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Luận văn Thạc sĩ Giáo dục học: Les articles - Problème de l’actualisation (Vấn đề hiện thực hóa trong việc sử dụng mạo từ)

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BỘ GIÁO DỤC VÀ ĐÀO TẠO
TRƯỜNG ĐẠI HỌC SƯ PHẠM TP. HỒ CHÍ MINH
-----------------------------------

NGUYỄN THỊ BÍCH THUẬN

LES ARTICLES : PROBLÈME DE
L’ACTUALISATION
(VẤN ĐỀ HIỆN THỰC HÓA TRONG VIỆC
SỬ DỤNG MẠO TỪ)

Chuyên ngành : Lý luận và phương pháp dạy học Tiếng Pháp
Mã số

: 60 14 10

LUẬN VĂN THẠC SĨ GIÁO DỤC HỌC

Người hướng dẫn khoa học
TS. BÙI KHƯƠNG BÍCH HOÀN


Thành phố Hồ Chí Minh – Năm 2011


REMERCIEMENTS
Qu’il me soit permis d’exprimer ma profonde gratitude
- A ma directrice de recherche, Madame Bùi Khương Bích Hoàn, qui a accepté de diriger mon
travail avec patience et vigilance ;
- A tous mes professeurs du Département de Français de l’Université de Pédagogie de Hochiminhville qui m’ont donné de précieux conseils lors de l’élaboration du mémoire;
- A Monsieur le directeur et les étudiants du Département de Tourisme de l’École des Beaux-Arts


et du Tourisme de Nha Trang pour leur aide ;
- A tous les professeurs qui vont lire et évaluer ma recherche.


MỤC LỤC
R EMERCIEMENTS .................................................................................................. 3
0T

0T

M ỤC LỤC ............................................................................................................... 4
0T

T
0

I NTRODUCTION ..................................................................................................... 6
0T

0T

C hap it re 1: SPHÈRE NOMINALE .............................................................................. 8
0T

0T

1 .1. St at ut , fonct io n du no m ................................................................................... 8
0T

0T


1 .2
0T

1 .3
0T

1 .4
0T

1 .5
0T

N o m et ses dét er minant s .............................................................................. 8

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0

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0

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0

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0

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0


T
0

T
0

T
0

0T

D ét er minat io n par art icle ........................................................................... 10
0T

L acu nes chez les ét udiant s ......................................................................... 12
0T

H ypo t hèses .............................................................................................. 13
0T

C hap it re 2 : PROBLÈME DE L’ACTUALI SATION .................................................... 16
0T

T
0

2 .1
0T

2 .2

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2 .3
0T

O bser vat io ns génér ales ............................................................................. 16

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0

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0

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0

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0

T
0

T
0

0T

D éfin it io n linguist ique de l’act ualisat io n .................................................... 17
T
0


A ct ualisat io n co nçue dans not re t hèse ......................................................... 17

2 .3.1
0T

2 .3.2
0T

T
0

D émo nst rat io n par la co ncept ion humaine à l’égard de la réalit é .............. 18

T
0

T
0

T
0

T
0

T
0

D émo nst rat ion linguist ique .................................................................. 18

T
0

2 .3.2.1 Act ualisat io n du pro cès ...................................................................... 18
T
0

T
0

2 .3.2.2 Act ualisat io n de la qualit é et de la manière .......................................... 20
T
0

T
0

2 .3.2.3 Act ualisat io n de l’ent it é ..................................................................... 20
T
0

2 .4
0T

T
0

T
0


T ypo log ie de l’act ualisat io n ...................................................................... 22
T
0

0T

2 .4.1 Différence ent re l’act ualisat io n endocent r ique et l’act ualisat io n exocent r iqu e 22
0T

2 .4.2
0T

2 .4.3
0T

2 .4.4
0T

T
0

T
0

T
0

Int ro duct io n première ......................................................................... 24
0T


I nt ro duct io n it érat ive ........................................................................... 24

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0

T
0

T
0

T
0

0T

I nt ro duct io n généralisant e .................................................................... 25
T
0

2 .4.5 Evocat io n sit uat io nnelle .......................................................................... 25
0T

2 .4.6
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2 .4.7
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2 .4.8

0T

0T

E vocat ion généralisant e ....................................................................... 26

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0

T
0

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0

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0

T
0

T
0

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A ct ualisat io n st ylist iqu e (Alt er nat ive) ................................................... 27
T
0


A ct ualisat io n st ylist ique (I mp licat io n imméd iat e) ................................... 28
T
0


2 .4.9
0T

T
0

C as d’o miss io n de l’art icle ................................................................... 28
T
0

T
0

C hap it re 3 : ÉTUDE DU TERRAIN .......................................................................... 29
0T

0T

3 .1
0T

3 .2
0T

3 .3

0T

P rofil des ét ud iant s ................................................................................... 29

T
0

T
0

T
0

T
0

T
0

0T

P résent at io n du co rpus .............................................................................. 30
0T

Résu lt at du travail d es deu x classes ........................................................... 32

T
0

3 .3.1

0T

T
0

T
0

3 .3.2
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3 .3.3
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T
0

Travail des premièr es années ............................................................... 32
T
0

O bser vat io ns sur le résu lt at de t ravail des premières années ..................... 36

T
0

T
0

T

0

T
0

T
0

T ravail des t roisièmes années ............................................................... 37
T
0

3 .3.4 Obser vat io ns sur le résu lt at du t ravail des t roisièmes années ........................ 42
0T

3 .4
0T

T
0

T
0

C o nclusio n .............................................................................................. 42
T
0

0T


C hap it re 4 : SUGGESTIONS PÉDAGOGI QUES . ....................................................... 44
0T

T
0

C ONCLUSION ...................................................................................................... 47
0T

T
0

L ISTE DES ANNEXES ........................................................................................... 49
0T

0T

B IBLIOGRAPHIE .................................................................................................. 72
0T

0T


INTRODUCTION

À l’heure actuelle, dans le cadre de l’intégration économique du

monde et d’échanges

culturels ou de transferts technologiques entre différents pays se créent des relations coopératives

internationales. Viet Nam s’y étant engagé, les partenaires commerciaux de notre pays,

les

étrangers en visite touristique ou en mission culturelle, humanitaire chez nous ne viennent pas
seulement du monde anglophone mais encore

des nations francophones. Le français se considère

alors comme une des langues étrangères « stratégiques » dans le système d’enseignement national
actuel. La direction générale de notre école des Beaux-Arts et du Tourisme à Nha Trang ne restant
pas insensible à la grande nécessité de l’étude des langues étrangères, s’impose au programme
d’enseignement du département de tourisme de cet établissement universitaire l’enseignement de
l’anglais, du chinois, du japonais, du coréen et du français. Les touristes francophones venus de
plus en plus nombreux à Nha Trang, le français est enseigné en tant que première langue étrangère
aux étudiants de la section de guide touristique et de gestion en hôtellerie- restauration.
Les particularités linguistiques du français rendent l’étude de cette langue à la fois
passionnante et rebutante. Une des difficultés d’apprentissage chez les apprenants vietnamiens
consiste en l’utilisation des articles dans leur production orale ou écrite. En effet, les étudiants
vietnamiens se perdent dans les exercices portant sur la valeur d’emploi des articles, et ils utilisent
l’article défini là où est demandé l’article indéfini et inversement. Simple monème ayant pour
fonction de déterminer le nom qu’il accompagne, l’article n’est cependant pas d’un emploi facile.
La complexité de ses valeurs d’emploi est liée à l’aspect le plus insaisissable de la psychologie,
l’aspect cognitif. Ainsi, il n’y a pas que les apprenants qui, durant leur apprentissage, sont
confrontés à des difficultés de compréhension relatives à l’usage de ce fameux monème mais les
professeurs, eux aussi, s’embarrassent dans leurs explications des valeurs d’emploi des articles.
Pour notre part, avec nos expériences professionnelles acquises au cours de 10 années de
travail comme professeur de français langue étrangère au lycée, au centre des langues étrangères et
à l’École des Beaux – Arts et du Tourisme à Nha Trang, nous parvenons tant bien que mal à
convaincre nos étudiants de nos réflexions sur les cas d’emploi de ce déterminant. Nous ne

prétendons donc pas avoir réussi à leur faire distinguer le défini de l’indéfini ou à leur expliquer la
raison d’être du partitif dans un propos. Nous nous sommes rendue compte que ces lacunes
professionnelles ne relèvent pas des approches didactiques mais de nos connaissances encore
superficielles sur le problème en question. Il nous est alors indispensable de procéder à une étude
plus approfondie des valeurs d’usage de ce genre de déterminant, plus précisément, celle qui
s’opère par le recours à la notion d’actualisation et ce pour une théorisation linguistique que nous


n’avons pas l’ambition de caractériser d’optimale, mais qui se veut plus efficace. Nous sommes
d’autant plus renforcée dans cette conviction que les erreurs d’usage des articles se répètent
systématiquement d’année en année chez nos apprenants, d’où ce présent travail de recherche.
Dans la première partie considérée comme cadre conceptuel, nous présentons premièrement
l’importance de la sphère nominale à laquelle prend part l’article (chapitre 1) et secondement le
problème de l’actualisation (chapitre 2). Font l’objet de la seconde partie l’étude du terrain
(chapitre 3) et les suggestions pédagogiques (chapitre 4).


Chapitre 1: SPHÈRE NOMINALE

1.1. Statut, fonction du nom
Le nom, noyau du groupe nominal, tient une fonction spécifique que ne peut remplacer
aucune autre catégorie grammaticale, celle de véhiculer des entités. Sur ce point, nous joignons les
auteurs de Grammaire méthodique du français dans la réflexion selon laquelle « Tout objet de
pensée, quelque soit sa catégorie ontologique, peut revêtir une forme nominale. L’hétérogénéité
sémantique des noms se ramène à un seul commun dénominateur : ils renvoient à des réalités
notionnelles (des concepts) de tous ordres, mais qui ont en commun d’être conçues comme des
« objets de pensées » que l’on peut évoquer en tant que tels » (Riegel et al, p.169).
Comme nous vivons en plein monde matériel, tout thème de conversation, d’entretien, de
narration, de reportage, d’information etc… repose quasiment sur des entités. En effet, rien qu’à
ouvrir un quotidien, pour ne citer que les thèmes d’actualité, on trouve par exemple Pluies

torrentielles qui sévissent à Khánh Hoà, Ninh Thuận (Thanh Niên du 2 novembre 2010, page 1),
ou Préoccupations concernant la sécurité des sources d’eau (Thanh niên du 23 mars 2011, page 3)
ou encore Espace aérienne Libya maîtrisée par les Alliés (Thanh Niên du 23 mars 2011, page 20).
Comme information sous forme d’avertissement aux gens, on a par exemple Danger de mort sur
les pylônes d’électricité ou Défense de fumer à la station-service etc... Les enseignes nous
présentent et Boulangerie – Pâtisserie, et Photocopie, et Restaurant ou Bistro etc…
1.2

Nom et ses déterminants
Cependant les entités ne nous apparaissent pas d’une manière homogène, parce que pas du

même moment, ni dans leur intégralité. A cela s’ajoute que notre perception des entités varie en
fonction de notre état psychologique, ce qui fait qu’une entité appelle à être déterminée de
manières différentes, d’où tant de formes pour la détermination nominale, opération linguistique
qui a pour fonction de préciser le rapport entre une entité donnée et son percepteur.
La détermination nominale est un continuum de sens. Etudier les déterminants du nom, c’est
donc étudier la façon dont la prise en conscience d’une entité va du plus flou au plus marqué, du
minimum au maximum de son extension notionnelle. Ne faisant pas cas de leurs situations
d’emploi, mais en vue d’une présentation typologique, sans pour autant prétendre à son
exhaustivité, nous tenons à décrire le continuum en question par un axe allant de gauche à droite,
sur lequel sont rangés les déterminants qui traduisent les degrés de perception qu’on peut avoir


d’une entité, du moins actuel au plus actuel. Autrement dit, ces déterminants sont classés selon le
degré de croissance de la cognition qu’on peut avoir d’un objet du monde.

Sur
l’axe, les articles partitifs trouvent leur place dans la même colonne que “un, une.. des”, pour la
raison que ces deux types de déterminants représentent comme point commun l’actualisation
première. Au même degré, la seule différence qui les distingue, c’est que les articles indéfinis se

rapportent aux noms comptables tandis que les articles partitifs se rapportent aux noms noncomptables.
Je vois un taxi.
On m’a posé une question
Je prends du pain avec de la confiture.
Pour faire ce travail, il faut du courage, de l’imagination.
Actualisés par les déterminants autres que partitifs, les noms non-comptables

ne traduisent plus

l’idée de masse, de matière, mais supposent l’idée d’une espèce, d’une catégorie ou d’une
personnalité particulière.
Il n’aime pas le pain.
Quelle confiture veux-tu?
C’est un courage exemplaire.
Son imagination m’étonne.
L’interrogation portant sur les caractéristiques catégorielles ou identitaires de l’entité dénotée par
le nom, l’entité s’annonce comme très peu marquée dans la perception du locuteur. Dans Quel
livre?, quel porte sur le genre ou la catégorie de livre et du fait ne peut rendre livre bien évident au
regard de celui qui parle, c’est ce qui explique le degré le moins actuel qu’occupe l’adjectif
interrogatif sur l’axe.
Par leurs valeurs, quelque et quelques actualisent le nom plus que les articles indéfinis, mais à un
degré moindre que les articles définis. Dans Un livre, l’article défini un indique simplement qu’une
entité (un livre) existe (Il en est de même pour du pain où du suggère l’existence partielle de pain).
Dans Quelque livre, l’adjectif quelque signale cette existence mais suggère en plus un certain


caractère qui lui appartient, malgré son opacité, ce qui rend l’entité plus « notoire » que l’article
indéfini. Dans Quelques livres, on constate le même phénomène, sauf que ce qui est suggéré en
plus porte non pas sur le caractère de l’entité mais sur sa quantité. Tout cela justifie la place de
quelque et quelques dans le schéma. Une propriété ou une caractéristique de l’entité relevée à

l’emploi de quel exclamatif qui manifeste une appréciation qualitative de la part du locuteur (dans
quel livre! par exemple) accentue l’existence d’une entité, d’où la place de l’adjectif exclamatif au
même niveau que l’adjectif indéfini quelque.
L’aspect quantitatif de l’entité s’obtient plus avec cinq ou six qu’avec quelques (J’ai vu
quelques livres / j’ai vu cinq (ou six) livres), ce qui permet de situer l’adjectif cardinal à un niveau
plus élevé que celui de l’adjectif indéfini. Mais ne pouvant pas rivaliser avec les ordinaux en
notoriété, ils doivent se ranger avant ceux-là (Il m’a donné cinq livres / Il m’a donné le cinquième
livre). Cependant, les ordinaux doivent se ranger avant l’article défini, vu que, de caractère
dépendant, ils ne peuvent pas fonctionner seuls, et doivent s’associer à l’article défini ou à un autre
déterminant, qui, à lui seul, peut très bien remplir la tâche d’actualisateur. On a effectivement
passez-moi le premier livre ou passez-moi le livre, et non passez-moi premier livre.
Les adjectifs possessifs non seulement présentent l’entité comme connue, mais marquent
aussi leur côté d’appartenance, attribuant à l’entité plus de notoriété que les articles définis. Mais
ces adjectifs doivent se placer avant les démonstratifs car rien n’actualise une entité mieux que
l’acte de démontrer.

Vu son objectif de recherche, notre travail se limite à la détermination par article, laissant les
autres types de déterminants pour d’autres opportunités de discussion.
1.3

Détermination par article
L’article précise les degrés d’existence d’une entité dans la connaissance ou la conscience du

locuteur et non dans le monde matériel comme le pensent certains. Et cette existence est le résultat
d’une opération d’actualisation de l’entité effectuée en son esprit. Or, comme nous l’avons montré
ci-dessus, l’actualisation d’une entité est question d’un processus compliqué puisque conçue
comme un continuum de sens. Qui plus est, les propos de l’homme n’obéissent pas à une pensée
canonique, et il arrive parfois au locuteur de ne pas se prononcer pour son compte mais pour celui
de son interlocuteur. C’est ce que nous montrent les deux extraits suivants (cf. Annexes) dont nous
mettons en gras certaines expressions susceptibles d’attirer notre attention :



Ce dimanche soir, le « pousseur » de la gare de Lyon a été mis en examen pour « homicide
volontaire ». Cet homme de 28 ans a reconnu, samedi soir, au cours de sa garde à vue, avoir
poussé d’un coup de pied, sur le quai de la station RER Gare de Lyon, un homme de 52 ans. [….]
Ce Sri-lankais est mort, quelques minutes plus tard sur le quai de la gare malgré l’intervention des
secours. Vendredi soir, le suspect a été interpellé à son domicile à Fontenay-sous-Bois, dans le
Val-de-Marne. [….] Dans un entretien à paraître, lundi, dans le Parisien, la mère de l’agresseur a
indiqué, avoir alerté, il y a deux semaines, les services de police, sur la « dangerosité » de son fils.
Le 23 mars dernier, cette mère de famille, demeurant Fontenay-sous-Bois, avait alerté la police,
pour indiquer que sons fils « était en grand état d’agitation »
« J’avais tiré le signal d’alarme. Je sentais que mon fils pouvait commettre l’irréparable à chaque
instant » explique cette maman.
Une mère qui ajoute : « Ils sont venus avec les pompiers, raconte-t-elle. Quand ils étaient là, mon
fils m’a craché dessus. Mais ils ne l’ont pas emmené. On aurait pu anticiper ce qui s’est passé. Si
seulement on m’avait écouté, ce ne serait pas arrivé ». […..]. Ce dimanche, cette mère, dont un
autre fils s’est suicidé. Il y a plusieurs années, se dit anéantie par ce drame. (Le Post.fr, 4 avril
2010).
Grigori Perelman, un Russe de 44 ans a décliné la récompense de l’Institut Clay des
Mathématiques pour avoir résolu la conjecture de Poincaré. Depuis quatre ans, il vit reclus dans
son petit appartement vétuste de Saint-Pétersbourg.
Les chiffres, oui, mais pas sur des billets verts. Le Russe Grigori Perelman, rendu célèbre pour
avoir résolu l’un des problèmes mathématiques les plus difficiles posés au 20e siècle, a fait savoir
P

P

lundi qu’il refusait d’aller chercher le « Prix du Millénaire » que lui a décerné la semaine
dernière l’Institut Clay des Mathématiques – un prix qui l’aurait pourtant récompensé d’un
million de dollars(750.000 euros). C’est la seconde fois que ce brillant mathématicien, réputé pour

être un homme discret, ne vient pas chercher un prix qui lui a été décerné. [….]. (Le Figaro.fr, 24
mars 2010)

Contrairement à l’emploi général des articles défini et indéfini dans les exemples du genre de
« Je vois un jardin. Dans le jardin, il y a un arbre. Au pied de l’arbre, il y a un banc. Sur le banc,
une fillette. », dans le premier passage ci-dessus, l’article défini une de Une mère qui ajoute est
d’un emploi peu habituel. En effet, une présente mère comme non connue après que ce personnage
est bien identifié au début. Cet article s’y trouve cependant à bon escient étant donné que l’auteur
tient à la valeur emphatique de son emploi. « Une mère qui ajoute » est pris dans le sens de « Une
mère d’un tel courage qui ajoute ».


La même remarque est soulevée pour le second passage : on passe de « le prix du
Millénaire que lui a décerné l’Institut Clay des Mathématiques» à « un prix qui l’aurait pourtant
récompensé d’un million de dollars ». L’entité « prix » s’est annoncée comme bien identifiée pour
se présenter ensuite comme non connue, à l’opposé de la démarche ordinaire de la détermination
nominale. Ce qui est inconnu dans « un prix » revient au Russe Grigori Perelman, pas à l’auteur du
passage. Ne s’intéressant aucunement à la récompense en question, ce mathématicien ignore ce
prix effectivement. L’auteur s’est ainsi mis dans la peau du Russe pour découvrir avec lui
« un prix » qu’en fait il connaît déjà. Cette métamorphose nous approche de la thèse avancée par
Georges Kléber (2006) travaillant sur l’emploi des adjectifs démonstratifs, selon laquelle dans
l’emploi du démonstratif – marqueur de centre déictique – il est à marquer un changement de
point de vue : de celui du narrateur on passe à celui du personnage auteur de la perception en
question. (Kléber, p.18). Toujours selon Kléber, on comprend la raison « stylistique » d’un tel
changement de point de vue : le lecteur est amené à empathiser avec le personnage, à voir les
choses de la manière dont les voit le personnage (Kléber, p. 19).
Actualisateur du nom, l’article s’emploie si différemment d’un cas à l’autre, d’où sa grande
complexité à prendre en compte si l’on tient à maîtriser son usage.
1.4


Lacunes chez les étudiants
Non moins que l’étude de la temporalité du français, celle des articles constitue une grande

difficulté à laquelle sont confrontés les apprenants vietnamiens d’année en année.
En effet, nos étudiants, dans le choix des articles pour leur devoir ne tenant pas compte des
facteurs situationnels, des raisons communément admises par la communauté ni ne faisant appel à
leurs dispositions psychologiques finissent par utiliser l’article défini là où est demandé l’article
indéfini et inversement, et cela sans parler de leur emploi problématique de l’article partitif. La
conséquence en est que d’une part le message de leur interlocuteur leur semble insaisissable et que
d’autre part, ils n’arrivent pas à se faire comprendre par leur propos.
La non maîtrise chez nos étudiants des valeurs des articles nous donnant tant de matières à
réflexion, nous essayons d’en trouver la raison en vue d’une approche d’enseignement plus
efficace des valeurs d’emploi de ce fameux déterminant.


1.5

Hypothèses
Il n’y a pas que nos étudiants qui échouent dans leurs études des articles, nous-mêmes, nous

ne trouvons pas toujours aisément des explications pertinentes pour le problème dont il s’agit,
réussissant tant bien que mal l’enseignement de ce déterminant.
Consciente de nos connaissances encore lacunaires en matière des articles, pour l’élaboration
de nos cours à donner en classe nous nous sommes appuyée sur des ouvrages linguistiques ainsi
que sur des manuels de grammaire du français. Différents les uns des autres en matière de
formulation et de terminologie, ces documents linguistiques consultés se croisent dans la typologie
des valeurs d’emploi du déterminant, comme nous le montrent les extraits suivants de certains
ouvrages pris à titre d’exemple :
- L’article défini, sert à référer à une entité identifiable à partir du seul contenu descriptif du
reste du GN. […] Autrement dit, l’article défini présuppose l’existence et l’unicité : il n’y a pas

d’autre(s) référents(s) accessible(s) qui vérifie(nt) la description de la réalité désignée par le GN.
La référence ainsi établie peut être spécifique, c'est-à-dire concerner un ou des individus
particuliers, ou génériques, c'est-à-dire concerner l’ensemble d’une classe ou d’une sous-classe
d’individus. (Martin Riegel et al, 1999, p.154)

- En emploi spécifique, l’article indéfini extrait de la classe dénotée par le nom et son
expansion un élément particulier qui est uniquement identifié par cette appartenance et qui n’a fait
l’objet d’aucun repérage référentiel. […] Les emplois génériques de l’article indéfini singulier
s’expliquent par le fait que l’élément quelconque auquel renvoie le GN introduit par un est alors
considéré comme un exemplaire représentatif (« typique ») de toute sa classe. (Martin Riegel et al,
1999, pp.159- 160)

- L’article défini s’emploie devant le nom qui désigne un être ou une chose connus du
locuteur et de l’interlocuteur. L’article défini singulier peut aussi s’employer quand on envisage
une espèce, une catégorie et non seulement un individu. […]. L’article indéfini s’emploie devant
un nom désignant un être ou une chose (ou des êtres et des choses) dont il n’a pas encore été
question, qui ne sont pas présentés comme connus, comme identifiés. Au singulier, il peut avoir
aussi une valeur générale. (André Gosse, 2000, pp 865- 868)

- L’article défini est utilisé quand le nom est déterminé :
+ par une proposition relative […]
+ par un complément de nom […]


+ par la situation de communication […]
Il est utilisé pour exprimer la mesure. […] Il est utilisé à la place de l’adjectif possessif, devant les
noms indiquant les parties du corps.
(Michèle Boulares et al, 1997, p.6)

- L’article indéfini peut marquer l’appartenance à une espèce […]. Il désigne une personne,

un objet réels mais que le locuteur (celui qui parle) introduit, présente pour la première fois à
l’interlocuteur (celui à qui on parle) […]. Valeur « particularisante » de l’article indéfini : Le nom
est souvent accompagné d’un adjectif, d’une expression à valeur d’adjectif, d’une relative qui a la
valeur d’un adjectif […] Valeur emphatique de l’article indéfini : À la valeur de réalité s’ajoute
une valeur de qualité ou une valeur de quantité […] (Sylvie Poisson-Quinton et al, 2002, p.38)
L’approche typologique adoptée communément dans les ouvrages dont sont présentés les
extraits ci-dessus nous est utile dans la mesure où elle nous amène aux instructions de base sur
l’utilisation des articles mais elle est loin de nous donner une solution pertinente pour les emplois
incorrects chez nos apprenants de ce déterminant. Nos étudiants persistent effectivement dans leur
usage problématique de « un, une, des » et de « le, la les », malgré nos efforts de puiser dans ces
documents précités tout ce qui est nécessaire pour le cours dispensé.
Nous nous sommes donc référées au travail de recherche de nos collègues, lequel porte sur
l’emploi des articles. Nous avons eu accès à deux mémoires dont l’un s’intitule Erreurs d’emploi
des déterminants chez un groupe d’étudiants vietnamiens (Lý Thị Thu Thuỷ, 1987) et l’autre
Réflexions sur les erreurs dans l’emploi de l’article indéfini et l’article défini chez les enfants
vietnamiens (Đoàn Trịnh Thị Nam Phương, 1997). Ces deux études nous aident à mieux identifier
et typologiser les types d’erreurs d’emploi des articles chez les étudiants et les élèves vietnamiens
sans pour autant nous mener vers une théorisation innovante sur les valeurs d’emploi de ces
déterminants.
Nous faisons alors l’hypothèse que l’étude des articles ne gagnerait pas à être menée suivant
l’approche typologique de ses valeurs d’emploi, que l’investigation doit s’élargir au champ
d’actualisation et ce, dans l’objectif d’aider les apprenants à réduire le mieux possible leurs
emplois erronés des articles dans leur production orale comme écrite.
Comme nous l’avons dit, le nom, pris comme le plus grand véhicule langagier des entités est
presque omniprésent dans toute production langagière. Invite ainsi à une observation attentive la
détermination du nom au moyen des déterminants, en l’occurrence les articles. Or, la
détermination nominale consistant en l’actualisation des entités n’est pas question de tel ou tel
élément isolé, mais de tout un processus. Étudier les articles, c’est d’étudier donc la façon dont la



prise de conscience d’une entité va d’un degré à l’autre, du moins accentué au plus accentué, dans
un continuum de sens.
Une exploration plus profonde dans le sens de l’actualisation est susceptible de nous
conduire à une solution susceptible de résoudre le problème posé. Nous allons donc travailler, dans
le chapitre suivant sur l’actualisation nominale au moyen des articles.


Chapitre 2 : PROBLÈME DE L’ACTUALISATION

2.1

Observations générales
L’actualisation est un phénomène psychologique qui se trouve à l’origine de l’emploi de

l’article, quelle que soit la nature de ce dernier. En linguistique, elle ne renvoie pas aux conditions
de naissance d’une entité du monde (ce qui est l’objet d’étude des sciences de la nature), mais à la
manière dont on perçoit l’entité et dont on la rend présente dans son discours par l’emploi de
l’article. Le problème de l’article, en fait, n’a jamais manqué l’attention des linguistes, et les
principaux facteurs qui incitent le locuteur à telle ou telle forme de ce déterminant ont été mis en
lumière. Mais, pour un regard plus approfondi sur le problème, il nous semble nécessaire de
pousser son examen plus loin que les idées reçues jusqu’ici. Regarder l’article du point de vue de
l’actualisation signifie se mettre dans la peau de celui qui parle pour déterminer pour quelle raison
un article est mis en application, et si effectivement sa forme correspond à la valeur qu’on lui
attribue. Cela signifie que toute considération structurale ou distributionnelle concernant le
fonctionnement de ce déterminant doit être écartée pour laisser la place à une interprétation
« classique », c’est-à-dire très mentale et contextuelle. Cette démarche ne va pas à l’encontre des
conceptions de base connues jusqu’aujourd’hui, mais au contraire elle cherche à les compléter par
les éclaircissements qui sont indispensables pour ce genre de problème mais qui font encore défaut
çà et là dans la littérature linguistique. On verra, par exemple, que l’article « indéfini » n’indique
pas toujours une entité « inconnue », comme on le prétend souvent J’ai un cousin qui travaille

chez Peugeot et qu’inversement l’article « défini » n’introduit pas toujours une notion connue
Ecoute. Le rockabilly, c’est quoi ?
Sous l’angle de l’actualisation, on sera également en mesure d’expliquer pourquoi chez le
même locuteur, et dans la même chaîne parlée, l’article peut avoir un parcours alternatif indéfini –
défini – indéfini, et pourquoi une entité indéfinie peut être introduite d’emblée comme définie, ou
l’inverse….
J’ai un dictionnaire pas comme les autres. Voici le dictionnaire. Mais c’est un dictionnaire
qui ne profitera qu’à celui qui saura l’utiliser.
Le tueur en série a commis encore un crime (au début d’un roman policier par exemple).
Après une semaine, j’ai trouvé un Paul complètement différent de celui que nous connaissons
depuis 10 ans.


Même si dans le cadre de ce mémoire, nous ne sommes pas en mesure de dresser une
typologie exhaustive des emplois de l’article, avec leurs conditions d’usage, la démarche que nous
proposons ici doit montrer à quel point le problème de l’article est lié à la manière dont le locuteur
voit les choses, et à quel point il est conditionné par l’intention de ce dernier.

2.2

Définition linguistique de l’actualisation
- Dans Larousse de la langue française – Lexis, l’actualisation est considérée comme une

opération par laquelle un mot, signe général de la langue est chargé d’exprimer dans la phrase une
représentation particulière (Larousse, 1979, p.25).
- Sur Wikipédia, l’actualisation est décrite comme une opération permettant au nom de
remplir sa fonction référentielle et du fait, l’actualisation permet au destinataire d’identifier la
chose dont on parle (cette chose est ainsi appelée référent).
- Selon Riegel et al, l’actualisation s’opère au moyen des morphèmes grammaticaux et cela
pour la représentation des choses véhiculées par des morphèmes lexicaux .Plus précisément, les

déterminants actualisent le nom dans le passage de sa valeur dénominative générale à d’autres
valeurs discursives particulières (Riegel et al, 1994, p.563), comme nous le montre cet exemple
suivant :
Livre → Un / le / ce/ son / cinq / plusieurs / quelques livre (s)
- Les linguistes adeptes de la théorie de Gustave Guillaume parlent encore de l’actualisation
du procès, laquelle comprend trois stades : le stade quasi virtuel (infinitif et participe), le stade
intermédiaire (subjonctif) et le stade de l’actualisation (indicatif) (Riegel et al, 1994, p.288).
2.3

Actualisation conçue dans notre thèse
L’actualisation dont il s’agit dans notre travail ne s’écarte pas trop des définitions en la

matière ci-dessus, à ceci près que dans notre point de vue, l’actualisation est un processus par lequel
un objet ou une entité encore “flou” à son apparition devient plus “claire”, plus “notoire” au fil de sa
prise de forme.
Faisant partie du processus cognitif, l’actualisation trace les différentes étapes de la conscience
humaine à l’égard d’une entité. Ce phénomène se reconnait dans certaines catégories conceptuelles
et linguistiques.


2.3.1

Démonstration par la conception humaine à l’égard de la réal ité

Vivant sur Terre, quiconque ne prend pas conscience de la loi d’existence humaine qui se
traduit par notre conception bien imprégnée du bouddhisme : Sinh, Lão, Bệnh, Tử (naissance,
vieillesse, maladie, mort) et Thành, Trụ, Dị, Diệt (prise de forme, existence, changement,
destruction) ? En effet, après sa naissance, on grandit, vit sa vie, parvient à la maturité puis vieillit
pour finalement mourir. Son parcours peut se résumer en ces mots rangés suivant l’ordre allant de
gauche à droite : néant, naissance, existence, mort ou naitre, grandir, vivre, vieillir, mourir.

Il n’y a pas que l’existence humaine qui se déroule suivant son trajectoire échelonné. Toutes réalités
quotidiennes s’effectuent de même, ayant chacune son propre parcours chronologique : une séance
d’étude commence à 7h30, s’étend sur 4 heures puis prend fin à 11h30, un devoir de composition
commence par son introduction pour arriver à sa conclusion en passant par son développement, un
fruit ne prend forme qu’à partir de la pollinisation de sa fleur qui, vient elle-même d’un bouton, un
feuillage s’obtient à partir des feuilles dont chacun nait de son bourgeon
Les expressions commencer, s’étendre, prendre fin ou introduction, développement, conclusion ou
bouton, fleur, fruit ou bourgeon, feuille, feuillage d’une part traduisent la prise de conscience chez
l’homme du processus d’existence de la réalité qui l’entoure, d’autre part elles montrent que
l’homme se rend compte en même temps des différents degrés d’existence d’une entité.

2.3.2

Démonstration linguistique

2.3.2.1 Actualisation du procès
Le mode verbal traduit les manières de concevoir un procès, autrement dit, tout procès
actualisé au moyen des modes verbaux dispose des degrés d’existence différents. Allant de
l’infinitif à l’indicatif en passant par le subjonctif, l’impératif, le conditionnel, et le participe,
l’actualisation modale passe du degré minimal au degré maximal comme suit
+ Infinitif :
Le procès actualisé au moyen de l’infinitif – mode dont la forme ne marque ni le temps, ni la
personne, ni le nombre (Riegel, 1994, p.333) - est regardé comme le moins « mouvant ». Qu’il soit
dans ses fonctions de prédicat ou de nom, l’infinitif ne fait que représenter l’idée du
procès (Riegel, 1994, p.333)
Ex :

Rouler au pas.
Défense de fumer.
Aller chez le médecin à 15h, faire des courses à 17h.



+ Subjonctif :
Actualisé au subjonctif, le procès s’avère un peu plus « mouvant » puisqu’envisagé dans
l’esprit du locuteur. Indiquant que le locuteur ne s’engage pas sur la réalité du fait (Gosse, 2000,
p.1119), le subjonctif présente le procès dans sa virtualité.
Ex :

Qu’il aille chez le médecin à 15h !

+ Impératif :
L’actualisation par l’impératif décrit le procès comme étant un ordre, une demande, une
exhortation. Le procès présenté à l’impératif s’avère plus « concrétisé » que celui actualisé au
subjonctif en ce sens que si le second s’arrête au niveau virtuel, le premier parvient à la forme
directive d’un ordre, d’une demande (Riegel, 1994, p. 287) bien que sa réalisation ne puisse avoir
lieu qu’à partir du moment de l’énonciation.
Ex :

Va chez le médecin à 15h.

+ Conditionnel :
L’actualisation au moyen du conditionnel situe le procès dans l’éventualité de la réalisation.
Perçu comme éventuel, le procès est censé être plus près du monde réel et se trouve ainsi à un degré
d’existence dit proche de la maximale.
Ex :

Il irait chez le médecin à 15h.

+ Participe :
Comme l’infinitif, le participe est un mode impersonnel. Ce mode s’emploie toujours en

dépendance de l’indicatif, ce qui lui fait acquérir le degré d’actualisation équivalant à celui de
l’indicatif
Ex :

Se sentant fatigué, il est allé chez son médecin.

+ Indicatif :
Indicatif offre au procès le degré d’existence le plus élevé, voire maximal puisqu’il le
présente comme réalisé, indiqué, asserté, ou en un mot, dans sa réalité. Selon les auteurs de
Grammaire méthodique du français, c’est le seul mode personnel et temporel qui situe le procès
dans l’une des 3 époques : passé, présent, et avenir et qui pour cette raison se considère comme le
mode de l’actualisation du procès (Riegel et al, 1994, p. 297)
Ex :

Il va chez le médecin à 15h.


2.3.2.2 Actualisation de la qualité et de la manière
Une qualité, une propriété, un état, une manière connaissent aussi différents degrés
d’existence. Leur actualisation s’effectue ainsi du degré minimal au degré maximal comme nous le
voyons ci-après :
-

Décrivant certaines couleurs, on peut avoir blanchâtre, blanc, blanc immaculé ou
bleuâtre, bleu, bleu ciel, bleu foncé ou rougeâtre, rouge, rouge vif.

-

Une intensité peut être qualifiée de faible, de moyenne et d’élevée.


-

Quelqu’un peut parler lentement, assez vite, vite ou très vite.

Selon diverses opinions, la valeur d’emploi des articles est moins compliquée, aussi
compliquée ou plus compliquée que celles des adjectifs indéfinis.
2.3.2.3 Actualisation de l’entité
Toute entité apparaît dans la conception humaine suivant différentes étapes de la conscience,
et en fonction de diverses dispositions psychologiques. Son existence va alors du plus neutre au plus
accentué. Elle est dite actualisée et son actualisation relève d’un processus pris pour un continuum
de sens, comme nous l’avons expliqué dans la partie de la sphère nominale.
L’actualisation de l’entité - laquelle est dénotée par le nom – se réalise au moyen des
déterminants. A chaque catégorie de déterminant correspond un degré d’actualisation. Il en résulte
que le nom est présenté comme peu connu ou bien connu selon que son déterminant se situe au
degré le moins actuel ou le plus actuel.
En nous appuyant sur la thèse des degrés de conscience que l’on a de l’entité (cf 1.2), nous
présentons ci-après la fonction référentielle du nom rendue par l’actualisation au moyen de
différents déterminants :
1. Quel livre veux-tu ?
2. Il y a un livre là-bas.
3. Il m’a trouvé quelque livre – Il m’a trouvé quelques livres – Quel livre il m’a trouvé !
4. Il m’a trouvé cinq livres.
5. Il m’a trouvé le cinquième livre.
6. Cherchons vite le livre.
7. Il prend mon livre.
8. Tu veux ce livre ?
Si le référent exprimé par « livre » s’avère flou dans la première phrase, il se révèle de plus en plus
marqué au fil des énoncés.



Nous avons ainsi montré qu’une notion va du zéro à son extension maximale et que ce
processus trace les différents degrés d’existence d’un objet dans l’esprit humain. Dans le cadre de
notre mémoire et vu notre objectif de recherche, nous focalisons notre travail sur l’actualisation de
l’entité au moyen des articles.
Sous l’optique de l’actualisation, l’article est pris comme produit de la perception humaine à
l’égard d’une réalité. Notre investigation doit alors s’étendre au domaine de la cognition pour
définir les degrés d’existence de l’entité au sein de l’esprit du locuteur et de là pour donner raison à
l’usage contextuel et discursif des articles. Partisan de l’approche dite mentale, nous tenons à
trouver la raison d’être d’un article produit, nous plaçant en amont de la production et ce, comme un
complément pour l’approche typologique adoptée par la plupart des linguistes qui travaillent à la
valeur sémantique d’un article employé et placés en aval de l’emploi.
Précisément, à l’emploi des articles dans les phrases suivantes de Wilmet (Wilmet, 1998, p.119) :
1. Un patient attend le Dr Knock
2. Le patient du Dr Knock pénètre dans le cabinet de consultation.
3. Un homme bien portant est un malade qui s’ignore (Jules Romains, cité par Wilmet).
4. L’homme que n’effraie pas la mort ne cède pas au charlatanisme
l’auteur a penché pour la typologie sémantique en précisant que les articles conviennent à
l’expression d’extensités extrêmes (exemples 1 et 2 : extensité minimale = 1 de patient, exemples 3
et 4 : extensité maximale = t de homme). Sachons que la notion d’extensité est conçue par l’auteur
comme suit : l’extensité d’un substantif ou d’un syntagme nominal désigne la quantité d’êtres ou
d’objets auxquels ce substantif ou ce syntagme nominal sont appliqués. (Wilmet, 1986, p.47).
Quant à nous, partageant la réflexion de Bonnard selon laquelle, la fonction commune de tous
les articles est de marquer le sens actuel du nom (Bonnard, 1981, cité par Wilmet, 1998, p.120),
mais n’empruntant pas la piste sémantique nous essayons de montrer, dans notre théorisation, de
quelles formes d’actualisation sont produits les articles dans les énoncés ci-dessus. Autrement dit, si
Bonnard entend par sens actuel du nom variable du signifié nominal pouvant aller de zéro à l’infini
(Bonnard, 1981, cité par Wilmet, 1998, p.120), nous tentons, pour comprendre l’origine de l’emploi
des articles, de trouver la voie par laquelle le référent – exprimé par le nom – s’actualise dans
l’esprit du locuteur.
Quelles sont les formes d’actualisation dont il s’agit ? Et quelle sont les voies d’apparition

d’un référent ? Nous trouvons la réponse dans la partie qui suit.


2.4

Typologie de l’actualisation
Nous avons eu l’occasion de présenter au § 1.2 le continuum de l’actualisation par

déterminants. Ce continuum a pour but de montrer comment une entité apparaît dans ses différents
degrés de clarté, et donc pourquoi la détermination nominale possède une telle variété de formes.
Mais dans l’activité langagière du quotidien il n’y a aucune raison pour que le fonctionnement du
déterminant suive l’ordre de ce continuum. Précisément, on n’est nullement obligé de partir du
degré zéro pour arriver après au degré maximal de l’actualisation. En plus, le phénomène
d’actualisation a des caractéristiques d’ordre énonciatif que le schéma du continuum ne peut pas
refléter, en particulier pour ce qui concerne la distinction entre locuteur et interlocuteur, les actants
qui ne figurent pas sur l’axe de l’actualisation. Compte tenu de ces caractéristiques, nous proposons
la typologie suivante :

Actualisation

endocentrique

Act.introductrice:

exocentrique

Act.évocatrice :

Act.stylistique :


- Introduction première

- Evocation situationnelle

- Alternative

- Introduction itérative

- Evocation généralisante

- Implication

- Introduction généralisante

2.4.1 Différence entre l’actualisation endocentrique et l’actualisation
exocentrique
La première dichotomie de ce schéma met en distinction deux grands types d’actualisation :
endocentrique et exocentrique. Cette dichotomie s’impose par le fait que l’actualisation ne se fait
pas toujours pour le même compte : le premier de ces deux types se réalise pour la cognition de
celui qui parle, alors que le second se réalise pour la cognition de son interlocuteur. Il faut
reconnaître que, depuis toujours, la théorie énonciative avance au premier plan ces deux actants
comme ses principaux piliers autour desquels doit se construire sa théorie. Aujourd’hui personne


n’ignore le fameux couple locuteur – interlocuteur, cher à la réflexion énonciative. Mais
reconnaissons aussi qu’en matière d’article, cette distinction n’a jamais imposé sa valeur. On n’a
jamais soulevé la question « Auquel de ces deux actants appartient la valeur définie ou indéfinie
d’un article ? », question qui peut paraître rudimentaire mais qui en fait ne l’est pas. En effet, dans
les échanges quotidiens, oraux ou écrits, le fait que nous « actualisons » une entité pour le compte
d’autrui est un phénomène fréquent, même beaucoup fréquent que le cas où nous le faisons pour

notre propre cognition. A observer de près, on peut même affirmer que la majorité des emplois de
l’article indéfini appartiennent à ce type d’actualisation exocentrique, car, une narration ne peut se
faire qu’après coup, et que, conditionnés par une loi psychologique, nous menons toujours notre
récit en « ménageant » la cognition de celui qui nous écoute, pas notre propre processus de la
découverte du monde. C’est pour cette raison que la phrase

J’ai un cousin qui travaille chez

Peugeot doit être analysée comme présentant l’indéfini cousin à celui qui reçoit cette phrase, pas à
celui qui la produit, et l’explication de l’article indéfini doit être fournie de la part du récepteur, au
lieu de venir de la part du locuteur. On dit un cousin pour la raison que ce cousin est inconnu à la
personne qui reçoit l’énoncé, non pas à celle qui le donne.
Mais ce phénomène doit nous sensibiliser à un autre aspect du problème : distinction entre
narrateur et personnage chez une même personne, celle qui parle. Quand quelqu’un dit, par
exemple, J’ai rencontré ce matin une personne très intéressante, en tant que personnage, le
sujet je doit regarder une personne comme indéfinie, mais en tant qu’auteur de cet énoncé il est
censé le connaître, au moment d’énonciation de ce « petit récit », d’où le caractère exocentrique de
l’article indéfini une, comme dans le cas que nous avons examiné ci-dessus. Ainsi, et pour une
conclusion partielle, on peut dire que l’actualisation exocentrique se produit non seulement dans le
rapport locuteur - interlocuteur, mais aussi dans le rapport auteur - personnage chez une même
personne quand celle-ci produit de la narration.
La distinction entre actualisation endocentrique et actualisation exocentrique n’affecte
pourtant pas celle des autres formes de l’article du français. Une fois que nous quittons le niveau
énonciatif pour examiner le niveau textuel, l’énonciateur disparaît, laissant toute considération
linguistique au seul compte du personnage, celui qui joue le rôle du sujet grammatical. Qu’il soit de
caractère endocentrique ou exocentrique, le récit encadré par l’énoncé constitue alors le seul objet
d’étude de l’actualisation. C’est pour cette raison que chacune des deux branches de la grande
dichotomie peut avoir toutes les trois catégories d’actualisation qui restent en français :
introductrice, évocatrice et stylistique, avec leurs sous-catégories respectives.



2.4.2

Introduction première

Nous appelons introductrice l’actualisation qui présente une entité comme nouvelle, comme
apparaissant pour la première fois dans le récit, et c’est le cas d’emploi qui exige l’article indéfini.
Suivant ce point de vue, les phrases qui suivent doivent donner une introduction première :
Mon frère a une nouvelle moto.
Elle a envoyé un mail.
Je vois des policiers devant sa maison.
A la différence de la conception traditionnelle, on peut considérer l’article partitif comme une sorte
d’actualisation introductrice, précisément une introduction première, mais celle qui se réalise pour
les matières non comptables. Logiquement l’usage d’une matière « continue » n’est que partiel, ce
qui fait que leur première actualisation ne peut pas échapper à ce caractère, d’où l’article partitif.
On lui a donné du pain.
Il reste encore de la viande dans le frigo.

Les qualités humaines se trouvent aussi dans ce cas.
Dans une telle situation, il faut avoir de la patience.
A la surprise de tout le monde, il a montré du courage.

Par métaphore, un nom propre peut désigner l’ensemble des œuvres d’un compositeur, d’un peintre
ou d’un sculpteur… Une actualisation partielle de ces œuvres est alors rendue par l’article partitif
pour désigner une ou quelques unes de ces œuvres, un emploi qui se rencontre surtout dans le
domaine artistique.
Dans le programme de ce soir, il y a du Mozart, du Vivaldi et du Brahm.
Dans ce musée, on peut voir du Monet, du Cézanne et du Sisley.
2.4.3


Introduction itérative

Mais, l’apparition de l’actualisation première ne signifie pas qu’elle doive être suivie
automatiquement de l’article défini. Puisqu’un objet est toujours multiple par ses différents aspects,
on peut le présenter avec chaque fois une autre propriété, comme s’il s’agissait de plusieurs objets,
ce qui doit conduire à une itération de l’article indéfini. Il est à remarquer que l’objet apparaît alors
sous plusieurs noms.
Mon frère a une nouvelle moto. C’est une Harley-Davidson. Et c’est un cadeau de mes
parents pour son anniversaire.


Il a une résidence secondaire au bord de la mer. C’est une belle villa. Mais c’est un endroit
où il se retire une seule fois par an, au mois de juillet.
On peut constater le même phénomène avec les noms non-comptables.
J’ai du fromage. Et c’est du camembert.
Pour la première fois, elle a bu du vin. Et c’était du bordeaux.
De caractère indéfini, l’actualisation introductrice pour les noms non-comptables permet le passage
naturel à l’actualisation évocatrice, comme dans le cas d’un nom comptable.
On lui a donné du pain. Mais il n’a pas mangé tout le pain qu’on lui a donné.
Il restait de la viande dans le frigo. Et elle a pris toute la viande qui restait pour le dîner.
2.4.4

Introduction généralisante

On peut présenter une entité comme inconnue, mais capable de représenter toute la catégorie
d’objets ou de personnes à laquelle elle appartient. On dit qu’elle a la valeur généralisante. L’entité
peut être interprétée alors comme toute personne qui… ou tout objet qui…
Un policier ne doit pas agir comme ça.
Ce n’est pas le comportement d’un policier.
Une maison doit avoir ses fenêtres.

Ce n’est pas la structure d’une maison.
Il est important de noter que seul le déterminant n’est pas capable de créer la valeur généralisante et
que le contexte linguistique qui l’entoure y est pour beaucoup. Ce contexte doit précisément offrir
un ton « sentencieux », en parlant d’un fait général, avec la plupart du temps le présent pour le
verbe, comme nous pouvons l’observer dans les exemples donnés ci-dessus. En vue d’une
généralisation, on ne dira pas, par exemple :
Un policier n’a pas agi comme ça.
Une maison devait avoir ses fenêtres.
2.4.5 Evocation situationnelle
L’actualisation est évocatrice lorsque l’existence d’une entité est connue, et qu’on ne fait que
l’évoquer pour la rendre présente dans le discours, que l’on ait passé par la phase de sa cognition ou
non. Contrairement à l’acte de présenter une entité, celui d’évoquer est le retour à une notion
connue déjà répertoriée et classée dans le savoir d’une personne. La plupart des cas d’emploi de
l’article défini relèvent de ce type de retour. Ce qui caractérise cet usage est le fait qu’il est
étroitement lié à un contexte donné, soit situationnel, soit linguistique, soit culturel. Précisément,
une situation de communication, un environnement textuel, ou encore le trésor culturel de


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