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Privatisations et performances des entreprises au burkina faso

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Florent Kyanihib Hien,
Maître Assistant à l’UFR/SEG,
Université de Ouagadougou, Burkina Faso.

Privatisations et performances
des entreprises au Burkina Faso

S

’il est établi qu’il faut de la rigueur et de la transparence dans la gestion de la chose
publique, force est de reconnaître que l’Etat, parfois, crée des conditions de nature
à ne pas favoriser un bon état financier de ces entreprises. Car, en même temps qu’il
prône les vertus de la bonne gouvernance, il se montre parfois mauvais payeur vis-à-vis
de ses créanciers. Comment peut-on exiger, dans ces conditions, des obligations de
résultat ? La santé de ces institutions prend naturellement un coup quand l’Etat se montre
insolvable, après qu’il eut, en certaines circonstances, opéré des ponctions dans les
caisses de ces structures qui ont été longtemps considérées comme des vaches à lait”.



Cette observation du quotidien burkinabé «Le Pays» est au cœur du débat
sur la place et le rôle de l’Etat, et particulièrement des entreprises publiques, dans l’économie.
En Afrique, les entreprises publiques
ont pris naissance, au début des
années 1960, avec l’accession à l’indépendance des pays africains. Dans


la plupart de ces pays, il fallait se substituer à l’ancienne puissance coloniale et développer le secteur public. De
nombreux «établissements» sont
créés, surtout, mais pas exclusivement, dans le secteur des services :
l’eau, l’électricité, les transports
publics, etc., mais aussi, des organismes de développement rural et de

commercialisation des produits agricoles. Des politiques de nationalisation sont même engagées à des
degrés divers dans tous les Etats.
Quelques années plus tard, pour
consolider les indépendances, et face
à un secteur privé national quasi
inexistant, les nouveaux Etats vont
intervenir directement dans les secteurs productifs et commerciaux en se
substituant progressivement aux entrepreneurs étrangers.
Les entreprises publiques vont alors
jouer un rôle déterminant dans l’économie de la plupart des pays africains. Selon la Banque Mondiale
(1989), il y avait 3.000 entreprises
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publiques en Afrique subsaharienne
au cours de la période 1980-1986.
Leur participation dans le produit
national brut était de 15%, alors
qu’elles employaient entre 25% et
30% de la main-d’œuvre. La part
moyenne de ces entreprises publiques
dans les investissements intérieurs était
proche de 25%. La contribution des
entreprises publiques à l’économie est
plus importante en Afrique subsaharienne que dans d’autres régions en développement (Asie, Amérique Latine).
En dépit de cet apport substantiel, le
rôle des entreprises publiques sera
remis en cause, timidement à partir
des années 1980, et de façon plus
agressive à partir des années 1990
avec la domination, désormais totale,
de l’idéologie ultra-libérale. L’argument principal avancé est que les
entreprises publiques sont inefficaces
et non rentables (Banque Mondiale,
1989) et ne peuvent survivre que
grâce aux subventions gouvernementales. Pour certaines institutions internationales, le secteur public est au
cœur de la stagnation et du déclin de
la croissance en Afrique (Banque
Mondiale 1994; 99).
Pourtant, toute réflexion sur la place et
le rôle des entreprises publiques dans
une économie, devrait amener à se poser certaines questions pertinentes. Comment et pourquoi ont-elles apparu à un

moment donné de l’histoire économique ? Pourquoi certains pays, dont
90

l’option néo-libérale ne souffre d’aucun doute, maintiennent des entreprises publiques fortes à côté du secteur privé (France, Etats-Unis, Canada).
Des pays tels que la Corée du Sud, le
Japon et les tigres asiatiques doivent
leur percée à une forte intervention de
l’Etat dans l’économie et au financement de secteurs importants de leurs
économies pour leur donner un avantage concurrentiel. Affirmer la supériorité en soi des entreprises privées sur
les entreprises publiques témoigneraitelle à la fois d’un défaut de réflexion et
d’une absence de mémoire ?
En réalité, la notion de privatisation
renvoie à des notions très différentes.
Dans certains cas, elle fait référence à
la déréglementation n’impliquant aucun transfert d’un secteur à l’autre.
Dans d’autres cas, la privatisation est
plutôt associée à l’augmentation de la
concurrence et à l’adoption de
méthodes de gestion du secteur privé
dans les entreprises publiques. Dans
d’autres encore, elle fait référence au
changement de propriété. Dans
d’autres enfin, la privatisation est définie
comme un triple changement à la fois de
mode de propriété, de cadre réglementaire et de degré de compétition.
Dans la suite de cet article, la privatisation sera réduite à son sens le plus
strict. Il s’agit de transférer à des
actionnaires privés (particuliers) une
partie ou la totalité de la propriété et
de la gestion d’entreprises apparte-



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nant à l’Etat (collectivité) et de les soumettre au droit commun des sociétés.
L’histoire des privatisations remonte à
quatre décennies environ : les années
1960 et 1970 en donnent des
exemples – directs ou déguisés – dans
plusieurs pays européens et en
Amérique Latine. Mais la privatisation
à grande échelle des entreprises du
secteur public par les gouvernements
est apparue au début des années
1980. Fortement inspiré par le courant
néo-libéral, le phénomène s’est répandu
à travers le monde en une décennie.
En Afrique subsaharienne, la plupart
des pays ont engagé les politiques de
privatisation à marche forcée, sous la
pression des institutions financières
internationales. Les premiers programmes de privatisation, initiés à partir des années 1980, se sont d’abord
présentés comme de simples mesures
d’assainissement financier ou d’amélioration de la gestion publique du

patrimoine de l’Etat. Développés pendant une dizaine d’années sur toile de
fond d’ajustements structurels et de
récession économique, ces programmes sont progressivement apparus comme une réforme profonde des
politiques économiques de ces Etats.
Orienté d’abord vers les secteurs
concurrentiels (banques, assurances,
industrie), ce mouvement s’est propagé
aux secteurs dits stratégiques (eau,
électricité, télécommunications).

Dès lors, l’effet des privatisations sur
les performances des entreprises est
devenu une préoccupation majeure et
a donné lieu à de nombreuses études.
Les premières analyses comparatives
visant à mettre en évidence les performances relatives des entreprises privées et des entreprises publiques n’ont
pas pu apporter une réponse tranchée
sur la question (Boardman & Vining,
1989; Domberger & Pigott, 1986).
Au cours de la dernière décennie, certaines études tendent à montrer que les
entreprises privatisées obtiennent de
meilleurs résultats que les entreprises
publiques, en termes d’efficience de
la production et de la rentabilité
(D’Souza & Megginson, 1999; Megginson & al., 1994; Boubakri &
Cosset, 1998). D’autres études
concluent à la supériorité des entreprises publiques (Foreman-Peck &
Manning, 1988). D’un autre côté, il
semble y avoir un lien entre les structures de propriété, les mécanismes de
contrôle interne et l’intérêt des dirigeants à améliorer les performances

(Gragg & Dyck, 1999).
Si la littérature relative à l’efficacité
des privatisations est particulièrement
foisonnante, très peu d’études portant
sur les entreprises africaines semblent
avoir été réalisées.
Le but du présent article est de comparer les performances économiques et
financières des entreprises avant et
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après privatisation au Burkina Faso.
Dans un premier temps, nous présenterons le processus de privatisation dans
ce pays. Nous exposerons ensuite les
arguments théoriques favorables à la
privatisation. Une troisième partie
examinera les tentatives de validation
empirique de l’hypothèse de la supériorité des performances des entreprises

privées. Après avoir présenté la méthodologie de notre étude, une quatrième
partie analysera les résultats obtenus.
Ces derniers nous permettront de déterminer si les opérations de privatisations
sont à l’origine d’une amélioration
significative des performances des
entreprises au Burkina Faso.

Le processus de privatisation au Burkina Faso
C’est dans le cadre du Plan d’Ajustement Structurel (PAS) lancé en 1991
que le Burkina Faso a engagé d’importantes réformes économiques d’inspiration néo-libérale. Les privatisations
des entreprises publiques constituent la
pierre angulaire de ces réformes.
Depuis 1991, un premier programme
de privatisation concernait 22 entreprises dont le capital était détenu totalement ou partiellement par l’Etat ou
ses démembrements. En 1994, une
seconde tranche de privatisation portant sur 19 autres entreprises a été
autorisée (dont 12 à privatiser totalement et 7 partiellement).
92

Les objectifs assignés à ces opérations
sont au nombre de trois :
• stimuler l’initiative privée et faire du
secteur privé le moteur du développement par l’accroissement de sa contribution dans les secteurs productifs de
l’économie;
• alléger le fardeau que certaines
entreprises constituent pour les
finances publiques;
• assainir la gestion des entreprises
afin d’améliorer leurs performances
économiques et financières.

Pour l’exécution de ce programme, le
Gouvernement a mis en œuvre un dispositif juridique et institutionnel et a
créé une Commission de Privatisation.
Un premier cadre législatif avait été
mis en place, lors de la première
tranche. En 1994, de nouvelles lois
sont venues abroger les textes de
1991.
La loi n°35/94/ADP du 01/07/94
sert de cadre réglementaire aux privatisations des entreprises à participation
de fonds publics. Elle définit les conditions générales : définition des entreprises pouvant être privatisées, des
opérations de privatisation, des critères de choix du repreneur, création
de la Commission de Privatisation, rôle
du gouvernement, modalités de répartition des produits de la privatisation.
Ce texte est complété par le décret n°
94/411 du 21/11/94 portant attribution, composition et fonctionnement


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de la Commission et par le décret
n° 94/449 portant nomination des
membres de la commission. Enfin,
divers textes portant autorisation de la

privatisation d’entreprises ont été
élaborés. Le dernier est la loi
n° 36/94/ADP autorisant la privatisation d’une liste de 19 sociétés.

jet d’un rapport devant le Conseil des
Ministres.

Sous la tutelle du Ministre chargé des
entreprises publiques et parapubliques, la Commission de Privatisation est chargée de l’exécution technique du programme de privatisation.
Elle a un rôle de proposition, d’information, d’évaluation, de négociation
et de suivi. Sa fonction principale est
la préparation et le suivi des études sur
les entreprises à privatiser, afin de guider le gouvernement à qui revient la
décision finale.



de


Une fois la privatisation d’une société
autorisée en Conseil des Ministres, la
procédure à suivre est la suivante : évaluation de l’entreprise, sélection d’un
repreneur, négociation puis cession.
Après l’élaboration d’un cahier de
charges établi sur la base des informations recueillies, la Commission
sélectionne un bureau d’études chargé
d’évaluer l’entreprise à privatiser. La
sélection se fait sur la base d’un appel
à concurrence dont les résultats sont

soumis au Conseil des Ministres. Le
rapport d’évaluation élaboré par le
bureau d’études est analysé par la
Commission. Ses conclusions font l’ob-

L’évaluation de l’entreprise autorise
ensuite le lancement d’un appel d’offres
international portant sur le choix d’un
repreneur. La Commission analyse les
offres en se basant sur trois critères :
le prix proposé;
la contribution au développement
l’entreprise à privatiser;
la sauvegarde de l’emploi.

La Commission transmet ses recommandations relatives au choix du
repreneur, à la part du capital à céder
au repreneur et aux employés s’ils en
font la demande au Ministre de tutelle
qui saisit le Conseil des Ministres pour
décision. Le gouvernement peut accorder la priorité aux personnes physiques ou morales burkinabé de droit
privé.
L’agrément du Conseil des Ministres
permet à la Commission de Privatisation d’engager des négociations
avec l’adjudicataire provisoire. Elles
portent sur le montant, les modalités de
paiement et les dispositions spécifiques. Chaque élément du plan de
reprise de l’entreprise peut être renégocié. Les résultats de la négociation
sont soumis pour approbation au
Conseil des Ministres.

Après l’adjudication définitive du
repreneur décidée par le Conseil des
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Ministres, la Commission établit les
actes de cession comprenant : un
contrat de cession, une convention
entre l’Etat et le repreneur fixant le
cadre juridique et les engagements
réciproques relatifs à l’exploitation, et
un décret de transfert des actions ou
des actifs de l’Etat au repreneur.
Le programme de privatisations a permis un désengagement de l’Etat de 22
entreprises sur un total de 41 au 31
décembre 1999.(Tableau 1)

La justification théorique

des privatisations
Les avantages qui justifient habituellement la nécessité d’une privatisation sont
principalement de deux ordres : microéconomique et macro-économique.

Les arguments d’ordre
micro-économique
Sur le plan micro-économique, plusieurs référentiels théoriques ont tenté

Tableau n 1 : Liste des entreprises privatisées au 31/12/1999
Nom de l’entreprise

Secteur d’activités

Date de
privatisation

1) SBMC

Cuirs et peaux

5/6/92

Cession d’actions

10 288

2) SBCP

Tannerie


5/6/92

Cession d’actions

37 323

0%

3) GMB

Minoterie

26/11/93

Cession d’actions

699 400

25%

4) SONAR

Assurances

9/9/93

Cession d’actions

368 100


25%

5) CIMAT

Ciment

28/12/93

Cession d’actions

1 340 10

22,8%

6) ZAMA PUB

Publicité

30/9/93

Cession d’actions

102 454

25%

7) FLEX FASO

Fruits et légumes


25/3/95

Cession d’actions

162 400

25,3%

8) SIFA

Cycles, motos

9/3/93

Cession d’actions

73 009

25%

9) SONAPHARM

Pharmacie

10/8/94

Cession d’actions

215 600


25%

10) BRAKINA

Brasserie

21/5/92

Cession d’actions

252 500

0%

11) FASOPLAST

Plastique

2/11/93

Cession d’actions

301 700

7%

12) SOBBRA

Brasserie


29/3/93

Cession d’actions

758 000

…….

13) SOBCA

Crédit automobile

29/3/93

Augmentation de K

…….

18,7%

14) SCFB

Chemin de fer

12/12/94

Concession

…….


25%

15) SNCITEC

Huilerie Savonnerie 13/12/95

Cession d’actions

…….

0%

16) FASO TOURS

Tourisme

27/3/96

Cession d’actions

…….

0%

17) RNTC-X9

Transport urbain

11/6/96


Concession

…….

25%

18) BURKINA & SHELL

Hydrocarbures

31/12/96

Cession d’actions

825 500

25%

19) SOSUCO

Sucre

20/5/98

Cession d’actions

4 402 000

15%


20) SOPAL

Distillerie d’alcool

20/5/98

Cession d’actions

732 000

0%

21) SNTB

Transit

3/2/99

Cession d’actions

399 000

12%

22) INB

Imprimerie

10/8/99


Cession d’actions

325 000

0%

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Mode de
privatisation

Recettes en
milliers de
F CFA

Part de l’Etat
après
privatisation
0%


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de justifier l’hypothèse d’une supériorité de l’entreprise privée sur l’entreprise

publique. Parmi ce corps d’argumentaires la théorie des droits de propriété est souvent citée. Pour Alchian
(1965) et Demsetz (1967), cette supériorité est liée au caractère exclusif et
transférable des droits de propriété.
Dans l’entreprise privée, l’entrepreneur
contrôle presque intégralement ces
droits. Lorsque les droits de propriété
sont correctement spécifiés et garantis,
les agents seront incités à créer, à
conserver et à valoriser les actifs, bref
à utiliser efficacement les ressources.
Dans la mesure où le propriétaire s’approprie le résultat net, il est donc naturellement porté vers la maximisation
du profit.
Dans l’entreprise publique, par contre,
il n’existe pas de droits négociables
sur les actifs. La notion de propriété est
impersonnelle et le système de rémunération s’apparente à une rémunération forfaitaire. Les gestionnaires de
l’entreprise publique ne la contrôlent
pas et ne participent pas aux décisions
stratégiques qui la concernent. N’étant
pas soumis aux exigences d’efficacité,
ils chercheront à maximiser davantage
leur propre utilité que de chercher à
maximiser le profit de l’entreprise. De
tels comportements conduisent à des
dérives qui entraînent nécessairement
des coûts de contrôle et de surveillance, qui augmenteront les coûts de transactions dans le secteur public.

De plus, les dirigeants des entreprises
publiques qui disposent d’un pouvoir
discrétionnaire supérieur mettraient en

œuvre des politiques leur permettant
de s’approprier des rentes plus élevées
et entraîneraient ainsi une dégradation
de la performance.
L’environnement externe et interne à
l’entreprise joue également un rôle
important. Pour Leibenstein (1978), il
existe une forte corrélation entre entreprise publique et inefficience-X. Cette
corrélation est encore plus forte dans
les économies en développement.
L’entreprise privée met en place plusieurs garde-fous, des mécanismes de
contrôle et une meilleure circulation
d’information à moindre coût. L’entreprise publique, quant à elle, crée un
environnement défavorable à l’efficacité économique sur au moins trois
aspects : premièrement, les entreprises
publiques réalisent la production dans
«un environnement abrité» où elles
sont souvent en situation de monopole,
ce qui limite les efforts orientés vers la
performance (Plane 1996). Deuxièmement, les entreprises publiques sont immortelles et ont un faible degré de contraintes par rapport à la faillite et à l’insuffisance de trésorerie, puisque leur
mode de financement se fait par subvention. Dans ce contexte, les agents
développent une aversion pour le
risque et une faible propension à l’innovation, soutenus par une politique
monétaire et financière assez expansive pour limiter la probabilité de faillite.
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A ces considérations s’ajoute l’incidence de la multiplicité des objectifs économiques et sociaux que les dirigeants
politiques confient aux entreprises
publiques. Ces objectifs, souvent
contradictoires tendent à exacerber les
difficultés d’évaluation des gestionnaires. Ils favorisent le dédouanement
des directions générales en l’absence
de répartition claire des responsabilités, tout comme l’arbitraire des ministères de tutelles dans la désignation et
le remplacement des dirigeants.

Les explications d’ordre
macro-économique
Au plan macro-économique, la privatisation est souvent considérée comme
une composante incontournable d’une
politique d’austérité budgétaire, fondement du modèle d’ajustement structurel
et de la stabilisation économique. Les
motivations dans ce domaine sont
essentiellement de quatre ordres.
Elles sont d’abord d’ordre budgétaire.
La privatisation permet de rééquilibrer
les finances publiques par une réduction des subventions accordées aux
entreprises publiques et par une diminution de la masse salariale distribuée

dans le secteur public. Elles fournissent
donc des ressources budgétaires ponctuelles qui peuvent être importantes.
Ces considérations ont amené les institutions de Bretton Woods à faire de la
réduction du poids présumé excessif
du secteur public leur cheval de
96

bataille. Pourtant, toutes les entreprises
publiques ne bénéficient pas de subventions. Certaines d’entre elles sont
même très rentables et participent
directement au budget de l’Etat par les
impôts et les taxes qu’elles paient régulièrement.
Elles sont ensuite d’ordre économique :
pour lutter contre la concurrence étrangère, les entreprises doivent investir
massivement, ce qui suppose des
besoins en capitaux que l’Etat ne peut
pas couvrir, surtout en période de crise
aggravée. Il faut alors ouvrir le capital
à des opérateurs privés.
Les motivations peuvent être également
d’ordre idéologique. En effet, les privatisations traduisent une conception restrictive du rôle de l’Etat dans la société
et l’économie. Selon cette vision, l’Etat
n’a pas pour fonction de produire des
biens et services. Il doit se recentrer sur
ses fonctions régaliennes et se contenter
de garantir un environnement favorable
à l’initiative privée.
Les raisons qui justifient les opérations
de privatisation sont enfin d’ordre politique. Il s’agit de réorganiser l’économie d’un pays pour la confier à des
forces sociales bien précises. Dans les

pays africains, en particulier, l’analyse
de la répartition du capital permettrait
de découvrir la composition des
groupes de repreneurs, leurs origines
sociales ainsi que les liens qui les unissent.


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Ces justifications théoriques, abondamment diffusées, se heurtent à de
nombreuses réserves et critiques en ce
qui concerne particulièrement l’Afrique
subsaharienne. D’une part, les fondements micro-économiques de la privatisation, basés sur la comparaison entre
entreprise privée et entreprise publique,
semblent inadaptés dans des pays où
le tissu industriel est quelquefois inexistant ou souvent embryonnaire. Par
ailleurs, le raisonnement centré exclusivement sur l’efficacité économique
oublie trop souvent d’autres objectifs
assignés aux entreprises publiques qui
permettent de garantir l’équilibre
social (sauvegarde de l’emploi, protection de l’environnement, aménagement du territoire, etc.). Dans de nombreux cas, les privatisations n’ont pas
débouché sur une élargissement de la
concurrence. Elles ont souvent consisté
en un simple transfert de monopole

entre le public et le privé.
D’autre part, au niveau macro-économique, se pose le problème des secteurs vitaux pour la population qui
seront délaissés par les investisseurs
privés. La causalité entre l’entreprise
publique et les déséquilibres macroéconomiques n’est pas systématique.
La spécificité du système et les structures politico-économiques en Afrique
subsaharienne, notamment l’économie
de rente et le comportement des dirigeants d’entreprises publiques, sont
trop vite négligés. Du reste, une étude
réalisée par Campbell & Bhatia

(1998) montre que les pays africains
ont privatisé pour les principales raisons suivantes : un changement politique, un besoin d’octroi d’aide financière de la Banque Mondiale, du FMI
et d’autres donneurs et parfois la
nécessité de satisfaire des intérêts spéciaux.

Les tentatives de
validation empirique
Les études empiriques qui ont tenté de
valider l’hypothèse d’une supériorité
de la performance des entreprises privées par rapport à celle des entreprises publiques sont multiples et
variées. Elles diffèrent aussi bien par la
méthodologie utilisée, par le champ
couvert que par les résultats obtenus.
Certaines d’entre elles, dans une
approche longitudinale, comparent les
performances des entreprises avant et
après privatisation. D’autres confrontent les performances des entreprises
privatisées avec celles qui n’ont pas
été privatisées. La plupart d’entre elles

utilisent la méthode des études de cas
à cause du petit nombre d’entreprises
à observer. Elles peuvent être enfin de
dimension nationale ou internationale.
Bishop & Kay (1989) ont comparé la
performance de plusieurs entreprises
privatisées en Grande-Bretagne dans
le domaine de la livraison, du transport aérien, du gaz, des télécommunications, du pétrole et de l’automobile
avec celle d’entreprises non privatisées
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dans le charbon, les chemins de fer,
l’acier et les postes durant la même
période. Les auteurs concluent que les
deux types d’entreprises ont eu des
augmentations de performance mais
demeurent très prudents quant à l’explication de ces résultats.

Parker & Martin (1991) et Parker
(1993) ont examiné la performance
d’un groupe d’entreprises britanniques, avant et après leur privatisation. Les résultats auxquels ils sont parvenus ne confirment que partiellement
la relation entre privatisation et augmentation de la performance.
D’autres recherches anglaises effectuées sur des privatisations d’entreprises dans les secteurs économiques
particuliers comme l’électricité, les
postes, le transport aérien, la distribution d’eau, l’acier, le gaz, les chemins
de fer tendent à montrer que l’augmentation de la performance des
entreprises privatisées ne dépend pas
uniquement de leur passage du secteur
public au secteur privé. Elle dépend
d’abord et avant tout de la mise en
œuvre de politiques connexes visant à
augmenter le degré de compétition du
marché dans lequel elles opèrent et à
redéfinir le cadre réglementaire qui les
régit. Selon eux, les politiques concernant la réglementation sont les plus
importantes. Ces recherches montrent
également que la mise en place de ces
deux conditions constitue souvent une
difficulté majeure qu’il est parfois diffi98

cile de surmonter dans la pratique.
Pour Estrin & de Meza (1994), livrer
les entreprises privatisées à une
concurrence trop rapide peut s’avérer
néfaste à l’accroissement de leur performance.
D’autres recherches, réalisées dans différents pays, ont tenté de mettre en évidence la relation entre privatisation et
performance. Un premier groupe
d’études montre que des mesures

comme la diminution des subventions,
la réforme du management ou l’intensification de la concurrence ont tendance à faire augmenter la performance des entreprises publiques (Idris,
1996; Shu 1996; Al-Harran 1996;
Kim 1995; Moussoki 1993). Un
deuxième groupe indique que la vente
d’entreprises au secteur privé, l’adoption d’une réglementation adaptée et
la libéralisation des marchés augmentent la performance, surtout financière,
des entreprises privatisées (Ganaleldin, 1996; Andrews 1996; ParedesMolina 1996; Mc Cormick 1996; AlAteeq 1993).
Au niveau international, Adam,
Cavendish & Mistry (1992) ont étudié
le comportement d’entreprises privatisées dans huit pays en développement. L’étude est faite en grande partie
sur des entreprises semblables, avant
et après privatisation. Les résultats de
leur recherche montrent que la performance a tendance à augmenter après
la privatisation.


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Privatisations et performances des entreprises au Burkina Faso

Galal, Leroy, Tandon & Vogelsang
(1994) ont analysé la performance de
douze entreprises après leur privatisation dans quatre pays différents.
L’objectif de la recherche est de voir si
le changement de propriété améliore

la performance et si oui, comment les
coûts et les bénéfices des ajustements
impliqués touchent certains partenaires de l’entreprise. Les auteurs ont
ainsi essayé d’isoler les gains et pertes
dus à la privatisation des autres facteurs. Ils ont calculé l’impact sur l’Etat,
les acquéreurs (nationaux et étrangers), les travailleurs, les utilisateurs et
consommateurs (nationaux et étrangers) et les concurrents de l’entreprise
privatisée. Les résultats font apparaître
une nette augmentation de l’efficacité
dans onze cas, sans détérioration des
conditions des travailleurs. Ils constatent même une amélioration des conditions des travailleurs dans trois cas.
Megginson, Nash & Randenborhg
(1994) ont réalisé une étude empirique basée sur la comparaison de la
performance financière et opérationnelle de soixante et une entreprises
privatisées par vente d’actions dans
dix-huit pays et dans trente deux secteurs industriels différents. La comparaison est effectuée sur des données
portant sur deux ans, avant et après la
privatisation. Les auteurs concluent que
suite à la privatisation, ces entreprises
ont dans leur ensemble réalisé d’importants gains de performance (augmentation des ventes, de l’investisse-

ment, de la productivité, de la rentabilité, des dividendes, et réduction de
l’endettement) tout en augmentant le
niveau de l’emploi. Ces résultats sont
vrais dans tous les pays, et pour des
contextes diversement compétitifs.
D’une manière générale, les études
empiriques concluent que la privatisation s’accompagne d’une amélioration
de la performance des entreprises.
Toutefois de nombreuses critiques, surtout d’ordre méthodologique, peuvent

leur être adressées.
Ces études posent d’abord le problème de la pertinence de la comparaison entre entreprise publique et entreprise privée. Peut-on comparer les
entreprises privées et les entreprises
publiques dans la mesure où les objectifs poursuivis par les unes et les autres
ne sont pas les mêmes? Les critères utilisés sont basés sur la performance
économique et financière et sont beaucoup plus favorables aux entreprises
privées qui ont comme objectif principal la maximisation du profit. Les
entreprises publiques ont, quant à
elles, des objectifs multidimensionnels
et couvrent l’ensemble des objectifs de
la politique économique de l’Etat.
Certaines études recourent à la maximisation de la valeur actionnariale
pour évaluer la performance. Cette
mesure nous semble difficile à mettre
en œuvre dans un contexte où peu
d’entreprises privées sont cotées en
99


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bourse et les entreprises publiques pas
du tout.

pose le problème de la comparabilité
entre ces deux catégories.

D’autres études retiennent comme
mesure les effets de la privatisation sur
l’emploi (effectifs salariés) et ont une
préoccupation liée davantage à l’intérêt des salariés.
D’une manière générale, les mesures
comptables occupent une place primordiale dans la plupart des études.
Ainsi, le taux de rentabilité des capitaux est souvent retenu même s’il est
sensible aux manipulations comptables. Pour atténuer cette limite, une
préférence est parfois donnée au résultat courant sur les capitaux, qui permet
d’éviter l’influence des éléments extraordinaires.

L’approche longitudinale connaît également quelques limites. Si elle permet
de recourir à des échantillons plus
grands et plus diversifiés, elle peut
comporter des biais dans le choix des
entreprises. En particulier, les grandes
entreprises qui sont privatisées par le
recours au marché financier sont, en
général, en bonne santé financière.
Ensuite, les mesures étant faites sur des
périodes différentes et quelquefois
dans des systèmes comptables différents, des biais sont possibles. Les différences constatées peuvent être dues,
soit aux changements intervenus dans

l’environnement de l’entreprise entre
deux périodes, soit aux facteurs culturels.

Aux critères de rentabilité viennent
s’ajouter des critères de profitabilité (résultat/ventes), de productivité
(ventes/effectifs) ou quelquefois des
ratios qui reflètent l’importance de l’investissement (Investissement/ventes).
Ce choix est discutable dans la mesure où une amélioration de ces ratios ne
traduit pas forcément une meilleure
performance.

Comparer la performance dans le
temps, sur une période de sept ans,
suppose implicitement que les effets de
la privatisation sont instantanés et que
la performance s’améliore rapidement. Or, dans la plupart des cas, non
seulement la privatisation est précédée
de restructuration (recapitalisation ou
réduction d’effectifs), mais le redressement se fait lentement.

Les études empiriques soulèvent ensuite le problème de la comparaison des
entreprises dans le temps et dans l’espace. La confrontation de la performance d’entreprises privées et d’entreprises publiques, à un moment donné,

Enfin, des problèmes conceptuels restent non résolus et il n’existe pas de
consensus quant à la définition de la
privatisation, qui varie d’un auteur à
un autre.

100



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Privatisations et performances des entreprises au Burkina Faso

Le cas du Burkina Faso
L’étude a pour objectif de répondre à
la question suivante : les performances
économiques et financières des entreprises privatisées sont-elles supérieures
à celles des entreprises publiques ?
Pour répondre à la question, nous
avons cherché à comparer les performances des entreprises avant privatisation et après privatisation. Ce choix
nous permet de suivre les mêmes entreprises dans le temps. La faiblesse du
tissu économique burkinabé ne nous
permet pas de comparer les performances d’entreprises privées et d’entreprises publiques à une période donnée. Une étude sur plusieurs pays de
la sous-région aurait permis d’avoir un
échantillon beaucoup plus important,
mais pour des raisons géographiques
et des problèmes de disponibilité de
l’information, elle n’a pas été retenue.
La période d’étude s’étend de 1989 à
2002 et permet de couvrir la majorité
des entreprises ayant fait l’objet de privatisation.
Avant de caractériser la méthodologie
utilisée, nous présenterons d’abord
l’échantillon d’étude.


Constitution de l’échantillon
Notre base de départ est constituée
des 22 entreprises privatisées au 31
décembre 1999, auxquelles nous
avons ajouté Air Burkina qui a été pri-

vatisée en 2000. Compte tenu des difficultés à recueillir des informations
économiques et financières relatives
aux entreprises privatisées, nous avons
adopté une démarche en trois temps.
Un premier travail a consisté à collecter les informations auprès de la commission de privatisation. La commission est la structure qui a été créée
pour conduire le processus de privatisation (évaluation des entreprises,
choix des repreneurs, suivi après privatisation). Elle devrait par conséquent
pouvoir disposer d’un maximum d’informations sur les entreprises privatisées.
Les informations que nous avons pu
recueillir auprès de cette institution se
sont révélées insuffisantes (absence de
certaines données), voire contradictoires (les chiffres pouvaient varier
considérablement d’une source à une
autre). Et surtout, très peu d’informations portant sur la période avant privatisation étaient disponibles.
Dans un deuxième temps, nous avons
tenté de compléter les premières informations en nous adressant à l’Inspection des Entreprises Publiques et
Parapubliques. Cet organisme s’occupe
principalement du suivi des entreprises
publiques au niveau du Ministère du
Commerce. Quelques informations ont
été récoltées sur la période avant privatisation. Le problème rencontré est que
de nombreuses entreprises publiques ne
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publiaient pas d’informations économiques et financières avant la privatisation. L’Inspection disposait également
de très peu d’informations sur les sociétés d’économie mixte.
Enfin, pour compléter le dispositif,
nous nous sommes adressés directement aux entreprises elles-mêmes.
Au bout du compte, 17 entreprises ont
été retenues. Ces entreprises ont pu nous
fournir un nombre suffisant d’informations sur leur situation économique et
financière avant et après privatisation.
Lorsque la privatisation s’est opérée
par étape, nous avons retenu la période où la part de l’Etat est passée en
dessous de 50% (cas de Burkina &
Shell). Quatre entreprises ont été éliminées par manque d’informations. Il
s’agit de la Cimat, de Flex Faso, de
Scfb et de Faso Tours. Ces entreprises
ont tout simplement disparu après la
privatisation. Deux autres ont été éliminées parce qu’elles ont fusionné après

la privatisation, ce qui rendaient les
comparaisons plus délicates (Brakina
et Sobbra).

Présentation des hypothèses
L’étude cherche à savoir si la privatisation des entreprises publiques au
Burkina Faso conduit à une amélioration des performances de ces entreprises. A partir de certaines variables
nous allons comparer la situation des
102

entreprises avant la privatisation et
après la privatisation.
Pour cela nous chercherons à vérifier
les hypothèses suivantes :
H1 : La privatisation améliore la rentabilité des entreprises. ( Rentabilité
après > Rentabilité avant)
H2 : La privatisation accroît la productivité des entreprises (Productivité
après > Productivité avant)
H3 : La privatisation entraîne une
augmentation du chiffre d’affaires réel
(Chiffre d’affaires réel avant > Chiffre
d’affaires réel après)
H4 : La privatisation a un effet négatif sur l’emploi (Effectifs après < Effectifs avant)
H5 : La privatisation conduit à une augmentation de la valeur ajoutée (Valeur
ajoutée après > Valeur ajoutée avant)

Spécification des variables
Malgré les limites signalées plus haut,
et devant la nécessité de quantification, nous avons été amenés à retenir
les critères traditionnels de mesure de

la performance. L’étude de la performance économique et financière des
entreprises nous a conduit à retenir un
certain nombre de variables relatives à
la rentabilité, à la productivité, à l’activité, à l’emploi, compte tenu de la disponibilité des données..


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Privatisations et performances des entreprises au Burkina Faso

La mesure de la Rentabilité.
Pour mesurer la rentabilité trois critères
ont été retenus. :
• Le taux de marge bénéficiaire :
Résultat net/CA
• La rentabilité économique : Résultat
net/Actif total
• La rentabilité financière : Résultat
net/Capitaux propres

La productivité.
Deux critères ont été retenus :
• CA/Effectif salarié
• Résultat net/Effectif salarié

L’activité a été mesurée par :

• CA
• CA/Indice des prix (CA réel)
Pour calculer le CA réel, nous avons
utilisé des déflateurs qui sont proposés
par l’Institut National de la Statistique
et de la Démographie (INSD).

L’emploi est mesuré par :
• Total effectif salarié
• La valeur ajoutée retenue est la
Valeur ajoutée telle que calculée par
les entreprises elles-mêmes.

Méthodologie
Les données ont été réunies pour
chaque entreprise sur une période de
7 ans : 3 ans avant la privatisation,

3 ans après la privatisation. L’année
de la privatisation a été considérée
comme l’année zéro, parce qu’elle
comporte à la fois une phase publique
et une phase privée. La date de privatisation est la date à laquelle le gouvernement a vendu des actions. Les
années retenues sont celles qui précèdent ou qui suivent immédiatement
l’année de privatisation. Mais lorsque
les informations ne sont pas disponibles, nous nous sommes contentés de
deux années ou de trois années pourvu qu’elles soient postérieures ou antérieures à la privatisation.
Les moyennes des variables avant privatisation et après privatisation ont été
calculées afin de permettre la comparaison.
Pour savoir si les écarts entre les performances avant et après privatisation

sont statistiquement significatifs, il nous
a semblé préférable d’utiliser des techniques non paramétriques qui ne supposent pas de distribution de probabilités précise des variables. Des tests de
WILCOXON (précisément le test de
Wilcoxon signé des rangs sur des
séries appariées) ont été réalisés.
Nous avons effectué un test d’égalité
de la somme des rangs des différences
positives et négatives. Nous avons
donc testé l’hypothèse nulle selon
laquelle la somme des rangs, conduisant à des différences positives, est
identique à celle conduisant à des différences négatives, rangs calculés
103


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entre les performances avant et après
privatisations d’une entreprise (séries
appariées). Pour cela, les variables
retenues ont été comparées deux à

deux. Un test unilatéral ayant été réalisé, le rejet de l’hypothèse nulle permet
d’identifier les variables qui se caractérisent par une supériorité (respectivement infériorité) significative à un
risque de première espèce fixé.
Les hypothèses alternatives, pour une
variable choisie, sont les hypothèses
H1 à H5 précédentes.

Les résultats obtenus
Dans la section qui suit, nous allons
présenter les résultats de notre étude
empirique en fonction des hypothèses
précédemment énoncées.

L’amélioration de la rentabilité
Il est généralement admis que les
entreprises publiques dégagent des
résultats chroniquement négatifs parce
qu’elles ont d’autres objectifs sociaux
tels que l’emploi, l’aménagement du
territoire. Seules les subventions
octroyées par le gouvernement leur
permettent de survivre. Le recours à la
privatisation permet de réduire les
charges d’exploitation et d’améliorer
le rentabilité.

104

La mesure de la rentabilité est basée
sur trois principaux ratios.

La comparaison effectuée sur la base
des trois critères RN/CA, RN/AT et
RN/CP ne permet pas de confirmer
une amélioration de la rentabilité. 7
entreprises sur 15 ont connu une amélioration de leur marge bénéficiaire. La
croissance moyenne de la marge
bénéficiaire est de 0,79%.
Concernant la rentabilité économique,
3 entreprises sur 9 ont connu une évolution positive. D’un point de vue d’ensemble, la rentabilité économique a
baissé en moyenne de 2%. Quant à la
rentabilité des capitaux propres, 6
entreprises sur 10 l’ont amélioré et elle
a connu une diminution moyenne de
18%.
Ces résultats ne résistent pas au test de
WILCOXON (Tableau 2) qui aboutit
au non-rejet de l’hypothèse nulle.
Il n’y a donc pas d’amélioration significative, au risque de première espèce
α de 2,5%, de la rentabilité évaluée
par ces trois critères.


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Privatisations et performances des entreprises au Burkina Faso


Tableau 2 : Rentabilité des entreprises privatisées

Variable

Rentabilité

Critères

Test WILCOXON à alpha = 2,5%
Degré de
taille
Exact
signification pour
n
w
l’approximation
normale

RN/CA

15

53

on ne rejette
pas l’hyp.H0

34,55%

RN/AT


9

15

on ne rejette
pas l’hyp.H0

18,71%

RN/CP

10

25

on ne rejette
pas l’hyp.H0

39,94%

L’augmentation de l’activité
L’hypothèse d’une augmentation du
chiffre d’affaires après la privatisation
a été également retenue. Nous avons
testé cette hypothèse en comparant les
chiffres d’affaires moyens avant et
après privatisation.
12 entreprises sur 16 ont enregistré
une augmentation de leur chiffre d’affaires. L’évolution moyenne du chiffre

d’affaires est de 1.960.000 F CFA.
De cette comparaison, il résulte une
augmentation significative du chiffre
d’affaires nominal après privatisation.
Le test de WILCOXON (Tableau 3)

Justification de
l’approximation
à titre indicatif
(approximation
normale non justifiée)
à titre indicatif
(approximation
normale non justifiée)
à titre indicatif
(approximation
normale non justifiée)

conduit au rejet de l’hypothèse d’égalité entre les moyennes des chiffres
d’affaires nominaux avant et après privatisation, au risque α de 2,5%.
Jusqu’à une période récente, les pays
la sous-région connaissaient des taux
d’inflation à deux chiffres. De plus,
une dévaluation est intervenue en janvier 1994, diminuant de moitié la
valeur du franc CFA. Il était donc intéressant de voir qu’elle était l’évolution
des chiffres d’affaires réels. Le test
effectué sur les chiffres d’affaires déflatés ne confirme pas l’hypothèse d’un
dynamisme accru de l’activité des
entreprises privatisées


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Tableau 3 : L’activité des entreprises privatisées

Variable

Critères

Test WILCOXON à alpha = 2,5%
Degré de
taille
Exact
signification pour
n
w
l’approximation
normale


CA

16

23

on ne rejette
pas l’hyp.H0

1,00%

CA Réel

15

58

on ne rejette
pas l’hyp.H0

45,48%

Activité

L’évolution des effectifs
L’une des craintes dans les opérations de
privatisation est que l’amélioration des
critères financiers se fera au détriment
des facteurs sociaux et en particulier de

l’emploi. On devrait s’attendre donc à
une baisse sensible des effectifs après
privatisation. C’est pourquoi nous avons
voulu vérifier si les effectifs moyens baissaient après la privatisation.

justification de
l’approximation
à titre indicatif
(approximation
normale non justifiée)
à titre indicatif
(approximation
normale non justifiée)

Une seule entreprise sur 13 n’a pas
connu de réduction de son effectif
moyen. La diminution moyenne des
effectifs est de 51 par entreprise. Le
test de WILCOXON (Tableau 4) confirme la diminution des effectifs par le
rejet de l’hypothèse nulle, au risque
α de 2,5%.

Tableau 4 : Comparaison des moyennes des effectifs

Variable

EMPLOI

Critères


EFF

106

Test WILCOXON à alpha = 2,5%
Degré de
taille
Exact
signification pour
n
w
l’approximation
normale
13

4,5

on ne rejette
pas l’hyp.H0

0,21%

Justification de
l’approximation
à titre indicatif
(approximation
normale non justifiée)


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Privatisations et performances des entreprises au Burkina Faso

connaît pas d’amélioration significative, au risque α de 2,5% (Tableau 5).

L’augmentation de la productivité
Une des attentes de la privatisation est
d’utiliser de façon plus efficiente les
ressources humaines, matérielles et
financières. La mesure de la productivité indique une augmentation significative, au risque α de 2,5%, de la productivité mesurée par le rapport chiffre
d’affaires nominal sur effectifs. 10
entreprises sur 13 ont effectivement
évolué dans le sens souhaité. Par
contre, la productivité mesurée par le
rapport résultat net sur effectifs ne

Ce résultat pourrait s’expliquer par
l’augmentation ou le maintien de l’activité alors qu’au même moment les effectifs diminuent. Ce qui devrait se traduire
par un rythme de travail beaucoup plus
soutenu, voire à la réalisation d’heures
supplémentaires. La privatisation conduirait donc à une activité identique, voire
accrue, avec un effectif plus réduit, sans
une maîtrise réelle de certaines charges
d’exploitation.

Tableau 5 : Comparaison des moyennes des productivités


Variable

Critères

Test WILCOXON à alpha = 2,5%
Degré de
taille
Exact
signification pour
n
w
l’approximation
normale

CA/EFF

13

12

on ne rejette
pas l’hyp.H0

0,96%

RN/EFF

13


36

on ne rejette
pas l’hyp.H0

25,34%

Productivité

La valeur ajoutée
En définitive pour être bénéfique, la
privatisation devrait contribuer à une
création de richesse beaucoup plus
grande pour la nation. 8 entreprises
sur 15 ont connu une progression de
leur valeur ajoutée. Dans l’ensemble,

Justification de
l’approximation
à titre indicatif
(approximation
normale non justifiée)
à titre indicatif
(approximation
normale non justifiée)

la valeur ajoutée a cru en moyenne de
195 millions F CFA. Mais le test effectué, aussi bien sur la valeur ajoutée
nominale que sur la valeur ajoutée réelle conduit au non-rejet de l’hypothèse
nulle, au risque α de 2,5%. L’évolution

observée ne paraît pas du tout significative à ce risque. (Tableau 6).

107


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novembre - décembre 2005

Tableau 6 : Comparaison des moyennes des valeurs ajoutées

Variable

Critères

Test WILCOXON à alpha = 2,5%
Degré de
taille
Exact
signification pour
n
w

l’approximation
normale

VAN

15

57

on ne rejette
pas l’hyp.H0

43,24%

VAR

15

45

on ne rejette
pas l’hyp.H0

19,71%

Activité
ajoutée

Conclusion
L’objectif de cet article était de comparer les performances économiques et

financières des entreprises burkinabé
avant et après privatisation. Il ressort
que les privatisations au Burkina Faso
se traduisent d’abord et principalement par des réductions d’effectifs. Les
licenciements apparaissent donc
comme l’une des armes privilégiées
pour réduire les charges d’exploitation
et assainir la gestion des entreprises
privatisées. Ce choix peut se justifier
dans certaines entreprises aux effectifs
pléthoriques, où les recrutements passés ont été plus basés sur des considérations politiques, ethniques ou religieuses que sur les besoins réels des
entreprises.
Malgré cette réduction d’effectifs l’activité, mesurée en termes de chiffre d’affaires, augmente. Ces deux évolutions
contradictoires, entre effectifs et activité, conduisent à une amélioration de la
108

Justification de
l’approximation
à titre indicatif
(approximation
normale non justifiée)
à titre indicatif
(approximation
normale non justifiée)

productivité. Cette performance s’explique quelquefois par le recours fréquent aux heures supplémentaires.
On ne peut donc pas conclure à une
amélioration indiscutable des performances des entreprises après leur privatisation. La performance dépend de
facteurs plus complexes que le seul
changement de propriété. Le problème

ne se situe pas uniquement au niveau
de la nature des entreprises publiques,
mais au niveau de leur fonctionnement
et de leur gouvernance.

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