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ÉTUDE DE L’UTILISATION DES STRATÉGIES DE LECTURE DES ÉTUDIANTS EN 2è ET EN 3è ANNÉES

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Étude de l’utilisation des stratégies de lecture des étudiants en 2
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et 3
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années du
Département de français de l’École Normale supérieure de Hanoï
INTRODUCTION
L’apprentissage de l’écrit et les problèmes qui le concernent, depuis une dizaine d’années,
font l’objet de débats d’un grand nombre de pédagogues et constituent également une
préoccupation particulière de toute la société. En effet, l’acte de lire et l’apprentissage à
lire sont la condition première de la réussite scolaire et le moyen d’accès à la connaissance
qui promet l’avenir social et professionnelle d’une personne. Auparavant, on pouvait entrer
sur le marché du travail sans maîtriser l’usage de l’écrit. À l’heure actuelle, quelque soit le
poste de travail, le niveau de qualification, il faut savoir lire et écrire et souvent
rapidement. C’est pourquoi, les attentes du domaine de l’enseignement/apprentissage de
l’écrit deviennent de plus en plus exigeantes. Et dès l’école, on a fait attention à enseigner
la lecture aux élèves.
En classe de langue, la lecture est l’activité qui occupe une place importante. La
compréhension écrite est une des quatre compétences considérées comme le but de
l’enseignement/apprentissage des langues étrangères. Pour l’approche communicative, la
lecture est un acte de communication et, la capacité de lire en langue étrangère est l’une
des compétences pour acquérir la compétence de communication.
Toutefois, en classe de langue, les activités de compréhension écrites sont souvent
négligées et la lecture est pratiquée de manière statique : les apprenants lisent le texte, le
traduisent et ensuite répondent aux questions de type : Qu’est-ce que l’auteur a voulu
communiquer aux lecteurs ?
Cette réalité nous fait constater une nécessité d’étudier des méthodes de lire efficaces. En
réalité, il existe déjà de nombreuses études sur ce problème. Nous pouvons citer certains
chercheurs de ce domaine comme : Cornaire, Cavalli, Chevalier, Tagliante… Au Vietnam,
quelques professeurs de français ont abordé les stratégies de lecture appliquées dans leur
propre situation d’enseignement. Nous voudrions rappeler brièvement les deux mémoires


de master les plus récents soutenus en 2003 par Đào Thị Lê Na (intitulé «
Enseignement/apprentissage de la lecture interactive - enjeux et perspectives dans les
classes à options des langues ») et en 2004 par Nguyễn Thị Á Châu (intitulé « Stratégie de
lecture dans l’enseignement de la compréhension écrite en français langue étrangère au
lycée »). Dans son travail, l’auteure Đào Thị Lê Na a mentionné les stratégies de lecture en
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langue maternelle et en langue étrangère après avoir consulté des travaux de Cornaire,
Moirand, Giasson, Adam et autres chercheurs, mais elle met l’accent sur les typologies
textuelles et structures de textes, sur l’utilisation des connaissances textuelles comme
une stratégie de lecture importante en compréhension écrite. Nguyễn Thị Á Châu, de sa
part, elle a mené sa recherche dans le but de mesurer l’influence des stratégies de lecture
sur la capacité de compréhension des élèves et de trouver des solutions concrètes au
problème d’enseignement dans son établissement. Et elle a présenté cinq stratégies
principales (le repérage, le survol, l’écrémage, lecture d’approfondissement, lecture de
loisir et de détente) en s’appuyant sur des travaux de Christine Tagliante. À nos remarques,
cette présentation n’est pas suffisante, il y manque encore d’autres stratégies qui sont aussi
indispensables dans la compréhension d’un texte (faire des prédictions, activer les
connaissances antérieures, utiliser le contexte linguistique et les connaissances lexicales
pour deviner le sens d’un mot nouveau, interpréter la référence, identifier l’idée
principale, utiliser les connaissances des types de textes et des structures textuelles, gérer
la compréhension -ce sont les autres stratégies, à part de celles communes, que nous allons
étudier dans notre travail ). De plus, depuis longtemps, le rôle des stratégies de lecture ne
fait plus l’objet de débats des pédagogues. Il a fait l’unanimité chez tous les chercheurs
dans le domaine de lecture. Alors, il nous semble qu’il est nécessaire de mener une autre

recherche plus complète sur les stratégies de lecture et l’utilisation des stratégies au cours
de la lecture d’un texte.
Quelles sont donc les stratégies de lecture les plus utilisées quand on lit un texte en langue
étrangère ? Comment les élèves les utilisent-ils ? Est-ce que leur emploi est vraiment
adéquat et efficace ? Comment les enseignants peuvent les aider ? Toutes ces questions
nécessitent une recherche en matière de la lecture, des stratégies de lecture et leur
utilisation.
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PROBLÉMATIQUE
1. Raison du choix du thème de recherche
La compréhension écrite (C.E) est une des quatre compétences importantes à acquérir dans
l’apprentissage d’une langue étrangère. Pour une grande majorité des étudiants, la lecture
constitue une procédure essentielle pour acquérir des connaissances et des structures
langagières qui sont utiles au développement des autres compétences.
L’enseignement et l’apprentissage de la C.E posent pourtant des problèmes en classe de
langue. Étant enseignante de français au Département de français de l’École Normale
Supérieure de Hanoi, nous avons travaillé avec nos étudiants sur la compréhension de
textes et nous avons remarqué que de nombreux étudiants rencontrent des difficultés en
lecture malgré leur bon niveau de connaissances linguistiques. De plus, avec notre
expérience d’enseignement, nous constatons que tous les étudiants ayant de bonnes
connaissances linguistiques ne sont pas ceux qui ont de bonnes notes en C.E. Il est
étonnant qu’ils comprennent presque tous les mots, les phrases d’un texte mais ils
n’arrivent pas à la compréhension de tout le texte.
Il nous semble que les difficultés en compréhension d’un texte que les étudiants

rencontrent sont liées en grande partie au manque ou à l’utilisation inadéquate des
stratégies de lecture. Afin de clarifier ce problème, nous nous sommes orientée vers
l’étude de l’utilisation des stratégies de lecture dans la compréhension d’un texte, plus
concrètement, chez les étudiants du Département de français de l’E.N.S de Hanoi où nous
travaillons actuellement.
2. But de recherche
Notre recherche vise à étudier l’utilisation des stratégies de lecture chez nos étudiants. Les
objectifs spécifiques de ce travail seront donc :
1. de découvrir comment les étudiants utilisent les stratégies de lecture lors de la
lecture d’un texte.
2. d’identifier les stratégies de lecture qui devraient être utilisées en C.E par les
étudiants en compréhension écrite.
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3. d’examiner l’utilisation des stratégies de lecture des étudiants de différents
niveaux
4. de démontrer la nécessité de l’enseignement systématiquement des stratégies de
lecture en classe et de préciser la manière dont les stratégies de lecture
devraient être enseignées pour améliorer la compétence de compréhension
écrite chez les étudiants.
3. Questions et hypothèses de recherche
Afin de réaliser notre objectif de recherche, nous essayons de répondre aux questions
suivantes :
1. Les étudiants utilisent-ils les stratégies de lecture quand ils lisent un texte ?
2. Si oui, quelles stratégies de lecture utilisent-ils souvent ?

3. Comment les étudiants de niveaux différents utilisent-ils les stratégies de
lecture ?
4. Quelles sont les propositions pédagogiques et méthodologiques tirées pour
améliorer la compréhension en lecture des étudiants ?
À partir de ces questions de recherche, nous sommes en mesure d’émettre 3 hypothèses qui
suivent :
• Hypothèse 1:
Les étudiants ont recours à certaines stratégies habituelles en lisant un texte mais les
difficultés qu’ils rencontrent sont encore importantes à cause des facteurs liés au manque
ou à l’inadéquation dans l’utilisation des stratégies de lecture.
• Hypothèse 2:
Les étudiants ont appris certaines stratégies de compréhension en leur langue maternelle et
d’autres en français comme le repérage et le survol. Ils ont très souvent recours à ces
stratégies habituelles pour traiter le texte en langue étrangère.
• Hypothèse 3:
Plus les étudiants apprennent le français, plus ils sont conscients d’utiliser les stratégies de
lecture et meilleur résultat ils obtiennent en C.E.
4. Méthodologie de recherche
Le choix de la méthode d’une recherche joue un rôle extrêmement important en ce qui
concerne les résultats d’une recherche. En effet, c’est « la méthode d’une recherche qui lui
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donne toute sa valeur » (p.106, « Cours de méthodologie de recherche »). Si la méthode est
bonne, ses résultats sont fiables et considérés comme scientifiques. Par contre, si la
méthode est défectueuse, les résultats ne font pas partie des acquis scientifiques. Le choix

de la méthode est une étape importante à faire dès le début d’un travail.
4.1. Choix de la méthode de recherche
Afin de parvenir au but fixé, nous choisissons la méthode descriptive comme la démarche
d’investigation centrale de notre recherche. Cette méthode choisie nous permettra de
décrire comment les étudiants en 2è et 3è années de notre département utilisent les
stratégies de lecture et après de traiter des informations reçues et d’arriver à l’explication
de la situation.
4.2. Méthode de collecte des données
Pour recueillir des données, nous utilisons en combinaison deux instruments :
- D’une part, nous effectuons une enquête par questionnaire auprès des 45 étudiants en 2
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années du Département de français de l’E.N.S de Hanoi. Le questionnaire est composé
de 15 questions sous forme de QCM et sa construction s’inspire de celui de Cornaire
(1991 : 117-118) et de Cécile Desoutter et Claudia Zoratti (« Questionnaire sur les
stratégies de lecture, 2001). Ces questions visent à déterminer si le lecteur pratique ou sait
utiliser les stratégies de lecture en lisant un texte.
- D’autre part, nous demandons de faire un test de compréhension pour rassembler des
données langagières. Ce test est accompagné des questions demandant de préciser les
processus mentaux, des opérations intellectuelles que les sujets effectuent lors de leur
réalisation de la tâche de lecture. Les résultats obtenus mètreront en lumière les processus
de raisonnement et d’application des stratégies de lecture chez les sujets. Ils nous
permettent aussi de mesurer le niveau de compréhension et la maîtrise des stratégies de
lecture chez les sujets.
En ce qui concerne l’élaboration des questions du test, nous faisons toujours attention à la
constitution des questions portant sur les stratégies à mobiliser en lecture, en particulier à
des questions exigeant la combinaison des stratégies différentes. Nous avons élaboré un
test unique destiné aux deux niveaux différents : 2
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années. Le texte à lire est repris
dans le manuel « Delf B1 200 activités » (p.42). Ce texte est fait selon le nouveau
dispositif du DELF et répond bien aux exigences du Cadre européen commun de référence
(CECR). De plus, le choix d’un test unique aux deux niveaux nous aide à bien mesurer
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l’influence du niveau de langue sur l’utilisation des stratégies de lecture en C.E des
étudiants sans nous inquiéter sur le degré de difficulté du texte (plus important chez les
sujets de 2è année que chez les sujets de 3è année): c’est parce que le niveau de Delf B1
correspond à un enseignement allant de 200 à 350 heures de français, le texte retiré
s’adapte donc bien à la fois aux deux niveaux de sujets. Alors, nous avons repris certaines
questions proposées dans le manuel et en ajouté quelques-unes.
4.3. Sujets
Notre échantillon est composé de 25 étudiants en 2è année et de 20 étudiants en 3è année
du Département de français de l’Ecole Normale Supérieure de Hanoi. Il s’agit de deux
groupes qui se différencient de niveau de langue mais qui sont pour la plupart d’origine
urbaine.
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CHAPITRE I
CADRE THÉORIQUE DE LA RECHERCHE
I. Qu’est-ce que lire ?
La lecture est une activité familière et habituelle dans la vie quotidienne ainsi que dans la
vie professionnelle de nombreuses personnes. La lecture n’est pas une simple activité
comme certaines personnes le pensent quelque soit en langue maternelle ou en langue
étrangère. En fait, lire ne consiste pas seulement à reconnaître les mots ou phrases, ni à
savoir les prononcer oralement.
En langue maternelle, B. Toresse (« Comment apprendre à lire aux enfants de 6 à 7 ans »)
a précisé que « lire n’est pas déchiffrer les lettres, ni des syllabes, ni même des mots. Lire
un texte, c’est (…) construire le plus objectivement possible, le sens du texte pour le
comprendre ». En cas de la lecture en langue étrangère, lire n’est non plus « construire une
traduction linéaire » comme l’a remarqué Gremmo (1980).
La lecture, quelque soit le domaine (en langue maternelle ou en langue étrangère) est donc
une activité complexe comme l’a dit Deschênes (1988, p15) : « la compréhension de textes
est envisagée comme un processus complexe de traitement de l’information présentée dans
un texte. Il ne s’agit pas d’un processus passif d’encodage, mnésique des lettres, des mots,
des phrases ou des sons mais d’une activité mentale multidimensionnelle dont le but est la
construction d’une représentation sémantique de ce qui est dit ou écrit ».
Ainsi, le lecteur ne reçoit pas le texte de façon passive. Au contraire, il se met dans une
interaction entre les données du texte et ses connaissances acquises, dans un contexte
déterminé pour saisir le sens. C’est pourquoi, le lecteur peut tout à fait découvrir le texte de
sa façon comme il veut : il survole le texte pour y chercher l’information voulue, il le lit en
parties ou il lit en détail un paragraphe du texte seulement. Cela dépend de ses objectifs, de
ses intentions de lecture, autrement dit de la situation de lecture (S. Moirand, 1979).
En outre, lire c’est également réagir intellectuellement et affectivement au sens construit. À
partir des informations reçues, le lecteur doit reconstruire de sa manière ou établir des liens
avec ses acquis, puis les stocker dans sa mémoire en un tout nouveau cohérent et
personnel.

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En résumé, lire n’est pas un processus simple mais complexe. Elle est avant tout une
activité de communication. Et comme c’est une activité communicative, la finalité
essentielle de l’acte de lire, c’est donc la compréhension du message du texte. C’est ainsi
que Daniel Coste (1977, p 35) a défini la lecture comme « une activité qui consiste à
construire le sens du texte, à la recherche des signaux d’indices jugés significatifs ». Et F.
Smith (1973, p 67) a aussi partagé ce point de vue en affirmant que « lire pour faire du sens
est la manière naturelle de la lecture ». Selon S. Moirand (Situations d’écrit, 1979, p 2),
« la lecture est une interaction entre un texte et un lecteur, interaction où les
caractéristiques de l’un interagissent avec celles de l’autre pour la prise et le traitement
de l’information en vue de produire un sens spécifique au contexte dans lequel l’activité de
lecture se réalise ». C’est aussi ce que dit Adam (1998) : « La lecture est une construction
du sens de la part du lecteur qu’il effectue en interaction avec le texte et le contexte ».
Nous trouvons que ces différentes définitions relèvent des caractéristiques communes,
c’est que l’acte de lire est une activité cognitive du lecteur, une interaction entre le lecteur
et le texte dans un contexte défini pour une construction du sens.
II. Modèles de compréhension en lecture
L’activité à comprendre et à saisir le sens d’un message se trouve toujours en cœur de
toutes les activités humaines de communication et d’apprentissage. Afin de mieux
comprendre la lecture-compréhension, nous allons examiner dans cette partie les « modèles
de compréhension » exposés par divers auteurs et tendances.
1. Modèles ascendants
Avant les années 1970 régnait la théorie dite ascendante (partir des lettres jusqu’au sens),
le fameux B-A-BA. On croyait que « la signification d’un texte se construit à partir de

l’encodage d’unités de base, en passant d’abord par la reconnaissance des lettres, des
syllabes, des mots et enfin des phrases » (Cornaire, 1999, p 22). Ces modèles de
compréhension sont encore appelés « modèles du bas vers le haut », « base-sommet » en
français ou « bottom-up » en anglais. Il s’agit des modèles où le lecteur accède au sens du
texte en suivant un ordre logique : il commence par voir le lettre et remonte jusqu’au mot,
à la phrase, au paragraphe puis au texte. La lecture linéaire intégrale est une stratégie
considérée comme unique sous l’influence de ces modèles. Toutefois, en analysant ces
modèle de compréhension, on a noté qu’il y a encore des faiblesses : ils mettent l’accent
sur les opérations cognitives des niveaux inférieurs et négligent la nécessité cognitive des
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niveaux supérieurs. C’est pourquoi, lorsque le savoir du lecteur n’est pas suffisant pour
gérer toutes les opérations de traitement micro linguistique, il ne peut pas arriver parfois à
la compréhension globale du texte, ni expliquer certains phénomènes liés à des activités
cognitives plus supérieures (les conclusions tirées du texte, les diverses interprétations pour
un même texte…).
2. Modèles descendants
Les années 1970 ont vu s’imposer une autre théorie dite descendante (du sens aux lettres).
Ces modèles de compréhension appelés ainsi « du haut vers le bas » en français ou « top-
down » en anglais s’appuyaient sur le principe que la compréhension est un processus
d’élaboration et de vérification. Le lecteur utilise les connaissances qu’il possède sur le
monde, sur le sujet et sur la langue pour émettre des hypothèses et faire des prédictions
qu’il pourra par la suite confirmer ou infirmer en recourant aux indices sémantiques et
morphosyntaxiques retenus. Ainsi, la signification globale du texte est construite dès le
début de la lecture à partir d’une hypothèse (idée générale). Au fur et à mesure de sa

lecture, le lecteur retient de nouveaux indices grâce auxquels il vérifie l’hypothèse de
départ et formule de nouvelles hypothèses lui permettant l’accès au sens. En bref, les
modèles descendants sont déductifs, ils procèdent du tout à la partie : des connaissances
antérieures aux indices sémantiques, aux indices syntaxiques et à d’autres informations
plus spécifiques. La lecture non linéaire et la lecture sélective sont deux des stratégies nées
sous l’influence des modèles dits descendants.
Toutefois, ces modèles privilègent trop les acquis précédents du lecteur. Ils facilitent
seulement la compréhension des textes dont le thème est connu pour le lecteur. Si le lecteur
n’a pas de connaissances sur le thème abordé, il lui est difficile de saisir le sens du texte lu.
3. Les modèles interactifs
Les modèles interactifs contemporains (à citer la théorie des schèmes de Rumelhart, 1977 ;
Kintsch et Van Dijk, 1978, 1984 ; Deschênes, 1988 ; Giasson, 1990) se fondent sur un
mélange des deux premiers. Ils combinent les points forts des modèles ascendants et
descendants en insistant sur l’interaction entre les deux : les systèmes de niveaux inférieurs
et supérieurs sont pris tous les deux en considération.
Ainsi, pour construire le sens du texte, le lecteur peut utiliser des stratégies relevant de ce
modèle ou de l’autre ou des deux à la fois selon la quantité d’information contextuelle
contenue dans le texte. Il recoura à des stratégies du modèle ascendant si l’information
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contextuelle est faible ou inexistante et à des stratégies du modèle descendant si le texte est
riche.
En gros, pour comprendre un texte, le lecteur devrait savoir choisir les stratégies
appropriées. L’application de ces stratégies lui demandera de faire appel à plusieurs
sources d’informations, aussi bien lexicales, morphosyntaxiques qu’à des connaissances

plus générales comme des connaissances relatives au fonctionnement et à l’organisation
des textes. Il devrait également savoir combiner toutes ces stratégies, celles relevant de la
théorie aussi ascendante que descendante ou des deux à la fois. Cela explique pourquoi des
stratégies de lecture que nous présenterons dans la rubrique suivante résultent d’une
synthèse des stratégies proposées par plusieurs chercheurs des tendances différentes.
III. La compréhension en lecture
1. Le schéma des composantes de la lecture
Le schéma présenté ci-dessous est emprunté du programme d’études au niveau élémentaire
des Écoles fransaskoises en 2000. Ce schéma est élaboré par de nombreux chercheurs et
pédagogues compétents.
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Lecture

Facteurs de la lecture
Stratégies

Lecteur texte contexte Niveaux
ou lectrice de compréhension

processus de lecture

prélecture lecture postlecture
ẫtude de lutilisation des stratộgies de lecture des ộtudiants en 2

et 3

annộes du
Dộpartement de franỗais de lẫcole Normale supộrieure de Hanoù
2. Les trois facteurs de la lecture
Actuellement, de nombreux chercheurs comme Irwin (1986), Langer (1986) ou Deschờnes

ont atteint lunanimitộ propos des grandes composantes de lacte de lecture. Ils se mettent
daccord quil y a trois variables qui influencent la comprộhension en lecture, ce sont : le
lecteur ou la lectrice, le texte de lecture et le contexte de lecture. Ainsi, la comprộhension
en lecture variera selon le degrộ de relation entre ces trois composantes. Plus il y a
interaction entre ces trois composantes, meilleure sera la comprộhension de l'ộlốve en
lecture.
2 .1. Le lecteur, la lectrice
Cette composante reprộsente ce qu'est le lecteur ou la lectrice, ce qu'il fait et ce qu'il sait. Il
ne se prộsente pas ô vierge ằ ou ô vide ằ devant un texte, mais il travaille le texte avec son
bagage prộ acquis (Adam, 1998). Le lecteur ou la lectrice a des connaissances sur la langue
et sur le monde. Ces connaissances reprộsentent les structures cognitives qui vont
influencer sa comprộhension en lecture.
Selon Giasson (1990, p 10), les connaissances sur la langue sont d'ordre phonologique (les
phonốmes propres sa langue), syntaxique (ordre des mots dans la phrase), sộmantique
(le sens des mots et leurs relations entre eux, son vocabulaire) et pragmatique (pratique).
Les connaissances du lecteur ou de la lectrice sur le monde reprộsentent la ôthộorie du
mondeằ qu'il s'est construite et qui forme ses connaissances antộrieures auxquelles il
pourra rattacher les nouvelles informations fournies par le texte. En effet, pour
comprendre, le lecteur doit ộtablir des liens entre le nouveau (le texte) et le connu (ses
connaissances antộrieures).
De plus, son attitude gộnộrale, ses goỷts, ses besoins ainsi que sa perception de lui-mờme
en situation d'apprentissage vont aussi intervenir dans sa comprộhension. Cette dimension
affective est aussi importante que la dimension des connaissances sur la langue et sur le
monde.
Outre son attitude gộnộrale, ses goỷts et ses besoins, la capacitộ de prendre des risques, le
concept de soi en gộnộral comme lecteur ou lectrice et la peur de l'ộchec peuvent influencer
la comprộhension d'un texte.
Il est aussi important de remarquer que les habiletộs et stratộgies en situation de lecture
exercent une grande influence sur la comprộhension du lecteur. Ainsi, il faut tenir compte
de limportance des stratộgies de lecture dans la comprộhension dun texte (le balayage, le

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survol, la lecture intégrale…par exemple). A propos des habiletés, on peut citer : la
capacité de reconnaître les mots de façon automatique sans avoir à en analyser les
composants, la capacité de prédire des informations qui vont apparaître dans le texte en se
servant de connaissances particulière qu’il possède et la capacité de construire des
hypothèses sur le contenu par l’observation des éléments externes comme le titre, les sous-
titres, les images, etc.
En ce qui concerne les stratégies de lecture, nous aurons l’occasion d’étudier de plus dans
la rubrique suivante.
2 .2. Le texte
Le texte est aussi un facteur important pendant la lecture. Il concerne le matériel à lire,
autrement dit tous les composantes donnant d’instructions au lecteur. Les composantes
d’un texte peuvent faciliter ou compliquer la tâche du lecteur ou de la lectrice. Ce sont :
l'intention de l'auteur, l'organisation des idées et le contenu du texte. L’intention de l’auteur
détermine l’orientation des deux autres éléments. L’organisation fait référence à la façon
dont l’auteur a organisé les idées dans le texte. Le contenu renvoie aux concepts, au
vocabulaire et aux connaissances que l’auteur a transmis dans le texte.
De plus, le type de texte, la nature de l'écrit, la structure du texte et les conventions de
l'écrit sont des éléments qui peuvent faciliter ou compliquer la compréhension.
2 .3. Le contexte
Le contexte représente la situation dans laquelle se trouve le lecteur ou la lectrice pour
aborder le texte. À citer donc la définition d’Adam (1998, p 13) : « le contexte comprend
toutes les composantes de la situation de lecture ». Ce contexte est autant psychologique et
social que physique.

Ainsi, l'intention de lecture, l'intérêt porté au sujet par le lecteur ou la lectrice,
l'intervention de l'enseignant ou de l'enseignante ou des pairs ainsi que le temps disponible
et le niveau de bruit autour d'eux peuvent faciliter ou compliquer la tâche de lecture.
En bref, la compréhension en lecture est fonction de ces trois variables indissociables : le
lecteur, le texte et le contexte qui exercent entre elles des interactions étroites.
L’interaction de ces composantes est présentée comme suit :
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Ces trois variables de la lecture tiennent entre elles une relation étroite. La compréhension
varie selon le degré de relation entre ces trois variables. Plus elles sont imbriquées les unes
dans les autres, meilleure sera la compréhension.
En effet, si le texte correspond au niveau d’habileté du lecteur mais le contexte n’est pas
pertinent, la compréhension du texte n’est pas favorisée.
Par contre, si le contexte est favorable, le lecteur lit le texte avec une intention de lecture
pertinente mais le texte n’est pas approprié à ses capacités (par sa structure ou son
contenu), le lecteur a des difficultés de le comprendre : le texte lui est trop difficile.
Et au cas où le texte à lire ne conviendrait pas au niveau du lecteur, le contexte de lecture
ne serait non plus approprié et le lecteur ne disposerait pas d’habiletés nécessaires, la
compréhension du texte sera certainement au échec parce que les trois variables n’exercent
pas entre elles des interactions.
3 . Le processus de lecture
Lors de la lecture d’un texte, le lecteur ne reçoit pas le texte de façon passive, mais il peut
travailler le texte de sa propre façon afin d’atteindre son objectif. Il peut changer
l’ordre de la lecture, il lit un seul paragraphe ou faire un survol pour chercher
l’information voulue.

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Pendant un cours de compréhension écrite, l’activité de lecture se produit peut-être un peu
différemment. Le processus de lecture se divise souvent en trois étapes : la pré
lecture, la lecture proprement dite et la post lecture. Cette division a pour but
d’entraîner les élèves à « travailler » un texte et acquérir des expériences et
perfectionner sa compétence de compréhension écrite. Au cours de ces trois étapes,
l’élève - lecteur est en interaction constante avec le texte et le contexte de lecture
afin d'en construire le sens.
Ce processus peut être répété indéfiniment quoiqu'il présente une certaine séquence dans
l'application de ses composantes. L’élève - lecteur peut ainsi faire un retour sur son
cheminement pour mieux comprendre le texte.
3 . 1. La prélecture
La prélecture est une étape importante qui facilite l’entrée dans un texte. C'est le moment
de la mise en situation où l’élève prend connaissance de l'intention de lecture. Il est appelé
à faire le point sur ses connaissances du sujet, de la structure ou du genre de texte.
De plus, il commence à faire des prédictions, à émettre des hypothèses sur le genre
littéraire, la structure du texte ou sur toutes autres informations contenues dans le texte.
C'est aussi à cette étape qu'il active ses connaissances antérieures et fait le lien avec son
vécu et ses expériences personnelles.
3 . 2 La lecture
C'est l'étape où l'élève - lecteur lit le texte et met en œuvre les différentes stratégies qui lui
permettront de gérer sa compréhension en fonction de son intention de lecture. Ainsi, il
peut vérifier les hypothèses émises lors de l'étape de prélecture, organiser les informations
qui se présentent, traiter ces informations en les confrontant à ses connaissances

antérieures et en venir à se poser des questions nouvelles qui amèneront d'autres
hypothèses.
L'élève fait continuellement un retour sur sa démarche de lecture afin de reconstruire le
sens du texte.
3 . 3 La postlecture
C'est l'étape où l'élève objective sa démarche de compréhension. Il réfléchit sur ce qui a été
fait, comment cela a été fait, sur les difficultés rencontrées et sur ses acquisitions au niveau
du contenu général et linguistique.
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C'est aussi à cette étape qu'il réagit, analyse et évalue ses nouvelles connaissances pour se
les approprier. Cela lui permet de s'approprier le processus de lecture et de l'utiliser dans
d'autres situations d'apprentissage.
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Schéma du processus de lecture
4. Les n iveaux de compréhension en lecture
Il existe quatre niveaux de compréhension en lecture : la compréhension littérale, la
compréhension inférentielle ou interprétative, la compréhension critique ainsi que la
compréhension créative. Les habiletés de ces quatre niveaux de compréhension sont

organisées selon la hiérarchie de la taxonomie de Bloom.
Ainsi, à chaque niveau de compréhension, le lecteur travaille des habiletés spécifiques.
Pourtant, pour vraiment construire le sens d'un texte, le lecteur doit souvent travailler tous
ces quatre niveaux de compréhension.
Il se pose sans cesse des questions auxquelles il répond par des hypothèses qu'il cherche à
confirmer ou à infirmer à l'aide des informations implicites ou explicites du texte et de ses
connaissances. Ensuite, il peut réagir au texte de différentes façons selon le texte lu.
4 . 1 Compréhension littérale
C'est comprendre les informations ou les idées données de façon explicite par l'auteur ou
par l'auteure dans un texte. L'élève repère des informations, des idées ou des situations
apparaissant clairement dans le texte.
Exemple :
Texte : Les acteurs participent au Festival de films à Cannes.
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années du
Département de français de l’École Normale supérieure de Hanoï
Question : Où a lieu le Festival des films ?
Réponse : À Cannes.
4.2. Compréhension inférentielle ou interprétative
C'est comprendre des informations implicites supplémentaires. Le lecteur ou la lectrice les
découvre par déduction à partir de ses structures cognitives. L'élève trouve des
informations qui ne sont pas clairement exprimées dans le texte.
Exemple :
Texte : Les équipes de Bellevue et de Regina se sont rendues en finale à l'Omnium, et
Bellevue fut la grande gagnante de ce tournoi.
Question : Quelle équipe a obtenu la deuxième place ?

Réponse : Regina car Bellevue a gagné en finale.
4.3. Compréhension critique
Le lecteur ou la lectrice évalue l'exactitude du texte lu à la lumière de ses connaissances. Il
va porter un jugement sur le texte.
Exemple :
Texte : Le texte nous présente un personnage très controversé.
Question : Comment as-tu trouvé ce personnage ?
Réponse : Les réponses varieront selon les élèves.
4 . 4 Compréhension créative
C'est le niveau de compréhension qui permet au lecteur ou à la lectrice d'appliquer les
différentes significations trouvées dans une lecture, à sa vie personnelle.
Exemple :
Texte : Jean et Suzanne n'ont pas trouvé de solution pour régler leur problème. Ils sont
partis sans savoir vraiment ce que l'autre pensait de la situation.
Question : Comment aurais-tu réglé le problème si comme garçon tu avais été à la place de
Suzanne et si comme fille tu avais été à la place de Jean ?
Réponse : Les réponses varieront selon les élèves.
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Schéma des niveaux de compréhension
5. Les stratégies de lecture
Lire, comme nous avons abordé ci-dessus, c'est construire le sens d'un texte. Ainsi, l'élève
est un lecteur actif ou une lectrice active dans cette construction du sens. Cette construction
du sens exige que l'élève ait à sa disposition les moyens de réaliser son projet de lecture et
qu'il puisse les utiliser de façon efficace. Et les moyens mis à sa disposition pour réaliser

son projet de lecture sont les différentes stratégies de lecture qu'il utilise avec différents
textes afin de répondre à ses besoins d'information ou à ses besoins d'esthétique et
d'imaginaire.
Avec les différents niveaux de compréhension en lecture, l'élève doit faire appel à
différentes stratégies qui lui permettront de comprendre sa lecture, d'en retirer l'information
nécessaire ou de réagir au texte. L'élève peut utiliser ces différentes stratégies à différents
moments du processus de lecture. De plus, l'élève doit prendre conscience des stratégies
qu'il utilise, comment se fait cette utilisation pour s’adapter aux types de texte différents.
En effet, on n’utilise pas la même façon quand on se projette dans un mode d’emploi, un
tableau d’horaires de train, une lettre d’affaire ou un article de journal…Il s’agit donc de
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choisir et de combiner des stratégies différentes selon les types de textes et la demande de
l’activité de lire.
Dans cette partie, nous allons parler des stratégies de lecture les plus utilisées dans la
plupart des types de textes que l’élève rencontre souvent au cours de son apprentissage et
dans sa vie quotidienne. Les stratégies que nous allons aborder résultent d’une synthèse des
stratégies proposées par Moirand 1979), Giasson (1983), Carrell (1989), Tagliante (1994),
Adam (1998), Cornaire (1999), et Cuq (2000). Nous pouvons citer :
1. Lecture de repérage (ou le balayage, la lecture sélective)- Scanning en anglais
2. Lecture de survol (écrêtage, écrémage)- skimming en anglais
3. Lecture d’approfondissement
4. Activer les connaissances antérieures
5. Faire des prédictions
6. Utiliser le contexte linguistique et les connaissances lexicales pour deviner le sens

d’un mot nouveau
7. Utiliser les connaissances des types de textes et des structures textuelles
8. Interpréter la référence : la relation entre le mot de substitution et son référent
9. Identifier l’idée principale
10. Gérer sa compréhension/ formuler des hypothèses au cours de la lecture
IV. Les stratégies mises en œuvre en situation de lecture
1. Qu’est-ce qu’une stratégie ?
Comme le souligne le psychologue P. Riley (1985 : 91), « le terme de « stratégie » est
devenu un des mots-clefs des sciences sociales des années 80, en particulier parce qu’il
fournit un pont épistémologique entre intention (volonté consciente - ajouté par nous) et
action. » Les recherches didactiques françaises s’intéressant à la lecture-compréhension de
textes n’échappent pas à ce constat. Revenons d’abords à la notion de « stratégie » utilisée
par de différents chercheurs.
Au sens général, une stratégie signifie une « manière de procéder pour atteindre un but
spécifique » (Legendre, 1993). Selon E. Williams, (1989, cité par Cornaire, 1999) les
stratégies sont « des démarches conscientes mises en œuvres pour résoudre un problème
ou pour atteindre un objectif » qui se différencient des habiletés « perçues comme des
savoir-faire qui ont été automatisés par la répétition ou les expériences ». Les stratégies se
distinguent également des processus : tous deux interviennent à la fois pendant l’exécution
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Département de français de l’École Normale supérieure de Hanoï
d’un projet de lecture, mais la stratégie est « une opération consciente par le sujet » alors
que « le processus est relève de l’automatisé ». Ainsi, le caractère conscient des stratégies
reste central qui nous permet de distinguer les stratégies d’autres notions. Toujours accordé
à E. William, la mise en œuvre des stratégies de lecture se fait en fonction des variables

« le but » et « le texte ».
La notion de « stratégie de lecture » ou de « stratégie de compréhension » apparaît
également dans deux textes fondateurs de l’Approche Globale des textes en FLE: dans
l’ouvrage « Situations d’écrit » publié par S. Moirand en 1979 et dans l’article intitulé
« Une approche communicative de la lecture » publié par D. Lehmann et S. Moirand en
1980 dans la revue Le Français dans le Monde. Cette définition très succincte de la notion
est fournie par S. Moirand (1979, p19) : une stratégie de lecture correspond à « comment le
lecteur lit ce qu’il lit ». Deux exemples de stratégies de lecture sont donnés (p. 21) : la
lecture sélective et la lecture intégrale . Dans leur article de 1980 (p. 153), D. Lehmann et
S. Moirand livrent deux autres exemples : l e déchiffrage et la « traduction mot à mot » en
les considérant comme stratégies de lecture. On constate donc que, d’une part, les
stratégies de lecture telles qu’elles sont envisagées par l’AG sont très globales, qu’il s’agit
plutôt de macro-stratégies ; que, d’autre part, elles ne sont pas issues de l’observation de
sujets en train de lire mais qu’elles émanent directement des deux grandes pratiques
pédagogiques qui s’affrontent à l’époque : celle défendant la lecture linéaire intégrale
comme unique mode de lecture et celle de l’AG prônant une multiplicité de modes de
lecture (notamment la lecture non linéaire et sélective sous l’influence des modèles dits
descendants, en particulier celui de Smith et Goodman) liée à une diversité de projets de
lecture possibles. En effet, D. c Lehmann et S. Moirand (1980 : 153) postulent que les
stratégies de lecture correspondent à l’interaction de trois variables : le projet du lecteur (la
variable « but ») ; les caractères propres au texte (la variable « textuelle ») ; « les
conditions de réception du message-texte incluant […] les caractères sociologiques,
psychologiques et événementiels attachés au lecteur » (la variable « situationnelle » selon
J M. Adam (1985) qui désigne la variable « lecteur »).
Toutefois, la nature des stratégies de lecture mises en œuvre par les sujets lecteurs semble,
dans l’Approche Globale, liée de manière privilégiée à la variable but, c’est-à-dire au
projet de lecture, aux objectifs de lecture du sujet lecteur. Les deux antres variables « le
texte » et « le lecteur » semblent être négligées.
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Nous faisons maintenant un saut dans le temps d’une dizaine d’années pour retrouver
l’emploi de la notion de « stratégie de lecture » dans l’ouvrage « Lectures interactives »
publié par F. Cicurel en 1991. Dans cet ouvrage de 1991, la définition qui est donnée de la
notion de stratégie de lecture est très proche de celle de S. Moirand (1979) : « on parle de
stratégies de lecture pour désigner la manière dont on lit un texte » (p. 16). Une autre
constante est que la variable « but » continue à être privilégiée pour expliquer la nature des
stratégies de lecture proposées par l’auteur : « apprendre à lire c’est choisir soi-même sa
stratégie selon la situation où l’on se trouve et les raisons pour lesquelles on a entrepris
cette lecture » (p. 17). F. Cicurel proposent des stratégies de lecture avec les objectifs de
lecture qui s’y rattachent (p. 16-17) : La lecture studieuse est une stratégie mise en œuvre
par le lecteur pour tirer le maximum d’informations du texte lu ; la lecture balayage
intervient lorsque le lecteur veut simplement prendre connaissance de l’essentiel du texte ;
la stratégie de sélection est sollicitée lorsque le lecteur cherche une information
ponctuelle ; la lecture-action est adoptée par un lecteur occupé à réaliser une action à
partir d’un texte contenant des consignes ; la lecture oralisée consiste à lire un texte à
haute voix.
On a fait plusieurs remarques à propos des stratégies de cette typologie. Selon Blandine
Rui (dans son article numéro 13, Aile, 2000) ces stratégies semblent se résulter d’un
affinage de celles proposées par l’AG. Ainsi la lecture sélective de l’AG est subdivisée en
plusieurs stratégies : la lecture balayage et la stratégie de sélection ; la lecture intégrale de
l’AG peut correspondre, selon les objectifs de lecture, aux stratégies de lecture studieuse,
de lecture-action et de lecture oralisée. De plus, selon Blandine Rui, cette typologie peut
faire l’objet de nombreuses critiques. Selon elle, la principale concerne la lecture oralisée
qui, dans le texte de F. Cicurel, n’est rattachée à aucun objectif de lecture et qui, en
comparaison avec les autres, est davantage une technique qu’une stratégie. Se pose

également le problème du chevauchement de certaines stratégies. La lecture-action, par
exemple, peut être considérée comme une forme de lecture studieuse. La stratégie de
sélection peut passer par une lecture balayage.
Nous voudrions à présent aborder la notion de « stratégie de lecture » dans des travaux de
recherche sur la lecture-compréhension de textes en FLE. Il s’agit du mémoire de D.E.A.
de C. Dévelotte soutenu en 1989 sous la direction de S. Moirand et intitulé Stratégies de
lecture d’un article de presse en langue étrangère. Ce mémoire de D.E.A. est suivi de la
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publication en 1990 par le même auteur d’un article intitulé « Lire : un contrat de
confiance » dans la revue Le Français dans le monde .Ce mémoire de D.E.A. nous fait
savoir une autre manière d’envisager la notion de « stratégie de lecture ». C. Dévelotte met
l’accent plus sur la variable « lecteur » et plus précisément sur les facteurs psychologiques
et socioculturelles attachés au lecteur que sur la variable « but ». La notion de « stratégie
de lecture » est donc assimilée à celle de « modalité de lecture ». Elle distingue alors la
modalité descriptive caractérisée par la faiblesse de structuration des éléments recueillis
lors de la lecture ; la modalité analytique qui met en relief avant tout « l’architecture » du
texte; la modalité interprétative qui correspond à un fort phénomène d’identification du
lecteur aux acteurs du texte. En bref, il est à noter que selon C. Dévelotte, le terme de
« stratégie de lecture » a totalement disparu et est remplacé par « modalité de lecture », lui-
même synonyme de « mode d’appropriation » du texte. Les « modalités de lecture »
renvoient alors à une conception plus attentive aux facteurs psychologiques et
sociologiques liés au lecteur qui influencent la nature des reconstructions de sens.
La question de notion de stratégie de lecture est présente différemment dans les travaux de
E. William, dans les textes fondateurs de l’AG, dans l’ouvrage de F. Cicurel et dans les

travaux de C. Dévellote. Pour notre part, nous partageons le point de vue de William pour
qui les stratégies sont « des démarches conscientes mises en œuvre (…) pour atteindre un
objectif ». Il s’agit de la manière dont on lit un texte. Nous se mettent d’accord sur l’idée
que comprendre comment un lecteur reconstruit le sens d’un texte c’est également
comprendre comment il met en œuvre des stratégies de lecture appropriées aux caractères
du texte et aux objectifs de sa lecture .
2. Critères du choix d’une stratégie de lecture
Il est indéniable que les trois variables « le but », « le texte » et « le lecteur » conditionnent
la nature des stratégies mises en œuvre. D. Gaonac’h (1990) suggère que les stratégies
utilisées par le lecteur sont « liées aux caractéristiques du sujet ou de la situation » (p. 43).
Il y aurait donc une influence de la variable « lecteur » (sans que la nature de cette variable
soit clairement définie) et une influence de la variable « but » entendue comme projet,
objectif de lecture. Dans P. Coirier, D. Gaonac’h et J M. Passerault (1996 : 166), la nature
des stratégies est variable selon « les objectifs de la tâche, les compétences du sujet, les
contraintes de la situation. » Plus loin (p. 172-173), ces auteurs identifient deux types de
contraintes pesant sur l’instance contrôle : les objectifs de la tâche et les contraintes de
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fonctionnement dépendant de caractéristiques individuelles du lecteur et de facteurs
externes tels que le bruit et la fatigue. Ces mêmes auteurs écrivent : « la représentation du
texte est donc construite dans le cadre d’une interaction complexe entre les
caractéristiques de ce texte, les connaissances du lecteur et les éléments pertinents de la
situation de lecture » (p. 62). A travers ces quelques extraits, on retrouve l’interaction entre
les trois variables de la lecture et leur influence sur la nature des stratégies mises en œuvre.
Cependant, selon les psycholinguistiques cognitivistes, la variable « but » occupe une place

centrale dans la détermination de la nature des stratégies : « on attribue ici un rôle central à
l’adéquation entre les opérations mises en œuvre pour produire ou comprendre un texte et
les objectifs de la tâche : finalités communicatives, objectifs de lecture ». Vient ensuite la
variable « le texte » qui exerce aussi une influence importante sur le choix des stratégies
de lecture. Il est évident qu’on ne lit pas de la même manière un programme de spectacles,
un manuel d’histoire ou un fait divers. Les stratégies dépendent donc d’une part du texte
lui-même et, d’autre part, du projet du lecteur. Nous sommes d’accord avec Jean-Paul
Martinez (2003) que le bon lecteur possède non seulement des stratégies de lecture variées
mais il sait encore « choisir et gérer ses propres stratégies en fonction de son intention de
lecture et du type de texte à lire ».
Quant à la variable « lecteur », il s’agit de son degré d’expertise linguistique et textuelle,
de son degré d’acquisition des mécanismes de la lecture, de ses connaissances du domaine
de référence du texte et de ses caractéristiques psychologiques et sociologiques. Tous ces
facteurs influencent plus sur ses traitements cognitifs et son niveau de compréhension que
sur son choix de stratégies de lecture. Le lecteur peut alors choisir des stratégies
appropriées mais il ne les utilise pas aussi efficacement que les autres.
En résumé, pour choisir une stratégie de lecture, il faut prendre en compte de deux critères
suivants : les objectifs de lecture et le texte à lire.
2.1. Objectifs de lecture
Chaque lecteur a ses raisons pour lire. En général, on lit :
- pour s’informer : c’est-à-dire pour repérer des messages souvent brefs afin de combler
un manque d’informations.
- pour pourvoir agir : c’est-à-dire apprendre à lire des indications des messages brefs, des
pancartes, des règles pour pouvoir jouer, des horaires, etc.
23
ẫtude de lutilisation des stratộgies de lecture des ộtudiants en 2

et 3

annộes du

Dộpartement de franỗais de lẫcole Normale supộrieure de Hanoù
- pour le plaisir : il faut encourager cette activitộ chez lapprenant en lui proposant des
textes attrayants en tenant compte de ses goỷts et de son niveau de compộtence
linguistique.
- pour se former : cest--dire pour complộter sa formation concernant un tel domaine,
etc. (mộdical, technique, littộraire par exemple)
Toutefois, en classe, le but de lecture cherchộ ou le projet du lecteur est essentiellement
acadộmique, cest--dire on lit pour apprendre lire en mettant en uvre une stratộgie
de lecture. Cest pourquoi, la lecture du type ô plaisir ằ ou ô dộtente ằ nest pas prise en
compte dans ce cas.
Dans ce mộmoire, nous voulons aborder plutụt le travail de lecture en classe. Les textes
lire ne sont pas en gộnộral trop longs qui demandent de faire appel diffộrentes stratộgies
et qui contiennent des questions visant de diffộrents objectifs. Lobjectif essentiel des
activitộs de lecture en classe est de faire sentraợner sur la comprộhension et lutilisation de
diverses stratộgies.
Les consignes du texte lire visent souvent :
- une comprộhension globale : le lecteur cherche dộgager le sujet abordộ, lintention de
communication, lidộe principale ou avoir une vue globale du texte. Pour y arriver, le
lecteur doit avoir recours le plus souvent au ô survol ằ.
- une comprộhension ponctuelle : il sagit de la recherche des informations prộcises ou
ponctuelles : adresse, chiffres, rộponse une question ô Le repộrage ằ est souvent choisi
pour atteindre ce but.
- une comprộhension essentielle : cest la comprộhension des ộlộments essentiels
importants (non les ộlộments dộtaillộs) dans un texte. En gộnộral, les idộes essentielles sont
organisộes en paragraphes. Lutilisation du survol et de lidentification de lidộe principale
va amener le lecteur obtenir ce but.
- une comprộhension exhaustive : il sagit du besoin de saisir tous les ộlộments qui font
sens dans un texte. La comprộhension du contenu textuel va permettre au lecteur de
rộaliser des activitộs au niveau plus supộrieur telles que : rộflộchir sur le texte, agir, faire
des liens Ce type de comprộhension demande en gộnộral lapplication de la stratộgie

ô lecture dapprofondissement ằ.
2.2. Le texte lire
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Étude de l’utilisation des stratégies de lecture des étudiants en 2
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années du
Département de français de l’École Normale supérieure de Hanoï
Les stratégies dépendent non seulement des objectifs. Lors de sa lecture, le lecteur doit
encore savoir adapter ses stratégies choisies au texte lu.
Selon Pigallet (« L’art de lire, principes et méthodes », Entreprise moderne d’Édition,
1985), la lecture survol s’applique à des textes ou des documents assez longs, des textes
d’idées ou d’informations, des rapports, des monographies.
La lecture de repérage est souvent utilisée pour lire des textes tels que : tracts, modes
d’emploi, annuaires, index, sommaires, bibliographies, dictionnaires, encyclopédies, textes
sources de renseignements, brochures spécialisées, petites annonces…
Quant à la lecture d’approfondissement , le lecteur l’utilise souvent pour lire tout
document long ayant été jugé mériter une lecture approfondie à l’issue d’une lecture
survol : des textes denses, comportant plus de 20% d’informations inconnues ou des textes
qui résistent à une lecture survol.
En bref, le but recherché et le texte lu constituent deux critères importants pour choisir une
stratégie de lecture. Cependant, on n’utilise jamais les stratégies isolément. En effet, il faut
les combiner en vue d’une lecture efficace. L’important est de définir quelle stratégie est
convenable et quand on l’utilise au cours de la lecture.
Il nous paraît maintenant important de porter plus de précisions sur ce que c’est un texte.
Selon Adam (1997, p 34) « un texte est une structure hiérarchique complexe comprenant
des séquences - elliptiques ou complètes – de même type ou de types différents ». Il est
nécessaire donc de clarifier les types de textes et les structures textuelles.
2.2.1. Les types de textes

Selon les chercheurs, n’importe quel texte s’organise toujours selon une intention de
communication afin de véhiculer un savoir et le transmettre au lecteur. Plusieurs
chercheurs comme ont essayé de classer les textes. Pour certains, il y a 5 types de textes
principaux, ce sont:
 Textes narratifs
 Textes informatifs
 Textes descriptifs
 Textes argumentatifs
 Textes injonctifs
Certains d’autres y ajoutent un autre type de texte : textes expressifs.
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