HISTOIRE NATURELLE
DES
FOURMIS,
Et
recueil de
Mémoires
et
d'Observations sur
les
ABEILLES, les ARAIGNÉES, les FAUCHEURS,
et autres insectes.
PAR
p.
a?:latreille,
Associé de l'Institut national de France
,
et des Sociétés
philomatique , histoire naturelle de Paris, sciences et
belles-lettres de Bordeaux , et linnéenne de Londres.
AVEC FIGURES.
Et
iis
Reipublicae ratio
,
memoria ,
Flin. Hist. nat. lib.
xi ,
cura.
cap. 3o,
DE L'IMPRIMERIE DE CRAPELET.
A PARIS,
Chez Théophile Barrois père, Libraire, rue Haute*
feuille, n° 22.
AN X
—
Y
1802..
:
'
PREFACE.
Vuoique
fourmi ne
dans l'immense série des êtres, la
soit
qu'un point qui sans sa mobilité
échapperait presque à nos regards,
il
n'en est
pas moins vrai que cet atome animé est digne
nos méditations. C'est ici qu'il
convient de dire que l'Auteur de la nature n'est
jamais plus lui-même que dans ce qu'il y a de
d'être l'objet de
plus
petit.
On admire, depuis une infinité de siècles, l'activité, l'ardeur
pour
le travail, le
génie indus-
trieux, la prévoyance de la Fourmi. On n'a cessé,
on ne cesse encore de se plaindre de ses rapines du dégât qu'elle nous fait; et cependant
l'homme s'est borné pour ainsi dire jusqu'à nos
jours à lui déclarer la guerre ; il n'a pas voulu
et
,
,
,
prendre
peine de rechercher la cause de cette
la
funeste industrie. Rougissant néanmoins de son
ignorance
,
il
a
voulu
la pallier
en chargeant sa
seule imagination de faire l'histoire
roman de
cet insecte.
voir aveuglément
ou plutôt
le
Peu^ accoutumés à rece-
les fables et les
opinions po-
pulaires, des savans ont entrepris d'étudier les
Fourmis n'ayant d'autres guides que leurs yeux
et une raison profonde, exempte de préjugés.
,
Ils
si
ont pénétré dans les habitations de ce peuple
mal connu
j
ils
l'ont suivi
dans son origine %
a 5
PREFACE
Tj
dans
ses progrès, ils
sociales
,
ont dévoilé ses institutions
leurs fondemens ; et ces véritables his-
Fourmis sont Leeuwenhœk, S wammerdam, Linnée,De Géer. La route étoit ainsi
toriens des
tracée.
Conduit par de
tels
hasardé d'aller en avant.
maîtres ,
*Fai
plus habiles que moi dans
je
me
suis
glané où d'autres
l'art
d'observer au-
une abondante récolte. Une
monographie très-abrégée des Fourmis de la
France? un prodrome des insectes indigènes de
ce genre tel a été le premier résultat de mes
roient encore
fait
,
travaux. Les circonstances m'avoient favorise,
d'habitois un département méridional, Placé bien
plus avantageusement que les Naturalistes fixés
à Paris
,
qu'un pas à
je n'avois
voyois tout-d'un-coup au
fuire, et je
me
milieu de la nature,
environné de ces sociétés nombreuses dont
je
mœurs,
et
cher chois à connaître
les loix et lés
dana un pays vierge pour l'Entomologiste. Aussi
un grand nombre d'espèces inédites vinrent s'of-
ma
La
remarque
presque toujours entre les individus des deux
«exes arrête perpétuellement la marche du bon
frir à
vue.
différence qui se
,
Naturaliste je devois donc m'efforcer de suivre
:
mes Fourmis, non-seulement dans leur enfance ?
niais encore à cet instant de leur vie
donnent l'existence
visites assidues
à d'autres.
où
elles
Mes courses , mes
auprès de ces insectes f n'ont pas
été infructueuses
,
et
j'ai
souvent trouvé les
,
PREFACE.
vij
individus des trois castes qui composent les sociétés de
nos fourmis.
Ramené
par l'amour de l'étude dans cette fa-
meuse cité, qui est pour nous, et je peux dire
pour l'Europe, le centre des Lettres et du bon
goût, j'ai résolu de donner plus d'étendue à mes
observations ; car tout s'agrandit ici. Ma bonne
fortune ne m'a pas abandonné
:
il
semble, au con-
me
combler de
faveurs nouvelles. Le célèbre professeur Lamarck, plein d'amitié pour moi, s'est empressé
traire, qu'elle a pris plaisir à
de m'associer à une partie de ses travaux zoolo-
recommandation auprès de ses collègues m'a introduit d'une manière spéciale dans
Je beau temple que ces dignes héritiers de la
giques. Sa
gloire de Buffon continuent d'élever à la Nature.
J'ai quitté
son parvis, et me suis rapproché de sou
sanctuaire.
tres
D'un autre
côté, Beauvois
,
Sa vans que je considérerai toujours
mes anciens maîtres Olivier
,
vert tous
les trésors
et
et d'au-
comme
Bosc, m'ont ou-
de la science qu'ils pos-
Un
ami précieux, Sonnini, éditeur de
Buffon, avoit recueilli, comme pour moi, et dans
ses courses lointaines entreprises dans les vues
sèdent.
d'accélérer les progrès de l'Histoire naturelle,
et
dans une lecture très-étendue des voyages
plusieurs notes intéressantes sur les fourmis,
qu'il
m'a communiquées.
tous ces
moyens,
il
On
conçoit qu'avec
m'étoit permis de prendre
a 4
PRÉFACE.
fej
un vol plus
élevé, et que, d'une simple no-
menclature des fourmis delà France
,
je
pouvois
arriver au point de devenir l'historiographe de
rempli la
îa nation entière. J'ignore si j'en ai
moi à prononcer. Quoi qu'il
en soit, je présente une histoire qui pique la curiosité du savant comme celle de l'homme du
monde une histoire consacrée à la peinture des;
tâche ; ce n'est pas à
,
mœurs
singulières d'un petit peuple
,
qui
s'est
déclaré notre ennemi, dont tous les agriculteurs
ont à se plaindre, des Fourmis, en
i°.
un même
Je rassemble dans
faits recueillis
un mot.
tableau les
jusqu'à ce jour sur ces insectes
;
mes idées relatives à leur organisation générale,
et les particularités historiques que je dois à mes
propres observations. J'indique ensuite différent
moyens pour
détruire ces fourmis; les recher-
ches des Chimistes sur l'acide qu'elles produisent
terminent ce coup-d'oeil général»
2°.
Je donne en français et en latin
,
un tableau
analytique et comparé des coupes que
dans
le
genre de Fourmi.
On
sait
j'ai faites
combien
il
est
important de subdiviser les groupes nombreux
si l'on veut s'y reconnoître. On a décrit près de
,
cent fourmis, sans
y
faire la
moindre
scission.
Je partage ce genre en neuf familles, qui ont
elles-mêmes plusieurs coupures»
Succède
nomenclature des espèces, J'indique toujours en tête à quelle sorte d'individus
3°.
la
PREFACE.
ix
convient la phrase qui signale cette espèce; je
donne sa synonymie revue avec le plus grand
moderne
soin, la grandeur de l'insecte, mesures
et
ancienne, et sa description, de même que celle
desdifférens sexes, lorsqu'ils
ne
me
crois pas qu'on puisse citer
d'Entomologie aussi étendu
sont connus. Je
aucun ouvrage
et aussi
complet
sous ce rapport.
Oudinot, peintre, des taîens duquel on fait
déjà l'éloge en disant qu'il est attaché au Muséum
d'Histoire naturelle, a dessiné dans le plus grand
espèces que
détail la meilleure partie des
j'ai
vues.
4°.
Je joins à cette histoire plusieurs
Mémoires
lus à la classe des sciences physiques de
que j'ai
l'Institut,
ou dans
de France,
et
d'autres Sociétés littéraires
qui ont pour objet la connoissance
de différens insectes inédits ou des observations
,
nouvelles et curieuses sur
les
moeurs
,
l'organi-
sation de quelques autres insectes décrits pré-
cédemment, ou des points importans relatifs à la
citer parmi ces Mé-
méthode. Je crois pouvoir
moires
,
celui qui concerne ¥ abeille tapissière 9
X insecte qui nourrit ses
mes observations sur
-petits
les
de mouche à miel 9
faucheurs , sur leur
génération 9 sur celle du iule applati,
et
mes
di-
visions des arachnides et des abeilles.
Cette histoire y telle que je la publie, est sans-
doute encore bien imparfaite
?
et c'est
un aveu
PREFACE.
x
qui ne coûte pas beaucoup à Pamour-propre.
Mais j'ai essayé de remplir quelques lacunes;
montré les autres en invitant les amis de
la Nature à suppléer à mon silence. N'ai-je pas
payé à la science et en proportion de mes forces 5
le tribut que je lui de vois?
J
j
ai
,
,
—
TABLE ANALYTIQUE
DES MATIÈRES.
1
réface
page V
HISTOIRE NATURELLE DES FOURMIS.
Intérêt de cette histoire
—
ces insectes, 3.-
page
,
1.
— Idées
des anciens sur
Observations de Leeuwenhoek, 6
de Sw'ammerdam:, 8
;
— deLinnée.o,; —
deGeoffroi,
,—
u;
— de De Géer ,12. — Vices de
mis, i5. — Plan de cette Histoire, 17.— Caractères du
genre, ig. — Organisation générale des fourmis, 23.
Celle de leurs instrumens nourriciers 32. — Des trois
ordres des sociétés de ces insectes 34. — Leur industrie
et leurs moeurs 37. — Trait singulier de sensibilité des
la
nomenclature des four-
,
,
,
fourmis à l'égard de leurs semblables, 4i.
de leurs nids
,
— Variétés
Découverte d'une espèce dont
42
le
— Observations du capitaine
— de Bonnet, — MéStedman et de Mérian,
tamorphoses des fourmis 6j. — Dégâts que ces insectes
causent, 76. — Moyens de les détruire
k
mulet
est aveugle, 43.
4o,.
45',
,
'8
,
Tableau
analytique des familles du genre de
Fourmi.
DESCRIPTION DES ESPÈCES.
Première famille. Les fourmis
arquées.
... 88
— Fuscoptère 96. — Variété:
F. de Pensylvanie
07. — Ethiopienne, 102. — Bordée ïo3. — Sylvatique io5. — Géante ïbid. — Picipède, 107. — Rufipède, 10. — Jaunâtre, 111. — Comprimée,
— A pattes rouges, 112. — Longues an—
n4. — Dorée ibid~ —
Charbonnière
tennes
n3.
Fourmi ronge -bois,
88.
,
,
,
,
,
1
ibid.
,
,
,
—
TABLE ANALYTIQUE
Sij
Ensanglantée,
Cylindrique
i
16.
—Soyeuse ,117.
iii. — Bicolor
,
123.
,
— Marron, 118.^-
—Militaire
is4.
,
—
Six-épines, 126.— A deux crochets, 127. —
— Porte-pique, 12g. — A râteau, 100. — Reluisante, i3i.
— Ammon, i32. — Biépineuse i33.
Australe, 128.
,
Seconde famille. Les fourmis chameaux.,
p.
i3o
— SanFuligineuse, i4o. — Fauve,
— Mineuse, i5i. — Noire, i56. — Noiri63. — Jaune, 166.
cendrée, i5g. — Echancrée
Rubigineuse, 170. — A ventre noir, 171»
Brune, 168
— Latérale, 172. — Coureuse, 173. — Fauve-pâle, 174.
— Ventrue, 175. — Smaragdine 176. — Bident, 177.
F. Jaïet,i38
i4«3.
guine, i5o.
,
,
Troisième famille. Les fourmis atomes..
F.
Quadriponctuée, 179.
— Long-nœud,
—
Errante, 182.
.
179
— Pygmée,
i83.
.
i84.
Quatrième famille. Les fourmis ambiguës.
F. Roussâtre
1
,
.
186
.
i83
86.
Cinquième famille. Les fourmis porte-pince.
F. Chélifère, 188.
— Hématode, 192. — Uni-épineuse, 19S.
Sixième famille. Les fourmis étranglées..
.
.
195
— Nœud-épais, 198. — Tarsière 200.
— Flavicorne 202. — Apicale, 2o4. — Fétide 206. —
Nœud -épineux, 207. — Tuberculée 210. — A quatre
dénis
2i3. — Goulue, 2i5. — A pinces, 216. —
F. Resserrée, ig5.'
,
,
,
,
-
,
Noueuse
,
217.
Septiè.me famille. Les fourmis bossues.
.
»
.
219
— Céphalote 222. — Six-dents, 228.
— Porc-épi ,23o. —Mégacéphale 232. —Longipède, 233.
— Grosse- tête 234. — Maçonne, 256. — Baie, 238»
— Bituberculée 23g. — Molestante, 24i. — Jaune-
F. Souterraine
,
219.
,
,
i
-
,
,
pâle
,
ièid,
-
—
,
DES MATIÈRES.
Huitième famille. Les fourmis
xiîj
piquantes.
.
242
.
— Vagabonde, 243. — Armigère, 244— Des gazons, 25 Graminicole, 255.
— Unifasciée, 257. — Tubéreuse,
— Scutellaire
261. — Barbaresque, 262
Naine, 263
Puante, 264.
— Fugace, 265. — Rougeâtre, 267 Déprimée, 268.
— Mélanocéphale, 269. — Dents-courbées
—Aveu-
F. à crochets, 242
— Rouge,
•
246.
1
25o,.
,
,
gle
,
ibid.
270.
Neuvième famille. Les
F. Noircie, 272
fourmis chaperonnées. 272
Granulée, 275.
— Hémorrlioïdale,276.
Espèces inconnues à l'auteur,
278. — Ailes Blan-.
277. — Didyme
— Verdâtre 279. — Mange -sucre, 280.
Cendrée
— Alongée, 281. — Six-mouchetée,
—
— Anale, 282. — Tachetée, 283. — Conique,
— D'Antigoa 285.
Pallipède, 284. — Egyptienne
— Omni— De Guinée
— A deux nœuds
Attélaboïde, 288.
vore, 286. — Double-écaille 287
— Des sables, ibid Muselière, 289. — Maxillaire, 290.
—De Pharaon ibid De Salomon,2gi. — Effacée.,
F. Erytrocéphale
,
-
,
,
ches, ibid.
,
ibid.
ibid.
ibid.
,
ibid.
ibid.
,
,
,
ibid.
,
ibid.
Espèces dont
la
il
est parlé
France équinoxiale
— Dans
dans l'Histoire naturelle de
,
de Barrère
l'Histoire naturelle de
min
292
Surinam
,
de Fer-
295
,
OBSERVATIONS
sur
Y Abeille
tapissière
Réaumur
Abeille
de
297
du pavot , 3o2.
MÉMOIRE
sur
un
insecte qui nourrit ses petits
d'abeilles domestiques
PUUaute apivore
}
317,
•
5oj
1
yJv
TA.-BIi.jp
MÉMOIRE sur
ANALYTIQUE
une îiouvelle espèce de Psylle.
.
521
Psylle des joncs, 32 2.
DESCRIPTION du Kermès
MÉMOIRE
mâle de l'orme.
352
,
545
Famille des Arachnides
Genre
Mygale, 345.
I.
— Genre IL
Araignée
,
347-
Première famille. Araignées vagabondes.
Ar. loups, 347.
— Sauteuses,
,
348.
.
.
— Incluses
,
tapissières à pattes
518
34g.
Troisième famille. Araignées
tapissières à pattes
très-longues
Ar. tisserands, 060.
54g
— Filandières,
ibid.
Quatrième famille. Araignées
tendeuses.
.
Cinquième famille. Araignées crabes ou
.
55
latéri-
grades
ibid.
Dispositions générales des
MÉMOIRE
sectes
547
ibid.
Seconde famille. Araignées
moyennes
Ar. tubicoles
526
métho-
sur une nouvelle distribution
dique des Araignées
.
.
yeux des araignées.
pour servir de
connus sous
nom
le
cheurs
55a
suite à l'histoire des in-
de Faucheurs.
Article premier. Des organes de
Article second. Des
.
parties
la
.
.
.
554
bouche. .356
sexuelles des fau-
35a
Article troisième. Autres observations sur l'anatomie des faucheurs
,
leurs organes de la respira-
tion en particulier, sur leurs habitudes, et sur leurs
ennemis
parasites.
55»
DES MATIÈRES.
XV
Tableau des espèces observées en France
5*j4:
—
Fauc. à bec (i), 3y4. — A crête, 3j5. — Epineux,
Porc-épi, 376. — Bimaculé, ibid
Des murailles, 377.
— Des mousses,
— Mantelé 378 Annelé,
— Rond, 379.
ibid.
ibid.
De la
ibid.
,
58o
génération des faucheurs
OBSERVATIONS
sur les organes sexuels
du Iule
585
applati
OBSERVATIONS
qui vit sur
le
sur le genre Ricin, et sur l'espèce
paon , pecliculus pavonis , Lin.
.
389
MEMOIRE sur un nouveau genre d'insectes, précédé
de quelques observations sur
sinent
les
genres qui i'avoi5o,6
•
Elmis , caractères génériques
3g8
,
.
— Espèce
ORDRE naturel des insectes désignés
sous le
,
4oo.
généralement
nom iï Abeille
4oi
Division naturelle des insectes désignés généralement
sous
Famille
— G. dasypode
I.
nom
d' ABEILLE.
422
des Andrenètes
Genre hylée, 422.
Famille
le
,
— G. colleté, 423. — G. andrène, ibid.
424.
425
des Apiaires
42 &
Les Apiaires parasites
Genre nomade 426
,
G. épéole
,
427. — G. Melecte,
ibid,
(1) Je me suis apperçu, après l'impression du Mémoire, que
cette espèce, que j'avois regardée comme inédite, avoit été décrite par Scopoli, sous le nom à'acarus nepeformis. {Entomol.
Çamiol. n°
1070.
)
1
XVJ
II.
TABLE ANALYTIQUE DES MATIÈRES42/
Les Apiaires eucères
Genre eucère, 428.
III.
Genre
ibid.
42g
Les Apiaires podaliries
podalirie.
Les souterraines, ^5°-
— Les crassipèdes
,
— Les pariétines,
43 1.
43
IV. Les Apiaires xilocopes
Genre xilocope. Les mélanides,432.
V. Les Apiaires
Genre
clavicère
— Les ochracées, ibid.
432
clavicères
433-
,
433
VI. Les Apiaires mégachiles
Genre mègachile. Les
ibid.
— Les
coupeuses
,
cardeuses
435.
— Les coniques,
ibid. — Les
rases
cylindriques,, 43'».
,
— Les
ibid.
— Les
maçonnes
,
,
ibid.
VII. Les Apiaires euglosses
Genre euglosse
,
436.
VIII. Les Apiaires bourdons
Genre bourdon
,
abeille
,
43/
43y.
IX. Les Apiaires domestiques
Genre
456
437
438.
Explication des planckes.
45g
FIN DE LA TABLE.
HISTOIRE
,
HISTOIRE NATURELLE
DES FOURMIS.
JLes animaux dont
je vais présenter l'histoire,
n'attireront pas vos regards par l'éclat et la
chesse
du
deur de
coloris
,
l'élégance des formes
la taille. Ils
plus sombres
mes
bizarres
ridicules
,
,
ri-
gran-
la
nature. Les teintes
du noir ou du brun des
,
des disproportions
,
la
ont été, sous ce rapport,
entièrement disgraciés de
les
,
,
for-
en apparence
entre plusieurs parties de leur corps
une tête énorme de grandes dents de petits yeux
de longues pattes, un ventre petit et étranglé, une
stature telle que ces animaux sont devenus un
terme de comparaison pour indiquer ce qu'il y
a de plus petit; voilà ce que ces êtres ont à vous
offrir. Ce tableau n'est pas agréable à la vue; mais
,
,
les obj ets peuvent être considérés
ces ; souvent tout se compense.
fidèle, je n'ai
rité, le sujet
la
fourmi
venir
pu
que
sous plusieurs fa-
Comme historien
embellir, aux dépens de la véje traite. Il
m'a
fallu
dépeindre
commencé par préfais éprouver un sen-
telle qu'elle est. J'ai
mon
lecteur;
timent pénible je
,
plus délicieuse.
Il
si je lui
lui
préparerai une jouissance
n'en sera que plus étonné de
voir, dans un insecte aussi petit, aussi difforme à
À-
,,,
HISTOIRE NATURELLE
2
ses yeux, autant d'esprit et d'intelligence.
ple de
Pygmées de Troglodytes
,
,
est
Ce peu-
en
,
effet
digne de toute notre admiration. Peut -on voir
une
société
aient plus
dont
les
membres qui
pour
le travail
opiniâtre et plus soutenue
,
?
une ardeur plus
Quel singulier phé-
Je ne vois dans la très-grande majorité
de ce peuple que des
l'amour
composent
d'amour public? qui soient plus désin-
téressés ? qui aient
nomène!
la
incapables
êtres sourds à la voix de
même
qui goûtent néanmoins
de se reproduire
sentiment
le
le
,
et
plus ex-
quis de la maternité qui en ont toute la tendresse
,
qui ne pensent n'agissent
,
,
que pour des pupilles dont
ne vivent en un mot
Nature
la
les fit tu-
teurs et nourriciers. Cette république n'est pas sujette à ces vicissitudes de formes, à cette mobilité
dans
les
pouvoirs , à ces fluctuations perpétuelles
qui agitent nos républiques , et font le tourment
des citoyens. Depuis que la fourmi est fourmi,
elle a toujours vécu de même; elle n'a eu qu'une
seule volonté
cette loi ont
,
qu'une seule
loi
,
et cette
volonté
constamment pour base l'amour de
ses semblables. Laissons le vulgaire
ne s'occuper
que de ce qui émeut puissamment son ame, de
ce qui parle à ses sens grossiers. Lorsqu'un sage
nous a renvoyés, depuis plusieurs
siècles, à l'é-
cole de la fourmi, allons entendre ses leçons.
n'est pas que je veuille perpétuer ici l'erreur
pulaire sur laquelle est établi l'avis que
Ce
po-
nous
,
FOURMIS;
DES'
donne ce sage
,
et
3
qu'on n'a cessé de reproduire.
N'attribuons pas à la fourmi une prévoyance inutile
engourdie pendant l'hiver, pourquoi forme-
:
roit-elle desgrenierspour cette saison? Mais
en étu-
diant la conduite de ce petit animal nous n'en pro,
fiterons pas
moins
sa vie laborieuse sera égale-
;
ment un vrai modèle
trés d'admiration
De
:
,
et nous dirons encore , péné-
T^ade adjormicem, o piger!
tous les insectes les plus intéressans et les
plus dignes de nos recherches , ce sont ceux qui
non une réunion
fortuite
ou un assemblage pur et simple d'un
grand nombre d'êtres de la même espèce mais une
vivent en société. J'appelle
telle
,
,
,
réunion organisée
par des
et régie
loix.
Une
civilisation nécessite chez les insectes,
telle
comme
animaux une industrie particulière que l'on ne remarque point dans ceux qui
sont nomades. Plus ces sociétés sont nombreuses
chez tous
plus
les autres
les loix naturelles
,
sous les auspices des-
,
quelles elles se soutiennent, doivent piquer la
curiosité plus les ouvrages qui résultent de cette
,
multitude d'ouvriers sont singuliers. Certes, je
m'extasie davantage à la vue de l'intérieur d'une
ruche
que
,
qu'en portant mes regards sur
Les fourmis, ainsi que
le
la
cabane
le castor a construite.
ont> sous
les abeilles,
point de vue de l'industrie , fixé l'attention des
Naturalistes, tant anciens
que modernes. Mais
l'amour du merveilleux dont tant d'hommes sont
A
2
,
HISTOIRE NATURELLE
5
«pris
,
l'inexactitude dans les premières observa-
tions
,
le
désir de suppléer au silence de la nature
?
enfantèrent d'abord romans sur romans. Les fables les plus ridicules ont été débitées sur le
compte des fourmis. Ce n'est qu'après une longue suite d'erreurs que la lumière de la vérité
a enfin brillé à nos yeux et que nous avons
€u une histoire véritable de ces petits animaux.
,
Les ouvrages de ce profond génie qui
mier
écrivit
Nature
,
qui
le
pre-
quelques lignes de l'histoire de
le
intérieure des
premier
animaux
la
établit sur l'organisation
,
fondement des
le
divi-
sions zoologiques , dont les observations concor-
dent , en très-grand nombre avec
,
celles des meil-
modernes les ouvrages d'Arisque
tote ne nous apprennent sur les fourmis
tout ce que le monde pouvoit savoir qu'elles vi-
leurs anatomistes
,
,
:
vent en société , qu'elles travaillent sans relâche
qu'elles élèvent des habitations
sent des petits au printemps
;
,
qu'elles produi-
ce ne sont pas là
des connoissances qui aient exigé des méditations
particulières, et que la multitude n'ait pu recueillir.
Aristoteparoît même avoir adopté
une de
ces
erreurs qui prennent leur source de l'ignorance
populaire,;* Il
suppose que
les
fourmis
travail-
lent la nuit lorsque la lune est dans son plein.
Pline ne sera pas
non plus pour nous d'une
grande ressource dans l'étude des fourmis ; il
n'a presque rien vu par lui-même. C'est un écho
,
DES FOURMIS.
|5
très-sonore qui répète indistinctement les sons qui
Font frappé. Peu de vérités , beaucoup de fables
La lune, suivant
remplissent ses oeuvres.
exerce encore
ici
son influence sur nos insectes
ce n'est que pendant
opposition avec
de
lui,
le
temps que
cet astre est
le soleil, qu'ils se livrent
:
en
aux soins,
la république. Il eût été bien curieux de voir
le Naturaliste de Rome, les cornes de cette
fourmi indienne qui avoient été miraculeuse-
avec
ment
attachées aux
murs du temple d'Hercule r
élevé à Crythre (aujourd'hui Crethri, vis[-à-vis
de Scio). Combien nous serions heureux d'avoir,
comme de son temps, de ces fourmis extraordinaires de l'Inde septentrionale
,
qui étaient de la
grandeur des loups d'Egypte, de la couleur du
chat , et qui alloient chercher l'or dans les en-
de
trailles
la terre
bitans de ces contrées ,
pendant l'hiver.
il
Il
Dardes ou haenlevoient à nos mineurs
Métal que
!
les
nous arriveroit , ainsi qu'à eux
par ces
est vrai, d'être quelquefois poursuivis
animaux jaloux de leurs propriétés la célérité
des chameaux qui nous serviroient de coursiers
;
,
ne nous mettroit pas toujours à l'abri d'être atteints
et d'être ensuite déchirés à belles dents
du temps de Pline
;
mais
soif mortelle de ce métal
le sein
la fouille
ne
feroit
,
comme
de cet or, la
pas périr dans
déchiré de la terre tant de victimes de
notre cupidité.
Des
siècles
presque nuls pour
l'histoire des
A â
ù>
,
HISTOIRE NATURELLE
6
Nous touchons
sectes s'écoulent.
une époque
à
mémorable dans les fastes de la Mature
ment où Leeuwenhoek Swammerdam se
,
,
le
mo-
livrent
à l'étude de ses merveilles.
Le premier démontre que ce que
appeloit
œuf de fourmi
fourmi semblable.
étoit la larve
de
la
Il
découvre
la
la
noi/e de Linnée,
,
mis
microscope, ne paroissent
au milieu de laquelle est renlarve qui va éclore. Des figures rendent
qu'une enveloppe
ia
,
les véritables oeufs
qu'un grain de sable
petits
sous la lentille du
fermée
d'une autre
préparer à d'autres
se
même espèce de fourmi
Ces oeufs aussi
vulgaire
voit cette larve se renfer-
Il
mer dans une coque pour
transformations.
le
,
chose plus sensible.
dont Leeuwenhoek vient de nous exposer l'origine n'a pas
d'aiguillon. Notre observateur en trouve une, la
fourmi rouge vivant, comme la précédente dans
Cette première espèce de fourmi
,
,
,
,
la terre
,
mais armée d'un dard qui
les blessures qu'il
sonnée
,
distille
dans
produit une liqueur empoi-
de la nature de
celle
qu'ont
les abeilles
plus foible seulement.
Leeuwenhoek
les fourmilières
avoit
vu des individus
delà première espèce.
ailés
Il
dans
en avoit
même
remarqué, parmi eux, quelques-uns de
beaucoup plus grands mais il ne pousse pas plus
;
loin ses observations
nation des sexes.
,
et
ne
dit rien de la desti-
DES FOURMIS.
La même fourmi rouge devient
les observations de
7
le sujet dés bel-
Swammerdam. Son œuf n'est
autre chose que la larve sous une
enveloppe
membraneuse. Sa surface est unie, lustrée, et
sans la moindre division annulaire. Il est si petit,
qu'à peine le peut-on distinguer. La larve ressemble à un petit ver sans pieds dont le corps
est composé de douze anneaux, et dont la tête
,
est ordinairement penchée vers la poitrine
larve
arrivée à
,
forme
,
presque semblable sous
à l'animal parfait
,
Cette
son entier accroissement , se
change en une nymphe
cette
.
;
cette
seconde
transformation s'opère par
un simple change-
ment de peau;
filent
les larves
ne
pas de coque.
Swammerdam dit avec justesse que l'œuf, le ver
ou la larve, la nymphe et la fourmi, ne sont qu'un
,
seul et
même
mes
dont
,
et
animal sous quatre diverses
les différences
for-
ne sont qu'acciden-
telles. La nymphe de la fourmi rouge est d'abord
blanche et très-molle Elle brunit peu à peu, se dur.
cit; ses membres se consolident, et la voilà déchi-
rant enfin
la pellicule
qui la revêt pour paroître
adulte parfaite , et telle qu'elle est au dernier com,
plément de son existence. Swammerdam donne
la description de la fourmi neutre. IL passe ensuite à celle du mâle , en observant que celui-ci a
les dents
plus
seulement que
me; que
le
yeux plus gros nonmulet, mais que la femelle mê-
petites;
îe
,
sommet de
les
sa tête a les trois petits
A
4
HISTOIRE NATURELLE
mâles
lisses. Comme on ne trouve des
S
que
yeux
que
dans un certain temps de l'année, il suppose
propagation de
les ouvrières les tuent dès que la
maies
l'espèce est assurée. Les nymphes de ces
diffèrent, suivant lui, de celles des autres indi-
vidus , par la présence des rudimens de leurs
les.
Cela supposeroit qu'il regarde aussi les
melles
comme
dit pas
un mot de leurs
étant aptères, et en
ailes
dans
effet,
il
ai-
fe-
ne
la description
qu'il fait de ces individus.
Swammerdam pour
,
être plus à portée de sui-
vre la fourmi dans les divers périodes de sa vie,
une fourmilière dans un grand plat de
terre
autour duquel il avoit formé avec de la
cire une espèce de gouttière, qu'il remplissoit
d'eau, afin d'empêcher les fourmis de sortir. Il
observa par le moyen de ce nouveau genre d'éducation, que lorsque la terre de la fourmilière
étoit trop sèche les larves étoient portées à une
avoit logé
,
;
,
plus grande profondeur, et que lorsque cette
terre étoit, au contraire, trop détrempée, on
montoit ces mêmes larves à un étage supérieur,
à la partie sèche de l'habitation. Notre Naturaliste
a
fait
tous ses efforts pour les élever , indé-
pendamment de leurs nourrices naturelles mais il
n'a pu les remplacer dans leurs soins et leurs bons
;
offices. Il
a aussi remarqué que les fourmis , atten-
tives à suivre le cours
du
soleil,
larves aux différens points
transportaient les
du nid exposés plus
,
DES FOURMIS.
$
directement aux rayons de cet astre.
dam
Swammer-
parle ensuite d'une fourmi du Cap de Bonne-
Espérance et de cinq autres
en Hol-
qu'il avoit vues
lande. Sa troisième espèce me paroît être celle
j'ai
appelée fuligineuse, et que
j'ai
que
pareillement
trouvée sur des saules. Sa sixigme pourroit bien
être la fourmi échancrée. Elle est
celle-ci
dans
,
,
en effet
,
comme
remarquable par sa hardiesse à pénétrer
maisons, et par
dégât qu'elle y fait.
Linnée publia dans les Mémoires de l'Académie
des
royale des Sciences de Suède, année 174 1
les
le
?
observations sur cinq espèces de fourmis de ce
royaume. La première
et la plus
grande
est er-
rante et vagabonde. Elle vit dispersée çà et là dans
les bois.
vit
Linnée soupçonne cependant qu'elle
en société elle n'a pas d'aiguillon. La seconde espèce , rufa , bâtit ses nids en pain de
sucre, composés de morceaux de petites branches, de feuilles sèches, de paille, de terre , et
aussi
:
l'on rencontre souvent dans les forêts de pins
que
et de sapins.
Des chemins battus
une grande distance partent de
comme
d'un centre
qui facilitent
le
les
;
et
la
prolongés à
fourmilière
ce sont les grandes routes
excursions de ces fourmis
transport de leurs convois. Agacées, elles
,
et
éja-
culent une liqueur spiri tueuse d'une odeur très,
pénétrante
,
d'un goût acide, et d'une qualité
corrosive. Cette liqueur plaît à quelques person-
nes
;
employée dans des crèmes ,
elle leur
donne
HISTOIRE NATURELLE
10
un goûtdecitron.On trouve dans lesnidsde
cette
genéespèce de fourmi, des morceaux de résine de
vrier formant une espèce de mastic et répandant,
,
,
jeté sur des
Linnée
dit
charbons ardens une odeur agréable.
que cette fourmi pique mais elle n a
,
;
certainement pas «d'aiguillon
très-bien de Geer.
noire,
si
dans tous nos jardins, et qui
ces inégalités
,
ces traînées de terre ?
aux galeries formées par
taupes. La quatrième espèce est la fourmi
ressemblant , en petit
les
l'observe
La troisième espèce est la fourmi
commune
y construit
,
comme
,
rouge, déjà étudiée par Leeuwenhoek et
merdam.
la
une
Elle a un aiguillon qui produit
sation assez douloureuse.
La cinquième
,
Linnée réduit
ailes
sen-
sorte est
plus petite de toutes. Elje habite dans
rieur de la terre
Swam-
l'inté-
ne pique point.
et
les
fonctions des fourmis sans
à celles d'ouvrières et de simples ménagères,
établit
,
le
premier
,
d'une manière certaine , la
en donnant
aux uns comme aux autres des ailes en faisant
observer que les mâles sont plus grands du double
que les ouvrières et que les femelles dont le
nombre est beaucoup plus petit excède encore
en grandeur ces mâles. Là il ne trouve dans l'intérieur de l'abdomen aucune apparence d'œufs:
il n'y voit que la liqueur prolifique
ici ou dans
distinction des mâles et des femelles,
,
,
,
,
,
;
le
ventre des femelles
quantité d'œufs.
,
il
,
découvre une grande
,,
DES. FOURMIS.
Il
Quinze jours après leur développement parfait
les individus ailés
fourmilière
,
abandonnent pour toujours
se dispersent
meurent. Linnée
et
dit
perdent leurs
,
la
ailes
que les deux sexes vaquent
librement à leurs amours dans des galeries voûtées que les ouvrières ont pratiquées pour eux,
que la femelle pond ses œufs dans le nid avant
de prendre son essor. Ces oeufs n'éclosent que
et
,
l'année suivante.
Le
célèbre historien des insectes des environs
de Paris avance
lès
-,
que
les
mâles des fourmis sont
individus les plus petits
à toutes
les
guère dans
observations
les
:
;
ce qui est contraire
qu'on ne rencontre
fourmilières que les mulets et les
femelles; que les mâles volent aux environs de
l'habitation sans s'en approcher de bien près,
qu'on les trouve plus aisément
en été accouplés avec les femelles , et voltigeant ensemble
et que celles-ci se rendent au nid pour y déposer
le soir
,
,
leurs œufs. Cet illustre entomologiste n'a pas trouvé
dans les fourmilières de coques filées
dant bien certain que
les
:il
est
environs de Paris
frent quatre à cinq espèces de fourmis
communes dont
,
les
cepen-
,
of-
et très-
nymphes sont renfermées
dans des coques. Olivier remarque, au sujet de
cette habitude des mâles, de se tenir à
une cer :
taine distance de l'habitation, qu'on y en a ce-
pendant souvent trouvé. Nous répondrons pour
,
justifier
Geoffroy, que
les
mâles n'habitent
le