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HƯỚNG tới sự tự học từ VỰNG của SINH VIÊN năm THỨ NHẤT KHOA NGÔN NGỮ và văn HOÁ PHÁP

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INTRODUCTION


Choix du sujet
Une bonne éducation est toujours le fruit d’une bonne qualité de l’enseignement et
celle de l’apprentissage. D’autant plus que, de nos jours, elle fait continuellement face à de
grands défis dans un monde multiculturel plein de changements et de concurrence. Nous
savons que l’océan des connaissances est sans bornes tandis que la durée scolaire est limitée.
L’image de petits élèves vietnamiens en primaire portant un gros cartable au dos nous est
maintenant très familière, et on se demande si ce sac grossira proportionnellement à la
multiplication des connaissances dans les années à venir… Il est vrai qu’on ne peut pas tout
apprendre à l’école. C’est pourquoi l'idée de « l'éducation tout au long de la vie » est
considérée comme la clé d'entrée dans le XXIe siècle (UNESCO 1996) ; le concept de
l’apprentissage et le rôle de l’apprenant deviennent plus que jamais un grand centre d’intérêt.
Puisque le travail d’études ne s’arrête pas au contexte scolaire, les élèves doivent avoir
une autonomie pour pouvoir bien agir dans différentes situations de la vie. Ils ont besoin
d’acquérir des connaissances, des habiletés qui leur permettent d'analyser les situations
d'apprentissage et d’utiliser des stratégies appropriées.
Ainsi, l’autonomie reste une des principales finalités de l’éducation en général et de
l’enseignement des langues en particulier. “L’apprentissage en autonomie constitue un enjeu
essentiel de la didactique des langues et même, vraisemblablement, l’objectif majeur de toute
entreprise de formation” (Louis Porcher 1981). D’autre part, l’auto-apprentissage est
considéré aujourd’hui comme une nécessité incontournable, surtout en milieu universitaire. Il
constitue aussi un travail d’entraînement pour les activités de recherches scientifiques. En fait,


il implique une participation active des gens à leur propre apprentissage. Un élève autonome a
du plaisir à chercher tout en prenant des initiatives pour arriver à son but. Il demande de l'aide

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ou des explications à un autre élève et au professeur quand il a un problème ; il sait utiliser
tous les moyens d'information qui sont à sa disposition: dictionnaires, encyclopédies, moyens
audio-visuels, Internet…
L’acquisition du vocabulaire joue un rôle important dans la maîtrise d’une langue
étrangère. Cette composante de la langue évolue toujours. Et, à un certain niveau, l’apprenant
trouvera que l’enrichissement du vocabulaire –“la chair de la langue” – est plus d’une
nécessité. L’apprentissage du vocabulaire se ferait alors tous les jours sous les auspices de
l’autonomie.
Mais acquérir l’autonomie est un travail à la fois long et difficile qui exige un effort
soutenu de la part de l’apprenant et un accompagnement durable de l’enseignant. Sinon, les
étudiants risqueraient fort de se rabattre sur des stratégies de survie, comme la simple
mémorisation pour réussir à l’examen.
En tant qu’enseignante du Département de Langue et de Civilisation françaises, nous
reconnaissons le manque des recherches sur ce sujet. Pour compléter cette lacune, nous avons
décidé de mener cette recherche qui commence par la première année.
But de recherche
Ils manquent de vocabulaire. Cette plainte est tellement fréquente chez nos
enseignants. Trouver les difficultés des étudiants tout en identifiant leurs besoins, puis
chercher à développer chez eux une autonomie dans l’acquisition lexicale est juste le but de
notre recherche. Favoriser une indépendance chez les étudiants est en effet une préoccupation
majeure des éducateurs modernes aussi bien dans l’enseignement des langues que dans
d’autres disciplines. Les manières d’apprendre, les techniques pour apprendre font partie des
compétences qu’il faut aider l’apprenant à acquérir. « Enseigner c’est aider à apprendre.»
(Louis Porcher). Il s’agit là d’une mission laborieuse des enseignants dans la mesure où ils
doivent orienter les étudiants dès leur entrée à l’université vers une autonomie.

Mener ce travail de recherche, beaucoup de questions se posent :
- Qu’est- ce que l’autonomie en apprentissage?
- Quelle est la situation de l’auto-apprentissage du vocabulaire chez les étudiants en
première année?
- Comment faire pour pouvoir être autonome dans l’acquisition lexicale en vue de
communiquer et de découvrir la beauté de la langue ?

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- Quels seront les outils?
- Les enseignants en première année sont-ils conscients de l’importance de l’auto-
apprentissage ? Si oui, que font-ils pour encourager et aider les étudiants à la
développer? Quelle sera la méthode de guidage des enseignants?
Nous formulons les hypothèses :
- que l’auto-apprentissage améliorera la qualité de l’apprentissage chez les étudiants,
notamment dans leur élargissement du vocabulaire,
- qu’il demande la bonne prise de conscience de tous les deux acteurs de l’éducation,
- que cette capacité implique certaines connaissances et d’autres capacités nécessaires.
Ainsi, nous allons aborder premièrement le fondement théorique concernant la notion
d’autonomie dans son contexte de genèse, son évolution, et celle-ci dans l’acquisition du
vocabulaire. Nous étudierons ensuite les concepts du vocabulaire du point de vue de
l’apprentissage d’une langue étrangère.
La deuxième partie portera sur l’étude du terrain. Elle présentera d’abord nos
réflexions sur l’auto-apprentissage du vocabulaire chez les étudiants en première année, à
travers l’observation de leurs manuels utilisés au lycée et à l’université. Nous analyserons par
la suite, les résultats de nos enquêtes auprès de ce public et des enseignants de la première
année.
Nous réserverons les pages qui restent aux propositions pédagogiques portant sur :
- la méthode d’apprentissage autonome en général, et dans l’élargissement du
vocabulaire en particulier,

- le matériel pour s’orienter vers cette autonomie,
- le rôle de l’enseignant au profit de cette acquisition.







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CHAPITRE 1
FONDEMENT THÉORIQUE

I. QU’EST-CE QUE L’AUTONOMIE ?
La réflexion sur ce concept fécond – celui d’autonomie – n’est pas nouvelle, mais il
reste actuellement encore à éclaircir. Nous allons découvrir cette notion dans une optique
générale afin d’avancer d’un pas par la suite dans notre recherche située dans le contexte de
l’éducation.
Nous commencerons par aborder l’étymologie du mot autonomie. Il est formé de deux
racines grecques auto et nomos qui signifient soi-même et loi. Avant 1815, il est défini en
philosophie comme « droit pour l’individu de déterminer librement les règles auxquelles il se
soumet. » (Le Petit Robert 1997). Le sens le plus ancien du terme apparaît dans l’expression
« l’autonomie du Droit », qui est une conception importante de l’Occident et cette origine
purement occidentale ne fait pas débat. Mais de quel droit s’agit-il? Selon Maurice Tardif
(2005) et douze historiens européens de différentes nationalités
1
, les Grecs en tant que
fondateurs de la civilisation occidentale, ont inventé la démocratie où le pouvoir était
indépendant de la volonté d’un seul homme (le roi) ou d’une élite (les nobles, les aristocrates,

les riches ou ploutocrates). Le pouvoir devenait pour eux, un exercice de négociation ouverte
où la parole, la discussion et le dialogue représentaient les instruments de ce pouvoir (Maurice
Tardif 2005). « Pour la première fois, des hommes peuvent décider ensemble de leur avenir, ils
doivent en discuter entre eux, sans maître, et s’orienter en utilisant un langage cohérent,
argumentatif, compréhensible par les autres et susceptible d’être contesté publiquement. Ainsi
naissent les premières formes de rationalité, d’argumentation, de logique et de raisonnement. »
(Maurice Tardif 2005 : 17). Avec cette démocratie, ce dernier auteur souligne que l’homme
devenait un individu libre et responsable, autonome et capable d’une réflexion personnelle.
Nous en déduisons l’esprit suivant du mot autonomie : liberté, responsabilité, indépendance
et capacité d’un individu de réflexions personnelles.
De nos jours, le terme possède plus d’un sens. Il s’agit, en politique, de
l’indépendance d’un groupe ou d’une communauté se gouvernant par ses propres lois. En

1
Jacques Aldebert, Johan Bender, Jiri Grusa, Scipione Guarraccino, Ignace Masson, Dr Kenneth Milne, Foula
Pispiringou, Dr Juan Antonio Sanchez Y Garcia Sauco, Antonio Simoes Rodrigues, Ben W. M. Smulders, Dieter
Tiemann, Dr Robert Unwin (1992)

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technologie, il désigne la durée de fonctionnement d’une machine sans recours à une source
d’énergie externe. En philosophie, c’est la faculté d’agir par soi-même en se donnant sa
propre loi.
Dès lors, nous pouvons nous demander ce que signifie ce terme, en pédagogie.
Comment l’idée d’« autonomie de l’apprentissage » est-elle née ? Nous supposons que, dans
sa formation, cette idée se rattache beaucoup à l’esprit primitif du mot autonomie cité ci-
dessus. Nous allons approfondir « l’autonomie de l’apprentissage » dans un contexte, que
nous qualifions plus ou moins de culture pédagogique.

1. Contexte occidental

Il est nécessaire avant tout de dire quelques mots sur le contexte occidental. Ce que
nous examinons, c’est la civilisation centrée sur l’Europe de l’Ouest, qui émerge dans la
seconde moitié du premier millénaire de notre ère. D’après Olivier Galland et Yannick Lemel
(2007), elle est issue de la civilisation gréco-romaine et de l’Empire romain qui en est
l’apogée, mais elle en est clairement distincte : temporellement d’abord puisqu’un hiatus de
quelques centaines d’années l’en sépare, géographiquement aussi, puisque l’Empire romain
s’étend des deux côtés de la Méditerranée, occupe tout le Proche-Orient, tandis que la
civilisation occidentale se développe dans les franges nord-ouest de ce qu’était cet empire,
dans une zone qui va de la Loire au bassin de l’Escaut. C’est à partir de ces franges, à la limite
du limes romain, que la civilisation occidentale étendra progressivement son domaine vers le
corridor du Rhin, l’Italie du Nord et l’Angleterre d’abord, plus au nord vers les pays
scandinaves, vers le sud et l’Espagne plus tard. Evidemment, passer de l’Angleterre à la
France ou l’Italie correspond à un changement de culture, mais au-delà de leurs différences
immédiates, ces pays partagent des traits culturels communs, ainsi que l’éducation. Nous
ajoutons, dans le contexte étudié, les Etats-Unis, appartenant à un autre continent mais qui
premièrement ont une histoire étroitement liée à celle de l’Europe et deuxièmement
connaissent un grand progrès indéniable dans le développement de la pédagogie.
Nous nous appuierons sur l’oeuvre La pédagogie : théories et pratiques de l’Antiquité
à nos jours de Clermont Gauthier et Maurice Tardif (2005) pour avoir une vue historique sur
le contexte. Dans une société occidentale traditionnelle, l’éducation avait pour mission de
transmettre aux nouvelles générations les contenus et le respect de la tradition. Les enfants
étaient éduqués dans la famille, en fonction de la vie de tous les jours. Il n’y avait pas

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d’enseignant. Les professeurs étaient le père, la mère, le voisin, les autres enfants Et la
tradition ne se fondait pas sur le savoir du sens commun. Il ne s’agit pas d’un savoir
individuel mais d’un savoir socialement partagé, collectif, culturel en somme (la façon de
marcher des garçons et des filles, l’attitude des gens devant la mort, la manière de manger, le
choix des vêtements ).

Puis, toujours selon cette source, les Grecs anciens ont jeté progressivement les bases
de cette civilisation avec leurs nombreuses créations (la philosophie, la géométrie, la logique,
l’astronomie scientifique ) qui font partie du patrimoine de l’humanité. Ces bases ont en
commun, trois choses : la valorisation de la pensée rationnelle, la valorisation de la parole et
la valorisation de l’être humain. Un modèle de culture est né : le rationalisme et l’humanisme.
Ce modèle est basé sur la conviction que les êtres humains sont capables de se soustraire à la
violence, aux préjugés, aux contraintes et de se déterminer grâce à leur propre force
intérieure, à leur liberté. Kant, vingt-deux siècles après Socrate a affirmé de nouveau : « Osez
penser par vous-mêmes ! ». Tel est le principe de base du rationalisme antique ou actuel.
L’éducation était au centre du rationalisme classique. Les sophistes de l’Antiquité sont les
premiers professeurs. Ils proposaient de nouvelles valeurs formatrices, qui étaient autant de
réponses à la question du pourquoi et du comment éduquer : l’individualisme, le progrès,
l’apprentissage et la maîtrise de la parole en public, l’intellectualisme, la spiritualité
(Maurice Tardif 2005 : 27). Jusqu’à Platon, l’activité éducative a mis l’accent sur la
discussion/le dialogue centré(e) sur la connaissance : on passait de la relation langagière entre
l’éducateur et l’éduqué à la relation de ceux-ci à un savoir objectif, consistant, universel,
indépendant d’eux-mêmes et de leurs opinions variables.
La religion occupe une place essentielle dans la création de la civilisation européenne.
Le christianisme dominait l’Europe au Moyen Age. Cette religion se fonde sur l’exigence
d’une morale individuelle qui doit s’actualiser dans le monde. Or, l’individualisme, étant un
des quatre traits constitutifs de l’Europe occidentale d’après Henri Mendras
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est issu du
Christianisme et du Droit romain (cité par Olivier Galland et Yannick Lemel (2007 : 19).
Sous l’impulsion de l’Eglise, l’école est née au Moyen Age, pour la première fois ; afin
d’enseigner les bases permettant aux chrétiens d’accéder à la connaissance des textes sacrés.
L’école était donc d’abord un milieu moral organisé. Les monastères avaient des
bibliothèques. L’acte essentiel et le régime de la pédagogie médiévale sont centrés sur la

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Les trois traits qui restent sont l’idée de la Nation, le capitalisme et la démocratie.

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lecture. L’apprentissage ne consistait qu’à lire, copier, apprendre par coeur, commenter les
auteurs classiques. (Clermont Gauthier et Maurice Tardif, Clermont Gauthier 2005 : 90)
La Renaissance, avec la Réforme, a fait voir le jour au protestantisme qui se présente
comme des sources de l’individualisme moderne (Olivier Galland et Yannick Lemel 2007 :
31). Ce protestantisme exige l’exploitation systématique de toutes les possibilités d’action
contribuant au progrès, à la prospérité de la communauté chrétienne. Pour lui, le monde est
donné pour la création et doit être l’objet de l’action chrétienne. L’individualisme, mettant en
avant l’autonomie individuelle, se combine toujours à un très fort activisme social. (Olivier
Galland et Yannick Lemel 2007 : 32)
Suivant le livre de Gauthier et Tardif sur lequel nous nous basons, l’individualisme
moderne prend réellement naissance au XVIIIe siècle. Les philosophes des Lumières ont
dépassé les seuls droits de l’individu pour réfléchir systématiquement à la manière de se
gouverner eux-mêmes et de décider de leur destin. L’Europe connaissait les libertés
individuelles de la pensée : la raison est indépendante de la religion et du pouvoir politique.
De l’apparition des maîtres dans l’Antiquité au XVIIIe siècle, en passant par la naissance de
l’école au Moyen Age, les réflexions sur la pédagogie se sont formées. Mais avant la pensée
éducative de Jean-Jacques Rousseau, la conception de l’apprentissage restait centrée sur
l’obéissance et l’imitation des modèles, sur la sophistique et la rhétorique. L’idée de
l’autonomie de l’apprentissage n’est pas encore apparue.
Rousseau a créé un nouvel idéal fondé sur l’observation de l’apprenant et centré sur
les conceptions suivantes :
- La conception de l’enfant ou de l’apprenant : l’enfant/l’apprenant est son propre
modèle, il est naturellement bon et libre. Il est même meilleur que l’adulte, car ce
dernier est corrompu par la civilisation.
- La conception du maître ou de l’enseignant : le maître constitue le pôle secondaire de
la relation pédagogique. Il doit être au service de l’enfant. Le savoir naît de l’enfant.

- La conception de l’apprentissage : l’apprentissage part du principe que l’être humain
possède en lui-même la raison. L’éducation cherche à favoriser le développement de
l’homme complet.
Les idées de Rousseau ont été reprises par le courant de la pédagogie nouvelle à partir
de la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle : concentration de l’attention sur
l’apprenant, sur ses besoins et ses intérêts et définition de l’enseignant comme guide. Elle

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place l’apprenant au centre de ses préoccupations et s’oppose à une pédagogie
traditionnellement centrée sur le maître et sur les contenus à transmettre. L’opposition entre la
pédagogie traditionnelle et la pédagogie nouvelle (d’après les partisans de la pédagogie
nouvelle) a été mise en relief par Clermont Gauthier et Maurice Tardif (2005 : 149 - 150) dans
le tableau suivant :
Caractéristiques Pédagogie traditionnelle Pédagogie nouvelle
Terminologie
- Pédagogie traditionnelle
- Pédagogie fermée et formelle
- Approche mécanique
- Pédagogie encyclopédique
- Enseignement dogmatique
- Pédagogie centrée sur l’école
N.B. : Plusieurs de ces expressions
apparaissent entre 1017 et 1920.
- Pédagogie nouvelle
- Ecole active
- Education fonctionnelle
- Ecole rénovée
- Approche organique
- Pédagogie ouverte et informelle

- Ecole nouvelle (New school)
- Education puérocentrique
(pédagogie centrée sur
l’apprenant)
N.B. : L’expression « Ecole nouvelle »
(New school) apparaît en 1889 en
Angleterre et en 1899 en France.

Finalité de
l’éducation
- Transmettre la culture
« objective » aux générations
montantes
- Former, mouler l’enfant

- Valeurs objectives (le Vrai, le
Beau, le Bien)
- Transmettre la culture à partir
des forces vives de l’enfant

- Permettre le développement des
forces immanentes à l’enfant
- Valeurs subjectives, personnelles
Méthode
- Eduquer du « dehors » vers le
« dedans »
- Point de départ : le système
objectif de la culture que l’on
découpe en parties à être
assimilées

- Pédagogie de l’effort
- Ecole passive (suivre le modèle)
- Encyclopédisme
- Eduquer du « dedans » vers le
« dehors »
- Point de départ : le côté
subjectif, personnel de l’enfant


- Pédagogie de l’intérêt
- Ecole active (learning by doing)
- Education fonctionnelle
Conception de
- L’enfant est comme de la cire - L’enfant a des besoins, des

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l’enfant
molle.
- L’enfance a peu de valeur par
rapport à l’état adulte.
- Il faut agir sur l’enfant.
- L’intelligence est surtout visée.

- L’enfant tourne autour d’un
programme défini en dehors de
lui.
intérêts, une énergie créatrice.
- L’enfance a une valeur en elle-
même.

- L’enfant agit.
- Il y a développement intégral de
l’enfant.
- Le programme gravite autour de
l’enfant.
Conception du
programme
- Le contenu à enseigner aux
enfants ne tient pas compte de
leurs intérêts (culture objective)
- Le programme est idéaliste
(contenu désincarné)
- Les intérêts des enfants
déterminent le programme
(structure et contenu).
- Le programme est réaliste
(contenu lié au milieu dans
lequel vit l’enfant).
Auteurs
représentatifs
Tradition dont les origines se perdent Dewey, Kerschensteiner, Claparède,
Decroly, Cousinet, Freinet, Montessori,
Ferrière
Conception de
l’école
Milieu artificiellement créé


- Retenue des émotions (distance)
- Là-bas, jadis

- Résolution de problèmes
artificiels
- L’école prépare à l’avenir.

Milieu naturel et social dans lequel
s’écoule la vie de l’enfant (l’école comme
milieu de vie)
- Spontanéité enfantine
- Ici et maintenant
- Résolution de problèmes réels
pour l’enfant
- L’école fait vivre à l’enfant ses
propres problèmes.
Rôle du maître
- Le maître dirige


- Le maître est au centre de
l’action : il donne son savoir.
- Le maître est actif : il fait
l’exercice devant l’enfant ; il est
le modèle à imiter.
- Le maître guide, conseille,
éveille l’enfant au savoir. Il est
une personne-ressource.
- L’enfant est au centre de
l’action.

- L’enfant s’exerce.
Discipline

- Discipline autoritaire
(extrinsèque à l’individu :
récompenses/ punitions)
- Discipline personnelle (basée sur
les intérêts intrinsèques)


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- Discipline extérieure qui vise à
contraindre
- Discipline qui vient de
l’intérieur
Type de pédagogie
- Pédagogie de l’objet : la culture
à transmettre
- Pédagogie de l’ordre mécanique
- Pédagogie du sujet : la personne
à développer
- Pédagogie de l’ordre spontané
(naturel)

Pour le XXe siècle, il est important de citer la pédagogie Freinet. Créée en 1933 par
Célestin Freinet, elle base ses principes sur le respect de l’individualité de l’apprenant et le
respect de la communauté (Clermont Gauthier et Maurice Tardif, Marc Audet 2005 :178).
Pour Marc Audet, c’est une pédagogie de l’expression, de la participation et de la
coopération. C’est par l’expression qu’un individu se découvre lui-même, prend conscience
de ce qu’il est et de ce qu’il veut : c’est sa première libération. Cette pédagogie propose des
outils d’expression tels que les arts plastiques, ou les arts dramatiques. Mais on ne s’exprime
pas à vide, pour soi seulement, car on vit en communauté. L’expression et la communication

sont donc liées, jusqu’à être dépendantes l’une de l’autre. De façon logique, la pédagogie
Freinet propose ainsi des outils de communication.
« La coopération, c’est aussi un choix social. En ceci, la pédagogie Freinet est une pédagogie
engagée : elle a choisi de valoriser la coopération au détriment de la compétition. Elle
affirme la nocivité de mettre en opposition les personnes et, ainsi, de limiter leur
développement. La compétition interdit de voir chez les autres des ressources pouvant être
utiles à son propre développement, ressources qui peuvent prendre la forme d’un talent que
l’on ne possède pas, d’une connaissance que l’on n’a pas. Chaque individu est complémentaire
des autres dans un groupe coopératif ; si les autres sont des ressources sur quelques plans,
c’est lui qui l’est pour les autres sur d’autres plans. C’eût pu être une question de « bonté » ;
c’est plutôt une affaire de bon sens. » (Clermont Gauthier et Maurice Tardif, Marc Audet
2005 :183).
Il existe aussi, du point de vue de ces auteurs, une coopération entre les enseignants
qui pratiquent cette pédagogie, parce qu’ils sont, pour la plupart, des pédagogues de terrain,
qui affrontent des problèmes concernant l’organisation et l’efficacité.
Marc Audet observe que la pédagogie Freinet individualise l’apprentissage : chaque
individu a son rythme, ses propres motivations et besoins, et donc chacun devrait bénéficier

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d’une aide particulière. Grâce aux fichiers individualisés de travail, et souvent autocorrectifs,
les apprenants et le maître peuvent aménager le travail selon les besoins réels de chacun.
Comment s’organise la vie dans une classe Freinet ? Le temps et les ressources sont
aménagés en fonction des projets de recherche de connaissances et de développement
d’habiletés que les apprenants apportent. Le matériel de travail se base sur leurs idées et ce
qu’ils en feront.
L’auteur Marc Audet affirme que cette pédagogie s’est répandue dans plusieurs écoles
et cela a formé un mouvement organisé et international, actif dans ses échanges. D’après
nous, c’est la raison pour laquelle Célestin Freinet est devenu une des grandes figures
pédagogiques, qui a contribué à une conception de la formation davantage centrée sur

l’apprenant.
À la fin du XXe siècle, la notion d’autonomie de l’apprentissage est née. B. Schwartz
(L’éducation demain 1973) a défini l’autonomie comme “ la capacité de prendre en charge la
responsabilité de ses propres affaires”. Dans le contexte de l’apprentissage des langues,
l’autonomie selon Henri Holec (1979 : 3) est donc la capacité de prendre en charge son
propre apprentissage.
Prendre en charge son apprentissage, c’est avoir la responsabilité, et l’assumer, de
toutes les décisions concernant tous les aspects de cet apprentissage, c'est-à-dire :
- la détermination des objectifs ;
- la définition des contenus et des progressions ;
- la sélection des méthodes et des techniques à mettre en œuvre ;
- le contrôle du déroulement de l’acquisition proprement dite (rythme, moment, lieu,
etc.)
- l’évaluation de l’acquisition réalisée.
L’apprenant autonome est capable de prendre lui-même toutes les décisions
concernant l’apprentissage dans lequel il désire, ou il se trouve impliqué.

Dans une recherche sur de l’autonomie en apprentissage, nous ne pouvons pas laisser
de côté la lecture de John Dewey, philosophe américain le plus marquant de la première
moitié du XXe siècle. Héritier de C.S. Peirce (le père du pragmatisme), il a développé une
pensée originale en orientant le pragmatisme dans des voies dont on découvre aujourd’hui
l’intérêt, ainsi que dans la pédagogie. Pour lui, les enfants n’arrivent pas à l’école comme

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autant d’ardoises vierges passives sur lesquelles l’enseignant inscrirait les leçons de la
civilisation. Lorsque l’enfant entre à l’école, il est « déjà intensément actif, et il s’agit pour
l’éducation de prendre en main cette activité, de lui donner une direction » (John Dewey
1899 : 25). L’enfant qui commence sa scolarité apporte avec lui quatre « impulsions innées » -
celles « de communiquer, de construire, de chercher à savoir et d’affiner son expression » -

qui sont « les ressources naturelles, le capital non investi, dont la mise en valeur conditionne
la croissance active de l’enfant » (John Dewey 1899 : 30).
Est aussi très importante cette conception de Dewey, qui affirme que l’éducation est
un processus de vie, et non une préparation à la vie. « Apprendre ? Certainement, mais vivre
d’abord, et apprendre par la vie, dans la vie. » L’individu se réalise, selon Dewey, en utilisant
ses talents propres pour contribuer au bien-être de la communauté : en conséquence, la
fonction cruciale de l’éducation dans une société démocratique est d’aider l’apprenant à
acquérir le « caractère » - somme d’habitudes et de vertus – qui lui permettra de se réaliser
pleinement de cette façon (Perspectives : revue trimestrielle d’éducation comparée, UNESCO
2000).
On peut dire que John Dewey a ouvert une nouvelle page sur l’éducation avec trois
grands principes (Sciences humaines, No Août-Septembre 2000) :
- la centration sur l’apprenant ;
- l’éducation morale : autonomie, entraide, coopération ;
- la pratique des méthodes actives.
En bref, l’autonomie en apprentissage en Occident est caractérisée par : la liberté,
l’indépendance, la responsabilité, la capacité de penser et d’agir, avec toute sa force
intérieure et sa coopération avec les autres, de l’apprenant dans son apprentissage. Ces
actions seront menées à son propre profit d’abord, ensuite au profit de la communauté,
comme buts d’apprentissage. Cela sera favorisé par une pédagogie centrée sur l’apprenant,
où l’enseignant aura pour fonction d’être un guide, un conseiller et par le fait que l’école est
liée à la vie réelle.

2. Contexte vietnamien
L’idée d’un apprentissage en autonomie est – elle née dans l’histoire éducative
vietnamienne ? La réponse sera trouvée grâce à un savoir panoramique sur l’histoire de
l’apprentissage au Vietnam.

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Commençons par quelques mots sur le contexte. Géographiquement, le Vietnam est un
pays du Sud-Est de l’Asie, qui connaît un climat principalement tropical où la vie des gens
s’attache à la culture du riz. L’habitat y est stable. On travaille en saison, régulièrement. Une
vie collective, étroitement liée à l’image des villages, faisait partie de la mentalité des
Vietnamiens (Phan Ngoc 2002 : 85), d’année en année, de génération en génération. Cette
mentalité qui surestime la collectivité par rapport à l’individu, selon le linguiste et chercheur
dans le domaine de la culture Phan Ngoc, a été aussi gravée par une conception de l’honneur
centrée sur l’importance de l’ « être » plus que de l’ « avoir », tandis que la conception
occidentale de l’honneur est liée à la possession d’un titre, d’un rang, de richesse (Guichard
1977). Historiquement, le Vietnam a surmonté de nombreuses de vicissitudes, a connu de
longues guerres, et a été en conséquence influencé par d’autres cultures, principalement les
cultures chinoise, indienne, et plus tard occidentale (notamment française) (Phan Ngoc 2002
et Huu Ngoc 2006).
Pendant l’époque de la domination chinoise, d’après Phan Ngoc (2002), c’était
d’abord le bouddhisme qui menait la vie spirituelle du peuple. Peu de gens savaient écrire.
Les intellectuels étaient des bonzes. On apprenait l’écriture chinoise dans les pagodes qui
restaient les centres culturels. Des concours étaient organisés en Chine. Durant la féodalité où
le pays a eu l’indépendance, l’éducation trouvait une place importante.
Le confucianisme a une influence profonde dans la culture vietnamienne (comme en
Chine et en Corées) et qui y perdure ; avec ses avantages et ses inconvénients selon Phan
Ngoc (Ban sac van hoa Viet Nam 2000). Le premier avantage est qu’il affirme la capacité de
trouver le bonheur humain dans la vie réelle, sans recours à l’aide d’un Dieu, mais plutôt
grâce à la coopération des gens. Le deuxième avantage consiste en la formation d’une
tradition de la passion pour l’apprentissage dans le pays depuis plus d’un millier d’années. Le
confucianisme montre que l’apprentissage est une joie de la vie, un besoin vital de l’homme :
il faut apprendre. Confucius considère l’apprentissage non seulement comme un moyen mais
aussi comme l’objectif que l’homme doit viser tout au long de sa vie. Apprendre et s’entraîner
sur ce qu’on a appris est un plaisir. Un troisième point avantageux : un attachement très fort et
solide au pays natal, à la famille, aux proches, aux amis, aux voisins. De plus, cette doctrine
peut former des gens à devenir débrouillards devant les difficultés, à s’adapter aux différents

milieux. Enfin, ces gens s’orientent vers une vie simple, au détriment de la séduction
matérielle, vers une vie en harmonie avec la nature et la communauté.

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Parallèlement, cette doctrine présente des désavantages. C’est l’idée partagée par les
deux auteurs Huu Ngoc et Phan Ngoc. Tout d’abord, c’est l’inégalité entre les hommes, qui
est l’origine de la société hiérarchisée. Il y avait une grande distance entre les êtres supérieurs
et les êtres inférieurs. Ainsi, ce que les parents disaient était toujours indiscutable, ce que les
maîtres disaient aux élèves était des vérités éternelles, incontestables. Ensuite, le
confucianisme prend le passé et non l’avenir, ni le progrès, pour le but vers lequel il s’oriente.
C’est pour cela que, d’une part, sous l’influence du confucianisme, le développement de
l’individu était empêché à cause des contraintes de ses responsabilités pour la famille, la
parenté, le village, la communauté, et des règles rigoureuses de comportements. D’autre part,
cet individu était soumis, dépendant, il n’osait pas avoir d’autres pensées que les idées
existantes, n’osait pas non plus agir différemment de ses ancêtres, ni défendre ses propres
idées contre les règles déjà établies. Nous constatons donc que le monde n’y était pas donné
pour créer ou changer.
Quels ont été les effets de ces circonstances de vie et de ces influences
confucianistes sur l’apprentissage ? D’abord, elles ont formé en réalité des apprenants
passionnés par leur « métier d’apprendre ». L’apprentissage pour un Vietnamien est autrefois
comme maintenant une joie, voire l’honneur de la famille, d’un village, et d’un pays. Pourtant
les deux auteurs cités ont remarqué que le but de l’apprentissage auparavant, était de devenir
fonctionnaire dans la Cour féodale, sinon maître. Les deux métiers donnaient également
l’honneur.
Quelle était la méthode d’apprentissage ? Selon Phan Ngoc, c’était totalement
apprendre par coeur des livres de la doctrine confucéenne, des poèmes qui vantaient la beauté
du pays, de la Cour, même des mots tabous à éviter dans les concours. Nous pouvons trouver
qu’il n’y avait pas d’idée de créativité dans ce modèle d’apprentissage, évidemment, ni d’idée
de la recherche du nouveau savoir ; autrement dit, pas d’intérêts pour les progrès techniques et

scientifiques. Les cours magistraux étaient inévitables. En fait, la relation maître-élève était
celle du respect absolu : l’image du maître était comme celle du père, sacrée. Phan Ngoc a
noté que c’était un modèle qui a restreint avant tout le développement personnel.
Bien qu’il y ait eu beaucoup d’individus, dans l’histoire, qui ont appris en solitaire,
sans maître, pour devenir de grands hommes, nous constatons que ce qui compte, pour l’esprit
de l’autonomie en apprentissage, ce n’est pas simplement la capacité d’apprendre seul, mais

15

c’est la liberté et l’indépendance dans la pensée, dans les actions de l’apprenant, en faveur
d’un changement ou d’une progression.
À la fin du XIXe siècle et au XXe siècle, le pays a connu une nouvelle civilisation
venant de l’Ouest. C’est ainsi que le français est arrivé. Pierre-Richard Feray (1984) a appelé
l’enseignement au Vietnam sous la colonisation française comme « l’apprentissage d’une
liberté » par l’étude incontournable d’un savoir scientifique et technique. Le « quoc ngu »,
l’écriture vietnamienne à base de l’alphabet, est né grâce à un prêtre qui s’appelle Alexandre
De Rhodes. Cette civilisation occidentale, avec ses idées de base sur le rationalisme,
l’humanisme, l’individualisme, la démocratie et puis le progrès de la science et la modernité,
s’est répandue sans aucun doute et changeait plus ou moins la génération intellectuelle du
pays. Le président Ho Chi Minh est un des plus brillants modèles de l’apprentissage en
autonomie. Il a appris plusieurs langues étrangères, en travaillant, en voyageant, a appris
différents métiers, avec toutes ses forces intérieures, en dépit de conditions défavorables pour
la plus grande cause de la vie : l’indépendance et le bonheur de sa patrie.
Au début de ce XXIe siècle, l’éducation vietnamienne ayant peur d’une arriération,
qui connaît encore une situation majoritaire du modèle « transmission à sens unique du savoir
de l’enseignant et réception passive du savoir de l’apprenant » (Nguyen Canh Toan 2002), se
trouve devant des défis. Nous notons qu’elle s’inspire progressivement des progrès de
l’éducation des pays développés, telles seront les idées incontournables de l’autonomie en
apprentissage, et de la pédagogie centrée sur l’apprenant, tout en maintenant des traits positifs
constants de la tradition, comme la passion pour l’apprentissage tout au long de la vie et le

grand respect pour les enseignants.

3. Vers une autonomie en apprentissage

3.1. Pourquoi l’autonomie en apprentissage ?
3

Cette grande question, qui s’est posée dès le début de notre étude, est certes bien liée à
la nécessité de l’apprentissage autonome. De nombreuses études ont été menées sur ce sujet -
l’autonomie en apprentissage, mais il s’agit pour la plupart d’études consacrées au fait de
construire cette capacité chez l’apprenant tout en soulignant son exigence comme bien

3
Cette section reprend une partie de la Communication que nous avons présentée au Séminaire – Formation
régional des Jeunes chercheurs francophones à Phnom Penh (Cambodge) en 2008.

16

évidente, sans discussion. Il est important d’expliquer cette évidence. Le résultat de cet
éclaircissement sera le fil directeur de notre recherche.
Pour commencer, il faut souligner avant tout que le point sur lequel nous devons
centrer notre intérêt, c’est « l’apprentissage ». Une seule découverte sur la notion d’autonomie
ne suffit pas à donner la réponse. On apprend tous les jours, mais qu’est-ce qu’apprendre ? Et
qu’est-ce qu’on apprend ? Même en français, le mot apprendre signifie à la fois « s’instruire »
(learning) et « instruire » (teaching) (Olivier Reboul 1980 : 9). Sans vouloir entrer dans la
complexité de la notion, nous nous contenterons de comprendre ce qu’est « l’apprentissage »
envisagé du point de vue de son « but ». Dans le rapport à l’UNESCO de la Commission
internationale sur l’éducation pour le XXIe siècle de Jacques Delors, l’éducation tout au long
de la vie est considérée comme fondée sur quatre piliers : apprendre à connaître, apprendre à
faire, apprendre à vivre et apprendre à être.

- apprendre à connaître considère que les apprenants construisent leur propre savoir
chaque jour, combinant éléments endogènes et éléments « externes » ;
- apprendre à faire est centré sur l’application pratique de ce qui est appris ;
- apprendre à vivre ensemble concerne les compétences indispensables pour une vie
exempte de discrimination, dans laquelle tous ont des chances égales de développer leur
propre individualité, leur famille et leur communauté ;
- apprendre à être met l’accent sur les compétences nécessaires pour que les individus
mettent à profit tout leur potentiel.
Nous croyons que tout apprentissage a trois buts en général : conquérir le savoir, saisir
la façon d’acquérir des connaissances et les appliquer. Parmi ces buts, le deuxième est bien
important. Certes, « tout homme reçoit deux sortes d’éducation : l’une qui lui est donnée par
les autres, et l’autre, beaucoup plus importante, qu’il se donne à lui-même » (Edward
Gibbon). C’est pourquoi « apprendre à apprendre » devient déjà un slogan, enseigner, c’est
aider à apprendre. Et « aider à apprendre » signifie d’abord « aider à apprendre à apprendre »,
aider à être autonome dans l’apprentissage, surtout quand il s’agit d’apprendre une langue -
une activité à vie. Et s’il va de soi que personne n’apprend à la place de personne, tout
apprentissage est alors principalement auto-apprentissage.
C’est dans l’idée de la capacité d’auto-apprentissage qu’on trouve le rôle actif de
l’apprenant, son aptitude à résoudre lui-même des problèmes, sa créativité, sa prise en charge
de la responsabilité de son apprentissage, qu’on trouve « le trésor caché dedans». Enseigner,

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c’est découvrir ce trésor et aider l’apprenant à le découvrir lui-même. L’apprentissage est,
depuis toujours, une nécessité de la vie humaine et la raison de l’existence du métier
d’enseignant sans qu’on en ait conscience. De cette constatation, nous pouvons affirmer que
« la pédagogie qui se centre sur l’apprenant » est une conséquence incontournable de cette
évidence de l’autonomie en apprentissage. Poser des questions sur la qualité de
l’enseignement, c’est examiner la qualité de l’apprentissage. L’enseignement ne doit pas être
séparé de l’apprentissage. Pour bien enseigner, il faut partir du travail d’apprendre, de la

compréhension sur l’apprentissage.

3.2. Synthèse
Pour conclure, l’autonomie en apprentissage est déjà une partie de l’apprentissage.
Elle représente aussi une capacité incontournable pour l’apprentissage tout au long de la vie.
Elle est liée à la liberté, à l’indépendance, à la responsabilité et à la capacité de penser et
d’agir de l’apprenant pour atteindre ses buts d’apprentissage. Elle ne signifie pas une liberté
sans limites, mais elle est plutôt considérée comme le fondement d’une responsabilité de
l’apprentissage. L’autonomie est liée à la force intérieure de l’apprenant. De plus, elle ne reste
pas synonyme d’apprentissage en solitaire, mais elle se fait à la fois avec ou sans présence de
l’enseignant. L’apprentissage autonome peut se réaliser en trois étapes pour un apprenant :
travail personnel, coopération avec d’autres apprenants, discussion avec l’enseignant qui a
une fonction d’aide et de conseil. Enfin, l’apprentissage en autonomie est favorisé par une
pédagogie centrée sur l’apprenant et par le milieu de formation lié à la vie réelle.

II. L’AUTO-APPRENTISSAGE DU VOCABULAIRE

1. L’importance de l’auto-apprentissage du vocabulaire
De nombreux auteurs soulignent l’importance du vocabulaire dans l’apprentissage et
l’emploi des langues étrangères. Par exemple, F J. Hausmann (1984) a affirmé que
“L’apprentissage des L2 consiste en trois grands M: des Mots, des Mots et des Mots”. M C.
Tréville et L. Duquette (1996) partagent aussi cet avis : “Apprendre une langue, c’est
essentiellement apprendre le vocabulaire de cette langue.” Du côté des apprenants, beaucoup
trouvent que l’enrichissement du vocabulaire – la chair de la langue – est plus d’une
nécessité.

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En fait, c’est une découverte passionnante, “car le mot, qu’on le sache, est un être
vivant” (Victor Hugo) et “quand une fois on a goûté du suc des mots, l’esprit ne peut plus s’en

passer. On y boit la pensée” (Joseph Joubert).
De plus, le vocabulaire évolue toujours et on doit connaître les mots nouvellement
créés. Selon Krashen (1979 :163), après tout, les adultes emportent des dictionnaires et pas
des livres de grammaire. L’apprentissage du vocabulaire est donc un travail qui se fait tous les
jours et qui exige beaucoup d’efforts de la part de l’apprenant.
Tout ce qui précède montre que le vocabulaire doit s’apprendre principalement en
auto-apprentissage. Cette acquisition lexicale reste un défi dans l’apprentissage d’une langue.

2. Apprentissage / auto-apprentissage du vocabulaire à travers les approches

Il semble indispensable de retracer un bref historique des méthodes d’enseignement du
français langue étrangère afin de situer notre recherche.

2.1. Méthode traditionnelle
La méthode traditionnelle s’appelle également méthode classique ou méthode
grammaire-traduction. Le but essentiel de cette méthode est la lecture et la traduction de
textes littéraires en langue étrangère, ce qui place donc l’oral au second plan. La langue est
conçue comme un ensemble de règles et d’exceptions qu’on retrouve dans des textes, et qui
peuvent être rapprochées de la langue maternelle. Le vocabulaire est appris sous forme de
listes de mots présentés hors contexte, que l’apprenant doit apprendre par cœur. Le sens des
mots est saisi à travers leur traduction en langue maternelle. Le dictionnaire bilingue est
recommandé. La culture est perçue comme l’ensemble des œuvres littéraires et artistiques
réalisées dans le pays où on parle la langue étrangère.
L’enseignant dirige l’apprentissage : il domine entièrement la classe, détient le savoir
et l’autorité. Il choisit les textes et prépare les exercices, pose les questions et corrige les
réponses. On utilise en classe la langue maternelle et l’interaction se fait toujours en sens
unique du professeur vers les élèves. On peut dire enfin qu’il s’agit d’une méthode qui a
perduré pendant plusieurs siècles et qui a contribué au développement de la pensée
méthodologique, à l’apparition d’autres théories plus attrayantes pour les élèves.



19

2.2. Méthode audio-orale et méthode SGAV
Durant des années cinquante, la méthode audio-orale apparaît, qui privilégie la
compétence dans la langue parlée. L’enseignant dirige toujours l’apprentissage. Au lieu de
véritables communications, il s’agit plutôt de répétitions de structures. Puis, la méthode
SGAV (structuro-globale audio-visuelle) se développe sous l’influence du béhaviorisme, du
structuralisme et des technologies nouvelles. L’apprentissage d’une langue, d’après le
béhaviorisme, est un processus mécanique de formation des réflexes. Cette méthode se base
sur le français fondamental, un recueil des formes lexicales les plus courantes du français,
selon deux critères : la fréquence d’apparition et la disponibilité. On apprend le vocabulaire à
travers des documents de base dialogués et des structures (le vocabulaire est choisi et présenté
à partir de centres d’intérêt inspirés du français fondamental). La mémorisation lexicale chez
les élèves s’effectue à l’aide des exercices structuraux. Pour R. Galisson, tout le travail
effectué pour l’élaboration du français fondamental a surtout servi… à desservir le
vocabulaire et abouti à sa paupérisation. Les méthodes audiovisuelles bannissent de plus en
plus de leurs leçons toute possibilité d’enrichissement lexical (P. Bogaard 1994 : 6). Ces
méthodes ont cédé la place à l’approche communicative basée sur d’autres théories
linguistiques (le fonctionnalisme) et psychologiques (le cognitivisme).

2.3. Approche communicative
L’approche communicative refuse la linguistique structurale et la psychologie
béhavioriste. Elle modifie les conceptions de l’apprentissage. Il ne s’agit pas seulement de
susciter un ensemble d’habitudes. Les psychologues cognitivistes conçoivent l’apprentissage
comme un processus de créateur, qui est soumis à des mécanismes internes plutôt qu’à des
influences externes. L’approche communicative se centre sur l’apprenant. Sa préoccupation
est de s’adapter aux besoins langagiers de chaque public. L’apprentissage évolue donc vers
une forme plus individualisée. Avec la psychologie cognitive, la participation de l’individu à
son propre apprentissage est prise en compte. L’apprenant n’est plus considéré comme un être

passif. L’autonomie réelle de l’apprenant est une pierre de touche de la méthodologie (Pierre
Martinez 1996: 84). Apprendre une langue, c’est apprendre à se comporter de manière
adéquate dans des situations de communication où l’apprenant aura quelque chance de se
trouver en utilisant les codes de la langue cible.

20

L’enseignant devient ainsi un guide, un conseiller, à l’écoute des apprenants. Il doit
recourir à des documents appelés “authentiques”, c’est-à-dire non conçus exclusivement pour
une classe de langue étrangère. Les élèves sont partenaires de communication.
Les tenants de l’approche communicative considèrent qu’une communication efficace
implique une adaptation des formes linguistiques à la situation de communication (statut de
l’interlocuteur, âge, rang social, lieu physique, etc.) et à l’intention de communication (ou
fonction langagière: demander d’identifier un objet, demander une permission, donner des
ordres, etc.).
L’apprentissage du vocabulaire devient plus raisonnable, plus efficace; les mots appris
appartiennent à la langue courante. On apprend le vocabulaire dans les actes de parole, tirés
d’un Niveau Seuil. La culture doit être quotidienne et concerne aussi bien le verbal que le
non- verbal. C’est la culture non stéréotypée.
L’approche communicative présente diverses formes linguistiques destinées à
transmettre un même message. On utilise en classe de préférence la langue étrangère, mais il
est possible d’utiliser la langue maternelle et la traduction.
L’approche communicative a donc beaucoup de grands progrès. Elle cherche à
combler toutes les lacunes des approches précédentes.

3. Acquisition du vocabulaire

3.1. Acquisition
L’utilisation du terme acquisition ne désigne aucune opposition avec celle du terme
apprentissage. Ce choix prépondérant n’a pour but que de s’orienter le mieux possible vers le

sujet de recherche. Michèle Pendanx (1998) considère l’apprentissage comme le traitement du
matériau langagier (qu’il soit imposé de l’extérieur – dans la situation d’enseignement – ou
qu’il s’exerce dans le cadre d’un auto-apprentissage plus ou moins guidé). L’acquisition est
considérée, selon cet auteur, comme ce qui est automatisé et intériorisé, et qui résulte
d’opérations conscientes et non conscientes de traitement langagier. Ainsi, nous proposons
que l’acquisition soit comprise comme une notion qui recouvre l’apprentissage et qu’elle
consiste en un processus : il y a des degrés d’acquisition ; elle est également conçue comme le
résultat de ce processus.


21

3.2. Processus d’acquisition
Pour parvenir à expliquer des mécanismes d’apprentissage, notamment ceux du
lexique, Paul Bogaards (1994), en se basant sur les apports psycholinguistiques, a donné
d’abord une description succincte du mécanisme cognitif. Il se compose de trois éléments : les
dispositifs d’entrée, le processeur et la mémoire à long terme.
« Les dispositifs d’entrée, appelés habituellement registres sensoriels sont rien d’autre que
les cinq sens dont nous disposons : l’ouïe, la vue, le toucher, l’odorat et le goût. C’est à travers
ces canaux que l’homme entre en contact avec le monde qui l’entoure et c’est par ce biais que
des informations peuvent entrer. Il va sans dire que, dans le contexte de l’apprentissage des
langues, ce sont les yeux et les oreilles qui occupent une place de choix.
Le processeur ou dispositif de traitement est l’instance active qui prend en charge le
traitement des informations captées par les registres sensoriels. Cette instance porte des noms
différents (mémoire à court terme, mémoire de travail,…), selon les théories assez diverses et
très nombreuses qui essaient de tirer au clair le fonctionnement exact de cette partie centrale
du mécanisme cognitif.
La mémoire à long terme, qu’on appelle aussi mémoire sémantique pour des raisons qui
deviendront bien claires, contient tout ce que nous savons. Elle contient les traces de toutes
nos expériences, de tout notre lexique, de tout ce dont nous nous souvenons et même de tout

ce que nous croyons avoir oublié. C’est le dépôt où sont emmagasinées, de manières bien
diverses et très complexes, comme nous le verrons plus loin, toutes nos connaissances, toutes
les informations dont nous disposons, qu’elles soient auditives, visuelles, tactiles, olfactives
ou motrices, qu’elles soient conscientes ou non et qu’elles soient exprimables en langue ou
non. Ces connaissances sont stockées sous forme de ce qu’on appelle des concepts, des unités
de sens qui entretiennent des relations de types divers avec les autres concepts. » Paul
Bogaards (1994 : 69 – 70).
Afin de tirer au clair les mécanismes fondamentaux de l’apprentissage lexical, Paul
Bogaards a aussi repris la théorie « des niveaux de traitement ». L’idée de base de cette
théorie est que le traitement des informations va laisser des traces dans la mémoire
sémantique. Plus ce traitement a eu lieu à un niveau profond, plus les traces sont durables et
facilement retrouvables. Cet auteur souligne qu’un traitement qui n’implique la forme des
éléments traités est considéré comme superficiel, tandis qu’un traitement qui fait intervenir le
sens s’opère à un niveau plus profond. De cette constatation, il déduit que la simple répétition
d’un élément n’implique que des niveaux superficiels, tandis que des tâches difficiles comme

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celles qui font appel à des facultés de raisonnement ou à la comparaison détaillée, et qui font
donc intervenir le sens du matériel utilisé, ont lieu à un niveau profond. Paul Bogaards (1994 :
92). L’apprentissage consiste donc, selon cet auteur, en la mise en place de traces
mémorielles et au renforcement des liens qui les unissent. Il affirme également que le sens
occupe une place centrale dans l’apprentissage et que ce n’est pas la répétition intentionnelle
qui est requise pour obtenir des résultats en termes d’apprentissage.
À partir des connaissances sur le modèle de la mémoire sémantique, Bogaards a donné
des conclusions très importantes. C’est qu’apprentissage ou acquisition peut être défini
comme une extension quantitative et qualitative des réseaux de traces mémorielles. La mise
en place d’un réseau de façon bien établie et bien structurée exige le temps. Ainsi,
l’apprentissage est forcément graduel. Dans les processus d’apprentissage, ce sont les tâches
(les traitements) faisant appels aux contenus sémantiques (le sens) et impliquant la

personnalité de l’apprenant qui mènent aux meilleurs résultats. C’est pourquoi l’acquisition
est une entreprise très individuelle. Cette conclusion renforce l’idée de l’autonomie dans
l’enrichissement lexical.

3.3. Acquisition/apprentissage du vocabulaire
Meara (1986 : 36) retrouve les deux aspects de l’apprentissage verbal en langue
maternelle : l’individualisation et le caractère graduel. Cela est cité par Paul Boggards (1994),
pour arriver à sa constatation que non seulement ces principes généraux de l’apprentissage
s’appliquent à l’acquisition du vocabulaire étranger, mais l’acquisition lexicale de la langue
maternelle joue aussi un certain rôle dans le développement des réseaux lexicaux de la langue
étrangère chez les apprenants. Ainsi, cet auteur affirme que les trois objectifs de
l’élargissement des connaissances lexicales en langue maternelle de M F. Graves (1987)
peuvent être transposés dans l’apprentissage des langues étrangères. Ce sont les trois
objectifs suivants :
Apprendre les mots ;
Apprendre à apprendre les mots ;
Apprendre des faits sur les mots.
Parmi les tâches du premier objectif de Graves apprendre les mots, Paul Bogaards
compte :
- l’apprentissage de nouvelles significations de mots déjà connus ;

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- l’apprentissage de nouveaux mots pour des concepts déjà connus ;
- l’apprentissage de nouveaux mots pour des concepts nouveaux (la tâche la plus difficile) ;
- le transfert des mots de l’usage réceptif à l’emploi productif.
Les tâches de l’objectif apprendre à apprendre les mots incluent :
- l’utilisation de diverses sources d’informations : contexte, parties analysables de mots,
ouvrages de référence ;
- la mise au point des techniques pour traiter les mots inconnus.

Concernant le dernier objectif apprendre des faits sur les mots, l’apprenant doit se
rendre compte :
- de ce que connaître un mot veut dire ;
- du fait que les sens varient et comment ils varient ;
- des mécanismes qui permettent de reconnaître et de manipuler les relations sémantiques
entre les mots ;
- des mécanismes qui président à l’emploi figuratif des mots.

Il semble clair jusqu’à présent, ce qui concerne les mécanismes du processus de
l’acquisition du vocabulaire, mais ce travail d’acquisition n’est pas toujours facile, vu
beaucoup de facettes des connaissances du vocabulaire. Nous allons étudier, dans la partie
suivante, les questions théoriques lexicales du point de vue de l’apprentissage de la langue
étrangère.

III. VOCABULAIRE

1. Définition
Le vocabulaire, selon Christine Sautermeister (1992) est “l’ensemble des mots
effectivement employés par le locuteur dans un acte de parole précis, réalisé sous forme de
discours oral ou écrit”. Pour Lise Duquette (1996), c’est un sous-ensemble du lexique de la
langue. Il est composé de toutes les unités sémantiques, graphiquement simples et composées
et locutions indécomposables qui s’actualisent dans le discours. Il est à noter que le lexique se
différencie du vocabulaire. Ils sont en rapport d’inclusion : le vocabulaire est toujours une
partie, de dimensions variables selon le moment et les milieux socioculturels du lexique
individuel, lui-même, partie du lexique global. Le lexique est l’ensemble des mots qui, à un

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moment donné, sont à la disposition du locuteur. Le vocabulaire d’une langue est l’ensemble
des mots utilisés par un locuteur donné dans ces circonstances données.


2. L’unité lexicale
Depuis longtemps, apprendre le vocabulaire est conçu en général comme apprendre
des mots. Mais il est clair que la plupart des mots sont polysémiques, les connaissances
lexicales ne se limitent pas en nombres de mots. Ainsi, la maîtrise du vocabulaire semble
dépasser la mise de l’accent sur la quantité et signifier plutôt le fait de conquérir différentes
facettes lexicales. C’est pour ces raisons que P. Bogaards (1994 : 19), en partageant l’idée de
D A. Cruse (1986 : 77), propose une notion autre que le mot, appelée unité lexicale, pour
désigner un élément ou entité lexicale qui peut assumer la fonction d’unité de base dans
l’apprentissage du vocabulaire. Cruse décrit unité lexicale (désormais UL) comme « l’union
d’une forme lexicale et d’un sens unique » et il définit les unités lexicales comme
« les plus petites parties qui répondent aux deux critères suivants :
(i) une unité lexicale doit être au moins un constituant sémantique
(ii) une unité lexicale doit être au moins un mot ».
Par constituant sémantique, Cruse entend une forme lexicale ayant une valeur
sémantique identifiable. Ainsi, mé- est un constituant sémantique avec une valeur négative
dans des mots comme mécontent, méfiance ou mévente. Mais il ne s’agit pas d’une UL parce
que mé- n’est pas un mot. D’autre part, tout en étant un mot, lune n’est pas une UL dans lune
de miel parce que lune n’est pas un constituant sémantique dans cette combinaison. Une UL
doit donc satisfaire aux deux conditions réunies : mécontent et lune de miel sont des UL et se
trouvent ainsi à un même niveau, même s’ils sont dans une certaine mesure encore
analysables.
En s’appuyant sur la définition de Cruse, Bogaards (1994 : 19) constate que l’UL se
distingue nettement des deux entités ayant souvent la place centrale sur le plan du lexique : le
morphème et le mot. Si le morphème se définit comme la plus petite unité de sens ayant une
forme spécifique qui peut être dépendante (comme mé-) ou indépendante (un mot), l’UL est
toujours au moins un mot. Traditionnellement, le mot est avant tout une forme, simple ou
complexe mais ne dépassant pas les limites d’une seule série de lettres (un seul mot
graphique) et ayant une ou plusieurs sens « profonds » ; l’UL par contre, comprend un ou


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plusieurs mots mais n’a qu’un seul sens qui reste essentiellement le même d’un contexte à
l’autre.
Il va de soi, selon Bogaards, qu’avec la notion d’UL, nous ne pouvons pas résoudre
tous les problèmes lexico-sémantiques au niveau de l’apprentissage des langues, mais
l’adoption de ce concept a l’avantage de servir d’une unité centrale dans une théorie de
l’apprentissage du vocabulaire. On peut supposer que chaque UL constitue, en principe, une
difficulté que doit surmonter l’apprenant.

3. Le sens lexical
Premièrement, en adoptant la notion d’unité lexicale, l’auteur mentionné ci-dessus
(1994 : 27) prend l’exemple d’un dialogue imaginaire :
- « Qu’est-ce qu’un nid ?
- C’est une sorte d’abri que se font les oiseaux dans les arbres et où ils pondent leurs
œufs » ;
afin de rappeler qu’il est possible de décrire le sens d’une UL au moyen d’autres UL.
Ensuite, il précise que c’est notre compréhension du contexte qui décide du choix des
UL appropriées ainsi que leur sens précis, qu’en général c’est le contexte qui nous oriente
vers une interprétation unique. Il l’illustre par montrer le changement du sens du verbe sortir
sous l’influence du contexte dans les phrases suivantes :
- Ce livre vient de sortir.
- Elle sort d’une bonne famille.
- Il sort tous les soirs.
La troisième remarque est qu’une UL peut avoir un sens dénotatif ou un sens
connotatif. La dénotation est l’élément stable de la signification d’une UL et la connotation,
les éléments subjectifs et variables selon les contextes de cette même signification. Nous
reprenons l’exemple de l’auteur Bogaards, l’UL vent dont le sens dénotatif « phénomène
atmosphérique » évoque en français un certain nombre d’idées (sens connotatifs) : vitesse
(filer comme le vent), versatilité (sentir le vent tourner), force (contre vents et marées) … Les

sens dénotatif et connotatif forment deux facettes d’une même réalité langagière. Selon le
contexte, c’est tel aspect de l’un ou de l’autre qui est actualisé. Une véritable maîtrise du
vocabulaire prendra en compte de cette dualité.

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