
souvenir,vousauriezpitiédemoi,etvousnemedemanderiezjamaiscequeje


nepuispasaccorder.
Aprèscela,Charlesnemeparlaplusdereligion;mais,m'attirantàlui,iltint
longtempsmatêteappuyéecontresoncœur,etalors,cetincomparableamime
conseilladecherchermaconsolationdanslesjoiesdelacharité.Admirable
conseilquim'afaitsupportermonmalheur!
Danscequejeviensdevousdire,ilya,jelesais,plusieurschosesquivous
affligeront,etj'ensuisplustristequevousnesauriezcroire.Maisillefallait.
Oui,ilfautquevouslesachiez,monéloignementpourlecatholicismeest
invincible.J'aicédéàtouteslesexigencesdevotreÉglise,parceque,sanscela,
vousnem'épouseriezpas,maisjemourraidanslareligionoùilapluàDieude
mefairenaître,etn'essayezjamaisdem'influencerlà-dessus,car,aussivraique
jevousaime,jenevouslepermettraipas.Dureste,voussavez,quejetiendrai
loyalement,fidèlementcequej'aipromis.
Sansdoute,machèreThérèse,ilesttristequ'ilyaitunpointparlequelnos
cœursnesetoucherontjamais,maisn'allezpasconclurequenousnousen
aimeronsmoins.Songezàl'attachementquej'avaispourCharles,àsonamitié,

quiétaitlebonheurdemavie,commesamortenaétélagrande,l'inexprimable
douleur.N'ayezdoncniinquiétude,nicrainte.Jenepuispasêtrecatholique,
maisjeseraitoujoursvotreamileplussûretleplustendre.D'ailleurs,puisque
Dieudirigetout,jusqu'auvoldesoiseaux,n'est-cepasluiquinousaréunis?
Aprèslespremiersmoisdemondeuil,ceuxquis'intéressaientàmoime
conseillèrentdememarier.Jelaissaidire,et,suivantledésirdeCharles,je
m'occupaidesmalheureux.C'étaitlaseuleconsolationquejepussegoûter.Plus
tard,jesongeaiaumariage;j'yinclinaisparlebesoind'aimer,sigranddansmon
cœur;maisilmefallaituneaffectionélevéeetprofonde,l'amourcommeje
l'avaiscomprisdanslemomentleplussolennel,leplusdéchirantdemavie.
Dieum'aconduitversvous,quiêtestoutcequejesouhaite,toutcequej'airêvé,
versvous,detouteslesfemmeslaplusvraie,laplusaimanteetlapluspure.
Dites-moi,Thérèse,croyez-vousvraimentqueladifférencedereligionmetteun
abîmeentrenous?Ômonamie,commentavez-vouspudirecettecruelleparole?
Ilestvrai,nousneprofessonspastoutàfaitlamêmefoi,mais,touslesdeux,
noussavonsqueDieunousaimeetqu'ilfautl'aimer;touslesdeux,noussavons
quesecourirlespauvresestunbonheuretundevoirsacré;touslesdeux,nous


croyonsqueJésus-Christnousarachetésparsonsang.ManobleThérèse,ma
fiancéesichère,necraignezdoncpasd'êtremafemme;necraignezpasdevous
appuyersurmoncœurpourjusqu'àcequelamortnoussépareparl'ordrede
Dieu.”

III
Ilyaeudixansle14aoûtdernier,danscettemêmesalleoùj'écrisaujourd'hui,
ThérèseRaynoletFrancisDouglassignaientleurcontratdemariage.Ilme
semblelesvoirencore,sijeunes,sicharmants,siheureux!
J'avaispourM.Douglaslaplusparfaiteestime,etpourtantjevoyaisarriverle
jourdumariageavecunetristesseprofonde,carj'aimaisThérèseaveclaplus

grandetendresse,etlaseulepenséedem'enséparerm'étaitbienamère.La
lectureducontrat,cesdispositionsenfaveurdeceluidesépouxquisurvivraità
l'autremefirentuneimpressionpénible,etpendantqu'onmefélicitaitsurce
brillantmariage,j'avaisgrand'peineàcontenirmeslarmes.Pourquoifaut-ilque
lamortsemêleàtoutdanslavie?Maiscestristesréflexionsmefurent
personnelles.Laconversationsemaintintaniméeetjoyeuseentrelespersonnes
invitéespourlacirconstance.Onrit,onchanta,onfitdelamusiquedanscette
maisonoùlamortallaitentrer.
Unpeuaprèsledépartdesinvités,commeM.Douglasselevaitpourseretirer:
“Nepartezpasencore,luiditThérèse,jeveuxvouschanterleSalveRegina,
c'est-à-dire,poursuivit-elleavecsoncharmantsourire,j'ail'habitudedele
chantertouslessoirsetaujourd'huijeveuxquevousm'écoutiez.Cechantàla
Viergeétaitunedenosplusdoucesetpluschèreshabitudes.LavoixdeThérèse
étaitfortbelle,etcesoir-làelleymituneindicibleexpressiondeconfianceet
d'amour.Ah!commentlaVierge,mèreàjamaisbénie,eût-ellepunepas
entendrecetteardenteprière?M.Douglas,plusémuqu'ilnevoulaitleparaître,
gardaitunprofondsilence.Thérèseserapprochadeluietdit:Francis,moncher
ami,nevoulez-vouspasquelasainteViergenousprotègeetnousgarde?Ilne
réponditpas,maislaregardapendantquelquesinstantsavecuneexpression
indéfinissable,puisnoussouhaitalebonsoir,etpartit.
JesuivisThérèsedanssachambre.Aprèslaprière,quenousfîmesensemble,


ellepritlecharmantbouquetderosesqueFrancisluiavaitapportécejour-làet
leplaçadevantl'imagedelaVierge.Rentréedansmachambre,jepriaiavec
ferveurdemandantàDieulaforcedesupporterl'éloignementdemafillechérie.
Hélas!quej'étaisloindeprévoirlecoupterriblequiallaitmefrapper!
Jedormaisdepuisquelquetempsquandjefusréveilléeparunrêvepénible.Je
melevaipourmeremettre,etjepassaidanslachambredeThérèse.Elleétait
assisesursonlit,lafiguresialtérée,sibouleverséequ'unecraintehorribleme

serralecœur;elleessayapourtantdesourireenmedisantqu'elleressentaitune
étrangedouleuràlagorge.J'envoyaiaussitôtchercherunmédecin.Quandje
revins,ellemepriadeplacerunciergedevantl'imagedelaViergeetvoulutellemêmel'allumer.Puis,joignantlesmains,elleserecueillitdansuneprière
fervente.Ensuiteellemepassalesbrasautourducou,merapprochad'elle,etme
fitbaiserlecrucifixquejeluiavaisdonnélejourdesapremièrecommunion,et
qu'elleavaittoujoursportédepuis.
—Mère,dit-elle,voussavezquelavolontédeDieudoittoujoursêtreadoréeet
bénie.Jenemesuisjamaissentieorpheline,continua-t-elletoutattendrie,car
vousavezétépourmoilameilleuredesmères;queDieuvousrécompenseet
qu'ilvousconsole,ajouta-t-elleaveceffort,carjesaisquejevaismourir.
—Monenfant,répondis-jetoutetroublée,commentpeux-tuparlerainsi?La
souffrancet'égare.
Ellemeregarda;jevoisencorel'expressiondesesbeauxyeuxcalmeset
profonds.
—Écoutez,dit-elle;j'aioffertàDieumonbonheuretmaviepourlaconversion
deFrancis.Monsacrificeestaccepté,j'ensuissûre.N'enditesrienàFrancis.Il
vautmieuxqu'ill'ignorejusqu'àcequeDieul'éclaire.
Cesparolesretentirentdansmoncœurcommesonglasfunèbre.ÔmonDieu,
pardonnez-moi.Ilmesemblaquec'étaitpayertropcherlesalutd'uneâme.Jela
regardaisavecégarement;jel'étreignisdansmesbrascommepourladisputerà
lamortetjeluidisàtraversmessanglots:
—C'esttropcruel.Thérèse,monenfant,rétracte-toi.
—LaissonsfairelebonDieu,répondit-ellesimplement.Ilsauravousconsoler,
vousetlui.J'aieu,moiaussi,unmomentd'angoisseterrible,maintenantc'est


passé.
Etalorsellemeditqu'envoyantcommeFrancisdemeuraitpréjugé,aveuglé,
malgrélesprièrescontinuellesqu'ellefaisaitfairepoursaconversion,elleavait
cruqueDieuvoulaitpeut-êtrelafairecontribueràsonsalutplusqueparla

prière,etqu'elleavaitoffertsonbonheuretsaviepourluiobtenirlafoi.
Decemomentjen'euspasd'espérance.Avecunedouleuraffreuse,maissans
surprise,jevistousleseffortsdelascienceéchouercomplètement.Lemalfit
desprogrèsaussipromptsqueterribles.Thérèsedemandasonconfesseuret
Francis.Leprêtrevintlepremier.Pendantqu'ilentendaitsaconfession,je
m'approchaid'unefenêtrequidonnaitsurl'égliseduGesù.Lalampebrillaitdans
lesanctuaire,etjedisaisauChristenpleurantamèrement:Seigneur,ayezpitié
demoi!Faut-ilqu'ellemeurepourqu'ilseconvertisse?Lanuitétait
délicieusementcalmeetbelle.Oh!quelcontrasteentreladésolationdemonâme
etleradieuxéclatdescieux.J'entendisarriverM.Douglas.J'auraisvoulualler
au-devantdeluipourlepréparerunpeuàlaterriblevérité,maisjen'eneuspas
laforce.Ilentralafigurebouleversée.Pasundesmédecinsprésentsnehasarda
uneparoled'espérance.Lemalheureuxjeunehommesejetadansunfauteuilet
cachasonvisagedanssesmains.LaportedelachambredeThérèses'ouvrit
bientôt.JetouchailebrasdeM.Douglas,quiselevaetmesuivit.Leprêtre,
encorerevêtudesonsurplis,priaitdevantl'imagedelaSainteVierge.Thérèse
tenditlamainàFrancis,quis'agenouillaàcôtédesonlitetsanglotacommeun
enfant.Alorsellesetroubla,quelqueslarmescoulèrentsursonvisage;mais,se
remettantbientôt,elleluiparlaavecfermetéettendresse.
—Francis,luidit-elle,c'estlavolontédeDieu.Ilfauts'ysoumettre,carilest
notrePère.Cherami,jevousaimeraiplusaucielquesurlaterre.
LadouleurdeM.Douglasétaiteffrayante,etmacourageuseenfantoubliaitses
terriblessouffrancespourleconsoleretl'encourager.Ilsurvintunétouffement
quifitcroirequ'elleallaitexpirer.Quandilfutpassé,ellemitsamainsurlatête
deFrancistoujoursàgenouxàcôtéd'elle,etlevantlesyeuxsurl'imagedela
Vierge:
—Mère,dit-elleavecunaccentquejen'oublieraijamais,ilnevousconnaîtpas,
ilnevousaimepas;maismoiquiparlagrâcedeDieu,vousconnaisetvous
aime,jevousleconfie,jevousledonne,jevousleconsacre.ObtenezdeJésusChrist,jevousenconjure,qu'ilnousréunissepourl'éternitédanssonamour.



Ellereçutlessacrementsavecuneferveurcéleste,etaussitôtaprèsl'agonie
commença.
Jepassesurcetteheuredontlesouvenirm'estrestésicruel.Àcinqheures,juste
auxpremierstintementsdel'Angélus,elleexpira.Peuàpeu,jesentissondoux
visageserefroidir.Alors,prenantlecrucifixquesesmainsglacéesétreignaient
encore,jeledonnaiàFrancis.
Deuxsœursdecharitévinrentpourl'ensevelir.Quandtoutfutterminé,j'entrai
danslachambremortuaire,quelesreligieusesavaientornéeavecunsoinpieux.
Lesfleursyrépandaientunparfumsuave.M.Douglasétaitàgenouxprèsdulit
surlequelThérèsesemblaitdormirdanssablancheetgracieuseparuredenoces.
Sonvoileretombaitàdemisursoncharmantvisage,d'unepâleurtransparente.
Unchapelet,àgrainsdecoraild'unrougeéclatant,étaitpasséàsoncou,etla
croixbrillaitentresesmainsjointes.Jebaisaisesdouceslèvres,sesyeuxfermés
pourjamais,etlaregardailongtemps.
Lematindesfunérailles,quandvintlemomentdelamettredanssoncercueil,
Franciss'approcha,pritlamaingauchedeThérèse,luimitsonanneaude
mariage,etensuiteill'embrassasurleslèvres.Lejeunehomme,aussipâle
qu'elle,soutintsatêtependantquejecoupaissesbeauxcheveuxbruns;puis,la
prenantdanssesbras,illadéposasurlelitdurepossuprême.Nousrestâmes
longtempsàlaregarder,etmapenséesereportaitauxjoursd'autrefois,alors
qu'aprèsl'avoirendormiedansmesbrasetcouchéedanssonpetitlit,je
m'oubliaisàlaregarderdormir.Enfin,Francisrelevasonvoile,etlentement,
tenanttoujourslesyeuxfixéssurelle,illuicouvritlevisage.ÔmonDieu,quand
jeparaîtraidevantvous,souvenez-vousdecequej'aisouffertàcemoment
terrible!
Aprèslesfunérailles,onm'apportaunbilletdeM.Douglas.Ilm'annonçaitqu'il
s'éloignaitpourquelquetemps,ets'engageaitàmedonnerbientôtdeses
nouvelles.Quelquesjoursplustard,jereçuslalettresuivante:
Madame,

JelaissaiMontréalimmédiatementaprèslesfunéraillesdeThérèse,carj'avais
besoindelaplusprofondesolitudepourpleureretremercierDieu.Oh!Madame,
Dieuestbon!MacélesteThérèseledisaitaumilieudesdouleursdelamort,et
lemêmecris'échappesanscessedemoncœurdéchiré.Toutestfinipourmoisur


laterre,etpourtantjesuccombesouslepoidsdelareconnaissance,carla
lumières'estfaitedansmesténèbresetjesuiscatholique,ouicatholique.Ah!
bénisoitDieuquim'adonnélafoi.QuelbonheurdeledireàThérèse,de
remercierDieuavecelleMaisceseraittropdouxpourcettepauvreterre,oùle
bonheurn'existepas.
Jesaisquemaconversionvousserauneconsolationbiengrande,aussivous
parlerai-jeaveclaconfiancelaplusentière.Vousconnaissiez,Madame,mon
éloignementpourlecatholicismeouplutôtvousneleconnaissiezpas,cardans
nosrelations,jedissimulaissoigneusementmespréjugés,pournepasaffliger
Thérèse.Maisquandellemeditqu'ellecomptaitsurmaconversion,jecrus
devoirnepasluilaisserd'illusionslàdessus.Commeelledevaitmeplaindreet
prierpourmoi!
Jen'essaieraipasdevousdiremaconsternationenapprenantlamaladiede
Thérèse,cequejesouffrisenlatrouvantmourante.Interrogezvotrecœur,
Madame.Jecontinsl'explosiondemondésespoirpournepaslatroubleràcette
heureterrible,maisquipourraitdirecequesouffrais?Toutentieràelleetàma
douleur,jenevoyaisrien,jen'entendaisrienautourdemoi;jen'avaisrien
remarquédespréparatifspourl'administrationetquandleprêtres'approchaavec
l'hostiesainte,—ÔmonDieucommentparlerdecemomentsacré,commentdire
lemiraclequisefitdansmonâme?Sansdoute,Thérèsepriaitpourmoiàcette
heuresolennelle,etàsaprièreleSeigneurJésusdaignameregarder,cardanscet
instantlafoilaplusardentepénétra,embrasamonâme.Saisid'unrespectsans
bornes,jemeprosternai,endisantduplusprofonddemoncœur:Oui,vousêtes
leChrist,leFilsuniqueduDieuvivant...Ômiséricorde!Ôbonté!Ômomentà

jamaisbéni!Ômomentvraimentineffableetquetouteslesjoiesducielneme
ferontpasoublier!Lafoi,lareconnaissance,l'amourdébordaitdemonâme.Les
larmesjaillirentàflotsdemoncœur.J'auraisdonnémavieavectransport,pour
rendretémoignagedelaprésenceréelle,celuidetouslesdogmescatholiquesqui
révoltaitdavantagemasuperberaison.LeregardduChrist,commeunsoleil
brûlant,avaitfonducesglacesépaisses,dissipécesnuagesobscursquim'avaient
empêchéjusqu'alorsdecroireàlaparoleetàl'amourdemonDieu.
Jevismacharmantefiancéeagoniseretmourir,mais,aveclafoi,larésignation
étaitentréedansmonâme,etunepaixprofondesemêlaàmoninexprimable
douleur.Aumomentterrible,quandleprêtreprononçal'absolutionsuprême,je
crusquelaconnaissanceluirevenait,etmepenchantsurelle,jeluidis:Thérèse,
remercieDieu,jesuiscatholique.Mecomprit-elle?Jelecrois,carsonregard


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