UNIVERSITẫ NATIONALE DE HANOẽ
UNIVERSITẫ DE LANGUES ET D'ẫTUDES INTERNATIONALES
DẫPARTEMENT DẫTUDES POST-UNIVERSITAIRES
*********************
NGUYN THANH HOA
LE RễLE DES CONNAISSANCES CULTURELLES
DANS LA TRADUCTION
(ẫtude de cas des ộtudiants en troisiốme et en quatriốme annộes du
Dộpartement de Langue et de Civilisation Franỗaises-Universitộ de Langues et
dẫtudes internationales- Universitộ Nationale de Hanoù)
VAI TRề CA TRI THC VN HO TRONG DCH THUT
(Nghiờn cu trng hp sinh viờn nm th 3, nm th 4 khoa Ngụn ng v
Vn hoỏ Phỏp-Trng i hc Ngoi ng-i hc quc gia H Ni)
Mộmoire de fin dộtudes post-universitaires
Option : LINGUISTIQUE
Code : 60 22 20
HANOẽ- 2010
UNIVERSITẫ NATIONALE DE HANOẽ
UNIVERSITẫ DE LANGUES ET D'ẫTUDES INTERNATIONALES
DẫPARTEMENT DẫTUDES POST-UNIVERSITAIRES
*********************
NGUYN THANH HOA
LE RễLE DES CONNAISSANCES CULTURELLES
DANS LA TRADUCTION
(ẫtude de cas des ộtudiants en troisiốme et en quatriốme annộes du
Dộpartement de Langue et de Civilisation Franỗaises-Universitộ de Langues et
dẫtudes internationales-Universitộ Nationale de Hanoù)
VAI TRề CA TRI THC VN HO TRONG DCH THUT
(Nghiờn cu trng hp sinh viờn nm th 3, nm th 4 khoa Ngụn ng v
Vn hoỏ Phỏp- Trng i hc Ngoi ng- i hc quc gia H Ni)
Mộmoire de fin dộtudes post-universitaires
Option : LINGUISTIQUE
Code : 60 22 20
Directeur de recherche : M. inh Hng Võn
HANOẽ- 2010
TABLE DES MATIÈRES
INTRODUCTION ............................................................................................................ 1
1. Justification du choix du sujet de recherche ........................................................... 1
2. Objectifs de la recherche .............................................................................................. 1
3. Questions et hypothèses de recherche ........................................................................ 2
4. Méthodologie de recherche .......................................................................................... 2
5. Corpus ............................................................................................................................ 2
6. Structure du mémoire ................................................................................................................2
CONTENU
Chapitre 1 : Les problèmes théoriques ........................................................................... 4
1.1 Traduire, c’est … ........................................................................................................ 4
1.1.1 La traduction telle qu’elle est définie par différents auteurs ..................................... 4
1.1.2 La traduction telle qu’elle est conçue par les auteurs de la Théorie du sens ............. 12
1.1.2.1 Les trois niveaux de la traduction ........................................................................... 14
1.1.2.2 La déverbalisation ................................................................................................... 17
1.1.3 Le sens ....................................................................................................................... 24
1.1.3.1 Incomplétude et appréhension du sens .................................................................. 27
1.1.3.2 Incomplétude et expression du sens....................................................................... 30
1.2 Une bonne traduction ................................................................................................ 31
1.2.1 La compréhension ..................................................................................................... 32
1.2.1.1 Comprendre la composante linguistique................................................................. 32
1.2.1.2 Comprendre les implicites ...................................................................................... 33
1.2.1.3 Les compléments cognitifs .................................................................................... 34
1.2.2 L’expression .............................................................................................................. 35
1.2.2.1 La reverbalisation ................................................................................................... 35
1.2.2.2 L’analyse justificative ............................................................................................. 37
1.2.2.3 Identité du contenu, équivalence de la forme ......................................................... 38
1.3. Le bagage cognitif .................................................................................................... 39
1.3.1 Implicite et explicite .................................................................................................. 40
1.3.2 Rôle de l’implicite et de l’explicite dans la communication en général et dans la
traduction en particulière .................................................................................................... 41
1.3.3 Rôle du bagage cognitif dans la compréhension des implicites dans les énoncés et
dans le choix des moyens de réexpression.......................................................................... 43
Chapitre 2 : Comment les étudiants du Département de Langue et Civilisation
Françaises traduisent-ils ?................................................................................................ 45
2.1. Présentation du corpus ................................................................................................. 45
2.2. Analyse du corpus ........................................................................................................ 46
2.3. Explication des erreurs relevés du corpus.................................................................... 65
Chapitre 3 : Que faire pour améliorer la qualité de la traduction des étudiants ....... 73
3.1. Perfectionnement linguistique ..................................................................................... 74
3.2. Amélioration des compétences intellectuelles ............................................................. 79
3.3. Intensification des activités de recherche documentaire .............................................. 84
CONCLUSION………………………………………………………………………….100
BIBLIOGRAPHIE……………………………………………………………………...102
ANNEXE
1
INTRODUCTION
1. Justification du choix du sujet de recherche
Tout au long de l‟histoire de la linguistique, la traduction joue incontestablement un rôle
primordial dans l‟enseignement et l‟apprentissage d‟une langue. Ce rôle est, de nos jours,
mis de plus en plus en relief quand vient le temps de la mondialisation et de l‟intégration
internationale. Ainsi, la présence de traducteurs professionnels pour d‟abord bien enseigner
la matière et pour ensuite bien assumer le rôle de passerelle dans les relations des pays,
des organisations est indispensable.
Cependant, jusqu‟à aujourd‟hui, les étudiants du Département de Langue et de Civilisation
Françaises ne semblent pas appréhender l‟importance de ce métier, en effet, la qualité de
leurs traductions laisse toujours à désirer. Cette réalité a été à l‟origine de notre étude des
facteurs conditionnant la qualité des traductions, les éléments culturels.
2. Objectifs de la recherche
Cette recherche vise à étudier le rôle des connaissances culturelles dans la traduction des
étudiants en troisième et en quatrième année du Département de Langue et de Civilisation
Françaises. Et le résultat de cette étude servira de base pour les suggestions pour
améliorer la traduction de ces étudiants.
3. Questions et hypothèses de recherche
Dans le cadre de cette recherche, nous essayons de trouver les réponses à ces questions
suivantes :
-
Comment les éléments culturels influencent-ils sur la qualité des traductions chez
les étudiants ?
-
Les étudiants mobilisent-ils assez d‟éléments culturels lors de la traduction ? Ces
questions nous permettent d‟élaborer les hypothèses suivantes :
-
Les éléments culturels jouent un rôle indispensable dans la compréhension des
textes à traduire. Donc, ils peuvent faciliter la compréhension ou au contraire la
bloquer chez les étudiants.
-
La mobilisation des connaissances culturelles dans la compréhension est
insuffisante.
4. Méthodologie de recherche
2
Dans le cadre de cette recherche, nous utiliserons la méthode qualitative car elle nous aide
à mieux nous poser de bonnes questions et d‟identifier de bonnes hypothèses. Au cours de
la recherche et surtout dans la collecte et l‟analyse des données interviennent donc
plusieurs autres méthodes telles que méthode descriptive, synthétique ou analytique. Nous
expliquerons avec plus de détails les méthodes utilisées dans le deuxième chapitre de cette
recherche.
5. Corpus
Notre étude se réalise sur un corpus constitué de traductions faites par les étudiants du
Département de Langue et de Civilisation Françaises pour des raisons à la fois subjectives
et objectives.
En premier lieu, le fait que je suis professeur de français au Département facilite la
recherche en la matière.
En deuxième lieu, la traduction et l‟interprétariat constituent depuis longtemps une des
deux filières principales du Département de Langue et de Civilisation Françaises. Ce
corpus permettra à la présente étude de formuler des suggestions pédagogiques utilitaires et
directement applicables dans l‟enseignement et dans l‟apprentissage du métier
d‟interprétariat et de traduction.
6. Structure du mémoire
Chapitre 1 : Les problèmes théoriques
1.1.
Traduire, c'est …
1.1.1. La traduction telle qu'elle est définie par différents auteurs
1.1.2. La traduction telle qu'elle est conçue par les auteurs de la Théorie du sens
1.1.2.1.Les trois niveaux de la traduction
1.1.2.2.La déverbalisation
1.1.3. Le sens
1.1.3.1.
Incomplétude et appréhension du sens
1.1.3.2.
Incomplétude et expression du sens
1.2.
Une bonne traduction
1.2.1. La compréhension
1.2.1.1.
Comprendre la composante linguistique
3
1.2.1.2.
Comprendre les implicites
1.2.1.3.
Les compléments cognitifs
1.2.2. L‟expression
1.2.2.1.
La reverbalisation
1.2.2.2.
L‟analyse justificative
1.2.2.3.
Identité du contenu, équivalence de la forme
1.3. Le bagage cognitif
1.3.1 Implicite et explicite
1.3.2 Rôle de l‟implicite et de l‟explicite dans la communication en général et dans la
traduction en particulière
1.3.3 Rôle du bagage cognitif dans la compréhension des implicites dans les énoncés et
dans le choix des moyens de réexpression
Chapitre 2 : Comment les étudiants du Département de Langue et Civilisation
françaises traduisent-ils ?
2.1. Présentation du corpus
2.2. Analyse du corpus
2.3. Explication des erreurs relevés du corpus
Chapitre 3 : Que faire pour améliorer la qualité de la traduction des étudiants
3.1. Perfectionnement linguistique
3.2. Amélioration des compétences intellectuelles
3.3. Intensification des activités de recherche documentaire
4
Chapitre 1 : LES PROBLÈMES THÉORIQUES
Le premier chapitre servira à la clarification des problèmes théoriques, qui, à leurs tours,
jouent un rôle primordial dans la collecte et l‟analyse du corpus présenté ci-dessous. À
partir de ces bases, nous établirons la relation entre le bagage cognitif et la traduction chez
les étudiants en français du Département de Langue et de Civilisation françaises. N‟ayant
pas l‟ambition de présenter les éléments théoriques de façon exhaustive, nous essayerons
de les classer selon un ordre des plus élémentaires aux plus complexes. Ce chapitre est
divisé en trois parties. La première porte sur les définitions de la traduction selon différents
courants, la deuxième partie sur les critères pour une bonne traduction et la dernière sur le
bagage cognitif qui attire totalement notre champs d‟étude.
1.1 Traduire, c'est …
Il est incontestable que la traduction a elle-même une longue histoire marquant différents
courants de cette matière. De nombreuses définitions ainsi que conceptions de traduction
ne cessent donc de s‟ajouter aux connaissances de l‟humanité sur ce sujet. Cette première
partie a pour objectif de présenter quelques définitions de la traduction proposées par
différents auteurs et aussi de préciser le rapport entre la traduction et la linguistique.
1.1.1 La traduction telle qu'elle est définie par différents auteurs
La traduction possède sans doute une longue histoire qui demande une étude bien détaillée
pour la comprendre vraiment. Même si l‟objectif de l‟étude n‟est pas de cette étendue, la
compréhension de l‟évolution de la traduction n‟est pas inutile. Cette histoire peut se
diviser en deux grandes périodes. La première recouvre la période depuis sa naissance
jusqu‟à la fin du XIXè siècle, la deuxième depuis le début du XXè siècle jusqu‟aujourd‟hui.
La première période :
Selon les experts, la traduction a vu le jour avec les oeuvres de Cicéron (en latin Marcus
Tullius Cicéro, 106 av. J.-C- 43 av. J.-C) et de Horace (en latin Quintus Horatius Flaccus,
65 av. J.-C-8). Quand Cicéron traduisait les plaidoyers prononcés par Eschine et
Demosthèmes lors de l‟affaire de la couronne dans De optimo genere oratorum (Les
orateurs parfaits), il a adopté son point de vue sur la traduction:
5
“Connuerti enim ex Atticis duorum eloquentissimorum nobilisssimas orations inter seque
contrarias, Aeschinis et Demosthenis; nec conuerti ut interpres, sed ut orator, sententiis
isdem et earum formis tamquam figures, uerbis ad nostrum consuetudinem aptis in quibus
non uerbum pro uerbo necesse habui reddere, sed genus omne uerborum uimque seruaui
non enim ea me annumerare lectori putaui oportere, sed tamquam appendere.” (CIC. Opt.
14)
“J‟ai en effet traduit des deux plus éloquents des Attiques, Eschine et Démosthène, les
deux discours les plus célèbres et qui se répondent; et je les ai traduits non en interprète,
mais en orateur, avec la même présentation des idées et des figures, en adaptant les mots à
notre propre langue. Pour ceux-ci je n‟ai pas jugé nécessaire de les rendre mot par mot,
mais j‟ai conservé dans son entier le genre des expressions et leur valeur. Je n‟ai pas cru en
effet que je dusse en rendre au lecteur le nombre, mais en quelque sorte le poids.” [11:
114].
Et cette vision sur la matière est aussi partagée par Horace, il ne voit pas la traduction
comme un transcodage, une traduction de mot-à-mot mais un transfert du vouloir dire de
l‟auteur.
Saint Jérôme (347-420) a rappelé et suivi cette manière de traduire dans sa belle version de
la Bible, La Vulgate, du grec en latin. «Je l'avoue hautement, dit-il, je n'ai point cherché à
rendre le mot par le mot ; je me suis surtout attaché à rendre les pensées : Ego non solum
fateor, sed libera voce profiteor, me non verba, sed sententias transtulisse.”
En bref, on peut souligner que l‟adoption d‟une traduction interprétative, c‟est-à-dire, une
traduction basant sur les unités de sens, n‟est totalement pas récente. Elle a déjà apparu aux
premières années de la traduction mais c‟est justement au temps moderne, elle est vraiment
prise en considération.
On ne saurait non plus ignorer le grand John Wycliffe, érudit d‟Oxford, qui proclamait que
la Bible établissait la loi de Dieu et que la loi de Dieu était au-dessus de toutes les lois.
Mais la Bible était en latin; la cour et la noblesse parlaient français, tandis que la masse
communiquait dans une nouvelle langue appelée l‟anglais. Wycliffe, aidé de Nicholas de
Hereford, traduisait la Bible dans cette langue en se basant sur La Vulgate. Elle a paru en
1384, l‟année de sa mort. Et c‟est Wycliff qui est le premier à traduire la Bible du latin en
6
anglais et qui déclenche les mouvements de traduction de la Bible. Et selon lui, ce travail
peut être divisé en quatre étapes:
1. Rassembler les vieilles Bibles et autres documents permettant d‟établir une source
authentique de textes latins. (On peut faire remarquer ici que le latin auquel il se réfère
n‟est pas non plus la langue d‟origine de la Bible. Sa traduction s‟est faite à partir d‟une
traduction).
2. Comparer les différentes versions.
3. Consulter les grammairiens et autres hommes de culte pour les interprétations
complexes.
4. Faire les traductions de la Bible de façon intelligible et le plus compréhensible possible
et les soumettre ensuite à un groupe de collaborateurs pour être corrigées [14:23]
En développant le travail de Wycliff, John Purvey, le disciple de Wycliff a réaffirmé
vivement que la traduction ne restait pas celle de mots mais il s‟agissait d‟une
interprétation du sens transmis par l‟auteur afin de créer une traduction bien claire et
compréhensible par les gens de la langue d‟arrivée.
Les réflexions sur la traductions présentées ci-dessus ne représentent que des bases pour le
fondement d‟une théorie de la traduction proprement dite. Cette science devrait sa théorie à
Étienne Dolet (1509- 1546) dont l‟oeuvre La manière de bien traduire d‟une langue en une
autre a réussi à poser les premières pierres de la théorie de traduction. Dans son livre,
Dolet a mis en lumière les cinq règles fondamentales à respecter lors de la traduction:
“La matière de l'auteur qu'il traduit; car par cette intelligence, il ne sera jamais obscur en
sa traduction: et si l'auteur lequel il traduit est aucunement scabreux, il le pourra rendre
facile et du tout intelligible.
La seconde chose qui est requise en traduction, c'est que le traducteur ait parfaite
connaissance de la langue de l'auteur qu'il traduit et soit pareillement excellent en la
langue en laquelle il se met à traduire. Par ainsi il ne violera, et n'amoindrira la majesté
de l'une et l'autre langue.
Le tiers point est qu'en traduisant, il ne se faut pas asservir jusqu'à là que l'on rende mot
pour mot. Et si aucun le fait, cela lui procède de pauvreté et défaut d'esprit.
La quatrième règle [veut que l'on se] contente du commun, sans innover aucunes dictions
follement, et par curiosité repréhensible. Pour cela n'entends pas que je dise que
traducteur s'abstienne totalement de mots qui sont hors de l'usage commun, mais cela se
7
doit faire à l'extrême nécessité.
Venons maintenant à la cinquième règle que doit observer un bon traducteur. Laquelle est
de si grande vertu, que sans elle toute composition est lourde et mal plaisante. Mais qu'est
ce qu'elle contient? Rien autre chose que l'observation des nombres oratoires: c'est asseoir
une liaison et assemblement des dictions avec telle douceur, que non seulement l'âme s'en
contente, mais aussi les oreilles en sont toutes ravies, et ne se fachent jamais d'une telle
harmonie de langage. ”
Ou dans Essay on the Principles of Translation (London, 1790), Alexander Fraser Tytler,
écrivain anglais, a résumé les trois critères d‟une bonne traduction. D‟abord, elle doit
représenter les idées ensuite la forme du texte original et enfin elle ne doit pas garder les
mêmes compositions linguistique du texte original.
Alors, on peut facilement voir que ces réfexions sur la traduction de Cicéron et Horace
laissent encore leur empreinte sur celles des autres auteurs qui suivent. Et dans son oeuvre
“Nghien Cuu dich thuat” Hoang Van Van a fait un résumé des conceptions sur la
traduction dès sa naissance jusqu‟à la Première Guerre Mondiale en les regroupant en 3
différents courants de traduction. Le premier vise à une traduction linguistique, d‟une
langue à l‟autre tandis que le deuxième tente d‟amener les lecteurs au vouloir-dire de
l‟auteur en reformulant le texte d‟origine pour qu‟il soit compréhensible dans la langue
d‟arrivée. Et les traducteurs du troisième courant ont tendance à créer des traductions qui
s‟approchent de la forme et de la langue vernaculaire.
La deuxième période:
Jusqu‟à la Seconde Guerre Mondiale, la traduction n‟est considérée que comme un art.
Seuls les écrivains, les philosophes, les spécialistes dans différents domaines scientifiques
s‟y intéressent et le prennent comme un vrai sujet d‟étude....Mais la traduction n‟est guère
une science avec une théorie bien solide. C‟est William Weaver, traducteur anglais
spécialisé dans la littérature italienne, qui a déclenclé la réflexion comtemporaine sur la
traduction. On peut y distinguer quatre approches théoriques :
-
Approches basées sur des théories linguistiques (structuralisme, pragmatique
linguistique, linguistique du texte): G. Mounin (Les Problèmes théoriques de la
traduction), J. Catford (A linguistic theory of translation)…
8
-
Approches basées sur des théories littéraires: Ezra Pound (Poems and
Translations ), “Polysystem theory” (“manipulation school”)
-
Approches basées sur des théories philosophiques: Steiner (Après Babel. Une
poétique du dire et de la traduction), Paepcke (Textverstehen und Uebersetzen.
Ouvertures sur la Traduction) et Stolze (Hermeneutik und Translation), Benjamin
Walter (The task of translator).
-
Approches basées sur la pratique: Danica Seleskovitch (Interpréter pour
traduire), Marianne Lederer (La traduction aujourd‟hui)
L’approche basées sur des théories linguistiques:
Le XXè siècle est le siècle d‟épanouissement de la linguistique, dès lors elle est
considérée comme une science indépendante. Cette révolution linguistique entraîne
aussi l‟évolution de la traduction car la linguistique noue toujours un lien très étroit
avec la traduction. En 1916, la publication du Cours de linguistique général de
Ferdinand de Saussure marque la naissance du Structuralisme. Et en 1957 c‟est l‟année
des découvertes de J.Searle et J.L.Austin sur la pragmatique de la linguistique …Les
changements fondamentaux de la linguistique font naître tant de questions au sujet de la
traduction. On se demande alors qu‟est ce que c‟est la traduction, quelle serait l‟unité
de la traduction, si on doit traduire linguistiquement ou on choisit une traduction
interprétative….Et voici quelques réflexions de différents auteurs tels que: Goerges
Mounin, J.Catford, J.R.Firth, R. Jakobson, E.Nida….
G. Mounin évoque de ce fait l‟intérêt que pouvait présenter “la recherche des unités
sémantiques minima” [24:95]
Si de telles „particules de sens‟ existaient, la traduction deviendrait quelque chose
d‟aussi simple que l‟analyse et la synthèse en chimie [24:97]
C‟était une illusion! Mounin et d‟autres pensaient résoudre ainsi les problèmes de la
traduction automatique. Les choses ne sont pas aussi simples.
L‟insuffisance des résultats acquis par cette recherche sur la sémantique du mot, a
poussé les chercheurs à étendre leurs recherches au syntagme et à la phrase. Ainsi, pour
le traductologue anglais Catford il ne s‟agit plus de chercher le “mot juste” dans la
langue cible, mais de trouver les “translation equivalents” utilisés dans des situations
identiques. C‟est également à ce niveau que se situent les travaux de stylistique
comparée de Vinay et Darbelnet, qui ont essayé de catégoriser les différentes
9
procédures utilisées lors des opérations traduisantes. Avec son oeuvre A linguistic
theory of translation, J. Catford a beaucoup contribué à la théorie de la traduction en
distinguant le contexte du cotexte car les traducteurs n‟arrivent presque jamais dans tous
les cas à donner une traduction compréhensible s‟ils se basent seulement sur ce qui est
écrit dans le texte original.
L‟histoire de la traduction passe à une autre page lors de l‟apparition de la linguistique
pragmatique. Initiée par J.-L. AUSTIN et J. SEARLE, la linguistique pragmatique a
attiré l‟attention sur le fait que le sens d‟un énoncé ne pouvait être saisi seulement à
partir de la valeur sémantique de cet énoncé, mais devait être considéré dans la
situation dans laquelle il est énoncé. La communication est fondée sur des actes de
langage, dont la valeur illocutoire varie selon les contextes situationnels. C‟est cette
valeur illocutoire que le traducteur doit saisir et rendre de façon adéquate en langue
cible.
L‟évolution de la linguistique structurale vers la linguistique du texte a eu des
répercussions importantes sur la conception de la traduction. Alors que la linguistique
contrastive avait centré l‟attention sur les études contrastives, qui avaient pour objet la
“langue” (au sens saussurien du terme), la linguistique du texte a fait prendre
conscience du fait que le traducteur traduisait la “parole”, que les mots n‟avaient pas un
sens une fois pour toutes, mais ne prenaient leur sens que dans le cadre du texte. Quant
au sens du texte, il n‟était pas dans le texte, mais venait au texte dans la saisie de celuici par le récepteur: une théorie du sens qui était induite par les réflexions de Heidegger.
La théorie de la traduction devenait tributaire d‟une théorie de l‟action qui disait que le
sens de toute action dépendait du but auquel elle tendait.
La Théorie skopos
En grec, le mot “skopos” signifie la visée, le but, la finalité . Il est employé dans la
traductologie pour désigner la théorie avancée par Hans Vermeer (Fondements d‟une
théorie de la translation= Grundlegung einer Translationstheorie) à la fin des années
1970. Cette théorie s‟adresse avant tout aux textes pragmatiques et leurs fonctions dans
la culture cible.
Cette évolution dans la réflexion théorique a eu des répercussions très concrètes sur la
démarche traduisante. Si tel syntagme en langue cible était bien l‟équivalent de tel autre
en langue source, on devait se poser la question de la finalité globale du texte, de sa
10
fonction, ou encore de son “skopos”, pour employer la terminologie de Katharina
REISS et de Hans VERMEER (1984), telle qu‟ils l‟exposent dans un ouvrage commun
intitulé Fondements d‟une théorie de la translation (= Grundlegung einer
Translationstheorie).
Pour clarifier cette notion de “fonction”, Katharina REISS a développé une “typologie
des textes pertinente pour le traducteur” basée sur les trois fonctions fondamentales du
langage dégagées par Karl Buehler – textes informatifs, textes esthétiques, textes
appellatifs – chacun des ces types de texte faisant appel à des stratégies traduisantes
différentes.
En somme, cette théorie n‟est pas applicable car il ne faut pas fixer une stratégie globale
et l‟appliquer rigoureusement, il faut aussi tenir compte des paramètres influents dans le
système d‟accueil.
Approches basées sur des théories littéraires
Pour Edmond Cary “la traduction n‟est pas une opération linguistique, c‟est une
opération littéraire” [22:13] et il rajoutera que pour traduire de la poésie, il faut être
poète. Aussi ces théories se réfèrent-elles uniquement à la traduction littéraire et surtout
à la traduction de la poésie. Elles ont été fortement marquées par les idées des
sémioticiens, comme Roland Barthes (Lectures plurielles du texte) ou Umberto Eco
(Struttura apperta) qui ont montre que c‟est par le lecteur que le sens vient au texte,
reprenant l‟idée plus générale de Heidegger que c‟est par la perception qu‟en a l‟être
humain que le sens vient aux choses.
C‟est ce genre de théories qui a donné naissance aux Etats Unis aux “Writing and
Creativity Workshops” et aux “Translation Workshops”, dont un des grands inspirateurs
a été Ezra Pound.
La „théorie‟ de Pound était fondée sur le concept d‟énergie dans la langue. Les mots
sont en quelque sorte une cristallisation du vécu historique d‟une culture, ce qui leur
donne une force, une énergie toute particulière. C‟est cette énergie qu‟il faut traduire.
Cette notion d‟énergie véhiculée par les mots a donné lieu à des abus. Ainsi Frederic
WILL, qui a dirigé le translation workshop de l‟université de Iowa à partir de 1964, a
fait état de cette notion d‟énergie, le „thrust‟, comme il l‟appelle, derrière les mots, pour
en déduire que les mots ne sont que des “indicateurs” de sens, que le traducteur doit
saisir intuitivement et dont il doit s‟inspirer pour créer son oeuvre à lui en langue cible.
11
Approches basées sur des théories philosophiques
George Steiner: L‟approche herméneutique
Pour Steiner, se faire “herméneute” c‟est se mettre dans la peau de l‟écrivain, afin de
saisir, dans une projection empathique, le sens de ce qu‟il veut dire et le transférer dans
la langue cible. Steiner voit l‟opération traduisante comme un mouvement en quatre
temps: “Trust” (confiance), “agression”, “incorporation” et “restitution”.
“Trust”: Le traducteur prend un risque en abordant un texte: sans avoir soumis ce texte
à un examen, il lui fait confiance en assumant qu‟il véhicule un sens.
“Agression”: Steiner se base sur Heidegger, un philosophe allemande, pour dire que
chaque acte de compréhension est une agression. Le traducteur pénètre dans le texte
source pour lui voler son sens, qu‟il veut emporter comme butin de guerre.
“Incorporation”: Après l‟avoir agressé et détruit, le traducteur s‟incorpore le texte
source, il le fait sien, il l‟avale et le digère, en quelque sorte.
“Restitution”: Les trois actes qu‟on vient de décrire ont créé un déséquilibre. Ici
Steiner se base sur l‟anthropologue structuraliste, Levi Strauss, qui dit que dans un
système (culturel) tout se tient et que si on enlève ou rajoute un élément dans un
système on le déséquilibre. Par les trois actes précédemment décrits les deux systèmes
en présence ont été déséquilibrés: celui de la langue source, auquel j‟ai enlevé, et celui
de la langue cible, auquel j‟ai rajouté. Il faut maintenant rétablir l‟équilibre en
restituant.
Dans la conception de cet acte de “restitution” Steiner est très influencé par les idées
des romantiques allemands et de leurs successeurs comme par exemple Walter
Benjamin qui plaide pour la “transparence” de la traduction, dans laquelle il veut
retrouver non seulement le sens de l‟original, mais, décelable en filigrane, jusqu‟à la
langue de l‟original.
Ceci l‟amène à dire que l‟idéal à atteindre en traduction, ce serait la traduction
interlinéaire (qu‟il appelle aussi traduction mot-à-mot) fidèle, c‟est-à-dire fidèle au sens
et à la forme: “The true interlinear is the final, unrealizable goal of the hermeneutic
act”.
La tâche idéale – et irréalisable - du traducteur serait de rétablir – par ses traductions
“parfaites”, reproduisant de façon identique le texte source en langue cible
Approches basées sur la pratique
12
La théorie de la traduction fondée sur la pratique est nommée La Théorie interprétative
ou La Théorie du sens. Elle doit son nom à l‟Ecole Supérieure des Interprètes et des
traduteurs (ESIT, Paris) et surtout à Danica Seleskovitch et à Marianne Lederer. Ces
deux dernières ont réussi à élaborer une théorie de traduction en s‟appuyant sur les
exprériences empiriques en tant qu‟interprètes de conférences. Aujourd‟hui, cette
théorie compte de nombreux adeptes et promoteurs en particulier dans le monde
francophone.
Dans le cadre de cette recherche, nous adoptons les résultats obtenus par des approches
basées sur la pratique, ainsi la Théorie interprétative ou la Théorie du sens propopsée
par Danica Seleskovitch et Marianne Lederer. Nous présentons alors cette Théorie avec
plus de détails dans la partie suivante.
1.1.2 La traduction telle qu'elle est conçue par les auteurs de la Théorie du sens
Comme on a présenté dans la partie précédente, la Théorie du sens ou la Théorie
interprétative a été fondée sur la pratique de Danica Seleskovitch et Marianne Lederer lors
de leur travail comme interprètes de conférence. Cette Théorie décrit la traduction comme
un processus de trois phases indissociables mais bien distinctes : Interprétation,
Compréhension et Réexpression.
Dans son ouvre Introduction à la traductologie, Mathieu Guidère donne son opion
sur cette théorie :
Ce modèle emprunte ses postulats théoriques aussi bien à la psychologie qu‟aux
sciences cognitives de son époque, avec intérêt particulier pour le processus mental
de la traduction. [20 : 46]
Cette théorie prend « le sens » comme son noyau d‟étude qu‟on ne peut qu‟obtenir en
retirant l‟explicite et l‟implicite du texte original. Pour saisir « ce sens », il faut que le
traducteur possède un bagage cognitif qui recouvre la connaissance du monde, la saisie
du contexte et la compréhension du vouloir dire de l‟auteur [20 : 69].
Et pour Lederer, dans La traduction aujourd‟hui (1994), une bonne traduction est
déterminée par plusieurs éléments dont le bagage cognitif, « Le bagage cognitif est pour
l‟essentiel ce qui se nomme en anglais encyclopaedic knowledge-connaissance
encyclopédique ou connaissance du monde. Il comprend toutes les connaissances
linguistiques et extra-linguistiques, emmagasinnées dans la mémoire de l‟individu,
réactivables à tout moment par une sollicitation extérieure ou antérieure». Elle a ajouté
13
aussi un autre élément décisif du succès des traduteurs, le contexte cognitif, ce sont « les
unités de sens dont on a déjà évoqué l‟existence et qui se constituent à mesure de la
lecture, se fondent progressivement en un contexte cognitif, savoir latent déverbalisé, qui
intervient dans la compréhension des séquences verbales successives » [23 :38].
Seleskovitch, elle aussi, voit le texte original comme un ensemble d‟éléments à déchiffrer
qui font venir plusieurs types de connaissances. Elle affirme que la traduction ne peut pas
être faite directement d‟une langue à l‟autre mais il nous faut nous munir d‟une
«perception », celle d‟abord des outils linguistiques ensuite celle de la réalité abordée dans
le texte original pour en tirer le sens.
Jean Delisle a divisé ce processus de traduction en trois phases :
D‟abord la phase de compréhension qui consiste à comprendre le texte original en
analysant les relations sémantiques entre les mots et en déterminant le contenu conceptuel
par le biais du contexte.
Ensuite, la phase de reformulation qui est en effet la reverbalisation. C‟est l‟étape de
chercher les équivalences de langue de départ dans la langue cible en tenant compte du
raisonnement et des associations d‟idées.
Et enfin, la troisième phase, vérification, qui vise à vérifier la validité du terme traduit dans
la langue cible.
Et selon Lederer, il s‟agit d‟une « analyse justificative ».
Dans la même veine que Jean Delisle, Lederer dans son oeuvre Traduction
aujourd‟hui, a défini la traduction comme suit :
La théorie interprétative [...] a établi que le processus consistait à comprendre le
texte original, à déverbaliser sa forme linguistique et à exprimer dans une autre
langue les idées comprises et les sentiments ressentis.
Mais « il faut dès le départ faire le partage entre la langue, sa mise en phrases et le
texte ; car si l‟on peut „traduire‟ à chacun de ces niveaux, l‟opération de traduction
n‟est pas la même selon que l‟on traduit des mots, des phrases ou des textes ». Et
elle dénomme la traduction des mots ou la traduction des phrases la traduction
linguistique, et la traduction au niveau du texte est alors nommée traduction
interprétative. Et c‟est à ce niveau du texte auquel les traducteurs doivent attacher
une grande importance.
14
En somme, la Théorie interprétative de la traduction met l‟accent sur la collectivité
linguistique à laquelle s‟adresse la traduction, sur l‟intelligibilité de la production
produite et à son acceptabilité dans la culture d‟accueil. Pour conclure, je reprends,
dans Traduction aujourd‟hui de Lederer, les conseils empiriques des professeurs de
l‟ESIT à leurs étudiants « Ne cherchez pas à „traduire‟, dites ce que vous
comprenez ; pour comprendre correctement, pensez à la qualité en laquelle
s‟exprime l‟orateur, pensez aux interlocuteurs auquel il s‟adresse, aux
circonstances dans laquelle il parle....”
1.1.2.1 Les trois niveaux de la traduction
Comme on a présenté dans la partie précédente, le texte peut être divisé en d‟autres
éléments plus petits : mot, phrase ou texte auxquels correspondent différents types de
traduction. Chaque type lui-même possède des caractéristiques différentes et bien entendu
fait recours à différentes procédures de traduction. On va analyser ces trois niveaux avec
des exemples concrets :
On peut prendre la phrase Je suis cette femme comme exemple à analyser.
Au niveau du sémantisme lexical, on peut facilement trouver les correspondances de
chacun des éléments constituant cette phrase dans un dictionnaire. Mais ce travail ne tient
pas compte du cotexte, les mots qui entourent un mot ou du contexte, la situation de
communication. L‟exemple ci-dessus donne les correspondances suivantes :
Je : Tôi, tao, mình, tớ....
Suis : là, theo....
Cette femme : người phụ nữ, người đàn bà, ....
À ce niveau- là, quand les mots sont coupés du contexte, il est alors impossible de donner
une traduction correcte. Le verbe suis dans l‟exemple peut être soit la conjugaison du verbe
être, soit la conjugaison du verbe suivre. Là, l‟effacement du contexte dans la traduction de
la phrase cause déjà l‟ambiguïté du mot alors la phrase traduit. Si on doit traduire cette
phrase, on aura au moins deux possibilités possibles sans tenir compte de l‟ambiguïté créée
par le pronom personnel je en vietnamien. Ce phénomène devrait donc exclu de la
traduction professionnelle.
Les problèmes posés par la traduction des mots nous amènent à une traduction au
deuxième niveau, celui de la phrase. En tenant compte du cotexte, les mots qui entourent,
on arrive au deuxième niveau de traduction. C‟est le niveau de la mise en oeuvre d‟une
15
langue. Pourtant, à ce niveau là, il est forcément évident de trouver beaucoup de
correspondances de ces éléments dans un dictionnaire même si le mot en question est placé
dans un cotexte précis. Par exemple le mot suis :
Suis : suivre+ quelqu‟un, suivre+ quelque chose...
Suis : être quelqu‟un, être+ adjectif..
Etc.
Et en plus les deux verbes « suivre » et « être » acceptent quand même un nom comme un
complément. Il nous est alors impossible de déterminer le vrai sens du verbe suis dans
l‟exemple donné. Toute traduction faite sur cette traduction hors du contexte serait jugée
incorrecte.
La phrase en question Je suis cette femme à ce niveau permet les traductions : Tôi là người
đàn bà này ou Tôi theo người đàn bà này.
Ce deuxième niveau ne permet donc pas une seule traduction. On essayera alors le
troisième niveau de traduction, le niveau du texte qui englobe les deux premiers niveaux. À
ce niveau se trouve le rôle du contexte. La traduction est fondée non seulement sur le
sémantisme de la parole mais encore sur le savoir général et le contextuel du traducteur,
c‟est à dire le bagage et le contexte cognitif. Cela veut dire que la phrase Je suis cette
femme ne sera qu‟analysée linguistiquement mais on la mettra dans une situation de
communication bien précise où le je, suis, ou cette femme sont liés aux référents concrets.
Le contexte de la phrase : Elle est prononcée par un touriste lors d‟une visite dans un
musée. Dans le groupe des touristes, il y a une femme. Et quand le guide touristique
demande aux touristes de le suivre. Ce touriste-là dit qu‟il va suivre cette femme dans le
groupe en prononçant « Je suis cette femme ». Là, on peut voir que toutes les ambiguïtés
sont déjà enlevées. Il nous reste seulement une traduction possible pour cet exemple Tôi đi
theo người phụ nữ này.
À travers cet exemple, il faut réaffirmer la valeur indéniable du contexte dans la
traduction. La décontextualisation produit une traduction mot à mot et bloque le caractère
univoque de la phrase ou du mot. Dans son oeuvre Interpréter pour traduire, Seleskovitch
a donné une constatation « [...] les mots pris isolément n‟ont que des virtualités de
significations, les phrases séparées de leur contexte n‟ont que des virtualités des sens. Si
on prend des mots au hasard dans le tiroir de la langue et qu‟on les examine les uns après
les autres, on arrive à aligner pour chacun un certain nombre de significations [...]
16
Polysémie et ambiguïté sont caractéristiques de tout assemblage de mots hors contexte,
elles disparaissent lorsque la phrase est placée dans le fil de son discours. Seule
l‟intention de communiquer qui construit la parole libère les mots de la polysémie, les
phrases de leur ambiguïté et les charge de sens ». Et on peut apercevoir que dans
beaucoup de cas, les mots restent les mêmes, c‟est à dire les mêmes significations mais
leurs sens changent selon le contexte. Par exemple, avec le mot porte, si quelqu‟un dans le
bus le prononce lorsqu‟il veut descendre, le chauffeur va comprendre certainement que
c‟est une demande d‟ouvrir la porte. En revanche, quand le bus est en train de rouler, la
porte est ouverte, sûrement le chauffeur va faire le contraire, c‟est-à-dire, fermer la porter
quand il reçoit le même énoncé. En effet, dans les deux cas, la signification du mot porte
reste le même mais le sens change avec le changement de la situation ou de la motivation
de la personne qui prononce cet énoncé. Cet exemple explique encore une fois
l‟importance du contexte dans la traduction.
Lederer classe les trois niveaux de traduction en deux types. Les deux premiers qui lient
aux mots et aux phrases sont appelés Traduction linguistique et le troisième relève de la
Traduction interprétative ou on peut le nommer littéralement Traduction des textes. Il est
clair que le deuxième type de traduction demande aux traducteurs des recourir non
seulement aux connaissances linguistiques comme dans le cas de la traduction linguistique
mais encore des connaissances extralinguistiques et impose aux traducteurs une démarche
interprétative.
La distinction entre ces deux types de traduction est d‟autant plus visible dans les pratiques
de traduction et de l‟interprétation. Les traducteurs ont souvent sous leurs yeux des textes
qui sont en général coupés de la situation de communication. Cela les amènent parfois à
une traduction linguistique. Cependant les interprètes vivent totalement les paramètres
situationnels du discours : les interlocuteurs, le cadre spatio-temporel, le but bien
déterminé... qui les écartent d‟une traduction mot à mot car ils ne peuvent retenir ce qui est
compris mais pas la somme des mots qui succèdent. E.Cary explique aussi cette différence
fondamentale dans son article Noblesse de la Parole en 1962 :
« Seule, la parole parlée possède la plénitude du langage humain et c‟est mutiler l‟homme
que de ne s‟intéresser qu‟à ce qu‟en peut capter la feuille imprimée [...] L‟interprète se
trouve en présence d‟un homme qui vit, qui pense et qui parle. C‟est cela qu‟il est appelé à
rendre ». [17 :18].
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Mais tout cela ne veut pas dire qu‟on se contente d‟une traduction linguistique des textes
écrits mais que les textes écrits peuvent s‟adresser à de multiples lecteurs car se perdent
avec le temps les circonstances dans lesquelles l‟auteur écrit, son vouloir dire. Seulement
les signes graphiques qui restent. Cependant les situations orales ne vivent pas les mêmes
phénomènes. Elles privilégient plutôt un certain nombre de lecteurs bien déterminé.
1.1.2.2 La déverbalisation
Il est impossible, excepté les personnes à mémoire phénoménale, de retenir en une seule
audition des quelques centaines de mots au minimum et de les réexprimer de mémoire dans
une même langue ou dans une autre. Alors, une question se pose : Comment les interprètes
peuvent-ils traduire ? Quel mécanisme utilisent-ils pour tout retenir et le réexprimer ? La
réponse se trouve dans la déverbalisation.
Quoique ce soit un texte littéraire, scientifique ou un discours, tout texte doit être fait dans
un contexte particulier et dans le but de faire circuler une certaine d‟idées. Et plus les
traducteurs font attention aux composants linguistiques, plus ils oublient les idées ou le
sens que l‟auteur veut transmettre. Par conséquent, pour saisir tout le texte de 5 minutes ou
même plus, il est préférable que les traducteurs n‟essaient de retenir que ce qui est compris
du texte au lieu des structures ou des phrases de la langue de départ. Et alors, il fait recours
à la déverbalisation.
La déverbalisation est le fait que l‟interprète oublie des mots pour ne retenir que le sens du
texte original. Même s‟il est rédigé en notre langue maternelle, il nous est impossible de
retenir en quelques minutes les mille mots d‟un texte tels quels à l‟écrit même à l‟oral. Or
le travail des interprètes leur demande de transmettre un message de même longueur ou
plus d‟une langue à l‟autre. Cela les oblige à ne retenir que ce qu‟ils comprennent et non
pas les structures syntaxiques, l‟intonation....Ils gardent seulement dans la tête ce qui est
compris et le transmettent dans la langue d‟arrivée lorsqu‟ils procèdent à la traduction. Ce
qui leur permet de ne pas être dérayés, c‟est un fil conducteur selon lequel un texte est
construit. Grâce à ce fil-là, les interprètes peuvent synthétiser ce qui est entendu. En plus,
la déverbalisation aide les traducteurs à ne pas produire une traduction mot à mot ou une
traduction linguistique. En effet, si les éléments syntaxiques sont retenus, on aura tendance
à trouver leurs correspondances dans la langue d‟arrivée sans tenir compte du sens que
l‟auteur veut véhiculer comme ces mots sont gravés dans nos têtes. Ce phénomène est
18
particulièrement singulier aux apprentis traducteurs ou les traducteurs débutants car pour
eux, en général, quand ils ne captent pas encore l‟idée du texte, c‟est plus facile à saisir les
mots qu‟ils traduiront lors de la restitution. L‟exemple d‟une traduction d‟une oeuvre
littéraire du français en vietnamien :
LE RETOUR DU PRISONNIER
Ngày hồi hương của người tù binh
Cette histoire est une histoire vraie. Elle Chuyện này là chuyện có thật .Nó xảy ra
s‟est passée en 1945, dans un village de năm 1945 tại một làng ở Pháp- chúng ta gọi
France que nous appellerons Chardeuil, bien là Sácđơi, mặ dù đó không phải là tên thật
que ce ne soit pas son nom réel, que nous ne của làng đó mà vì những lý do hiển nhiên
pouvons
donner
pour
des
raisons chúng tôi không thể nêu lên được.
évidentes...
Suốt cuộc hành trình hình ảnh ngự trị trong
Pour presque tous, l‟image qui, pendant ce tâm trí của hầu hết mọi người là hình ảnh
voyage, domine leur pensée, c‟est celle một người phụ nữ. Họ nghĩ đến người đàn
d‟une femme. Tous pensent à elle avec bà đó, lòng tràn ngập tình yêu và hy vọng ;
amour, avec espoir, quelsques-uns avec nhưng có người không khỏi lo lắng.
anxiété.
Dans un coin du compartiment est assis un Ngồi tận trong góc toa tàu là một người đàn
homme grand, maigre, dont le visage ông cao lớn, gầy, nét mặt đa cảm, đôi mắt
passioné, les yeux brillants de fièvre sont long lanh, trông giống một người Tây Ban
plus espagnols que français.
Nha hơn là một người Pháp...
Nous, on était mariés depuis 6 ans et il n’y Chúng tôi lấy nhau từ sáu năm trước và
avait jamais eu un nuage.
chưa bao giờ có một gợn mây.
C‟est une femme qui est instruite, qui sait Đó là một người đàn bà có học thức, có thể
tout faire...Elle touche à un chiffon : ça làm được mọi việc...Cô ấy chạm tay vào
devient une robe....Elle meuble une petite một mảnh giẻ rách, thế là nó thành ngay
19
maison de paysans : ça devient un Paradis
một chiếc áo...Cô ấy mà xếp dọn một túp
lều nông dân, nó sẽ trở thành Thiên
đường...
On peut facilement trouver que cette traduction est fourmillante de fautes. Le traducteur
n‟essayait que de trouver une correspondance français-vietnamien sans tenir compte de son
usage dans la langue vietnamienne. Les mots en français des raisons évidentes sont traduits
en vietnamien lý do hiển nhiên. Certes, littéralement, c‟est correct, raison c‟est lý do et
évidentes c‟est hiển nhiên. Cependant quand on met les deux mots juxtaposés en
vietnamien, ils ne donnent aucun sens dans ce contexte. De même avec la femme, ce mot
donne một người đàn bà en vietnamien. Avec cette traduction, les lecteurs dans la langue
d‟arrivée vont certainement penser que tous ces gens-là pensent à une seule femme qu‟ils
connaissent. Mais ce n‟est pas le sens que l‟auteur veut exprimer dans son oeuvre. On peut
trouver une multitude de fautes de même type dans cette traduction. Alors pourquoi ces
fautes ? La réponse est très simple, le traducteur se contentait toujours d‟une traduction par
correspondance, il s‟est basé seulement sur les mots qu‟ils ont vus dans l‟oeuvre sans faire
recours au sens que l‟auteur voulait transmettre à travers son oeuvre. Il les a pris au pied de
la lettre pour être fidèle au texte original mais le résultat reçu est un contre sens. Il lui
manquait une phase très importante dans le processus de traduction, c‟est la
déverbalisation.
Selon les propos des professionnels, beaucoup de gens pensent souvent que les interprètes
disposent d'une mémoire phénoménale quand ces derniers participent à une conférence.
Cependant, les profanes ne savent pas que les interprètes ne répètent pas les mêmes mots
prononcés par l‟auteur mais ils essaient justement de reformuler les phrases en gardant le
sens, le vouloir dire de l‟auteur. Et cette capacité n‟est pas singulière aux interprètes, elle
est simplement plus travaillée chez eux que les autres car la déverbalisation est une
capacité de caractère universel, tout être humain en est doté. Même si elle est peut-être
développée par la formation et facilement remarquée chez les interprètes, la
déverbalisation est toujours présente chez les bons traducteurs.
20
La déverbalisation est un processus cognitif dans lequel l‟interprète essaie de comprendre
le vouloir dire de l‟auteur en transformant les données sensorielles en connaissances
dévêtues de leurs formes sensibles. Les traductologues l‟appellent "mémoire cognitive". .
Ce processus cognitif implique en lui-même deux phases indissociables : la compréhension
des explicites qui demande la maîtrise linguistique et la compréhension des implicites, les
éléments cognitifs (le bagage cognitif et le contexte cognitif). De là, il est indispensable de
tracer les relations entre la langue et la traduction ainsi que son rôle dans ce travail.
a.
Langue et discours
Il est incontestable que l‟objet de la traduction n‟est pas la langue mais le discours. Une
traduction reposant sur la langue présente forcément des maladresses car les compléments
cognitifs ne sont pas pris en considération. Contrairement à cette traduction souvent
présentée dans les cours de langue, qu‟on appelle traduction linguistique, la traduction
interprétative vise le discours et tient compte aussi des autres éléments que les
significations. Les trois compléments qu‟on va montrer ci-dessous permettent la
transformation de la langue au discours.
. Le premier élément constituant est la situation. Elle est le cadre matériel, la salle où on se
trouve, l‟heure où se passe la scène, les gestes, les mimiques de l‟orateurs, les
caractéristiques des participants....Lorsqu‟un énoncé de type « La porte, s‟il vous plaît»
qui paraît polysémique est mis dans une situation précise, dans une salle où la porte est
fermée par exemple, il devient tout à fait évident car il exprime un ordre et demande
quelqu‟un d‟ouvrir la porte. Prenons le même l‟énoncé mais on le place dans un autre
cadre matériel, dans une salle où la porte est ouverte, quelqu‟un va certainement fermer la
porte après avoir reçu cet énoncé. Le même énoncé, c‟est à dire, les mêmes mots mais dans
différentes situations transmettent différentes intentions du locuteur. La même phrase dont
la perception de la situation différente donne les interprétations différentes. En l‟absence
de ce matériel, le mot porte n‟évoque pas tels sens mais porte reste toujours la porte. Il
donne seulement dans le cadre de convention linguistique sa signification lexicale et son
audition ne déclencherait que son identification.
21
Dans le premier cas dont la présence d‟une situation est claire, nous avons affaire au
discours et dans le second, à la langue. En fonction des éléments de perceptions
sensorielles, le mot porte ne donne pas une unique image d'un objet mais il se dissout dans
deux contextes différents, dans deux phrases différentes avec chacune un sens précis. Ce
n‟est plus une forme verbale dépourvue de sens mais un ordre avec les mêmes signes
linguistiques. En bref, c‟est la perception de la situation qui transforme la langue en
discours et concrétise le vouloir dire de l‟auteur.
Le deuxième élément vient en aide à la traduction, c‟est le contexte verbal. Le contexte,
que certains auteurs appellent le co-texte, est la présence simultanée d‟un ensemble de
mots dans la mémoire immédiate. Le sens d‟un mot est déterminé par le mot qui le précède
et il va définir celui du mot qui suit. Par exemple, si on entend une suite de mots Donnezmoi un morceau de pain, on ne s‟attarde pas sur le mot donnez pour en distinguer de faire
un cadeau ou de tendre avant de comprendre ce que signifie donnez dans ce cas. De même,
avec morceau ou pain, on ne retient pas le sens de tranche ou de pin pour comprendre le
sens de morceau ou pain. Cela relève de la saisie immédiate du sens qui n‟est pas le
produit d‟étapes successives mais d‟une seule démarche dans l'esprit. On s‟en sert dans la
traduction sans qu‟on le sache, c‟est une phase inconsciente. Mais il arrive des fois que la
signification des mots l‟emporte sur la compréhension du sens lorsqu‟on s‟attarde sur un
mot pour une raison quelconque
Cela se voit surtout quand un mot nouveau nous bloque la compréhension ou même lors
d‟une recherche d‟équivalences dans la langue d‟arrivée, on bute sur ce mot et on n‟arrive
pas à exprimer le sens ou le vouloir dire de l‟auteur. Les mille et un exemples peuvent être
trouvés dans l‟entraînement de la traduction voire dans la pratique du métier même quand
on procède à la traduction dans sa langue maternelle. En résumé, on ne comprend pas un
texte au niveau de la langue et puis au niveau du discours mais à l‟audition d‟un énoncé, on
le place déjà au niveau du discours. Cette relation donne naissance à l‟unité de sens qui
permet de résoudre la polysémie d‟un mot, problème de la linguistique mais pas à la
traduction.
Le troisième élément qui permet une bonne traduction est le contexte cognitif. Il est
accumulé tout au long de la lecture ou pendant le déroulement du discours. Supposons que