BỘ GIÁO DỤC VÀ ĐÀO TẠO
TRƯỜNG ĐẠI HỌC SƯ PHẠM TP.HỒ CHÍ MINH
Nguyễn Thị Tố Như
LA GRAMMAIRE EN CHANSON
CAS DES TEMPS DU PASSÉ
POUR LES COLLÉGIENS
DU PROGRAMME BILINGUE
LUẬN VĂN THẠC SĨ KHOA HỌC GIÁO DỤC
Thành phố Hồ Chí Minh – 2017
BỘ GIÁO DỤC VÀ ĐÀO TẠO
TRƯỜNG ĐẠI HỌC SƯ PHẠM TP.HỒ CHÍ MINH
Nguyễn Thị Tố Như
LA GRAMMAIRE EN CHANSON
CAS DES TEMPS DU PASSÉ
POUR LES COLLÉGIENS
DU PROGRAMME BILINGUE
Chuyên ngành: Lí luận và phương pháp dạy học bộ môn tiếng Pháp
Mã số: 60 14 01 11
LUẬN VĂN THẠC SĨ KHOA HỌC GIÁO DỤC
NGƯỜI HƯỚNG DẪN KHOA HỌC
TS. NGUYỄN THỨC THÀNH TÍN
Thành phố Hồ Chí Minh – 2017
LỜI CAM ĐOAN
Tơi xin cam đoan đây là cơng trình nghiên cứu của riêng tôi. Mọi sự giúp đỡ cho
việc thực hiện luận văn này đã được cảm ơn và các thơng tin trích dẫn trong luận văn đã
được ghi rõ nguồn gốc.
Học viên thực hiện luận văn
REMERCIEMENTS
Pour commencer, je veux adresser mes profonds remerciements à mon directeur de
mémoire, Monsieur NGUYỄN THỨC ThànhTín, pour sa grande disponibilité, son aide
précieuse, ses encouragements au cours de la rédaction de ce mémoire et pour le temps
qu’il m’a consacré. J’ai beaucoup appris avec lui.
Je désire aussi remercier les professeurs de l’Université de Pédagogie à HoChiMinhville. Ils m’ont fourni les outils et les connaissances nécessaires à la réussite de mes
études post-universitaires.
Enfin, j’adresse mes sincères remerciements à ma famille et à mes amis, qui m’ont
accompagnée, aidée, soutenue et encouragée tout au long de la réalisation de ce mémoire.
NGUYỄN THỊ Tố Như
SOMMAIRE
INTRODUCTION .............................................................................................................. 1
CHAPITRE 1 : LA TEMPORALITÉ .............................................................................. 3
CHAPITRE 2 : LES TEMPS DU PASSÉ ...................................................................... 16
CHAPITRE 3 : LA CHANSON À RÉCIT .................................................................... 27
CHAPITRE 4 : CADRE DIDACTIQUE ....................................................................... 36
CHAPITRE 5 : L’ANALYSE DU CONTEXTE DE L’ENSEIGNEMENT ............... 45
CHAPITRE 6 : PROPOSITION DIDACTIQUE.......................................................... 54
CONCLUSION ................................................................................................................. 73
BIBLIOGRAPHIE ........................................................................................................... 78
SITOGRAPHIE ................................................................................................................ 82
ANNEXES ......................................................................................................................... 87
1
INTRODUCTION
Le programme des classes bilingues a traversé plus de 20 ans d’existence au
Vietnam. Les élèves qui en sont issus sont censés disposer d’un niveau équivalent de B2,
ce qui leur permettra plus tard de poursuivre des études en France ou dans les pays
francophones du monde. La méthode de ce programme se base sur l’approche
communicative et son évaluation suit les 4 compétences communicatives, compréhension
écrite, compréhension orale, expression écrite, expression orale, et connaissances de la
langue. Cette dernière est considérée comme une compétence distincte, ce qui confirme le
rôle important de la grammaire dans l’enseignement et lapprentissage du franỗais.
Enseignante de franỗais pour ce programme, je constate une mauvaise maợtrise des
connaissances du franỗais chez mes collộgiens. Ils se heurtent à des difficultés dans la
phonétique, le lexique, la grammaire au cours de leur apprentissage du franỗais. La plus
grande difficulté de ce public, c’est l’emploi des temps du passé (le passé composé, le
passé simple et l’imparfait). Les temps sont les plus utilisộs dans la langue franỗaise mais
ces conceptions n’existent pas dans la langue vietnamienne.
Le second souci que je me fais au sujet de ma pratique enseignante, c’est comment
donner mes ộlốves lenvie dapprendre le franỗais, comment les captiver et comment
rendre mon enseignement efficace. Des années passent et je constate une démotivation
due à plusieurs raisons objectives et subjectives, dans lapprentissage du franỗais chez les
apprenants adolescents. Le manque de pratique de la langue, le surcharge du programme
bilingue, la complexité de la langue franỗaise, la paresse des ộlốves, la mộthodologie
sont connus comme des facteurs qui empêchent l’acquisition de la langue. À mon
expérience sur la tranche d’âge de 11 – 15 ans, la plupart des élèves adorent les chansons,
surtout celles qui racontent des petites histoires d’amour. Ils adorent les séances où
l’enseignant les expose à des exercices à trou en musique. Certains élèves s’adonnent
même à la transcription des paroles de chansons.
2
Peut-on mettre la chanson au service de la grammaire, question de joindre l’utile à
l’agréable ? Cette interrogation se transforme progressivement en sujet de recherche que
je souhaiterais développer dans mon mémoire de Master, lequel sera intitulé « La
grammaire en chanson – Cas des temps du passé pour les collégiens du programme
bilingue ».
Le choix des temps du passé est expliqué par leur présence régulière dans le récit et
la description. En outre, l’inexistence de ces temps dans la langue vietnamienne,
entrnant les difficultés dans la compréhension et l’emploi, en est aussi une autre raison.
Et comme je suis enseignante pour le programme bilingue au collège Colette, le
public choisi est les collégiens des classes bilingues. Cette recherche sert ainsi à rendre
mon enseignement plus efficace.
Mes questions de recherche sont les suivantes :
-
Quels rôles assument les temps du passé dans un récit ?
-
Comment les chansons à récit peuvent-elles favoriser l’acquisition des temps du
passé ?
-
Comment s’organise une séquence didactique mobilisant les chansons à récit au
service de ce point grammatical ?
Pour ce sujet, je m’appuie d’une part sur l’aspect ludique des chansons qui pourrait
être une source de motivation chez les collégiens, et de l’autre sur la structure narrative
d’un certain nombre de chansons qui illustre à merveille les emplois des temps du passé.
L’objectif de ce travail est évidemment l’amélioration de l’enseignement de la
grammaire grâce au support musical.
3
CHAPITRE 1
LA TEMPORALITÉ
Ce chapitre sert de cadre théorique pour notre travail. En effet, il vise à introduire
des notions linguistiques indispensables pour notre étude des temps du passé ainsi que
pour nos exploitations didactiques.
1.1.
La temporalité
La temporalité est le caractère de ce qui existe dans le temps. Cette notion est définie
par divers points de vue dont quatre sont choisis pour être abordés à notre avis :
-
Selon le point de vue traditionnel, la temporalité correspond au temps qui fait
partie de la sémantique verbale, laquelle comprend également d’autres catégories
telles que le nombre, la personne, la voix, le mode et l’aspect.
-
Selon le point de vue de GUILLAUME1, la temporalité peut être considérée
comme un phénomène associé à la chronogenèse, à savoir la formation de l’imagetemps dans la pensée humaine. Cette expression linguistique est donc constituée du
temps, de l’aspect et du mode.
-
Quant à MARTINET, dans sa Grammaire fonctionnelle du franỗais2, la
temporalitộ correspond la modalitộ verbale. cụtộ des classes telles que temps,
aspect, mode, il y ajoute la voix et la vision et les intègre parmi les déterminants
grammaticaux du verbe.
1
GUILLAUME G., 1965, Temps et verbe. Théorie des aspects, des modes et des temps, 1ère éd. 1929, 134 pages suivi
de L'architectonique du temps dans les langues classiques, 1ère éd, 1943, Honoré Champion, Paris, 66 pages.
2
MARTINET A. (dir.), 1979, Grammaire fonctionnelle du franỗais, Crộdif, Paris, Didier, pp. 103-109.
4
-
Certains linguistes dont GOSSELIN1considèrent que la temporalité est véhiculée
par le temps et l’aspect alors que le mode appartient à la modalité.
On peut donc voir que la temporalité est étudiée par plusieurs auteurs et peut varier
d’un grammairien à l’autre. Le problème sort de la différence terminologique mais réside
donc dans les composantes de ce que nous appelons par « temporalité ». Leur seul point
commun est que celle-ci est intrinsèque de la catégorie verbale et que le temps et l’aspect
y sont présents, quelle que soit la conception.
1.2.
Le temps
« Temps » et « espace » sont deux dimensions universelles. Depuis toujours,
l’homme a le besoin de localiser les objets dans l’espace et les faits dans le temps.
Cependant, si la localisation spatiale peut être représentée facilement et concrètement par
les outils graphiques, il n’en est pas de même pour la location temporelle qui ne serait
représentée que psychologiquement. On emprunte la plupart du temps la dimension
spatiale pour représenter le temps.
Le temps est aussi une notion linguistique, complexe et abstrait. Le ô temps ằ en
franỗais est polysộmique car il peut désigner à la fois plusieurs significations, de la
chronologie au concept « temps linguistique » en passant par la forme grammaticale du
verbe entre autres. Les choses seraient plus faciles dans les autres langues quand elles ont
des vocables distincts pour désigner chacune des catégories de « temps ». Les Anglais ont
par exemple time pour le temps chronologique et tense pour les temps du verbe ; les
Allemands distinguent aussi Zeit et Tempus.
Comme le terme est polysémique, ses définitions varient en conséquence et selon les
auteurs :
1
GOSSELIN L., 2005, Temporalité et modalité, coll. Champs linguistiques, Duculot, Bruxelles, 257 pages.
5
-
D’après la définition de Dictionnaire de linguistique1de DUBOIS, le temps réel
désigne le continuum qui procède du déroulement et de la succession des
existences, des états et des actions, c’est le temps réel dont la perception serait
exprimée par le temps grammatical.
-
Par ailleurs, DUBOIS utilise aussi le qualificatif « grammatical » pour désigner le
temps. Cette catégorie de temps est donc une catégorie grammaticale
généralement associée au verbe et qui traduit diverses catégorisations du temps
“réel” ou “naturel”. Souvent, cette catégorie oppose le présent, moment de
l’énoncé produit (ou “maintenant”) au non-présent, ce dernier pouvant être le
passé, avant le moment de l’énoncé (“avant maintenant”), et le futur, après le
moment de l’énoncé (“après maintenant”) : ce sont les temps absolus (en relation
à la personne qui parle). Mais le présent est aussi le non-passé et le non-futur, ce
qui le rend propre à traduire les vérités intemporelles. Ainsi, ce temps, selon
l’auteur, est considéré comme une catégorie grammaticale en une relation étroite
avec le verbe.
-
Quant au point de vue de GALICHET2, le temps est envisagé par rapport à une
chronologie établie en référence à des points de repère choisis par le locuteur. Il
estime que la catégorie verbale ne vise à exprimer ni le temps physique, ni la durée
psychologique. Elle consiste simplement à situer le procès par rapport à certains
points choisis. C’est en somme une catégorie de la succession : elle marque
l’antériorité, la contemporanéité ou la postériorité par rapport à une origine
convenue. C’est donc le temps chronologique.
-
CHARAUDEAU, dans sa Grammaire du sens et de l’expression3, estime que le
temps n’exprime pas seulement une donnée de l’expérience mais le résultat d’une
1
DUBOIS J. et al., 1994, éd. 2001, Dictionnaire de linguistique, Paris, Larousse-Bordas, p.478.
GALICHET G., 1973, Grammaire structurale du franỗais moderne, 5e ộd., Paris, Hatier, p. 94.
3
CHARAUDEAU P., 1992, Grammaire du sens et de l’expression, Paris, Hachette, pp 446-447.
2
6
construction-représentation du monde, à travers le langage. Le temps est, pour lui,
linguistique quand celui-ci est associé aux processus qui décriventce qui survient
dans l’univers, ce qui se produit dans le temps et modifie un état des choses. Le
temps linguistique est donc une construction-représentation qui structure
l’expérience du continuum temporel, dans le même instant qu’il exprime et qui
s’organise autour d’une référence unique : la situation du sujet parlant au moment
où il parle.
-
WILMET1 distingue « temps extra-linguistique » (cosmique, climatique, etc.),
« temps linguistique », « temps verbal » et « temps de conjugaison » (ou « temps
morphologique »).
1.3.
Le système temporel
Tout comme « temps », le système temporel connt une multiplicité de
représentations selon les auteurs. Nous reproduisons ci-dessous deux points de vue, à titre
d’exemple, d’IMBS et de GOSSELIN, afin de mettre en évidence une certaine
convergence dans le mode de conception de ce systốme en franỗais.
Selon IMBS2, le terme « temps » désigne à la fois les formes du verbe et les valeurs
de ces formes. Il affirme donc quil existe deux faỗons de localiser temporellement le
procốs, lesquelles sont exprimées par les formes personnelles du verbe :
-
La localisation dans le temps indivis : le temps ne présente pas de divisions mais
renferme toutes les époques du temps et qui est un temps omnitemporel.
-
La localisation dans le temps divisé en époques : c’est le temps qui peut aussi être
considérée comme une série d’époques se succédant sur la ligne progressive du
temps ; chacune des époques exprime une division du temps (IMBS, 1960 : 4). Ces
1
WILMET M., 1997, éd. 2003, Grammaire critique du franỗais, 3e ộd., Belgique, Duculot, 758 pages.
IMBS P., 1968, Lemploi des temps verbaux en franỗais moderne. Essai de grammaire descriptive, Paris,
Klincksieck, 269 pages.
2
7
époques sont au nombre de trois : passé, présent et avenir. De plus, très
importantes, ces trois grandes divisions doivent se baser sur une origine et
expriment toujours des relations.
IMBS représente cette seconde localisation par les systèmes temporels de la manière
suivante :
-
Le système primaire : qui situe l’événement dans le présent, le passé ou le futur, le
repère étant le moment de l’énonciation.
-
Les systèmes secondaires : qui situent l’événement par rapport à un autre
événement.
Se rejoignant à cette conception, GOSSELIN désigne le système primaire par le
temps absolu et les systèmes secondaires par le temps relatif.
Le temps (la localisation temporelle) peut être absolu ou relatif. Il est absolu
lorsque le procès (état, activité…) est situé par rapport au moment de l’énonciation
(comme présent, passé ou futur) ; il est relatif quand le procès est situé par rapport
à un autre procès (comme antérieur, simultané ou ultérieur).
GOSSELIN (1996 : 9)
GOSSELIN partage le même point de vue mais en plus, il présente un point
nouveau dans ce concept. Ce sont les systèmes d’intervalles qui servent à expliquer et
justifier le temps absolu et le temps relatif. Ce dispositif sera approfondi un peu plus tard
dans ce même chapitre.
1.4.
Relief temporel ou perspective temporelle
WEINRICH propose un point de vue nouveau sur le système des temps franỗais en
les analysant deux niveaux : formel et sộmantique.
8
-
Au niveau formel concernant la conjugaison des verbes, WEINRICH distingue les
temps simples et les temps composés.
-
Au niveau sémantique, le temps recouvre trois dimensions de signification selon
lesquelles sorganise le systốme franỗais des temps : la perspective temporelle 1, le
registre temporel et le relief temporel.
Le registre temporel étant abordé dans la partie qui suit, notre attention porte sur
cette troisième dimension : le relief temporel réside dans la distinction du premier plan et
de l’arrière-plan qui est étudiée plutôt dans des textes narratifs. Ainsi les temps d’arrièreplan désignent les faits « en bas-relief », alors que les temps de premier plan
appartiennent à la narration.
Pour ce concept, partageant tout à fait le point de vue avec WEINRICH,
MAINGUENEAU reprend aussi les termes de « premier plan » et d’« arrière-plan »
propres à WEINRICH, mais son regard est nuancé:
La littérature contemporaine s’affranchit souvent des règles de l’économie
romanesque classique, dont la « mise en relief » est un des maillons essentiels.
C’est ainsi qu’on peut rencontrer des textes où l’opposition entre “premier plan” et
“arrière-plan” se trouve neutralisée. Une telle neutralisation ne saurait se faire au
profit des formes perfectives, tout à fait impropres à exprimer autre chose que des
procès ponctuels. Il s’agira donc de textes à l’imparfait ou au présent ; comme
l’imparfait employé seul s’interprète spontanément comme itératif, c’est donc le
présent qui se trouve concerné.
MAINGUENEAU (1993 : 63)
1
Selon WEINRICH (1989), la perspective temporelle (rétrospective vs prospective) est définie comme le rapport
entre le temps du texte et le temps de l’action (ou de l’événement). La perspective temporelle sera dite rétrospective
si le temps du texte est postérieur au temps de l’action ; et sera dite prospective dans le cas contraire. Quand le temps
du texte coïncide avec le temps de l’action, la perspective temporelle deviendra simultanée.
9
En résumé, selon notre conception, le premier plan se caractérise par la présentation
des événements saillants, ceux qui constituent le squelette de l’histoire. Il est exprimé par
les temps verbaux comme le passé composé ou le passé simple. Quant à l’arrière-plan,
c’est une sorte de description du cadre de l’histoire, les faits sont secondaires par rapport
aux événements principaux. L’imparfait y serait le temps verbal qui véhicule cette valeur
textuelle par excellence.
Lan dormait tranquillement lorsque tout à coup son téléphone a sonné. Elle a
sursauté. Par un mouvement de réflexe, elle s’est emparée de son appareil et a dit
« allo ». La ligne était sans réponse : c’était son réveil, pas un coup de fil.
Dans cet exemple, l’arrière-plan présente la situation dans laquelle les actions
sonner, sursauter, s’emparer, dire ont lieu.
1.5.
Le plan d’énonciation
BENVENISTE distingue, dans ses Problèmes de linguistique générale1, deux
catégories d’énonciation dans la production linguistique : histoire et discours.
-
L’énonciation historique est considérée comme le récit des événements passés où
l’auteur et l’énonciateur s’effacent au profit de la troisième personne. Le système
des temps verbaux renvoie à un passé qui comprend le passé simple, l’imparfait et
le plus-que-parfait. Ce qu’on appelle le temps relatif où le procès est situé par
rapport au moment de l’énonciation.
-
En revanche, le discours est caractérisé par la présence du locuteur et la relation
entre celui-ci et le destinataire. Cette catégorie recouvre l’oral et l’écrit. Les temps
verbaux sont variés : le présent, le futur et le parfait, sauf l’aoriste. Le temps sera
dit temps absolu : le procès est situé relativement à un autre procès.
1
BENVENISTE E., 1966, Problèmes de linguistique générale 1, coll. TEL, France, Gallimard, 356 pages.
10
WEINRICH distingue deux attitudes de locution : les temps du récit et les temps du
commentaire. Il s’agit, pour lui, du registre temporel qui rejoint tout à fait point de vue de
BENVENISTE susmentionné. En effet, le registre « récit » (monde raconté) et le registre
« commentaire » (monde commenté) de WEINRICH s’assimilent à l’histoire et au
discours de BENVENISTE.
MAINGUENEAU partage aussi le point de vue de BENVENISTE et de
WEINRICH sur la conception dun double systốme temporel en franỗais. Il reprend les
notions ô récit » chez WEINRICH et « discours » chez BENVENISTE pour parler de ce
plan d’énonciation.
Bref, le plan d’énonciation est la situation d’énonciation qui comprend deux plans :
le plan du récit et le plan du discours. Nous reprenons la terminologie de
MAINGUENEAU qui a l’avantage d’être largement utilisée dans les manuels de langue.
-
Le plan du discours se caractérise par la présence de l’énonciateur sur la situation
d’énonciation et est exprimé par le passé composé et l’imparfait.
-
Contrairement au plan du discours, le plan du récit est marqué par l’absence de
l’énonciateur dans le cadre des procès. Le passé simple et l’imparfait représentent
ce plan.
Ils étaient amoureux et officiellement ensemble depuis bientôt six mois. Il fallait
bien fêter ça, en amoureux, et le plus loin possible de la civilisation. Olivier décida
d’apporter sa bien-aimée dans un bois, faire du camping sauvage.
Le locuteur, dans cet exemple, se situe à l’extérieur de l’histoire pour raconter les
faits passés.
C’était un jour d’hiver. Amélie se promenait tranquillement dans la rue quand soudain
elle a vu son mari et Sophie - une collègue du bureau à lui. Il portait une chemise bleue et
tenait un bouquet de fleurs dans sa main.
11
NGUYEN THUC Thanh Tin (2016 : 22)
Le locuteur s’implique dans le déroulement des événements comme s’il vivait dans
l’histoire.
1.6.
L’aspect
L’aspect est une conception assez difficile apprộhender chez les apprenants du
franỗais. Daprốs la plupart des grammairiens, les aspects expriment la manière dont le
sujet envisage l’événement dans son déroulement. La catégorie de l’aspect est véhiculée
par le choix de la forme simple ou composé du verbe et par des moyens lexicaux variés.
Selon VENDRYÈS, l’aspect est une catégorie complexe.
Il n’y a guère en linguistique de question plus actuelle que celle de l’aspect. (…)
Mais il n’y en a guère aussi de plus difficile, par ce qu’il n’en a pas de plus
controversé et sur laquelle les opinions divergent davantage. On n’est d’accord ni
sur la définition même de l’aspect, ni sur les rapports de l’aspect et du temps, ni
sur la faỗon dont laspect sexprime, ni sur la place qu’il convient de reconntre à
l’aspect dans le système verbal des différentes langues.
VENDRYÈS in compte rendu de J. HOLT, Études d’aspect, 1943, p. 84.
La conception du terme « aspect » varie donc d’un auteur à l’autre. Parmi les points
de vue, nous citons ceux de WILMET et de GOSSELIN qui sont assez clairs et
courants.
WILMET, dans sa Grammaire critique du franỗais1, ộtablit sa classification
aspectuelle en écartant les verbes en deux groupes : les verbes statiques (aimer, savoir) et
les verbes dynamiques (courir, manger). La reconnaissance de ces deux types de verbes
se base essentiellement sur leur sens.
1
WILMET M., 1997, ộd. 2003, Grammaire critique du franỗais, 3e éd., Duculot, Belgique, 758 pages.
12
Selon GOSSELIN(1996), l’aspect se décompose en aspect lexical et aspect
grammatical.
L’aspect lexical repose sur les types de procès exprimés par le verbe avec son
environnement circonstanciel. L’auteur utilise un système de tests sur les 3
caractéristiques du procès dans le but de distinguer les types de procès. Ce sont :
-
La structure interne de l’intervalle du procès (+/– dynamique) ;
-
La nature des bornes (+/– borné) ;
-
La relation entre bornes (+/–ponctuel).
S’appuyant sur ces tests, l’auteur distingue 4 types de procès :
Types du procès
État
Caractères du procès
Être content
[–dynamique]
Activité
Exemples
[–borné]
Lire
[–ponctuel] Lire un livre
Accomplissement [+dynamique]
[+borné]
Achèvement
[+ponctuel] Apercevoir un chat
L’aspect grammatical est noté par les déterminants grammaticaux du verbe, c’est-àdire les temps verbaux. C’est à cette catégorie que nous nous intéressons pour notre étude.
Afin de définir les types d’aspects grammaticaux, GOSSELIN établit un système
d’intervalles :
-
Les intervalles d’énonciation : qui marquent le moment où le locuteur prend la
parole.
13
-
Les intervalles de procès : qui correspondent à la partie de l’axe temporel où a lieu
le procès.
-
Les intervalles de référence : qui correspondent au repère par rapport duquel le
procès est perỗu.
-
Les intervalles circonstanciels : qui correspondent au cadre dans lequel le procès a
lieu.
À partir de ces intervalles, GOSSELIN définit les aspects grammaticaux suivants :
-
Aspect accompli : quand l’intervalle de procès se situe avant celui de référence.
Cet aspect montre donc l’état résultant du procès.
Il est arrivé au bureau depuis une heure.
une heure
B1
B2
Procès
-
I
II
Référence
01 02
Énonciation
Aspect inaccompli : quand l’intervalle de référence s’implique tout à fait dans celui
de procès. Le procès est donc montré en partie.
Elle lisait un roman.
Procès
B1
I
II
Référence
B2
01 02
Énonciation
14
-
Aspect aoristique : quand l’intervalle de procès et celui de référence se coïncident.
Le procès est présenté dans son intégralité.
Elle entra dans le magasin.
Référence
I
B1
Énonciation
II
B2
01 02
Procès
-
Aspect prospectif : quand l’intervalle de procès se place après celui de référence.
Le procès est donc présenté dans la phase préparatoire.
Elle allait entrer dans le magasin.
I
II
Référence
01
B1 B2
Procès
Énonciation
*
*
02
*
15
En synthèse, pour chaque verbe utilisé dans l’énoncé, les valeurs suivantes vont être
identifiées :
-
La valeur temporelle : qui représente le moment du procès par rapport au moment
de l’énonciation ou à un autre procốs.
-
La valeur aspectuelle : qui rộvốle la faỗon dont le procốs est perỗu par le locuteur.
-
Les valeurs textuelles (sur le plan énonciatif et sur le plan du relief) : qui dénotent
la position du locuteur par rapport aux événements et qui distinguent les actions et
le cadre de l’histoire.
En nous basant sur ces valeurs, nous procéderons à l’analyse des temps verbaux du
passé de l’indicatif dans le chapitre suivant.
16
CHAPITRE 2
LES TEMPS DU PASSÉ
Le mode indicatif englobe le plus de temps verbaux. Pour le besoin de cette
recherche, nous nous intéressons seulement aux temps du passé.
La principale raison de ce choix concerne le programme d’enseignement du niveau
de 8e. Le texte narratif, dont le récit, occupe une grande partie de programme de 8 e.
Durant le 1er semestre, les élèves font connaissance avec ce type de texte : découvrir les
procédés de texte narratif, s’entrner à comprendre un texte narratif et à rédiger un texte
narratif au passé. Les temps du passé constituent donc un phénomène de grammaire
incontournable.
Nous étudierons ici le passé composé, l’imparfait, le plus-que-parfait et le futur dans
le passé (ou conditionnel). Le passé simple et le passé antérieur y sont absents dans ce
chapitre pour de bonnes raisons. Tout d’abord, ces temps ne font pas partie du programme
bilingue de 8e. On constate toutefois quelques occurrences dans des extraits de textes, à
titre de découverte, ou dans un objectif d’initiation, et ce toujours dans le cadre du genre
narratif. Par ailleurs, si le passé simple et le passé antérieur étaient introduits en classe de
8e, cet enseignement se limiterait à la reconnaissance de leurs formes. En effet, le passé
simple appart comme un des temps verbaux difficiles pour les élèves, de par sa
conjugaison et ses emplois. En réalité, le passé simple n’est utilisé que dans les ouvrages
littéraires et dans les manuels d’histoire, mais jamais dans les conversations de la vie
courante.
17
2.1.
Le passé composé
2.1.1.
Formation
Le passé composé se construit avec l’auxiliaire (être ou avoir) et le participe passé
du verbe en question.
-
Il
est
(aux. être)
-
Il
allé
au marché.
(participe passé)
a
vu
son copain.
(aux. avoir) (participe passé)
2.1.2.
Valeurs temporelles
Selon GOSSELIN1, le passé composé renferme deux valeurs temporelles, une de
passé et une de présent.
-
Le passé composé peut situer un fait au moment passé, c’est-à-dire antérieur au
moment de l’énonciation.
Il a parlé de Lan pendant la réunion d’hier. (1)
L’action parler de Lan s’inscrit dans le passé indiqué par l’expression pendant la
réunion d’hier et se situe avant le moment d’énonciation.
-
Le passé composé peut encore évoquer un fait passé qui laisse un résultat au
moment de l’énonciation.
Il est parti depuis une heure. (2)
1
GOSSELIN, L., 1996, Sémantique de la temporalitộ en franỗais. Un modốle calculatoire et cognitif du temps et de
l’aspect, Duculot, Louvain-la-neuve, 292 pages.
18
L’action partir même, qui évoque une action dans le passé, représente aussi un état
qui dure jusqu’au moment de l’énonciation, marqué par la circonstance temporelle depuis
une heure.
2.1.3.
Valeurs aspectuelles
Le passé composé comprend deux valeurs aspectuelles : aoristique et accompli.
Reprenons les exemples (1) et (2).
L’intervalle du procès du premier exemple parler de Lan ([B1, B2]) coïncide avec
celui de la référence ([I, II]). Le procès, vu dans son intégralité avec bornes initiales et
finales, est donc présenté sous l’aspect aoristique.
Référence
I
B1
Énonciation
II
B2
01 02
parler de Lan
L’intervalle du procès dans le deuxième exemple se place avant celui de la référence,
ce qui est expliqué par l’expression depuis une heure. Il est donc présenté l’état résultant
du procès. Le passé composé a donc la valeur d’accompli.
une heure
B1
B2
Procès
I II
01 02
Énonciation
Référence
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2.1.4.
Les valeurs de temporalité textuelle
Sur le plan d’énonciation, le passé composé sert à situer les procès qui se déroulent
avant le moment de l’énonciation, c’est le mode du « discours » où le locuteur se
manifeste et inscrit sa présence dans l’énoncé.
Hier, j’attendais le bus quand j’ai vu Pierre. Aujourd’hui, il est malade.
L’action voir se situe avant le moment énonciatif, ce qui est clarifié par les
circonstances temporelles : hier, aujourd’hui.
En matière de relief temporel, le passé composé met en avant les procès constituant
la progression du texte, ce qui appartient au « premier plan ».
Joe était un gentil pigeon qui aimait voler dans l’air froid de l’hiver. Un jour, il a
rencontré un chasseur qui lui a tiré dessus et lui a troué l’aile.
Le passé composé est utilisé pour mettre en relief les événements qui font progresser
l’histoire : rencontrer, tirer, trouer.
2.1.5.
Emplois
Le Nouvelle Grammaire du Franỗais1 recense 2 emplois du passộ composộ. En
premier lieu, ce dernier sert à exprimer un fait accompli à un moment donné du passé.
-
un fait ponctuel : J’ai eu un accident de voiture hier.
-
une succession d’événements : Après le vol, elle a décidé de fumer à l’extérieur.
Elle a vu un homme, elle lui a demandé une cigarette et a commencé à lui parler.
1
-
une répétition : J’ai lu ce livre trois fois.
-
une durée limitée : Elle a fait son choix en cinq minutes.
DELATOUR Y. et al., 2004, Nouvelle Grammaire du Franỗais, Hachette, Paris, 368 pages.
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Il exprime, en deuxième lieu, l’antériorité d’un fait qui a des prolongements dans le
présent.
Après que j’ai étudié, je me repose maintenant.
Bref, le passé composé adopte deux emplois principaux : présent accompli et passé
aoristique.
2.2.
L’imparfait
2.2.1.
Formation
La formation de l’imparfait est régulière pour tous les verbes avec la même
terminaison : -ais, -ais, -ait, -ions, -iez, -aient.
Jeunes, nous aimions chanter ensemble.
Tous les matins, Sophie allait à l’école avec sa camarade.
Une seule exception est le verbe être (j’étais, tu étais,…).
2.2.2.
Valeur temporelle
Dans sa valeur temporelle, l’imparfait suggère une action passée en cours
d’accomplissement.
Hier, à treize heures, il neigeait.
L’imparfait ici reproduit le procès neiger comme étant en cours dans le passé et
restant à accomplir.
2.2.3.
Valeur aspectuelle
L’imparfait exprime des faits non accomplis au passé. Sa valeur aspectuelle est donc
l’inaccompli.