Tải bản đầy đủ (.pdf) (38 trang)

La manifestation de la politesse verbale dans la formulation du reproche, le cas des nouvelles françaises contemporaines = biểu hiện lịch sự qua hành động chê trách trong các tác phẩm truyện ngắn pháp hiện đại

Bạn đang xem bản rút gọn của tài liệu. Xem và tải ngay bản đầy đủ của tài liệu tại đây (609.7 KB, 38 trang )

UNIVERSITÉ NATIONALE DE HANOI
UNIVERSITÉ DE LANGUES ET D’ÉTUDES INTERNATIONALES
DÉPARTEMENT POST-UNIVERSITAIRE
*******************

LÊ HẢI YẾN

LA MANIFESTATION DE LA POLITESSE VERBALE DANS LA
FORMULATION DU REPROCHE, LE CAS DES NOUVELLES
FRANÇAISES CONTEMPORAINES
BIỂU HIỆN LỊCH SỰ QUA HÀNH ĐỘNG CHÊ TRÁCH
TRONG CÁC TÁC PHẨM TRUYỆN NGẮN PHÁP HIỆN ĐẠI

MÉMOIRE DE FIN D’ÉTUDES DE MASTER

Option: Linguistique
Code: 6022.0203

HANOI – 2016


UNIVERSITÉ NATIONALE DE HANOI
UNIVERSITÉ DE LANGUES ET D’ÉTUDES INTERNATIONALES
DÉPARTEMENT POST-UNIVERSITAIRE
*******************

LÊ HẢI YẾN

LA MANIFESTATION DE LA POLITESSE VERBALE DANS LA
FORMULATION DU REPROCHE, LE CAS DES NOUVELLES
FRANÇAISES CONTEMPORAINES


BIỂU HIỆN LỊCH SỰ QUA HÀNH ĐỘNG CHÊ TRÁCH
TRONG CÁC TÁC PHẨM TRUYỆN NGẮN PHÁP HIỆN ĐẠI

MÉMOIRE DE FIN D’ÉTUDES DE MASTER

Option: Linguistique
Code: 6022.0203
Directeur de recherche : Dr. Đỗ Quang Việt

HANOI – 2016


ENGAGEMENTS
ATTESTATION DE NON PLAGIAT
Je, soussignée, Lê Hải Yến
Etudiante en Master du Département Post-universitaire – Université de Langues et
d’Études internationales – Université Nationale de Hanoi
Atteste sur l’honneur que le présent dossier a été écrit de ma main, que ce travail est
personnel et que toutes les sources d’informations externes et les citations d’auteurs
ont été mentionnées conformément aux usages en vigueur (Nom de l’auteur, nom de
l’article, éditeur, lieu d’édition, année, page).
Je certifie par ailleurs que je n’ai ni contrefait, ni falsifié, ni copié l’œuvre d’autrui
afin de la faire passer pour mienne.
Je supporterai toutes les sanctions en cas de plagiat.
Fait à Hanoi, le vendredi 23 septembre 2016.
Etudiante en Master

Lê Hải Yến

i



REMERCIEMENTS
Je tiens d’abord à exprimer ma profonde gratitude et mes remerciements
sincères à mon directeur de recherche, Monsieur DO Quang Viet - Docteur en
Science du langage, pour sa grande disponibilité, son dévouement, son soutien, ses
conseils judicieux qu’il m’a accordés tout au long de ce travail de recherche.
Je tiens aussi à remercier les responsables, les professeurs-collègues du
Département de français de l’Université de Langues et d’Etudes Internationales qui
m’ont donné des conseils précieux et permis l’aboutissement de ce travail dans les
meilleures conditions.
J’adresse enfin ma profonde gratitude à ma famille qui m’a encouragée et
soutenue, à tous mes amis qui m’ont aidée à bien mener ce travail.

ii


RESUME
Dans notre recherche, nous allons d’abord étudier les recherches des pionniers dans
le domaine de l’acte de langage et de la politesse verbale en général et de l’acte de
reproche en particulier. Le reproche est pour but d’exprimer le mécontentement du
locuteur et d’inspirer la honte et le regret à l’interlocuteur. Il est donc un FTA très
fort qui peut menacer gravement les faces du « reproché » et parfois du
« reprocheur » aussi.
Alors, pour adoucir la menace sur les faces des interactants, on a recours à des
procédés

de

politesse


dont

les

procédés

substitutifs

et

les

procédés

accompagnateurs. Les premiers sont beaucoup plus utilisés, surtout la formulation
indirecte et le « vous » de politesse. Ils ont plus ou moins d’influences sur l’attitude
des interlocuteurs mais en général, les réactions sont plutôt négatives.
Les procédés de politesse varient aussi en fonction des facteurs P, D et L. Dans le
cas des facteurs P et L, nous ne trouvons pas de très grande variation des procédés.
La formulation indirecte est toujours le procédé le plus utilisé, et le « vous » de
politesse au deuxième rang et puis les autres procédés sont rarement employés.
Seulement le facteur D qui fait un changement assez net dans le choix des
procédés : Avec D+, la formulation indirecte est au premier rang mais avec D-, le
« vous » de politesse la dépasse, ce qui peut être expliqué par la règle sociale des
français : il faut vouvoyer aux personnes plus âgées et aux gens qu’on ne connait
pas.

iii



TABLE DES MATIÈRES
ENGAGEMENTS ............................................................................................ i
REMERCIEMENTS....................................................................................... ii
RESUME ......................................................................................................... iii
INTRODUCTION ........................................................................................... 1
CHAPITRE I : FONDEMENT THEORIQUE ............................................ 5
1. Concepts des actes de langage ................................................................... 5
1.1.

Concept des actes de langage d’Austin et de Searle ....................................................... 5

1.2.

Concept des actes de langage de C. Kerbrat-Orecchioni............................................... 8

2. Réalisation des actes de langage ............................................................... 9
2.1.

Réalisation directe ............................................................................................................. 9

2.2.

Réalisations indirectes .................................................................................................... 10

3. Facteurs d’influence des actes de langage ............................................. 11
3.1.

Contexte ........................................................................................................................... 11


3.1.1.

Le cadre spatio-temporel ........................................................................................ 12

3.1.2.

Le but ....................................................................................................................... 12

3.1.3.

Les participants ....................................................................................................... 12

3.2.

Relation interpersonnelle................................................................................................ 12

3.2.1.

La relation horizontale ........................................................................................... 13

3.2.2.

La relation verticale ................................................................................................ 13

3.3.

Politesse linguistique ....................................................................................................... 14

3.3.1.


E. Goffman, la face, le territoire du moi et les figurations .................................. 15

3.3.2.

Modèle de politesse de Brown et Levinson............................................................ 17

3.3.3.

C. Kerbrat-Orecchioni et son extension de la théorie de politesse...................... 18

4. L’acte de reproche ................................................................................... 22
4.1.

Définition du reproche .................................................................................................... 22

4.2.

Le reproche en pragmatique .......................................................................................... 22

4.2.1.

Le reproche dans les classifications des chercheurs ............................................. 22

4.2.2.

Analyse du reproche ................................................................................................ 24

iv



CHAPITRE II: MANIFESTATION DE LA POLITESSE VERBALE
DANS LA FORMULATION DU REPROCHE, LE CAS DES
NOUVELLES FRANÇAISES CONTEMPORAINESError! Bookmark not defined.
1. Préliminaire .................................................. Error! Bookmark not defined.
1.1.

Choix de la méthode de collecte des données .................... Error! Bookmark not defined.

1.2.

Constitution du corpus ....................................................... Error! Bookmark not defined.

1.3.

Méthode d’analyse des données ......................................... Error! Bookmark not defined.

1.4.

Paramètres d’analyse .......................................................... Error! Bookmark not defined.

1.5.

Les niveaux d’analyse du discours..................................... Error! Bookmark not defined.

2. Manifestation de la politesse verbale dans la formulation du reproche,
le cas des nouvelles françaises contemporaines.Error! Bookmark not defined.
2.1.

Procédés substitutifs............................................................ Error! Bookmark not defined.


2.2.

Procédés accompagnateurs : .............................................. Error! Bookmark not defined.

2.3.

Réaction des interlocuteurs au reproche ........................... Error! Bookmark not defined.

2.3.1.

Influence du Pouvoir (P) sur la réaction ............... Error! Bookmark not defined.

2.3.2.

Influence de la Distance (D) sur la réaction .......... Error! Bookmark not defined.

2.3.3.

Influence du la Légitimité (L) du reproche aux réactionsError! Bookmark not defined.

2.3.4.

Variation des procédés de politesse ....................... Error! Bookmark not defined.

3. Justification des résultats obtenus .............. Error! Bookmark not defined.
3.1.

Les procédés de politesse utilisés dans les énoncés de reprocheError! Bookmark not defined.

3.2.


Contexte de l’utilisation des PP dans les énoncés de reprocheError! Bookmark not defined.

4. Quelques conseils pour les reprocheurs et les reprochésError! Bookmark not defin
4.1.

Pour les reprocheurs ........................................................... Error! Bookmark not defined.

4.2.

Pour les reprochés ............................................................... Error! Bookmark not defined.

CONCLUSION .................................................. Error! Bookmark not defined.
BIBLIOGRAPHIE ........................................................................................ 27
ANNEXES…………………………………..…………………………………….. .I

v


INTRODUCTION
Dans une société civilisée, basée sur le respect et sur des valeurs morales, la politesse
joue un rôle bien important. Elle définit une forme de communication et de
comportement à adopter. Les usages de la politesse se sont formés le long des siècles
et ne cessent d’évoluer. Ils sont différents selon les époques et les cultures. Jusqu’à
maintenant, la politesse a été étudiée dans deux directions : la politesse comme
norme sociale et la politesse linguistique, surtout la politesse verbale. Le domaine de
la politesse verbale est difficile et bien différent de celui de la langue vietnamienne.
D’ailleurs dans l’apprentissage et l’enseignement du français, il n’est pas abordé
suffisamment et les étudiants n’arrivent pas encore à bien maîtriser les moyens
linguistiques pour exprimer la politesse. De plus, dans les situations où il y a des

mécontentements ou des conflits, il nous demande une utilisation plus subtile de la
politesse verbale. Alors, nous comptons d’étudier les moyens linguistiques utilisés
pour exprimer la politesse verbale dans la formulation du reproche avec un corpus
constitué de dialogues relevés dans une dizaine de nouvelles français du XXè siècle
pour élucider la manifestation de la politesse verbale en le français. Nous espérons
que notre recherche pourrait à éclaircir certains faits d’ordre linguistique et culturel
qui serait appliqué dans l’enseignement du français.
Pendant les années universitaires, nous avons la chance de faire une première
approche sur la théorie de la conversation dans le cours de Pragmatique et nous nous
sommes beaucoup intéressés au thème de la politesse. Le cours de pragmatique nous
a fourni des connaissances de base sur les recherches en politesse, surtout la politesse
verbale avec une présentation sommaire sur les théories des premiers pionniers.
Désirant de nous renseigner sur la politesse verbale dans le dialogue, nous avons
cherché comme documents de référence les recherches qui avaient abordé ce thème.
Nous avons trouvé la recherche de Mme. NGUYEN VAN DUNG. Elle a soutenu sa
thèse de Doctorat intitulée « La Représentation des Rapports de Politesse au Vietnam
dans la littérature Contemporaine » en 2000. Dans sa recherche, elle a analysé un
corpus d’une trentaine de nouvelles vietnamiennes contemporaines. C’est une
1


recherche très minutieuse sur la politesse verbale en langue vietnamienne. Alors,
l’idée d’une recherche sur la politesse verbale en français avec un corpus constitué de
dialogues relevés dans des nouvelles françaises nous est arrivée.
Comme ce sujet est trop vaste et touche plusieurs domaines de recherche
interdisciplinaires (sociologie, psychologie…), nous décidons donc d’étudier la
politesse verbale à travers la formulation d’un acte de langage complexe qui est
« reproche ». Alors, dans le cadre de notre mémoire, nous nous limitons d’étudier la
manifestation de la politesse verbale dans la formulation du reproche avec un corpus
constitué de dialogues relevés dans des nouvelles contemporaines au niveau de la

séquence.
Dans notre mémoire, nous cherchons à répondre aux questions suivantes :
-

Comment la politesse verbale est exprimée dans les reproches parus dans des
nouvelles françaises du XXè siècle ?

-

La politesse verbale exprimée dans les reproches parus dans les nouvelles
françaises du XXè siècle se varie-t-elle en fonction des facteurs Pouvoir,
Distance, Légitimité et en fonctions des réactions aux reproches?

Pour ces questions, nous formulons des hypothèses suivantes :
-

Dans les énoncées de reproche parus dans des nouvelles françaises du XXè siècle,
la politesse verbale est exprimée par les procédés substitutifs et les procédés
accompagnateurs.

-

Les procédés de politesse utilisés dans les reproches parus dans des nouvelles
françaises du XXè siècle varient selon les 3 facteurs Pouvoir, Distance et
Légitimité et selon les procédés de politesse utilisés.

En réalisant cette recherche, nous voudrions contribuer à éclaircir certains faits
d’ordre linguistique et culturel pour appliquer dans l’enseignement de la langue.
En ce qui concerne la méthode de la recherche, nous suivons principalement la
méthode inductive en coordonnant avec la méthode déductive. Ensuite, pour collecter

des données, nous utiliserons le corpus préexistant constitué des dialogues dans les
2


nouvelles françaises de l’époque contemporaine. Enfin, après avoir eu des données
dans la main, nous suivrons la démarche d’analyse des données suivante :
catégorisation, statistique, description, analyse, synthèse, confrontation des résultats
d’analyse des données avec les hypothèses envisagées.
Notre recherche se compose de deux chapitres. Le premier est consacré aux
fondements théoriques. Nous allons présenter les notions de base concernant la
politesse linguistique. Nous comptons faire une synthèse des concepts de base
concernant strictement le sujet de recherche dont la théorie d’Austin et de Searle, les
notions de « face » et de « territoire » introduit par E. Goffman qui a posé des
fondations de la théorie de politesse des deux auteurs P. Brown et S. Levinson. Ces
derniers ont introduit la notion des FTAs (Face Threatening Acts - les actes
menaçants pour les faces positives et négatives). Après, C. Kerbrat - Orecchioni a
aménagé le modèle de P. Brown et S. Levinson en ajoutant la notion des FFAs (Face
Flattering Acts – les actes qui donnent des effets positifs sur les faces). Nous
abordons ensuite les façons de réalisation des actes de langage et les facteurs socioculturels qui exercent une influence sur la manifestation de la politesse verbale, à
savoir contexte, relation interpersonnelle… Nous comptons donc parler aussi des
procédés utilisés pour exprimer la politesse verbale. Une rubrique importante sera
réservée à l’identification des valeurs illocutoire de l’acte de reproche, c’est-à-dire
une tentative de définition du reproche du point de vue pragmatique. L’étude des
travaux des auteurs antérieurs nous permet d’établir le fondement théorique pour
notre recherche.
Dans le deuxième chapitre, nous présenterons le corpus constitué et entrerons dans
l’analyse des données. Nous nous concentrerons sur les procédés de politesse utilisés
et traiterons les effets qu’ils produisent en appuyant sur les réactions positives ou
négatives des interlocuteurs. Nous analyserons aussi les réactions des reproches dans
lesquels le locuteur n’utilise pas de procédé de politesse pour comparer par la suite

aux réactions des reproches avec procédé de politesse. Nous comptons tout d’abord
classer les données dans deux catégories : les énoncés de reproche dans lesquels on
3


utilise les procédés de politesse et les énoncés de reproche sans procédés de politesse.
Puis, nous les décrirons et donnerons des commentaires sur la manifestation de la
politesse dans ces reproches et sur la fréquence des moyens linguistiques utilisés.
Ensuite, nous comparerons les réactions des reproches avec et sans procédés de
politesse en les analysant dans la relation avec les facteurs : Pouvoir (P+, P=, P-),
Distance (D+, D-) et Légitimité du reproche (L+, L-). Enfin, nous ferons la synthèse
sur les procédés de politesse utilisés dans les reproches en français en précisant la
fréquence de chaque procédé de politesse. Ensuite, nous synthétiserons les réactions
des interlocuteurs faces aux reproches avec et sans procédés de politesse. Puis, nous
comparerons les résultats obtenus avec les hypothèses proposées au début de la
recherche. Nous chercherons aussi à expliquer le résultat obtenu. Enfin, nous
essayerons

de

proposer

quelques

stratégies

« reprocheurs » et les « reprochés ».

4


de

communication

pour

les


CHAPITRE I : FONDEMENT THEORIQUE
Dans ce chapitre, en vue d’analyser la manifestation de la politesse verbale dans la
formulation du reproche, nous entrons tout d’abord dans l’étude des conceptions de
base sur les actes de langage, les relations interpersonnelles et la politesse
linguistique, Après, nous proposons une première approche de l’acte de « reproche »
qui fait partie du sujet de notre recherche.
1. Concepts des actes de langage
Il existe de différents concepts sur la notion d’acte de langage dans l’histoire
d’évolution de la linguistique. Au début du XXe siècle, avec la prise conscience des
linguistes de la dimension pragmatique du langage, de nombreuses recherches sur les
actes de langage ont été réalisées :
1.1.

Concept des actes de langage d’Austin et de Searle

Que signifie un acte de langage ? Ce dernier est un moyen mis en œuvre par un
locuteur pour agir sur son environnement par ses mots : il cherche à informer, inciter,
demander, convaincre, promettre, etc …
La théorie sur les actes de langage a été développée par John L. Austin (1911-1960)
dans Quand dire c’est faire (1962) qui débouche sur une véritable typologie des actes
de langage, qui renouvelle profondément la pragmatique.

Austin distingue trois catégories d’actes de langage : L’acte locutoire, l’acte
illocutoire et l’acte perlocutoire :
-

L’acte locutoire : l’acte de dire quelque chose. On lui attribue généralement un
sens et on la met en relation avec un référent.
Ex : Il a dit que…
Dans cet exemple, il y a seulement l’acte de dire.

-

L’acte illocutoire : l’acte qui est effectué en disant quelque chose.
Ex : Je t’ordonne de me dire la vérité !
Dans cet exemple, la personne produit l’acte d’ordonner en disant.

-

L’acte perlocutoire : Les effets qu’on cherche ou qu’on peut chercher à accomplir
au moyen du langage : persuader, tromper, influencer, convaincre, mettre en
5


colère, faire peur… Ils varient selon la situation de communication. Certains des
actes sont souvent réalisés par la voix (Ex : acte de persuader), alors que pour
d’autres actes, d’autres moyens sont parfois plus efficace (Ex : acte de faire peur).
La théorie des actes de langage s’oppose à la conception descriptive du langage qui
veut que la fonction première du langage est de décrire la réalité. Selon Austin, la
fonction du langage est aussi d’agir sur la réalité. De cette idée fondamentale, Austin
distingue ensuite deux types d’énoncé : l’énoncé constatif et performatif.
-


L’énoncé constatif a une valeur de vérité, autrement dit, il sert à décrire le monde
(Ex : La lune tourne autour de la Terre (1)). Cet énoncé peut être vrai ou faux (le
chien peut être vraiment devant la maison ou non).

-

L’énoncé performatif ne sert pas à décrire la réalité mais à accomplir une action.
(Ex : Je te promets de faire des efforts (2)). Ce type d’énoncé n’est ni vrai ni faux
mais réussi ou non. Dans cet exemple, cet énoncé est réussi s’il s’adresse à
quelqu’un et si le récepteur comprendre le message ou s’il y a la correspondance
entre ce qui est dit et ce qui est fait (L’émetteur de l’énoncé tient sa parole et fait
de vrais efforts).

Au cours de sa réflexion, Austin a trouvé qu’il existe des énoncés performatifs
implicites à côté des énoncés performatifs explicites. Par exemple, l’énoncé « Je ferai
des effort. » peut être compris comme une promesse. (= je te promets de faire des
efforts). Ou l’énoncé (1) ne rapporte pas qu’un fait mais affirmer la réalité de ce fait.
Il est comparable alors à « J’affirme que la lune tourne autour de la Terre »
Dans ces exemples, les énoncés constatifs accomplissent aussi des actes de langage.
Alors, la frontière entre « constatif » et « performatif » n’est pas vraiment claire.
Autrement dit, selon Austin, tous les énoncés sont dotés d’une force illocutionnaire.
Il propose donc une classification des valeurs illocutoires :
-

Les « verdictifs » : prononcer un jugement.
Ex : condamner, calculer, évaluer, caractériser…

-


Les « exercitifs » : formuler une décision à l’encontre d’une suite d’actions.
Ex : ordonner, commander, conseiller, proclamer…
6


-

Les « promissifs » : obliger les locuteurs à suivre une suite d’actions déterminée :
promettre, faire le vœu de, garantir…

-

Les « expositifs » : Exposer des conceptions, conduire une argumentation,
clarifier l’emploi des mots.
Ex : affirmer, expliquer, exemplifier, paraphraser…

-

Les « comportatifs » : Des réactions face aux comportements des autres et aux
événements qui les concernent.
Ex : remercier, féliciter, s’excuser, souhaiter, reprocher…

En s’appuyant sur la théorie des actes de langage de J.L. Austin, John R. Searle a
rédigé un essai intitulé Speech acts (Les actes de langage) dans lequel il affirmer
que : « parler une langue, c’est réaliser des actes de langage, des actes comme : poser
des affirmations, donner des ordres, poser des questions, faire des promesses, et ainsi
de suite, et, dans un domaine plus abstrait, des actes comme référer, prédiquer ». Il
ajoute : « ces actes sont en général rendus possibles par l’évidence de certaines règles
régissant l’emploi des éléments linguistiques, et c’est conformément à ces règles
qu’ils se réalisent. » Autrement dit, cette théorie insiste sur le fait qu’un individu peut

s’adresser à un autre dans l’idée de faire quelque chose plutôt que de simplement dire
quelque chose.
Ensuite, dans le prolongement d’Austin, Searle distingue cinq catégories générales
d’actes illocutoires : les assertifs, les directifs, les promissifs, les expressifs, les
déclaratifs.
-

Les assertifs engagent le locuteur sur la vérité de la proposition exprimée.
Ex : informer.

-

Les directifs correspondent à la tentative de la part du locuteur d’obtenir quelque
chose de son destinataire.
Ex : ordonner.

-

Les promissifs obligent le locuteur à adopter une certaine conduite future.
Ex : promettre

-

Les expressifs expriment l’état psychologique du locuteur.
7


Ex : l’acte de reproche pour exprimer le mécontentement du locuteur face à un acte
ou un comportement de l’interlocuteur.
-


Les déclaratifs accomplissent et garantissent que leur contenus correspondent au
monde.
Ex : déclarer un amour.

Selon Searle, il existe seulement deux façons essentielles d’examiner les rapports entre
l’énoncé et le monde : « Il appartient au but illocutoire de certaines illocutions de
rendre les mots (plus exactement leur contenu propositionnel) conformes au monde,
tandis que d’autres ont pour bit illocutoire de rendre le monde conforme aux mots. »
(J. R. Searle, 1982 : 41). C’est-à-dire, l’énoncé peut soit « dire vrai » du monde, soit
« rendre vrai » un état du monde. Autrement dit, l’énoncé doit être conforme au monde
ou le monde doit se conformer à ce qui est dit.
1.2.

Concept des actes de langage de C. Kerbrat-Orecchioni

Si dans la perspective austino-searlienne, les actes de langage sont analysés d’une
façon abstraite, isolée et détachent de leur contexte d’actualisation, C. KerbratOrecchioni les met dans le contexte et à l’intérieur d’une séquence d’actes avec la
pragmatique des interactions verbales. Selon elle, les actes de langage sont des
« objets trop complexes pour se laisser enfermer dans un seul et unique cadre
théorique »
Depuis les avancées apportées par la pragmatique interactionniste, la notion d’acte de
langage est devenue plus complexe mais plus juste et plus proche de la réalité
pragmatique. Dans les interactions, il faut que les actes de langage soient identifiés,
définis et redéfinis sans cesse car les objets sont plus vastes et ne servent plus qu’à
décrire le monde.
C.Kerbrat-Orecchioni pose donc l’idée fondamentale de la théorie des actes de
langage : « tous les énoncées possèdent intrinsèquement une valeur d’acte » (KerbratOrecchioni 2001 : 21‒22) et elle considère l’acte de langage comme l’unité minimale
de la grammaire qui porte une certaine valeur illocutoire (ou force illocutionnaire).
8



2. Réalisation des actes de langage
Il existe plusieurs manières pour réaliser un acte de langage et une seule structure
peut exprimer des valeurs illocutoires diverses. Dans son œuvre intitulé « Les actes
de langage dans le discours », C. Kerbrat-Orecchioni propose deux définitions d’un
acte de langage dont l’une est : « quand dire, c’est faire plusieurs choses à la fois »
(Kerbrat-Orecchioni, 2001 : 22). Autrement dit, une même réalisation peut exprimer
plusieurs actes. L’autre définition est « quand dire, c’est faire une chose sous les
apparences d’une autre ». En d’autre terme, un acte de langage peut être formulé
« indirectement, sous le couvert d’un autre acte ». De là, l’idée est développé avec
une distinction entre réalisation directe et réalisation indirecte qui sont reconnues
grâce à quelques marqueurs prosodiques, lexicaux, syntaxiques et quelques codes.
2.1.

Réalisation directe

L’acte de langage est formulé directement quand le locuteur énonce une phrase en
voulant dire exactement et explicitement ce qu’il dit.
En général, la réalisation des actes de langage directs est produite grâce à des verbes
performatifs ou des formes de phrase.
-

Les verbes performatifs

Ex :

« Je te promets de t’offrir un cadeau. »
« Je te conseille de ne pas fumer »


Dans ces exemples, les actes « promesse » et « conseil » sont dénommés quand les
énoncés les accomplissent. On ne peut pas dire « je promets » sans promettre. Les
verbes « promettre » et « conseiller » sont des verbes performatifs. Un verbe ne peut
pas être performatif « par nature », il ne l’est que dans certaines conditions d’emploi.
De plus, il doit être employé à la première personne au présent de l’indicatif. Il est
donc facile de reconnaitre le statut pragmatique de l’énoncé. Pourtant, ce type de
réalisation direct est rarement utilisé, comme l’a remarqué C. Kerbrat-Orecchioni
dans son livre « Les actes de langage dans le discours » (C. Kerbrat-Orecchioni,
2001 : 36) :

9


« Les formulations performatives sont donc les plus claires auxquelles le locuteur
puisse recourir pour spécifier le statut pragmatique de l’énoncé qu’il produit. Mais
ces formulations n’existent pas pour tous les actes de langage et elles sont d’un usage
relativement rare […]. »
-

Les formes de phrase

Il existe d’autre manière de réaliser un acte de langage explicitement sans utiliser les
verbes performatif. Examinons ces exemples :
« Efface le tableau ! » (1)
« Veux-tu sortir avec moi ce soir ? » (2)
Dans ces phrases, les actes sont formulés mais ne sont pas dénommés. L’énoncé (1)
accomplit un ordre sans utiliser le verbe « ordonner », l’énoncé (2) accomplit une
invite sans le verbe « inviter ». En fait, un acte de langage peut se faire à l’aide des
formules diverses :
-


L’infinitif prescriptif : « Eteindre la lumière avant de partir »

-

Les tournures elliptiques : « Deux demi ! »

-

Certaines tournures déclaratives : « Je voudrais que tu sortes », « il faut que tu
sortes »

Mais, il existe aussi des cas où une forme porte plusieurs sens. Par exemple, un
énoncé déclaratif comme « Il fait mauvais. » peut être interprété comme un refus ou
un avertissement. Dans ces cas, ces actes sont réalisés de façon indirecte.
2.2.

Réalisations indirectes

Comme a défini C. Kerbrat-Orecchioni, « Quand dire, c’est faire plusieurs choses à la
fois » et « Quand dire, c’est fait une chose sous l’apparence d’une autre ». Un même
énoncé peut porter plusieurs valeurs illocutoires. Et à l’inverse, un acte peut
s’exprimer de plusieurs façons. Par exemple : l’énoncé « Le ciel est gris » peut être
traduit par « Je ne veux pas sortir » (refus), « Alors, apporte le parapluie ! »
(avertissement) ou simplement « Il va pleuvoir » (assertion). Ses valeurs peuvent
même s’additionner. Et les énoncés comme « J’ai des choses à faire. », « Je ne suis
pas disponible », « Il fait mauvais aujourd’hui », « Pas de question ! »…peuvent être
10



considérés comme équivalents dans certaines circonstances. Bref, les actes de
langage indirects est donc des énoncés qui disent une chose pour en signifier une
autre.
Il existe deux types de formulations indirectes : formulation indirecte conventionnelle
et

formulation

indirecte

non-conventionnelle.

L’acte

de

langage

indirect

conventionnel est un acte de discours socialement reconnus alors qu’on doit se baser
sur le contexte pour déterminer l’acte de langage indirect non-conventionnel. Par
exemple, l’énoncé « Tu peux fermer la porte ? » est normalement pris pour une
requête. Souvent, on peut ajouter un marqueur tel que « s’il te plaît » pour renforcer
la valeur de la requête. Cet énoncé est donc « conventionnel ». En revanche, il n’y a
aucun indice pour identifier un acte de langage indirect non-conventionnel. Comme
dans le cas de « Il fait froid. », l’énoncé prend la forme d’une assertion et ne peut
porter la valeur d’une requête que dans certaines circonstances et il faut se baser sur
le contexte situationnel. On l’appelle alors « non-conventionnel ».
En général, la formulation indirecte d’un acte de langage consiste à affirmer ou

interroger sur les conditions de réussite de l’acte en question. L’énoncé « Tu peux
fermer la porte ? » porte sur la condition de réussite qui concerne le destinataire alors
que l’énoncé « Il fait froid » porte sur l’état de chose au moment de l’énonciation.
Outre les différentes façons de réalisation, les actes de langages sont influencés par
plusieurs facteurs. Nous allons les étudier dans la partie qui suit.
3. Facteurs d’influence des actes de langage
3.1.

Contexte

Dans leurs recherches, Austin et Searle étudient les actes de langage mais détachés
du contexte. En fait, les actes de langages sont utilisés dans des situations de
communication et c’est dans certaines situations précises que le locuteur choisit de
produire et interpréter tel ou tel actes de langages. D’une part, le contexte dirige la
sélection des thèmes de discussion, les termes d’adresse utilisés, le niveau de langue,
etc… des émetteurs. D’autre part, il facilite l’interprétation des récepteurs, en
particulier des actes de langages implicites.
11


Le contexte comprend trois éléments : le cadre spatio-temporel, le but et les
participants.
3.1.1. Le cadre spatio-temporel
- Le cadre spatial englobe tous les caractéristiques du lieu où a lieu l’interaction, les
situations sociales et institutionnelles.
- Le cadre temporel est le moment de l’interaction et joue un rôle décisif dans la
réussite d’un acte de langage.
3.1.2. Le but
Celui-ci est dans certains cas lié strictement au cadre spatio-temporel. Le choix du
lieu et du moment de la conversation dépend du but que visent les locuteurs.

Pourtant, dans d’autres cas, le but et le cadre spatio-temporel sont autonomes.
Normalement, en commençant une conversation, le locuteur vise toujours à un but
global. Et pour atteindre ce but, il doit formuler une série d’actes de langage qui
correspondent à des buts plus ponctuels.
3.1.3. Les participants
Les participants jouent le rôle décisif dans la réussite des actes de langage. On peut
les classifier selon les critères suivants :
-

Leurs caractéristiques individuelles : âge, sexe, appartenance ethnique…

-

Leurs caractéristiques sociales : statut social, profession,…

-

Leurs caractéristiques psychologiques : caractère, état d’âme

-

Leurs relations mutuelles, y compris le degré de connaissance, type de lien
(amical, familial ou professionnel) et l’affectif (sympathie ou antipathie, amitié,
amour...)

-

Leurs nombres : 2 personnes (dialogue), 3 personnes (trilogue), plus de 3
personnes (polylogue)…


3.2.

Relation interpersonnelle

12


Selon W. Labov et D. Fanshel (Kerbrat-Orecchioni, 1996 : 41), une interaction est
« une action qui affecte les relations de soi et d’autrui dans la communication en
face à face ». Autrement dit, entre les interactants existe toujours un certain type de
relation qui décide la façon de communiquer des interlocuteurs. Dans sa recherche,
Kerbrat-Orecchioni (1992) divise les relations interpersonnelles en deux axes
principaux : l’axe horizontal et l’axe vertical.
3.2.1. La relation horizontale
L’axe horizontal marque la relation proche/intime ou éloigné/distant exprimée par les
locuteurs dans une interaction. L’état de la relation horizontale dépend à la fois des
caractéristiques dites « externes » et « internes » de l’interaction. Les premiers
désignent des données contextuelles à l’ouverture de l’interaction telles que le degré
de connaissance des interactants, la nature de leur lien socio-affectif, la situation de
communication informelle, formelle ou cérémonielle,… Les deuxièmes comprennent
des signes verbaux, para-verbaux ou non-verbaux qui sont produits au cours de
l’interaction.
Les comportements des interactants sont en général déterminés par les données
externes. Pourtant, la relation horizontale est aussi négociable, même souvent
négociée, explicitement ou implicitement, dans le but d’un rapprochement progressif
grâce à des facteurs internes - les marqueurs appelés « relationèmes ». Ces derniers
sont très divers et peuvent être de natures différents : verbale (les termes d’adresse,
les thèmes abordés dans l’interaction, les niveaux de langue utilisés), para-verbale
(l’intensité articulatoire, le timbre de la voix, les chevauchements de parole…) ou
non-verbale (la distance spatiale, les gestes utilisés, la position des interactants…)

La relation horizontale est en générale symétrique. La dissymétrie est produite quand
les interactants ont de différentes intentions de développer leur relation. Elle est
souvent conduite par la hiérarchie existant entre les interactants.
3.2.2. La relation verticale
La relation verticale, aussi appelée « la relation hiérarchique », démontre la côté de
l’inégalitaire entre les interactants. En fait, l’un d’entre eux peut être à la position
13


supérieure ou de « dominant » et l’autre à la position inférieure ou de « dominé ».
Contrairement à la relation horizontale, la relation verticale est principalement
dissymétrique car le dominé a toujours l’intention de résister et de reprendre l’égalité.
La relation hiérarchique est aussi dépend à la fois des caractéristiques externes et
internes. Les premiers englobent tous les données contextuelles (l’âge, le sexe, le
statut social, la force physique…). Les deuxièmes existent sous formes des
« taxèmes », ou des « relationèmes verticaux ». On distigue les « taxèmes de position
haute » des « taxèmes de postion basse ». Ces marqueurs peuvent aussi être de nature
verbale (les termes d’adresse, les actes de langages produits, l’organisation des tours
de

parole,

les

thèmes

abordés,

le


vocabulaire

utilisé, l’interprétation

de

l’interactant…), de nature para-verbale (le ton et l’intensité vocale des interactants) et
de nature non verbale (la tenue vestimentaire, l’apparence physique des interactans,
les postures, les regards et les gestes mimiques…)
3.3.

Politesse linguistique

La « politesse » peut être abordée sous 2 angles : La politesse, au sens commun, est
envisagée comme un ensemble de règles gouvernant le comportement social et qui se
ressemble à la bienséance. Quant à la pragmatique, qui est normalement limité dans
une perspective plus linguistique, considère la politesse comme un ensemble des
stratégies de conversations. Dans le cadre de notre recherche, sur des actes de
langage, alors, nous nous intéressons seulement à la politesse linguistique.
La politesse linguistique est un domaine de recherche relativement récent. Les
linguistes commencent à étudier la politesse dans la conversation dans les années 70.
H. P. Grice est considéré comme le pionnier dans la recherche sur les conversations
linguistique avec son « principe de coopération » dans lequel il a mis l’accent sur la
relation très stricte entre la contribution des interactants et la quantité, la qualité des
informations, la pertinence du discours ainsi que la manière dont on transmettre nos
messages. Il affirme que « nos échanges de paroles sont le résultat, jusqu’à un certain
point au moins, d’efforts de coopération » et nous pourrons alors « formuler en
première approximation un principe général qu’on s’attendra à voir respecté par tous
14



les participants : que votre contribution conversationnelle corresponde à ce qui est
exigé de vous, au stade atteint par celle-ci, par le but ou la direction acceptés de
l’échange parlé dans lequel vous êtes engagé » (H. P. GRICE, 1979 : 60-61). En
suivant ce principe de Grice, R. Lakoff a introduit la notion de « politesse ». Pour
elle, la communication humaine a deux fonctions majeures : transmettre les
informations et établir, maintenir la relation interpersonnelle. La deuxième fonction
dépend fortement de la politesse: “Politeness is a system of interpersonal relations
designed to facilitate interaction by minimizing the potential for conflict and
confrontation inherent in all human interchange” (R. Lakoff, 1990 : 34). Ainsi, la
politesse a pour fonction de minimiser le risque de conflit et de confrontation
inhérente à tous les échanges humains pour faciliter l’interaction. Après Lakoff,
plusieurs linguistes ont cherché à cultiver sur ce nouveau champ. Parmi eux, les
réalisations les plus remarquables sont venues d’E. Goffman, P. Brown et Levinson
et C. Kerbrat-Orecchioni qui, au fil du temps, ont créé de nouvelles notions afin de
clarifier le concept de politesse linguistique.
3.3.1. E. Goffman, la face, le territoire du moi et les figurations
Selon Goffman, l’interaction se ressemble à une mise en scène de la vie quotidienne
et les participants sont des acteurs qui doivent jouer bien leur rôle afin de protéger et
valoriser « la masque » de son personnage. Ainsi, la « face » selon le linguiste est
comme l’image que construisent les participants d’eux-mêmes dans une interaction.
Plus précisément, elle est « la valeur social positive qu’une personne revendique
effectivement à travers la ligne d’action que les autres supposent qu’elle a adoptée au
cours d’un contact particulier » (Goffman, 1974 : 9). « La face social d’une personne
est souvent son bien le plus précieux et son refuge le plus plaisant » (Goffman, 1974 :
13). Chaque individu a donc toujours besoin de valoriser ses points forts, cacher ses
points faibles et construire une image de lui-même telle que les autres attendent de
lui.
Opposant à la « face », Goffman a ajouté la notion du « territoire du moi » qui
désigne les propriétés de l’individu et des prolongements corporels, matériels,

15


spatiaux et affectifs. Dans son œuvre intitulé « La mise en scène de la vie quotidienne
tome II : Les relations en public » (1973), le sociolinguistique a listé huit catégories
de « territoire » qui sont les suivantes :
L’espace personnel désigne l’espace autour d’un individu, son propre région « où
toute pénétration est ressentie comme un empiètement ».
La place est l’espace délimité auquel on peut avoir droit et qui « fixe et articule les
revendications spatiales ».
L’espace utile ou l’espace relatif aux besoins matériels évidents.
Le tour signifie l’ordre dans lequel une personne a droit à un bien.
L’enveloppe indique la peau ou les vêtements qui recouvrent notre corps
Le territoire de la possession représente l’ensemble d’objet identifiables à nous et
disposés autour de notre corps.
Les réserves d’information englobent les faits qui nous concernent et que nous
voulons garder le contrôle.
Les domaines réservés de la conversation montre le droit de l’individu de contrôler
sur qui peut lui adresser la parole et quand.
Chacun a sa propre « face » et son propre « territoire » qu’il veut préserver. Alors
dans une conversation, chaque interactant doit bien maîtriser certains rituels qui
consistent à faciliter le rapprochement avec le minimum de risques pour sa « face » et
même de son interlocuteur comme l’a dit Goffman : « l’effet combiné des règles
d’amour propre et de considération est que, dans les rencontres, chacun tend à se
conduire de façon à garder aussi bien sa propre face que celle des autres participants
» (Goffman, 1974 : 44). Il faut donc faire recours à de diverses stratégies que
Goffman appelle des « figurations » (face work) respectant deux ensemble de
principes de ménagement des faces : les règles d’amour-propre selon lesquelles on
doit faire preuve d’amour pour soi-même et des règles selon lesquelles on doit faire
preuve de considération pour l’interlocuteur. Ces stratégies permettent de prévenir les

situations menaçants à la face, d’éviter de produire des risques (agir avec tact) ou de
réparer des incidents inévitables.
16


Ces notions du sociolinguiste américain ont donné l’inspiration à Brown et Levinson
qui, dans les années qui suivent, a continué à développer la théorie de politesse.
3.3.2. Modèle de politesse de Brown et Levinson
En se basant sur la notion de « face » de Goffman, Brown et Levinson (1987 : 65-67)
ont élargi la théorie de politesse avec de nouvelles notions des faces positives et
négatives, des FTAs et du « face want ».
3.3.2.1.

Face positive ou négative ?

S’inspirant de la théorie de Goffman, Brown et Levinson ont créé de nouveaux
termes pour ceux qu’a appellé Goffman le « territoire du moi » et la « face ». La face
négative ressemble à la « territoire du moi » comprenant les territoires corporels,
matériels, spatiaux, temporels,… La face positive, correspondant à la notion de face
de Goffman, désigne les différentes images que construit chaque individu. Pour les
deux auteurs, ce sont deux composantes complémentaires de la personne.
3.3.2.2.

Que signifient les « FTAs » ?

Selon Brown et Levinson, dans les conversations, toutes les actes (verbaux ou nonverbaux) risquent de produire des menaces potentielles pour l’un ou/et l’autre face
des participants. Ces actes menaçants pour les faces sont appelés par les deux
linguistes « Face Threatening Acts » (FTAs). Ils sont classés dans 4 catégories
suivantes :
-


Actes menaçants pour la face négative de celui qui les accomplit. (Ex : le pari,
l’offre, la promesse…)

-

Actes menaçants pour la face positive de celui qui les accomplit. (Ex : l’excuse,
l’aveu…)

-

Actes menaçants pour la face négative de celui qui les subit. (Ex : la demande, la
requête, l’ordre…)

-

Actes menaçants pour la face positive de celui qui les subit. (Ex : le reproche,
l’insulte, la moquerie…)

En réalité, un acte peut être classé dans plusieurs catégories. Autrement dit, il peut en
même temps menacer plusieurs faces, de plusieurs interactants. Par exemple, un
17


reproche peut simultanément menacer la face positive du locuteur et de
l’interlocuteur, une offre peut en même temps menacer la face négative de celui qui
l’accomplit et la face positive de celui qui la subit. Pourtant, chaque acte a sa valeur
dominante. Dans le cas du reproche par exemple, il est avant tout un acte menaçant à
la face positive de celui qui le subit.
3.3.2.3.


« Face want » ou le ménagement de face

Comme les faces des interactants risquent souvent d’être menacées, chaque individu
a toujours besoin de protéger ses faces et aussi celles de ses partenaires – ce que
Goffman appelle « les règles d’amour-propre » et « les règles de considération ». La
notion de « face want » de Brown et Levinson exprime la même idée du désir de
préserver les faces. Pour répondre à ce besoin, il faut alors avoir recours au « face
work » ou des stratégies de politesse. Nous les aborderons après avoir présenté le
modèle de politesse de C. Kerbrat-orecchioni dans la partie qui suit.
3.3.3. C. Kerbrat-Orecchioni et son extension de la théorie de politesse
Développant les recherches sur la politesse, C. Kerbrat-Orecchioni (2000 : 21) a
ajouté la notion de FFA (Face Flattering Act) à côté du FTA de Brown et Levinson.
En outre, la linguiste française a creusé des questions sur la politesse négative et
positive ainsi que des stratégies de politesse.
3.3.3.1.

FFA vs FTA

Comme nous avons abordé dans les parties précédentes, Brown et Levinson, dans
leur recherche, ont introduit la notion de FTA (Face Threatening Act) pour désigner
les actes menaçants pour les faces des interactants. Kerbrat-Orecchioni, quant à elle,
a remarqué qu’il existe aussi des actes valorisant pour les faces et elle les a nommés
FFA (Face Flattering Act). Ainsi, on peut diviser les actes de langages en 2 grandes
groupes : les actes ayant des effets positifs sur les faces des interactants (Ex : le
compliment, le remerciement, le souhait…) et les actes ayant des effets négatifs sur
les faces des interactants (Ex : l’insulte, le reproche, l’ordre…). En effet, il existe des
actes que l’on peut classer dans tous les deux groupes. Par exemple, une offre peut
menacer la face négative de celui qui l’accomplit (et même la face positive de celui
18



×